Journal Canadien de la médecine rurale

 

Message du président : C'est un braquage

Keith MacLellan, MD
Shawville (Québec)
Président, Société de la médecine rurale du Canada

Can J Rural Med vol 2 (2):62

© 1997 Société de la médecine rurale du Canada


Lorsqu'un «motivateur» lui a demandé de préciser le meilleur aspect de la médecine rurale, un des membres de la Société de la médecine rurale du Canada (SMRC) a réfléchi un instant pour ensuite faire éclater l'assemblée en disant «Nous avons une fin de semaine de congé aux trois semaines». Sérieusement, qu'est-ce qu'un horaire de garde décent? A-t-on fait la moindre recherche à ce sujet? L'Association canadienne des chirurgiens généraux affirme qu'aucun chirurgien ne devrait être de garde plus d'une journée sur cinq : les chirurgiens ruraux doivent vraiment s'esclaffer. De telles lignes directrices sont-elles utiles pour les médecins ruraux?

Quelles sont les normes minimales de compétence pour travailler dans un service d'urgence rural, effectuer un accouchement, implanter un cardiosimulateur, anesthésier un patient et ouvrir un abdomen? Les normes de traitement des problèmes médicaux communs (comme l'infarctus du myocarde, l'accident cérébrovasculaire et le croup) devraient-elles toujours être celles des centres de soins tertiaires? Qui faut-il transporter et, comme il est impossible de disposer d'un réseau de transport tout temps, 24 heures sur 24 et à l'épreuve de tout, comment faudrait-il former le médecin rural?

Ces questions et beaucoup d'autres assaillent les médecins ruraux depuis des décennies. Lorsque nous consultons nos associations professionnelles, les universités et le gouvernement, nous sommes souvent déçus, parce que leurs structures n'ont pas pu tenir compte des problèmes ruraux réalistes, mais parfois à cause d'une antipathie directe ou de problèmes perçus de «territoire». Lorsque nous obtenons des lignes directrices, elles n'ont bien souvent aucun sens lorsqu'il faut les appliquer sur le terrain et elles compliquent habituellement la vie.

Voilà pourquoi la SMRC fera, au cours des années à venir, un effort d'envergure pour établir des directives et des politiques réalistes, bien étudiées et particulières sur toutes sortes d'aspects de la pratique rurale. Si ces lignes directrices sont fondées sur les meilleures données disponibles, sont sanctionnées par un processus rigoureux d'examen critique par les pairs, ont l'appui d'experts et se conforment aux conditions sur le terrain, elles auront alors beaucoup de poids auprès des administrateurs, des autorités médico-légales, des établissements de formation et des collègues d'autres disciplines. Beaucoup de ces lignes directrices chevaucheront les préoccupations d'autres entités et, chaque fois que ce sera possible, on cherchera à énoncer, de concert avec d'autres associations médicales, des politiques conjointes. Sans compter que les lignes directrices de la SMRC amélioreront la prestation des soins de santé aux communautés rurales, elles appuieront aussi le médecin rural qui cherche à améliorer les conditions de travail ou le matériel, a des problèmes juridiques ou veut empêcher un hôpital de fermer. Voilà ce qui importe le plus.

Les lignes directrices peuvent être une arme à deux tranchants et contraindre autant qu'elles peuvent faciliter. Voilà pourquoi nous avons besoin de votre aide à vous, médecin de première ligne, et non de celle de l'administrateur urbain, pour les formuler. Si les médecins ruraux ne le font pas, ou bien personne ne le fera, ou bien on nous en imposera, comme c'est déjà arrivé. Par ailleurs, aucun système d'établissement de lignes directrices pratiques ne fonctionnera longtemps si ceux qui font le travail ne sont pas indemnisés, du moins jusque dans une certaine mesure. L'argent est le nerf de la guerre.

Je vous annonce donc un braquage. Donnez-nous votre argent en adhérant à la Société de la médecine rurale du Canada et en convaincant d'autres collègues d'y adhérer. Vous pouvez aussi faire don de votre temps en participant aux activités d'un comité -- nous préférons les deux. Les retombées pour vos collègues, vos patients et vous-mêmes devraient être énormes.


Table des matières Volume 2, numéro 2
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