Canadian Journal of Rural Medicine

 

La télémédecine : mythe ou réalité?

John Wootton, MD, CM, CCMF, FCMF
Shawville (Québec)

Can J Rural Med vol 3 (1):6

© 1998 Société de la médecine rurale du Canada


Un groupe de nouveaux diplômés se réunissent autour d'une table à Sioux Lookout pendant qu'un technicien prépare le matériel nécessaire pour transmettre une radiographie d'un enfant à un hôpital éloigné. Des omnipatriciens enthousiastes mais sans expérience se sont consultés pendant des jours pour essayer de diagnostiquer le problème de l'enfant. Il semble avoir le cœur hypertrophié. Il y a plusieurs proéminences impossibles à identifier qui ne ressemblent à rien de ce qu'on trouve dans les manuels médicaux.

À plus de 1600 kilomètres, pendant que la radiographie prend forme à l'écran, le Dr Barney Reilly, de l'Hôpital pour enfants malades de Toronto, bavarde avec les médecins réunis dans la pièce au loin et leur parle de la température, du doré, de la qualité de la ligne téléphonique. Vive les merveilles de la télémédecine en 1997!

Erreur! Intervertissez les deux derniers chiffres! Nous sommes en fait en 1979 et il y a déjà plusieurs années que des conférences de télémédecine comme celle que je viens de décrire se déroulent à Sioux Lookout.

Retour rapide à 1997. Passons cette fois à Rouyn-Noranda, où un médecin rural est venu de loin participer à une conférence de télémédecine sur le cancer du sein. L'hôpital de base est l'Hôtel-Dieu de Montréal et le matériel à chaque endroit coûte plus de 100 000 $. Les caméras transmettent des images en temps réel vers le moniteur de chaque participant. Il y a toutefois un problème : le présentateur a oublié de se présenter, il n'y a aucun médecin local pour participer et aucun des autres sites éloignés qui se branchent habituellement ne se donne même la peine de le faire.

Si l'on en juge par ces deux vignettes, les progrès réalisés en presque 30 ans ne sont peut-être pas aussi importants que nous le pensons. Il ne faut pas vous tromper : je suis partisan de la télémédecine. Je me désole sans fin de voir constamment qu'elle n'est pas à la hauteur de ses promesses. C'est particulièrement tragique pour la médecine rurale, domaine qui semblerait à première vue en démontrer l'utilité. Combien de fois vous êtes vous interrogé au sujet d'une «déviation de la colonne» qui semblait correcte, mais au sujet de laquelle vous aviez des doutes? Combien de fois avez-vous laissez tombé un examen fœtal parce que votre radiologiste n'a pas jugé bon de se rendre dans votre localité au cours de la semaine en question? L'information, c'est bon. Elle ne vous fera pas perdre le sommeil autant que le manque d'information. Où est donc le problème?

Comme le signale Manson au sujet de l'expérience de l'Australie dans la chronique «litérature scientifique» de ce numéro (voir page 39), l'adoption de la télémédecine peut déborder la capacité des infrastructures législatives et administratives d'en suivre le rythme1.

Utilisons un exemple canadien : un radiologiste de Montréal qui interprète une radiographie qu'il a reçue d'une région rurale de Terre-Neuve pratique-t-il au Québec ou à Terre-Neuve? Le radiologiste a-t-il besoin d'un permis? Dans quelle province? Qui le paye?

Les médecins ruraux doivent participer au débat et ne pas s'en remettre aux «organismes de réglementation». Nous devons définir les questions auxquelles nous voulons que la télémédecine réponde et décrire les structures nécessaires à cette fin. Si le processus est dicté par les besoins ruraux réels plutôt que par les avantages théoriques, les progrès seront plus rapides. Sinon, c'est le cycle interminable des projets-pilotes, des promesses et des résultats plutôt maigres.

Référence

  1. Manson N. Telemedicine and the New Children's Hospital (Royal Alexandra Hospital for Children). J Telemed Telecare 1997;3 Suppl 1:46-8.


| CJRM: Winter 1998 / JCMR : hiver 1998 |