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Canadian Journal of Rural Medicine
CJRM Summer 2000 / été 2000

De nouvelles réponses à de vieilles questions

Stuart Iglesias, MD
Hinton, Alta.

CJRM 2000;5(4):197-8.


Dans ce numéro du JCMR, les deux communications de la Colombie-Britannique qui por-tent sur les soins en maternité (page 201 et page 221) mettent en évidence un grand nombre d'enjeux courants en obstétrique en milieu rural.

Enrichi par les compétences spécialisées avancées de son personnel médical, l'Hôpital St. John de Vanderhoof (C.-B.) dessert un bassin démographique de 10 000 personnes. L'hôpital se trouve à 100 km d'un centre régional. Pavan et Makin1 signalent l'existence d'un solide programme de soins en maternité d'une qualité exceptionnelle — faible taux d'exode de patientes (< 10 %), bons résultats, faibles taux d'accouchement par intervention chirurgicale et faibles taux d'induction. Il s'agit selon moi d'un programme modèle d'envergure moyenne de soins en maternité en milieu rural.

L'Hôpital de Bella Coola représente les soins en maternité dans une communauté rurale beaucoup plus petite. Bella Coola (C.-B.) est située à 450 km (8 heures de route par beau temps) d'un centre spécialisé. Le bassin démographique de l'hôpital, qui compte 3500 personnes, est desservi par un personnel médical plus restreint et l'hôpital lutte pour garder sa capacité fonctionnelle de pratiquer des accouchements. Les taux d'exode des patientes en maternité sont élevés (28 %). Comme l'indiquent McIlwain et Smith2, face au stress imposé par l'obligation d'affronter des complications imprévues sans posséder les compétences spécialisées nécessaires en chirurgie et en anesthésie, le personnel professionnel se demande s'il convient de maintenir des programmes comme le leur.

Pavan et Makin1 ont raison d'être fiers du programme de l'Hôpital St. John. Ils invitent toutefois leurs lecteurs à réfléchir à deux aspects des soins. Tout d'abord, 4 césariennes sur 10 pratiquées à cause d'une dystocie n'ont pas été provoquées par l'oxytocine. Les auteurs se reportent au guide approprié de la SOGC3 qui n'a pas trouvé de preuve solide des avantages de l'oxytocine. Il est toutefois vrai aussi que la seule Conférence de concertation sur les aspects de la césarienne organisée au Canada4 a recommandé qu'un diagnostic de dystocie ne soit justifié qu'après un essai d'administration d'oxytocine. Deuxièmement, le Tableau 3 (catégorie «Autres») de la communication de Pavan et Makin indique que dans les dossiers qu'ils ont étudiés rétrospectivement, quatre des huit césariennes ont été pratiquées parce que la mère ne tolérait pas le travail. Il ne s'agit pas là d'une justification de la césarienne qu'on présente habituellement dans les textes. C'est peut-être parce que cette affirmation reflète tout simplement chez les auteurs une honnêteté sans candeur. Elle indique néanmoins qu'il faut réexaminer le taux très bas (10 %) d'analgésies péridurales. Il se peut que les anesthésiologistes ruraux en cause ne se sentent pas assez nombreux par rapport au volume de services d'anesthésie qu'on attend d'eux. Des horaires de garde onéreux ou une rémunération insuffisante pourraient empêcher la mise sur pied d'un programme efficace de péridurale locale. Une étude réalisée en Alberta a toutefois documenté l'importante variation de programmes ruraux de péridurale entre des communautés qui ont un effectif semblable et des grilles d'honoraires semblables (Association médicale de l'Alberta. Rapport final du Comité spécial sur l'analgésie péridurale au cours du travail et de l'accouchement : données non publiées, 1996). Il se peut qu'avec les nouvelles techniques d'administration continue de faibles doses et d'analgésie péridurale contrôlée par la patiente, le fardeau personnel et professionnel des anesthésiologistes ruraux soit bien plus perçu que réel.

Le personnel de l'Hôpital de Bella Coola trouvera beaucoup d'appuis et d'encouragement dans le «Rapport des constatations de la Conférence de concertation sur les services d'obstétrique en milieu rural ou éloigné» (voir page 211). Le rapport du Programme de soins gynégénésiques de la Colombie-Britannique (PSGCB)5 constitue une initiative extraordinaire qui réunit des infirmières et des médecins, des gestionnaires de programmes et des consultants de milieux ruraux. Après avoir étudié les données disponibles, ils ont appuyé avec enthousiasme le maintien de programmes ruraux à faible volume avec ou sans capacité locale de pratiquer des césariennes. Les participants à ces conférences affirment clairement qu'il est préférable pour l'Hôpital de Bella Coola de garder une capacité même limitée de pratiquer des césariennes. Il est tout aussi clair qu'il faudrait encourager d'autres communautés rurales sans capacité locale de pratiquer des césariennes à acquérir la capacité en question et les aider à le faire. Dans les régions où il serait irréaliste de le tenter, les données probantes indiquent toutefois que les résultats des programmes locaux de soins gynégénésiques qui n'ont pas de capacité d'accouchement par intervention chirurgicale sont supérieurs à ceux des localités où les soins gynégénésiques locaux sont retirés et les femmes et les membres de leur famille doivent se déplacer. McIlwain et Smith2 présentent des réflexions sur les raisons pour lesquelles cet effet protecteur semble disparaître lorsque l'on tient compte des résultats collectifs pour toute une communauté de femmes obligées de se déplacer pour obtenir des soins. Une partie de l'explication réside peut-être dans les pressions administratives imposées par les patientes qui doivent se déplacer pour obtenir des soins gynégénésiques et plus particulièrement une induction. Dans l'étude de McIlwain et Smith, sur les 51 femmes qui ont quitté Bella Coola pour obtenir des soins ailleurs, 33 % ont subi une césarienne. Sur les 51 qui sont parties, 24 ne présentaient aucun problème obstétrique appréciable.

Le rapport du PSGCB5 appuie de nouvelles attitudes à l'égard de l'utilisation de l'oxytocine et de la prostaglandine dans le contexte de programmes ruraux d'accélération et d'induction. On reconnaît que ces agents pharmacologiques produisent des contractions puissantes (c.-à-d. un travail efficace). S'il convient de traiter une patiente sur le point d'accoucher qui prévoit un travail naturel puissant et efficace dans une communauté rurale, il convient tout autant de la traiter dans la même communauté pendant le travail appuyé par des agents pharmacologiques. La version révisée du «Guide sur l'induction du travail» (Comités des soins gynégénésiques de la C.-B. et de l'Alberta : documents non publiés, 1998) reconnaît officiellement que l'on peut offrir l'induction et l'augmentation pour des raisons appropriées dans des communautés qui n'ont pas de capacité locale de pratiquer des césariennes.

De même, le rapport du PSGCB5 remet en question quelques attitudes historiques en signalant qu'il n'est ni plus ni moins approprié d'envisager les soins périnatals locaux dans les collectivités rurales qui n'ont pas de capacité de pratiquer des césariennes dans le cas des femmes primipares que dans celui des femmes multipares.

Enfin, ce numéro du JCMR présente deux communications exceptionnelles du Dr Neil Leslie (page 226 et page 230) sur les stupéfiants intrathécaux (SIT)6,7. La technique est simple : c'est celle de la ponction lombaire. L'analgésie administrée est efficace et peut, si l'on utilise de la morphine, durer de quatre à sept heures. Le bilan de sécurité est excellent. Les complications sont peu fréquentes et les médecins de famille peuvent facilement les prendre en charge. Le Dr Leslie conclut que des médecins de famille ruraux qui n'ont pas de formation officielle en anesthésiologie peuvent administrer des SIT sans danger. Il a raison. Plusieurs rapports publiés8–10 passés en revue dans un des documents du Dr Leslie6 portent sur des programmes de SIT administrés par des médecins de famille sans formation en anesthésiologie. Cette recommandation suscitera certainement la controverse. L'analgésie administrée par voie péridurale et rachidienne a toujours été réservée aux spécialistes qui ont une formation avancée. Cette attitude reflète l'utilisation traditionnelle d'anesthésiques locaux et le bloc moteur recherché ou indésiré qui les accompagne. Il n'y a toutefois rien de particulier à la voie d'administration (intrathécale) qui devrait limiter la portée de la pratique à un groupe de médecins en particulier. Avec leur simplicité, leur sûreté et leur efficacité, les stupéfiants intrathécaux représentent une importante option analgésique pour les médecins de famille ruraux qui n'ont pas de formation en anesthésiologie. Ils devraient occuper une place stratégique dans la plupart de nos programmes de soins gynégénésiques.

Correspondance : Dr Stuart Iglesias, Hinton Medical Clinic, 102 Allen Cove, Hinton AB T7V 1Y2


Références
  1. Pavan L, Makin M. Review of cesarean sections at a rural British Columbian hospital: Is there room for improvement? Can J Rural Med 2000;5(4):201-7.
  2. McIlwain R, Smith S. Obstetrics in a small isolated community: the cesarean section dilemma. Can J Rural Med 2000;5(4):221-3.
  3. Maternal–Fetal Medicine Committee and Clinical Practice Obstetrics Committee, Society of Obstetricians and Gynaecologists of Canada. Dystocia. Policy Statement No. 40. J Soc Obstet Gynaecol Can 1995;17(10):985-1000.
  4. Indications for cesarean section: final statement of the panel of the National Consensus Conference on Aspects of Cesarean Birth. CMAJ 1986;134:1348-52.
  5. Torr E, editor, for the British Columbia Reproductive Care Program. Report on the findings of the Consensus Conference on Obstetrical Services in Rural or Remote Communities. Can J Rural Med 2000;5(4):211-7.
  6. Leslie N. Intrathecal narcotics for labour analgesia: the poor man's epidural. Can J Rural Med 2000;5(4):226-9.
  7. Leslie N. Intrathecal narcotic administration procedure. Can J Rural Med 2000;5(4):230-2.
  8. Edwards RD, Hansel NK, Pruessner HT, Barton B. Intrathecal morphine as analgesia for labor pain. J Am Board Fam Pract 1988;1(4):245-50.
  9. Stephens MB, Ford RE. Intrathecal narcotics for labor analgesia. Am Fam Physician 1997;56(2):463-70.
  10. Edwards RD, Hansel NK, Pruessner HT, Barton B. Intrathecal morphine sulfate for labor pain. Tex Med 1985;81(11):46-8.

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