Nouvelles de la Bibliothèque nationale |
par Mary Collis,
Service de littérature de jeunesse canadienne
Enfant, la célèbre auteure et illustratrice pour enfants Marie-Louise Gay se demandait comment il se faisait que tant de personnages de ses livres d'histoire favoris étaient illustrés de façon si parfaite. Quand elle commence à créer ses propres livres dans les années 1970, elle décide que les enfants qu'elle dessinera seront sympathiques et drôles même si, ou peut-être parce que, leurs chaussettes descendront, leurs queues de chemise seront sorties et leurs cheveux seront ébouriffés. Les illustrations uniques de Mme Gay, sous les traits de la caricature, sont regroupées avec celles de sept autres artistes dans une section de l'exposition actuelle de la Bibliothèque nationale, « L'Art d'illustrer : un éloge des illustrateurs canadiens contemporains de livres pour enfants » . Dans l'exposition, comme dans le domaine de l'illustration de livres d'images en général, le plus grand nombre de ceux qui travaillent comme illustrateurs pour enfants intègrent la caricature dans leurs oeuvres. Ces personnes tendent à être des narrateurs visuels, des raconteurs d'histoires et des humoristes 1 dont l'aptitude à transmettre l'essence d'une histoire en peu de mots et avec un maximum d'imagination les distingue d'autres illustrateurs que l'on peut décrire, par exemple, comme des réalistes magiques, des artistes naïfs ou des artistes figuratifs et dont les oeuvres figurent ailleurs dans l'exposition. 2
Tout en présentant une interprétation littérale de l'histoire, les caricaturistes, par le recours à l'allusion, au symbolisme et à l'exagération, accentuent les aspects imaginatifs de l'histoire. Leurs illustrations sont empreintes de sentiment et de mouvement. Leur art comporte un aspect émotionnel qui communique la « vérité » de ce qui est décrit à la fois dans le texte et les images. Ce lien émotionnel, assez étrangement, renforce l'information factuelle décrite dans les illustrations. Il stimule la perception du lecteur de ce qui est vrai et de ce qui est imaginé. L'intelligence alerte, la créativité et l'humour évident dans les meilleures caricatures font ressortir la signification des mots de l'histoire, et invitent le lecteur à découvir l'histoire à des niveaux multiples.
Tirée de Magie d'un jour de pluie. |
Marie-Louise Gay emmagasine des idées pour ses livres dans de petits calepins et dans sa tête. Habituellement, elle prépare son texte en premier, effectuant jusqu'à 30 révisions avant d'être satisfaite. Des exemples de certaines révisions textuelles pour Rainy Day Magic (publié en français sous le titre: Magie d'un jour de pluie) sont exposés en compagnie des dessins originaux. Les originaux reflètent la joie et l'esprit débridé faisant partie intégrante du texte. Deux enfants confinés à l'intérieur par une journée pluvieuse et brumeuse sont envoyés au sous-sol avec leur bicyclette, où ils trouvent aventure et fantaisie sur le dos d'un tigre, d'un serpent géant et d'une énorme baleine. Chaque objet dans les trois premières pages de Magie d'un jour de pluie se répète dans des illustrations subséquentes. Des verres fumés laissés dans une commode sont portés par une étoile de mer dans une fantaisie sous-marine, où une école de poissons rappelle au lecteur le motif vu précédemment sur le papier peint du salon. À la fin de l'histoire, l'étoile de mer imaginaire est entremêlée dans les cheveux de la petite fille quand elle revient à la réalité d'en haut et de l'heure du souper. L'aventure était-elle réelle ou s'agissait-il d'un simulacre ? Les images colorées et fantastiques débordent des marges et, dans certains cas, de la page, ce qui crée un sentiment de mouvement et d'énergie et invite le lecteur à lire l'histoire et à savourer les images encore et encore.
Lorsqu'elle planifie les illustrations de ses livres, Mme Gay prépare un scénario-maquette, une page accompagnée de minuscules croquis sur le vif qui l'aide à faire correspondre les idées avec le texte et à élaborer la maquette de la page à utiliser lorsque le livre sera publié. Il s'agit d'un guide, mais non d'une version définitive pour visualiser l'histoire avant qu'elle prépare des croquis préliminaires et les dessins finals. La comparaison du scénario-maquette de Lizzy's Lion (écrit par Dennis Lee) avec l'un des dessins finals, dans lequel le lion appréhende un voleur, indique qu'une révision considérable intervient durant le processus de création. Mme Gay exécute jusqu'à sept croquis préliminaires et, dans certains cas, refait le dessin « final » plusieurs fois avant qu'il ne soit prêt pour publication.
Tirée de Voyage au clair de lune. |
Après le scénario-maquette et les croquis au crayon, ou « premiers jets » , elle exécute des dessins au crayon plus définis. Des exemples préparés pour Voyage au clair de lune peuvent être comparés avec deux dessins finals (terminés à l'aquarelle sur gesso et encre écoline), l'un dans lequel la lune « brille l'oreille d'un chat » , et l'autre dans lequel Toby, Rose et le chat « vont jusqu'au bout du monde » dans leur bateau magique en forme de lune. Même à ce stade, le spectateur note des modifications et des ajouts par lesquels Mme Gay enrichit les parties émotionnelles et imaginatives de son intrigue, au fur et à mesure qu'elle évolue dans les illustrations.
Tirée de Rockanimals. Tirée de Le Savon. (avec le personnage Pichou). Tirée de L'hiver et le bonhomme sept heures (avec le personnage Pichou). |
En plus des documents de Marie-Louise Gay, les visiteurs de l'exposition seront enchantés par les oeuvres de deux autres artistes dont les manuscrits et les dessins originaux font également partie de la collection permanente de la Bibliothèque nationale. Ils seront éblouis par les images du cirque Piccadilly de Vlasta van Kampen, peintes pour Rockanimals (écrit par Vlasta van Kampen et Irene C. Eugen). Une deuxième image de Vlasta van Kampen, qui montre un auditoire animal bouffon et agité qui attend que l'orchestre s'exécute, est particulièrement captivante. Les images apparemment simples de Ginette Anfousse dans les livres au sujet de Jigi et de son tamanoir-jouet, Pichou, reflètent les attitudes et les préoccupations quotidiennes des enfants, comme la peur du noir ou l'aversion pour la propreté. L'harmonisation des illustrations avec le texte est si importante pour MmeAnfousse qu'elle travaille aux deux simultanément. Dans ses livres de Pichou, quelques lignes de texte par page fournissent la base de chaque histoire, et les illustrations d'accompagnement apportent les détails.
Les autres illustrateurs qui figurent dans cette section ont prêté leurs dessins à la Bibliothèque spécialement pour l'exposition. On compte des dessins sobres faits à la gouache par Ben Wicks, et de petits croquis en noir et blanc de pingouins, d'enfants et d'une vache par Ken Ward. Les images gaiement « occupées » de Marc Mongeau pour There Were Monkeys in My Kitchen! (de Sheree Fitch) mettent l'accent sur l'énergie frénétique de l'histoire : il y a toujours quelque chose de nouveau à découvrir dans ces dessins. Les formes unies et douces et les couleurs chaudes du Petit chaperon rouge de Mireille Levert se juxtaposent à une présentation diagonale nette de l'angle supérieur droit à l'angle inférieur gauche qui secoue l'imagination et rend l'image du loup apeurante, mais pas trop. Maryann Kovalski fait un usage différent de la ligne diagonale et de la perspective pour tromper l'oeil afin d'imaginer des centaines de serveurs, au lieu des 22 décrits dans Pizza for Breakfast (d'abord publié sous le titre Frank and Zelda et en français sous le titre : Fred et Rosie). Dans Princess Prunella and the Purple Peanut de Margaret Atwood (publié en français sous le titre : Princesse Prunelle et le pois pourpre), MmeKovalski se sert de lignes courtes en forme d'araignée pour faire ressortir l'aspect ridicule de la scène et imiter l'énergie mal employée de la princesse.
Tirée de Petit chaperon rouge. |
Tirée de Fred et Rosie. |
Non seulement la belle caricature stimule-t-elle l'imagination, elle divertit également. Les meilleurs livres de cet acabit deviennent des favoris de tous les temps des enfants et, souvent, des adultes.
Pour voir certains des classiques canadiens illustrés par Marie-Louise Gay et d'autres qui font partie de cette section sur la caricature, visitez « L'Art d'illustrer : un éloge des illustrateurs canadiens contemporains de livres pour enfants » de 9 h à 22 h 30 tous les jours à la salle d'exposition principale au 395, rue Wellington (jusqu'au 7 décembre 1997) ou consultez la version W3 de l'exposition à l'adresse suivante : http://www.nlc-bnc.ca/events/illustra/fintro.htm
Pour plus de renseignements au sujet de la littérature et des illustrations pour enfants à la Bibliothèque nationale du Canada, communiquer avec :
Mary Collis
Service de littérature de jeunesse canadienne
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ATME : (613) 992-6969
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Adresse postale de ces deux personnes :
Bibliothèque nationale du Canada
395, rue Wellington
Ottawa (Ontario)
K1A 0N4
Notes
1 Les termes utilisés pour décrire les différents styles d'illustration sont extraits de The Republic of Childhood: A Critical Guide to Canadian Children's Literature in English, de Sheila Egoff et Judith Saltman (Toronto : Oxford University Press, 1990), p. 175.2 Voir également « Regarder des illustrations : une nouvelle exposition à la Bibliothèque nationale du Canada » , Nouvelles de la Bibliothèque nationale, juin 1997, p. 15, 17; « Une illustration de l'art : ouverture de l'exposition » et « L'Art d'illustrer et les livres didactiques » , tous deux dans Nouvelles de la Bibliothèque nationale, juillet-août 1997, p.20-24; « L'Art d'illustrer : un coup d'oeil sur les oeuvres d'Elizabeth Cleaver, de Dayal Kaur Khalsa et d'autres » , Nouvelles de la Bibliothèque nationale, septembre 1997, p. 17-20; et « L'Art d'illustrer : réalisme, réalisme magique et romantisme » , Nouvelles de la Bibliothèque nationale, octobre 1997, p. 14-16.