Jean-Paul, roman |
À propos de...
Les cercles et confréries...
-- Merci. Mais dis donc, tu n'en es pas, toi, de notre Cercle. -- On ne peut pas tout faire! -- Mais Il faut faire le nécessaire, et même le très utile. -- Je suis de l'Académie Saint-Etienne. Je m'y applique tant que je peux, et j'espère qu'à la fin, j'acquerrai quelque facilité de parole. |
-- Magnifique! mon vieux. Moi aussi d'ailleurs j'en suis, je pense, puisque j'en étais le président au premier semestre. Savoir parler, c'est très commode; il n'importe pas moins de savoir à quoi faire servir la parole. En dehors des sociétés proprement littéraires et artistiques, un cercle d'apostolat a sa place et son importance. As-tu traduit Quintilien? Il définit l'orateur: Vir bonus dicendi peritus. Alors ...
-- Nous avons la Congrégation de la
Sainte-Vierge et de la Garde d'honneur qui nous forment à la piété. -- Tout cela, c'est bon. Mais vois-tu, l'A.C.J.C., c'est autre chose. Pas une société purement littéraire, pas une congrégation de piété non plus. Certes! nous avons notre programme de piété et d'étude; ajoute que nous avons un programme d'action. Être un homme vertueux et éloquent, voilà des qualités qui permettent de faire le bien! Mais encore faut-il s'exercer à le faire. De là la nécessité de se connaître, de se réunir, de savoir peser ensemble ses ressources et ses moyens. |
-- Tout de même, au collège, l'action sociale qui nous est permise demeure assez restreinte.
-- C'est encore surprenant, quand on y regarde de près. Et puis, vois-tu, le Cercle, selon le mot du Père Aumônier, c'est une fenêtre ouverte sur le monde.
Roland, qui
venait de lire une brochure sur l'A.C.J.C. par un Père Jésuite, se lança dans une belle
dissertation sur les périls de l'âme canadienne. Dans un discours un peu essoufflé, à
cause du grand vent, il parlait sans tarir, agitant ses bras dans l'atmosphère lumineuse,
comme s'il eût voulu embrasser toute la patrie, la patrie en robe blanche que des fils
dénaturés veulent ternir. Fort de sa récente documentation, il pérorait sur les dangers qui menacent la religion et la race. |
Il dénonçait avec véhémence ces hommes qui tentent d'émanciper notre peuple à leurs yeux trop catholique, qui préparent la mainmise de l'État sur l'enseignement, qui répandent les principes pervers issus de la Révolution, qui s'évertuent à prouver que notre retard dans le progrès matériel provient de ce que nous acceptons trop aveuglément les directions de l'Église. Nous devons nous défendre, ajoutait-il, et pour cela, il faut apprendre à lutter. L'A.C.J.C., c'est une école de lutte, une école de patriotisme.
Jean-Paul écoutait, avec attention d'abord et ensuite avec enthousiasme. Lui qui, un instant auparavant, paraissait réclamer des raisons et des preuves, en fournissait maintenant.
Jean-Paul, roman
Paul-Émile Farley, 1929, 1939,
Illustrations de Wilfrid Corbeil, c.s.v.