Centre de documentation des études québécoises
(CETUQ)
Département d'études françaises
Faculté des arts et des sciences
Université de Montréal
Rapports de recherche, 6
La littérature québécoise et
l'Amérique
Guide bibliographique
Benoît Melançon
Mai 1989
© Benoît Melançon, 1989
TABLE DES MATIERES
Introduction
L'Amérique dans les textes
La critique. État de la recherche
Hypothèses de recherche
Note liminaire de la bibliographie
Bibliographie
Remerciements
Jeune, ma famille habitait très haut dans le nord du Québec.
Notre appareil radio captait toujours ensemble, jamais
séparément, Buffalo et Montréal, de sorte que la
récitation radiophonique du chapelet se faisait toujours sur un fond
agréable de musique western. C'était beau et fascinant. Mon
père disait : «À cheval pour le chapelet.» Nous, les
petits enfants, nous récitions donc le rosaire au galop, apprenant qu'au
Québec les rêves les plus contradictoires sont permis.
Gilles Carle
Tu ne sais donc pas qu'avant de découvrir l'Amérique, tu examines
la bibliographie.
Jacques Ferron, Gaspé Mattempa
INTRODUCTION
C'est un truisme de dire que la question des rapports de l'Amérique et
de la littérature québécoise est au moins aussi vieille
que celle-ci. Pourtant, c'est une question à la mode depuis quelques
années. L'Amérique est en effet omniprésente dans la
culture québécoise actuelle, tant dans la chanson qu'au
cinéma et en littérature. Les critiques littéraires, on le
verra dans notre état présent de la recherche et dans la
bibliographie qui constitue la deuxième partie de cette publication, ont
voulu rendre compte de l'évolution de la thématique
littéraire, la déchiffrer, en voir les enjeux. Plusieurs raisons
peuvent expliquer pourquoi ils n'ont pas épuisé le sujet :
puissance de l'effet de mode, qui rend plus difficile l'exercice de la
pensée critique; diversité de la réalité
américaine selon chacun des genres littéraires;
difficulté, encore incomprise, à placer cette
réalité dans une perspective historique; etc. Sans
prétendre être à l'abri de ces écueils, nous
voudrions conclure en proposant quelques hypothèses de recherche.
L'Amérique dans les textes
Le corpus romanesque contemporain est celui qui témoigne le plus
clairement de l'engouement pour l'Amérique. Victor-Lévy Beaulieu
(cycle des «Voyageries», 1976-1983), Gilles Archambault (le
Voyageur distrait, 1981) et Jacques Poulin (Volkswagen Blues, 1984)
traversent l'espace littéraire et physique américain à la
recherche de leur histoire, littéraire et personnelle. Yolande
Villemaire, dont le projet est d'«inspirer l'Amérique»
(Voix et images, 33, printemps 1986) charge l'espace
québécois de signes culturels américains (la Vie en
prose, 1980). Yves Beauchemin (le Matou, 1981), René Lapierre
(Comme des mannequins, 1984 et l'Été Rebecca,
1985[1]), Madeleine Monette (les Petites
Violences, 1982), Pierre Turgeon (la Première Personne, 1981)
et Georges-André Vachon (Toute la terre à dévorer,
1987) situent leurs intrigues, en tout ou en partie, sur le territoire
étatsunien, tandis que Bernard Andrès (la
Trouble-fête, 1986) et Nicole Brossard (le Désert
mauve, 1987) mettent en scène un personnage américain.
Francine Noël, quant à elle, déclare à
Réginald Martel : «Je me sens romancière américaine[2]». Jacques Godbout, avec Une histoire
américaine (1986), revient à un des thèmes essentiels
du Couteau sur la table (1965) : comment «être
nous-mêmes, en français» ? Un des romans les
plus importants de 1987, le Premier Mouvement de Jacques Marchand, situe
non seulement son intrigue aux États-Unis, mais repose sur une
réécriture de William Wilson d'Edgar Allan Poe.
Au théâtre, le recours à l'Amérique est
essentiellement caractérisé par la présence dans les
pièces québécoises d'écrivains américains :
Zelda et Scott Fitzgerald dans Zelda. Un casse-tête des années
folles (1984[3]) de Johanne Beaudry; Emily
Dickinson dans Émilie ne sera plus jamais cueillie par
l'anémone (1981) de Michel Garneau; Eugene O'Neill dans
Provincetown Playhouse, juillet 1919, j'avais 19 ans (1981) de Normand
Chaurette; Djuna Barnes dans une création du Théâtre
expérimental des femmes (De Djuna Barnes, 1987); Alice Toklas,
Gertrude Stein, Natalie Barney et Ernest Hemingway dans Alice &
Gertrude, Natalie et Renée et ce cher Ernest (1984), puis Anaïs
Nin dans Anaïs, dans la queue de la comète (1985) de Jovette
Marchessault. La critique n'a pas mesuré l'ampleur de la multiplication
de ces mises en théâtre d'écrivains américains.
Celle-ci n'est pourtant pas le seul mode d'inscription de l'Amérique
(espace, références, imaginaire) dans le théâtre
québécois des années quatre-vingt. Le Théâtre
expérimental de Montréal, par exemple, monte en 1984 un spectacle
intitulé la Californie[4], tandis
que l'Amérique géographique et mythique est parcourue dans
Circulations (1984) du Théâtre Repère.
La présence américaine est manifeste dans les recueils de
plusieurs poètes, souvent publiés aux Écrits des Forges ou
à l'Hexagone, dans les revues les Herbes rouges ou
Lèvres urbaines : Alain Blanchet (Amérique
intérieure, 1986), Claude Beausoleil, Jean-Marc Cormier
(Westernité, 1981), Bernard Courteau (California Suite,
1988), Jean-Paul Daoust, Louis Geoffroy, Claude Paradis (Stérile
Amérique, 1985), Jean Perron (Rock desperado, 1986), Bernard
Pozier (Lost Angeles, 1982), André Roy, Denis Vanier,
Josée Yvon. Pour ces auteurs, l'Amérique -- en fait : les
États-Unis -- est musicale (rock, jazz), visuelle (d'Andy Warhol aux
paysages new-yorkais), littéraire (la littérature beat, la
poésie underground). Lucien Francoeur est le représentant
le plus visible de cette mouvance de la poésie québécoise,
lui qui se définit comme «Poète américain
francophone; poète québécois aussi de cette
Amérique septentrionale qui souvent fut inexistante dans la
littérature québécoise. [...] L'Amérique m'habite
comme j'habite l'Amérique et je fais aussi habiter le Québec en
Amérique[5]». Marquée par la
contre-culture et la culture populaire, cette poésie affiche avec
ostentation son appartenance à un univers de signes continental.
L'essai littéraire n'est pas en reste. Sans remonter jusqu'aux
essayistes du XIXe siècle (Étienne Parent, Arthur
Buies, Edmond de Nevers), ni même à ceux de la fin des
années cinquante et du début des années soixante (Jean Le
Moyne, par exemple), force est de constater que l'Amérique constitue un
thème de prédilection pour l'essai québécois. De
Jean Marcel (le Joual de Troie, 1973) à Jean Larose (la Petite
Noirceur, 1987), d'André Belleau (Y a-t-il un intellectuel dans
la salle ?, 1984 et Surprendre les voix, 1986) à André
Brochu (l'Instance critique, 1974 et la Visée critique,
1987), de Jacques Ferron à Jacques Godbout, de Pierre Vadeboncoeur
à Pierre Vallières, l'Amérique est lue en relation avec
les grands thèmes de l'essai littéraire : l'identité, la
langue, l'éducation. Il faudrait encore parler ici de Fernand Dumont, de
Jean Éthier-Blais, de François Ricard, et surtout de Naïm
Kattan, critique[6] et essayiste des
Amériques.
Devant un tel nombre de textes[7], il est
impossible de rejeter du revers de la main la question de
l'américanité sous prétexte qu'elle ne repose sur aucune
réelle pensée critique : l'Amérique n'est certes pas qu'un
effet de mode dans la littérature québécoise
contemporaine, même si elle est aussi parfois cela. Si François
Ricard a pu s'en prendre récemment à l'américanité
comme à la plus récente forme de bêtise dans le discours
critique québécois[8], c'est
peut-être parce qu'elle n'a guère été pensée
jusqu'à maintenant. Pourtant il existe tout un corpus critique
québécois dont la préoccupation centrale est
l'Amérique littéraire.
La critique. État de la recherche
En 1972, Richard Pouliot publiait une note de recherche sur les Influences
culturelles des États-Unis sur le Québec. Il faisait alors
remarquer que, «dans l'ensemble, il faut bien constater une lacune
flagrante d'études systématiques soit de
"l'américanisation" dans la littérature
canadienne-française, soit de l'influence de tel ou tel auteur
américain sur l'oeuvre d'un Québécois[9]». L'absence de «travaux substantiels»
déplorée par Pouliot n'est plus d'actualité. Comme en
témoigne la bibliographie que nous proposons aujourd'hui, le corpus
critique sur les rapports de la littérature québécoise et
de l'Amérique est maintenant considérable et diversifié.
Avant d'isoler les lignes de force de ce corpus, deux mises au point
s'imposent.
La première est d'ordre méthodologique : trop souvent,
l'américanité n'est comprise que comme nord-américaine.
S'il est vrai que les liens entre la littérature
québécoise et les littératures latino-américaines
n'ont été l'objet de textes critiques que tout récemment,
il n'en reste pas moins qu'il serait possible de remonter le cours de
l'histoire littéraire québécoise en faisant ressortir la
présence de ces liens (par exemple chez les intellectuels de Parti
pris et les tenants de la décolonisation du Québec dans les
années soixante). L'américanité dont nous voulons rendre
compte ici comprend, elle, aussi bien les littératures de
l'Amérique du Nord que celles de l'Amérique centrale et de
l'Amérique du Sud. La deuxième remarque est historique : les
textes recensés ici ne couvrent que les vingt-cinq dernières
années, et non pas l'ensemble du corpus critique
québécois. Ce choix s'explique doublement. D'une part, il nous
fallait, tant pour des raisons matérielles que pour des raisons de
cohérence de l'objet, proposer un découpage chronologique. Or,
celui-ci s'est imposé de lui-même : avant le milieu des
années soixante, en effet, les textes sur l'américanité
sont trop peu nombreux pour être véritablement significatifs[10]. D'autre part, ce découpage s'inscrit
dans le contexte de l'institutionnalisation de la critique littéraire,
surtout universitaire, au Québec : l'apparition des études dont
nous allons rendre compte est liée à cette spécialisation
de la critique.
Les études sur l'image des États-Unis dans la littérature
québécoise sont, avec les études comparatives, les plus
nombreuses dans le corpus critique portant sur les rapports de la
littérature québécoise et de l'Amérique[11]. Au premier rang figurent les textes de
Guildo Rousseau : certains couvrent des sujets particuliers, le paysage de
l'Ouest américain (1972) ou la ruée vers l'or (1979), un autre,
la période 1775-1930 dans le domaine de la prose d'imagination (1981).
John Hare (1964) a recensé les récits de voyage aux
États-Unis et en Amérique latine. L'image des États-Unis
dans la littérature canadienne-française du XIXe
siècle a été présentée par Maurice Lemire
(1970). Jacques Cotnam a fait l'histoire de cette image, d'abord du
XIXe siècle jusqu'à nos jours (1977), puis dans les
années trente (1984). Jonathan M. Weiss s'est intéressé
à l'image des États-Unis chez Ringuet, Roger Lemelin et Anne
Hébert (1975), puis de nouveau chez Lemelin (1976). L'idée
d'Amérique chez les essayistes a donné lieu à quelques
travaux : Roger Lapointe l'a analysée dans l'oeuvre du philosophe
Placide Gaboury (1985), François Ricard, dans celle d'Edmond de Nevers
(1985), Jonathan M. Weiss (1987), dans celle d'Arthur Buies. Dans le domaine
romanesque, Michel Tétu (1975) a abordé les romans de Jacques
Godbout, Simon Harel (1987), ceux de Jacques Poulin et de Jacques Godbout, et
Jonathan M. Weiss, ceux de Victor-Lévy Beaulieu (1983) et de Jacques
Poulin (1985-1986). Les «histoires américaines» dans le roman
québécois contemporain sont l'objet d'un article de Laurent
Mailhot (1989).
Les études comparatives sont de deux types : certaines proposent la mise
en parallèle de l'oeuvre de quelques auteurs, tandis que d'autres
préfèrent s'attacher au développement des
littératures «post-européennes» (Dorsinville, 1974),
cerner l'évolution de ces «néo-littératures»
(Tougas 1982). Les premières se multiplient depuis quelques
années. Dès les années soixante, Maximilien Laroche
s'intéressait aux littératures haïtienne et
québécoise (1970, 1975), pendant que Max Dorsinville (1974)
comparait la littérature romanesque québécoise à la
littérature noire américaine, puis aux littératures du
Tiers-Monde (1983). En 1980, Brigitte Sicard mettait en relation
l'émergence du concept de littérature nationale à
Haïti et au Québec. Dans un numéro de la revue
Études littéraires intitulé
«Littérature québécoise et
américanité» (1975), Sylvie Choquette proposait une lecture
du Coeur de la baleine bleue de Jacques Poulin et du Vieil Homme et
la mer d'Ernest Hemingway, et Louis et Marie Francoeur, des contes de
l'Américain Sherwood Anderson et d'Yves Thériault. En 1986, le
«Dossier comparatiste Québec-Amérique latine» de la
revue Voix et images regroupait quatre analyses : Zila Bernd comparait
le Brésilien Moacyr Scliar à Jacques Godbout, Amaryll Chanady,
l'Argentin Cortázar à Hubert Aquin, Élène Cliche,
la Brésilienne Clarice Lispector à France Théoret et
à Madeleine Gagnon, et Javier García Méndez, le
Brésilien Graciliano Ramos à Ringuet. Il importe toutefois de
souligner que ces auteurs ne tentent pas en général de justifier
leur présupposé comparatiste eu égard à
l'américanité ou à l'appartenance américaine de ces
auteurs; celles-ci ne sont pas au fondement de la réflexion critique. Au
chapitre des comparaisons du développement des littératures
nationales, il faut souligner les travaux de Lilian Pestre de Almeida (1983),
Pierre de Grandpré (1966-1967), Max Dorsinville (1974), Lise Gauvin
(1984), Naïm Kattan (1974), Maximilien Laroche (1966, 1975), Marine Leland
(1977), Gilles Thérien (1986) et Gérard Tougas (1982). Le
développement de la langue française dans un environnement
nord-américain est l'objet de textes de Claude Beausoleil (1987) et de
Naïm Kattan (1970). L'espace romanesque américain a
intéressé Gérard Bessette (1973).
Les études d'influence sont encore peu nombreuses dans le corpus
critique. Guildo Rousseau a présenté les influences
américaines sur la littérature canadienne-française au
XIXe siècle (1984), de même que l'historien Pierre
Savard (1967). Jonathan M. Weiss a rapproché John Steinbeck et le
Jacques Poulin de Volkswagen Blues (1985-1986). Paula Gilbert-Lewis
(1981) propose une étude fouillée des relations
littéraires entre le Québec et les États-Unis : le constat
qu'elle propose (les relations sont peu importantes, sinon inexistantes, sauf
chez les féministes[12]) est
appuyé par de nombreuses statistiques. En théâtre,
Naïm Kattan (1976) a décrit les formes populaires (radioroman,
télévision, musical) du théâtre
américain, et Chantal Hébert (1989), le théâtre
burlesque. Noël Audet (1984) et Paul-André Bourque (1975) abordent
le corpus romanesque, et Claude Beausoleil, le corpus poétique (1984).
Pierre de Grandpré avait dès 1967 distingué les influences
françaises des américaines. Dans un texte programmatique paru en
1984, Ronald Sutherland propose l'élaboration de plusieurs types
d'études d'influence.
Peu d'auteurs ont tenté de cerner les enjeux (historiques,
idéologiques, institutionnels) de l'américanité dans la
littérature québécoise. Jacques Languirand (1971) a
esquissé l'histoire de l'américanité des
Québécois, comme le fera plus tard Maximilien Laroche (1983).
Réjean Beaudoin, à partir d'un large ensemble d'oeuvres, a
proposé de redéfinir la notion même d'Amérique
(1984). Gilles Marcotte a d'abord relié l'américanité
romanesque au problème du réalisme (1973), puis a montré
l'importance pour Robert Charbonneau du rapport aux États-Unis au moment
de la querelle dont témoigne en 1947 la France et nous (1986).
Guildo Rousseau (1986) a suivi l'évolution de la métaphore de
l'Amérique du XIXe siècle à nos jours. Le
géographe Jean Morisset a lu les textes de Louis Riel à la
lumière d'une définition polémique de l'identité
québécoise et de l'américanité (1987).
François Ricard (1988) a situé l'émergence de
l'américanité dans le cadre de la «normalisation» de la
littérature québécoise et en a fait le signe d'une
volonté de différenciation spécifiquement
québécoise. Yannick Resch (1988) a proposé de
définir la littérature québécoise à partir
de son américanité. Jean-François Chassay (1989) s'est
interrogé sur un possible «nouvel exotisme» américain
dans la littérature romanesque québécoise. En 1988, nous
avons pour notre part soutenu que l'américanité ne peut
être comprise hors du cadre des relations littéraires du
Québec avec la France (voir aussi Pontaut 1973).
Hypothèses de recherche
Nous voudrions conclure ce tour d'horizon des textes critiques portant sur les
rapports de la littérature québécoise et de la notion
d'Amérique en proposant des hypothèses de recherche à
partir de cinq axes : la distinction des genres, la lecture
québécoise de la littérature américaine, l'apport
des sciences humaines, la nécessité de définir
l'Amérique, l'anthropophagie culturelle[13].
Même si l'Amérique est présente dans tous les genres
littéraires pratiqués aujourd'hui au Québec, il importe de
les distinguer les uns des autres, dans la mesure où les
déterminations institutionnelles ne pèsent pas du même
poids sur toutes les pratiques. La culture de masse, par exemple, emprunte plus
volontiers, ou à tout le moins plus ouvertement, aux modèles
américains que la littérature légitimée[14]. Une réflexion historique et une
réflexion générique s'imposent. Historique, car le
développement de la culture de masse, surtout à partir des
années 1920, ne peut qu'avoir changé la perception des
États-Unis, et plus largement de l'Amérique, dans la
littérature québécoise. Générique, car
certaines pratiques ont été modifiées plus
profondément que d'autres par l'Amérique; nous pensons ici au
théâtre et à la paralittérature[15].
Dans une entrevue parue en 1987, Pierre Nepveu constatait l'absence de
véritable lecture québécoise de la littérature
américaine : «L'américanité repose rarement sur des
connaissances véritables, des références à ce
qu'est la culture nord-américaine, la tradition littéraire ou la
poésie américaine. [...] je ne vois d'échange pour la
poésie québécoise qu'avec la poésie
française[16]». Cette
constatation, qui rejoint celle de plusieurs autres critiques (Chassay 1989,
Gilbert-Lewis 1981), nous paraît fondamentale : si la littérature
américaine n'est pas lue au Québec, comment la littérature
québécoise peut-elle être dite américaine ? S'impose
ici la nécessité de mener à terme des analyses très
précises de la lecture de la littérature américaine dans
l'univers culturel québécois. Qui écrit sur la
littérature américaine dans les journaux et revues du
Québec ? Y a-t-il de réels échanges entre les
écrivains québécois et les écrivains
américains ? Il n'existe aucune étude systématique de ces
problèmes.
Pour définir l'américanité de la littérature
québécoise, l'apport de disciplines autres que la critique
littéraire devrait également être déterminant : dans
les Québécois (Seuil, 1974 et 1977), le sociologue Marcel
Rioux propose des définitions de la francité, de la
canadienneté, de la québécité et de
l'américanité; le géographe Jean Morisset bouscule, dans
l'Identité usurpée (Nouvelle Optique, 1985), toutes les
idées reçues sur l'identité québécoise et
son appartenance au continent nord-américain; les philosophes Claude
Bertrand et Michel Morin, lorsqu'ils prônent la constitution du
Territoire imaginaire de la culture (Hurtubise HMH, 1979 et 1982), se
déclarent d'abord et avant tout américains; c'est en tant
qu'historien de la culture que Raymond Montpetit définit
l'américanité[17]. Les
études, nombreuses depuis quelques années, sur le cinéma,
les communications, la musique populaire seraient également à
utiliser[18]. Une question aussi complexe que
celle de l'américanité de la littérature
québécoise, qui renvoie nécessairement aux notions
d'américanisation et d'américanophilie, ne saurait faire
l'économie des sciences humaines.
L'Amérique, nous l'avons vu, n'est pas constituée que des
États-Unis. Si cet élément de définition fait
l'unanimité des critiques, il n'a été que fort peu
théorisé jusqu'à maintenant. En effet, affirmer de
l'Amérique qu'elle englobe deux continents et plusieurs langues et
cultures, qu'est-ce à dire pour la critique littéraire
québécoise ? Qu'est-ce que la littérature partage avec ces
langues et ces cultures ? «L'"Amérique", fait remarquer Laurent
Mailhot, même limitée aux États-Unis, n'est pas un temps
vide ni un espace trop plein, figé en bloc homogène.
L'"Amérique" n'est pas tout entière dans l'Amérique»
(1989). Par ailleurs, toute définition de l'Amérique suppose une
réflexion sur les liens, pour le Québec du moins, de la
littérature québécoise, non seulement avec les autres
littératures américaines, mais aussi avec la littérature
française. Or, parmi les intellectuels québécois, seuls
Gilles Marcotte (1986), Jean Morisset (1987[19]) et François Ricard (1988) en tiennent compte :
c'est pourtant une dimension centrale de la réflexion identitaire au
Québec.
Dans le cadre d'une table ronde tenue en 1983 sur les littératures
brésilienne et québécoise, Irlemar Chiampi proposait de
réfléchir à la notion d'«anthropophagie
culturelle» pour parler des littératures américaines[20]. Cette métaphore a été
créée au Brésil dans les années vingt par Oswald de
Andrade «pour caractériser sa situation de "mauvais sauvage" qui
dévore le blanc, s'incorpore ses vertus, le consomme, le digère
et ainsi restaure son patrimoine culturel» (voir Laroche 1983, p. 195).
Cette anthropophagie, Chiampi ne la retrouve pas au Québec : «Il y
a [...] une contradiction dans l'américanité
québécoise. Je pense à l'attitude d'une certaine
façon déférente du Québécois pour la culture
et la langue françaises» (ibid., p. 196). Dans le cadre du
même débat, Flavio Aguiar proposait une autre distinction :
«Comme image, [l'anthropophagie] renvoie à une tactique culturelle
pour qui la meilleure défense est l'agression : dévorer ce que
nous avons devant nous pour le faire "nôtre". Tandis qu'au Québec
la préoccupation culturelle la plus constante a été
défensive : celle de ne pas être dévoré»
(ibid., p. 200). Malgré les nuances qu'il faudrait apporter
à cette métaphore pour l'appliquer au domaine
québécois, elle pourrait permettre de relancer un débat
qui, malgré la diversité des contributions, manque cruellement de
renouvellement. La notion de dévoration culturelle (de la France,
de l'Amérique) pourrait être une de ces sources de
renouvellement[21].
NOTE LIMINAIRE DE LA BIBLIOGRAPHIE
La bibliographie qui suit, même si elle vise à
l'exhaustivité, ne saurait y prétendre. Nous n'avons retenu que
les textes critiques publiés en livres ou en revues depuis les
années soixante et portant spécifiquement sur les rapports de la
littérature -- et non pas de la culture -- québécoise avec
l'Amérique (du Nord, centrale, du Sud). Les textes qui ne font que des
allusions à cette question, ou qui l'abordent dans une perspective qui
n'est pas d'abord littéraire, n'ont pas été retenus. Ont
été également exclus les articles de journaux, les
entrevues, les mémoires et thèses, les oeuvres de fiction, les
recherches en sciences humaines (sociologie, géographie, philosophie,
études cinématographiques, histoire de l'art, etc.) et les
témoignages d'écrivains[*]. Par
ailleurs, nos recherches n'ayant pas porté sur les littératures
de langue française des communautés vivant hors des
frontières du Québec, nous n'avons pas retenu les très
nombreux travaux sur la littérature franco-américaine
(Nouvelle-Angleterre, Louisiane, etc.). Rappelons enfin que cette bibliographie
n'est pas celle de la place de la littérature québécoise
aux États-Unis, ni celle de son image : faire le recensement des
lectures américaines de la littérature québécoise,
comme celui des lectures québécoises de la littérature
américaine, serait l'objet d'un travail complètement
différent du nôtre.
BIBLIOGRAPHIE
ALMEIDA, Lilian Pestre de, «Regard périphérique sur
la francophonie ou Pourquoi et comment enseigner les littératures
francophones dans les Amériques», Études
littéraires, 16 : 2, août 1983 («Regards du Brésil
sur la littérature du Québec»), p. 253-273.
À partir de réflexions sur le statut de la littérature
québécoise au Brésil, l'auteure propose de renouveler la
pratique comparatiste : «L'intérêt pour la production des
Amériques doit être lié à ce double mouvement, de
détour/retour : aller ailleurs pour retourner chez soi, étudier
le voisin certes pour le voisin, mais aussi pour mieux se connaître,
découvrir des similitudes pour définir après coup sa
spécificité, son individualité et son
originalité» (p. 257). Une définition de
l'américanité est proposée : «Des histoires
semblables [...], une situation commune née de la colonisation et de ses
multiples masques, des paysages ouverts et amples qui se répondent du
Nord au Sud du continent américain, un besoin de s'exprimer enfin en
tant que sujets parce que pendant très longtemps
objectivés, objectés, tout cela crée, dans la
production littéraire des Amériques, une thématique
commune et sans doute appelle une poétique commune» (p.
260).
AUDET, Noël, «Le roman québécois
d'Amérique», les Deux Rives, 1, 1984, p. 34-35.
Quelle est la «différence» du roman québécois ?
«Il est évident, pour qui analyse un peu la situation des
écrivains québécois, qu'ils se situent à un
étrange carrefour : imprégnés de littérature
française et de civilisation américaine, ils ne peuvent parler de
leur pays et de leur réalité qu'à la jonction de ces deux
influences. [...] Aussi bien chez Gabrielle Roy, Yves Thériault,
Marie-Claire Blais, que chez des auteurs plus récents [...] s'exprime
une américanité incontestable, qui n'a rien à voir avec
l'américanisation» (p. 34). Définition de
l'américanité en littérature : «la masse de la
production romanesque affirme [...] un univers tendu, instable, où les
êtres cherchent à définir ou imaginer de nouveaux rapports
sur tous les plans» (p. 35).
BAYARD, Caroline, «Serait-ce cela inspirer l'Amérique ? :
La Constellation du Cygne de Yolande Villemaire», Québec
Studies, 6, 1988, p. 112-120.
L'auteure reprend la triple lecture du roman (1985) de Yolande Villemaire par
Suzanne Lamy (voir Québec Studies, 5 ou Voix et images,
37) : l'irresponsabilité de Villemaire devant l'Holocauste; son
hésitation entre réalisme et onirisme/allégorie; son
irresponsabilité en ce qui concerne le féminisme. Le titre de
l'article ne prend son sens qu'à la dernière phrase : l'auteure
conclut qu'«il y a d'autres manières d'inspirer
l'Amérique» (p. 117), faisant ainsi allusion au numéro de
Voix et images intitulé «Yolande Villemaire : inspirer
l'Amérique» (33, printemps 1986).
BEAUDOIN, Réjean, «Rapport
Québec-Amérique», Possibles, 8 : 4, été
1984 («L'Amérique inavouable»), p. 45-57.
L'auteur donne de nombreuses références à des textes
québécois posant la question du rapport à
l'Amérique et tente de définir un nouveau type de rapport
à celle-ci. «L'Amérique n'est pas un lieu, [...] une patrie,
pas davantage, un pays, moins encore. [...] L'Amérique n'a jamais
cessé d'être un projet et l'image de son devenir reste
l'épreuve incessante de son recommencement. [...] En somme,
l'Amérique est un modèle, une forme, un pont jeté sur
l'universel à l'inextricable encoignure de la croix des temps» (p.
46).
BEAUSOLEIL, Claude, Les livres parlent, Trois-Rivières,
Écrits des Forges, coll. «Estacades», 1984, 235 p.
Dans plusieurs des comptes rendus rassemblés ici, la notion
d'américanité -- tantôt «courant», tantôt
«mouvement» (p. 182) -- est associée par l'auteur à
celle de «texte urbain» ou de contre-culture. Avant 1968, les
modèles littéraires québécois étaient
européens ou français; après, «l'influence des images
d'une Amérique servant de moteur à la création a
été à la source de nombreux textes stimulants» (p.
182). À partir de ce moment, il s'est agi d'«afficher sauvagement
son appartenance à l'Amérique» (p. 24), «de relever le
défi d'écrire et de parler un langage neuf sur un continent
neuf» (p. 28).
BEAUSOLEIL, Claude, «Extase et déchirure», dans
Extase et déchirure, Trois-Rivières, Écrits des
Forges et Cesson (France), la Table rase, 1987, p. 13-39.
En prélude à une réflexion sur divers écrivains
québécois (Yolande Villemaire, Gaston Miron, Jacques Godbout,
Hubert Aquin, Nelligan), l'auteur traite l'américanité par
rapport à la langue française au Québec : «Latine du
Nord, autre version d'un continent», la littérature
québécoise «témoigne de l'Amérique en
français mais langue et Amérique quelque part lui
échappent et c'est dans cette brèche presque impensable qu'elle
travaille à son scénario frondeur et sans sous-titres» (p.
15); «Déchirure centrale au ventre du langage, une Amérique
m'échappe : sa langue n'est pas la mienne mais ses contours
m'inscrivent» (p. 17).
BERND, Zila, «La quête d'identité : une aventure
ambiguë», Voix et images, 34, automne 1986 («Dossier
comparatiste Québec-Amérique latine»), p. 21-26.
Un «dénominateur commun des littératures des
Amériques» est proposé : «dès leur naissance,
elles se nourrissent de la sève, riche et sédimentée, de
la culture européenne»; «la réalité culturelle
étrangère est perçue comme supérieure à la
culture nationale»; le «marronnage culturel [...] consiste
à renverser les modèles importés et à incorporer au
tissu littéraire l'apport des cultures autochtones» (p. 21). Le
texte porte sur «la question de l'identité comme trait commun entre
les littératures des Amériques» (p. 22), à partir de
romans du Brésilien Moacyr Scliar (le Centaure dans le jardin,
1980) et du Québécois Jacques Godbout (les Têtes
à Papineau, 1981).
BESSETTE, Gérard, [sans titre], Liberté, 90, 15 :
6, novembre-décembre 1973 («Roman des Amériques»), p.
17-20.
Dans la première partie du texte, l'auteur décrit «l'espace
romanesque» : «Il me semblerait naturel que le roman des
Amériques [...] présente un espace différent de l'espace
romanesque européen. [...] Il s'agit [...] toujours ici d'un espace
à parcourir, puis à dompter : autrefois ce domptage se faisait
par le défrichement et la culture; aujourd'hui il s'effectue par de
gigantesques travaux de terrassement et de harnachement» (p. 17). Suit une
galerie de personnages définis par leur rapport à l'espace :
entre le coureur de bois et le sédentaire, rural ou urbain, il y a
plusieurs «types intermédiaires» -- l'«éternel
défricheur», le cultivateur, le «locataire
insécure», le survenant (p. 17-18). Dans la deuxième
partie, l'auteur livre quelques bribes d'une «topo-analyse» à
partir de Une de perdue, deux de trouvées (1849-1851) de Boucher
de Boucherville, avant de s'intéresser à l'opposition
psychologique de l'écriture et de l'errance.
BOURQUE, Paul-André, «L'américanité du roman
québécois», Études littéraires, 8 :
1, avril 1975 («Littérature québécoise et
américanité»), p. 10-19.
L'auteur parle des littératures «cousines de
l'Amérique» (p. 10) et signale leur «parenté» (p.
14). L'américanité de la littérature
québécoise est définie comme «cette zone grise de
l'inconscient collectif dans laquelle on retrouve une "mythologie", des valeurs
"archétypales" et une symbolique communes aux deux cultures, une
imagerie, en somme, de même qu'un ensemble de phénomènes
historiques, linguistiques et sociaux ayant leur correspondant dans l'autre
civilisation; en fait, une conception continentale de l'homme et de son destin,
de ses attitudes fondamentales qui font que tel ou tel geste dont on dit qu'il
est asiatique, africain, européen ou américain, pourrait servir
à mesurer le degré d'américanité de la
littérature québécoise» (p. 15).
CHANADY, Amaryll, «Entre la quête et la
métalittérature -- Aquin et Cortázar comme
représentants du postmoderne excentrique», Voix et images,
34, automne 1986 («Dossier comparatiste Québec-Amérique
latine»), p. 42-53.
Une même volonté de recherche formelle et des thèmes
communs -- la «fascination pour l'Europe» (p. 44), le «manque
d'identité nationale» (p. 45), la «dissolution de
l'identité individuelle» (p. 47) -- unissent les deux auteurs.
«Chez Aquin et chez Cortázar, la quête dans toutes ses formes
ne conduit pas à une littérature naïvement engagée,
insouciante de l'élaboration formelle; par ailleurs, la
métalittérature et la recherche esthétique n'aboutissent
pas à une complexité gratuite et aride. Les deux auteurs ne
tombent ni dans le piège du didactisme, ni dans celui de la
préciosité, et restent en même temps des fabulateurs
accomplis» (p. 52).
CHASSAY, Jean-François, «L'Américain existe-t-il
?», Revue internationale des professeurs de français,
à paraître en 1989.
L'auteur s'interroge sur «l'absence aberrante, à première
vue, de l'Américain et des États-Unis dans la littérature
québécoise, ce qui est sans doute un reflet de la
méconnaissance générale, chez les Québécois
francophones, de la littérature américaine». Le texte compte
trois parties : a) le XIXe siècle; b) quelques auteurs
contemporains (Gérard Bessette, Jacques Godbout, Gilles Archambault), et
plus particulièrement Jean Basile, Yolande Villemaire,
Victor-Lévy Beaulieu, Jacques Poulin; c) des remarques sur la
«"vogue américaine"» dans la littérature
québécoise récente (l'auteur se demande s'il ne s'agit pas
d'un «nouvel exotisme»).
CHOQUETTE, Sylvie, «L'archétype du temps circulaire chez
Ernest Hemingway et Jacques Poulin», Études
littéraires, 8 : 1, avril 1975 («Littérature
québécoise et américanité»), p. 43-55.
Corpus : le Coeur de la baleine bleue (1970) de Jacques Poulin et le
Vieil Homme et la mer (1952) d'Ernest Hemingway. La première partie
de l'article est une analyse du mythe du paradis perdu; la seconde porte sur la
symbolique de l'eau et du poisson. L'auteure conclut à l'existence
d'«une recherche assez similaire chez les deux auteurs. Poulin et
Hemingway sont véritablement marqués par la violence et
l'agressivité qui les entourent, ce qui explique leur hantise d'un ordre
meilleur, d'un monde renouvelé à l'image du paradis originel.
[...] La quête de Poulin et d'Hemingway n'est pas un
phénomène particulier à ces deux écrivains, mais au
peuple nord-américain» (p. 55).
CLICHE, Élène, «Clarice Lispector : débusquer
l'intangible», Voix et images, 34, automne 1986 («Dossier
comparatiste Québec-Amérique latine»), p. 27-41.
Présentation de Clarice Lispector et de son oeuvre. «Dans
l'intertexte transculturel où le langage absorbe et transforme d'autres
langages, il me semble que, dans la littérature
québécoise, les écritures qui respirent davantage à
proximité des abîmes lispectoriens [...] sont celles de France
Théoret et de Madeleine Gagnon [...]. Il ne s'agit pas de faire ici une
étude comparative, mais plutôt d'esquisser quelques rapprochements
de manière non systématique» (p. 28). Trois figures de ces
rapprochements sont isolées : la «circu-larité de
l'oeuvre» (p. 29), la «déconnexion» (p. 32),
l'«au-dedans» (p. 33).
COTNAM, Jacques, «Americans Viewed Through the Eyes of
French-Canadians», Journal of Popular Culture, 10 : 4, printemps
1977, p. 784-796.
Chez les écrivains du XIXe siècle, l'auteur
s'intéresse à l'annexionnisme, au messianisme, à l'exode
aux États-Unis, à la civilisation américaine; sur toutes
ces questions l'opposition entre les libéraux et les conservateurs est
claire. La Deuxième Guerre mondiale, le développement syndical,
la télévision ont permis la pénétration au
Québec des valeurs américaines : «In my opinion,
French-Canadians have been living by American standards for many years, and in
spite of themselves, they have become French-speaking Americans, at least as
far as their way of life is concerned. Nevertheless, the fact remains that
American influence has become more and more obvious to the French-Canadian
intellectuals [...], and they are now quick to denounce it as a most serious
threat to the French-Canadian national identity» (p. 790).
COTNAM, Jacques, «La prise de conscience d'une identité
nord-américaine au Canada français (1930-1939)», dans les
Grands Voisins. Actes du colloque belgo-canadien des 24, 25 et 26 novembre
1983, Bruxelles, Éditions de l'Université de Bruxelles, 1984,
p. 63-79.
À partir de 1840, les Canadiens français émigrèrent
massivement aux États-Unis. Le krach de 1929 fit que bon nombre des
émigrés revinrent au pays. Ils étaient alors porteurs de
valeurs nouvelles. La littérature des années trente
témoigne de l'inquiétude des élites intellectuelles face
à ces valeurs, que, de plus, le développement de la culture de
masse avait au même moment pour effet de répandre largement dans
la société. Dans les oeuvres de Ringuet, de François
Hertel, de Séraphin Marion et de René Garneau, une France
mythique est opposée à la matérialiste Amérique.
Jean-Charles Harvey, Robert Choquette, Rosaire Dion-Lévesque et Alfred
Desrochers ont été les précurseurs d'un changement
d'attitude.
COTNOIR, Louise, «Contribution des femmes-écrivains du
continent américain à la littérature», Revue de
l'Université d'Ottawa, 50 : 1, janvier-mars 1980, p. 30-33.
Communication à la deuxième Conférence des
femmes-écrivains des Amériques (Université d'Ottawa, 20-25
mai 1978). Deux éléments caractérisent l'écriture
des femmes des Amériques : elle est «transgression du
légendaire mutisme féminin» et se situe au «premier
plan d'une transformation sociale radicale»; le non-respect des genres
littéraires est le premier signe du «renversement social
souhaité et provoqué par ces écrivains-femmes» (p.
31). «Les femmes écrivains du continent américain, ayant
déconstruit le langage masculin, l'ayant démystifié et
banni du leur, ont imposé et doivent continuer de le faire, une
façon nouvelle de voir le monde, une autre manière de penser la
recherche et la création. C'est dans cette direction que doit s'orienter
leur écriture jusqu'à la subversion même du langage
masculin. Une telle écriture ne peut que constituer un apport magistral
à la littérature tout entière» (p. 33).
DE GRANDPRÉ, Pierre, «La question des influences»,
Lettres nouvelles, numéro spécial, décembre
1966-janvier 1967, p. 109-116.
L'auteur définit les influences françaises, américaines et
nordiques sur la littérature québécoise. Les influences
françaises sont d'«identification» et
d'«opposition» (p. 111). En ce qui concerne les influences
américaines, l'auteur pose que les relations de toutes les
littératures américaines avec leur métropole ont
été les mêmes; nous sommes des «Européens
d'Amérique (comme sont tous les Américains)» (p. 115). Mais
«nous mettre à la remorque des États-Unis, ce serait tomber
de Charybde en Scylla» (p. 113); il nous faut plutôt «assumer
tout notre américanisme» (p. 115), car nous avons «une
incontestable originalité américaine» (p. 114).
DORSINVILLE, Max, Caliban Without Prospero. Essay on Quebec and Black
Literature, Erin (Ontario), Porcépic Press, 1974, 227 p.
Préface de Ronald Sutherland.
Le projet de l'auteur est d'étudier parallèlement les
littératures québécoise et noire américaine, puis
de proposer un modèle d'interprétation de l'émergence des
littératures mineures, régionales, nationales ou ethniques. C'est
à la Tempête de Shakespeare qu'il emprunte la
métaphore de Prospero (l'homme civilisé, celui qui possède
le langage) et de Caliban (l'être primitif, privé de langage) qui
soutiendra son interprétation. Le corpus est romanesque, et la
perspective sociologique : toutes les littératures
«post-européennes» auraient évolué de
façon semblable depuis l'éveil des nationalités au
XIXe siècle. Trois périodes seraient communes à
leur évolution : une phase passive de tristesse (sadness)
où domine l'inadéquation du sujet au monde; une phase active de
colère (anger), d'affirmation; une phase de réflexion
(reflection) durant laquelle l'affirmation de la
spécificité est perçue comme menant à
l'universel.
DORSINVILLE, Max, le Pays natal. Essais sur les littératures
du Tiers-Monde et du Québec, Dakar, les Nouvelles Éditions
africaines, 1983, 193 p.
Ce recueil de quatorze textes est divisé en trois parties : «Le
Tiers-Monde (les Antilles)» (trois textes sur l'influence du Martiniquais
Aimé Césaire au Québec), «Le Tiers-Monde
(l'Afrique)», «Le Québec» (voir «Le Québec
Noir»). Plusieurs textes portent sur la négritude, sans toutefois
que la perspective américaine y soit centrale (voir aussi, du même
auteur, «La négritude et la littérature
québécoise», Canadian Literature, 42, automne
1969, p. 26-36). Au début des années soixante-dix, cette
question disparaît : «Le Québec découvrait son
américanité. [...] Le pays n'était plus revendiqué
mais vécu dans sa quotidienneté, vidée de théorie.
C'est comme si au terme des théories partipristes était la
découverte d'un quotidien qui par-delà le langage
s'avérait indifférencié du quotidien à
l'échelle nord-américaine» (p. 128). L'auteur
décrit les liens de la littérature québécoise avec
les littératures du Tiers-Monde : «C'est dans l'optique d'une
histoire des peuples modelée par l'assujettissement à une
puissance étrangère que certains théoriciens
québécois de la dernière décennie proclameront leur
solidarité avec le Tiers-Monde» (p. 118).
FRANCOEUR, Louis et Marie, «Deux contes nord-américains
considérés comme actes de langage narratifs»,
Études littéraires, 8 : 1, avril 1975
(«Littérature québécoise et
américanité»), p. 57-80.
Réflexion inspirée de la théorie de la communication et
qui repose sur deux contes du corpus nord-américain : «The Book of
the Grotesque» de Sherwood Anderson et «La fleur qui faisait un
son» d'Yves Thériault. «Deux conteurs, l'Américain
Sherwood Anderson et le Québécois Yves Thériault, deux
cycles narratifs, Winesburg, Ohio et Contes pour homme seul, deux
dates marquant la fin d'une époque et le début d'une ère
nouvelle dans chacune des littératures nationales, 1919 et 1945, enfin
deux groupes de lecteurs, eux-mêmes partagés entre l'enthousiasme
et l'irritation, tels sont les acteurs et les circonstances qui serviront de
cadre à cette étude» (p. 57).
GARCIA MéNDEZ, Javier, «Ramos et Ringuet : le
roman entre le silence et l'histoire», Voix et images, 34, automne
1986 («Dossier comparatiste Québec-Amérique latine»),
p. 55-66.
Corpus : Trente arpents du Québécois Ringuet et Vidas
secas du Brésilien Graciliano Ramos, romans régionalistes
parus en 1938 et écrits «dans des lieux américains
façonnés par la colonisation européenne et ayant
reçu de l'Europe la forme romanesque. Toutefois, la distance sociale et
culturelle entre le Québec et le Brésil [...] est
incommensurable, comme l'est d'ailleurs, à cause de la même
diversité historique, celle qui, en 1938, sépare le roman
brésilien [...] de la fiction narrative québécoise»
(p. 55). L'auteur analyse le rapport des romanciers à la parole des
personnages. Chez Ringuet, la parole paysanne est subordonnée à
«l'omniloquence académicienne du narrateur» (p. 58), alors
qu'il y a dans le roman de Ramos une «omniscience pauvre» : «Le
roman sera fragmentaire comme la parole de ses personnages, il sera cette
parole» (p. 63).
GAUVIN, Lise, «Entrevue avec Flavio Aguiar. De Sao Paolo à
Montréal : circuits littéraires», Possibles, 8 : 4,
été 1984 («L'Amérique inavouable»), p.
119-131.
Après des remarques sur l'identité, entre autres dans l'oeuvre de
Gaston Miron, et sur la littérature brésilienne, quelques
éléments de comparaison entre la littérature du
Québec et celle du Brésil sont évoqués. La
poésie, la parodie théâtrale et romanesque,
l'américanisation et l'institution littéraire sont
abordées. Au sujet de l'américanisation, Flavio Aguiar
déclare : «Il y a un impérialisme américain au
Québec comme il y a un impérialisme américain un peu
partout au monde. Mais il y a le fait aussi que l'Américain est une
sorte de cousin riche de la famille. Je crois que cela rejoint une forme de
conscience frustrée» (p. 127).
GILBERT-LEWIS, Paula, «Literary Relationships Between Quebec and
the United States : a Meagre Reciprocity», Essays on Canadian
Writing, 22, été 1981, p. 86-110.
État présent de la situation de la littérature
québécoise aux États-Unis. Alors que les écrivains
québécois connaissent la culture américaine, celle-ci ne
les a pas marqués de façon apparente. Par ailleurs, on ne peut
parler d'influence de la culture québécoise sur les
Américains : «wide spread ignorance still describes the present
status of "French Canadiana" in the U.S.» (p. 93). L'influence culturelle
étatsunienne est subordonnée à l'affirmation de
l'identité nord-américaine des Québécois : «It
is this reflection of society in North America and the acceptance of being a
French-speaking North American that is more important today in Quebec
literature than any direct influence from the United States» (p. 88).
HARE, John, les Canadiens français aux quatre coins du monde :
une bibliographie commentée des récits de voyage, 1670-1914,
Québec, Société historique de Québec, coll.
«Cahiers d'histoire», 16, 1964, 213 p.
«Le Canadien français est voyageur dans l'âme» (p. 12),
déclare l'auteur en introduction à cette bibliographie
descriptive de plus de 300 récits de voyage. À partir du
thème de la frontière, «facteur d'explication primordial
dans le développement de la civilisation
canadienne-française» (p. 20 n. 15), il distingue les
«types» du voyageur, du coureur des bois, du militaire, du traitant,
de l'explorateur, du missionnaire. Pour ce qui concerne les récits de
voyage américains, voir les différents index : «III.
Classification des récits selon le but du voyage» (p. 196-198),
«IV. Classification des récits selon la manière de
voyager» (p. 199) et «V. Index des endroits visités» (p.
200-210) aux entrées «Amérique centrale et du Sud» (p.
200-201) et «États-Unis» (p. 205-207).
HAREL, Simon, «L'Amérique ossuaire», Vice versa,
21, novembre 1987, p. 60-61.
L'article porte sur Volkswagen Blues (1984) de Jacques Poulin et sur
Une histoire américaine (1986) de Jacques Godbout : «ces
romans supposent la possibilité d'un exil hors d'un espace originaire
qui correspondrait grosso modo à la territorialité
québécoise. Revendication du déplacement, de la mouvance,
à la faveur de l'exploration du continent nord-américain, ces
textes font de plus intervenir la problématique de l'étranger,
non pas dans la perspective d'un rejet ou d'une mise à l'écart,
ce qui reviendrait à affirmer la primauté du "même", mais
de façon beaucoup plus novatrice dans la mesure où
l'étranger implique la généralisation d'une situation
périphérique, d'une marge du texte romanesque» (p. 60).
HÉBERT, Chantal, le Burlesque québécois et
américain. Textes inédits, Québec, PUL, coll.
«Vie des lettres québécoises. Centre de recherche en
littérature québécoise», 27, 1989, xvi/335 p.
Préface de Jean-Claude Germain.
Après avoir retracé les origines américaines du burlesque,
l'auteure propose une lecture comparative des thèmes et structures des
répertoires québécois et américain pour en isoler
«une structure type et ses variantes» (p. 13). Elle repère
dans ces corpus «un thème fondamental [...] -- celui du défi
à l'autorité et aux conventions (manifestement axé sur le
désir sexuel) au moyen de la ruse» (p. 243). Elle décrit
l'originalité du burlesque québécois : constitution du
public, longueur de la «comédie», choix des textes, mise
à l'écart du strip-tease, nombre de comédiens,
«attitude différente face à l'argent» (p. 235),
«approche distincte de la sexualité» (p. 237). En conclusion,
elle propose une lecture idéologique : «Le théâtre
burlesque devenait un des lieux où était investie une sublimation
conceptuelle des nouveaux modes de vie qui s'imposaient de manière
inédite à l'homme et à la femme du début du
siècle [...]. Le théâtre burlesque devenait un des lieux
qui allaient témoigner [...] de la nouvelle culture populaire
urbaine» (p. 242).
Voir également, de la même auteure, «Sur le burlesque. Un
théâtre "fait dans notre langue"», Jeu, 18,
1er trimestre 1981, p. 19-31 et le Burlesque au Québec. Un
divertissement populaire, Montréal, Hurtubise HMH, coll.
«Cahiers du Québec. Ethnologie», 1981, 302 p. Préface
d'Yvon Deschamps.
KATTAN, Naïm, «La littérature
canadienne-française et l'Amérique du Nord», Nouveau
Monde, nouvelle série, 1 : 4-5 (3 : 12-13), juin-juillet 1970, p.
32-34.
Texte sur l'évolution du rapport des écrivains
canadiens-français à la langue: «l'écrivain
canadien-français n'est en fait qu'un Nord-américain qui
s'exprime en une langue différente de celle de la majorité, et la
littérature canadienne-française ne serait que l'un des
régionalismes de l'Amérique du Nord» (p. 32). À
partir de la Deuxième Guerre mondiale, la culture de masse, dont le
«véhicule» est l'anglais, favorise l'intégration
à l'Amérique (p. 33). «Américaine, issue d'une
Europe qui la nourrit encore, [la littérature québécoise]
n'est pas le reflet d'une situation, mais une découverte de soi, une
édification d'un homme qui se cherche et qui se retrouve. Elle ajoute
à la littérature de l'Amérique du Nord la dimension du
verbe» (p. 34).
KATTAN, Naïm, «L'influence américaine sur le roman
canadien», Délibérations et mémoires de la
Société royale du Canada. 1973. 4e série. Tome
XI, Toronto et Buffalo, University of Toronto Press, 1974, p. 81-84.
L'auteur déclare que l'influence du roman américain sur le roman
canadien «est de date récente» (p. 81). Plutôt que
d'influence, il préfère parler de «coïncidence
née de la ressemblance des conditions sociales» (p. 82). «Le
domaine où l'influence américaine s'exerce directement et se
manifeste visiblement est le roman populaire et surtout le théâtre
nés des moyens de consommation de masse; le roman radiophonique
canadien, de langue anglaise comme de langue française, est une forme
proprement américaine» (p. 82). «L'influence des romanciers
américains s'exerce de la manière la plus forte et la plus
directe dans les formes nouvelles d'écriture», chez Réjean
Ducharme, Jacques Godbout, Victor-Lévy Beaulieu, Michel Tremblay (p.
82).
KATTAN, Naïm, «L'influence américaine sur le
théâtre du Québec», dans le Théâtre
canadien-français. Évolution. Témoignages.
Bibliographie, Montréal, Fides, coll. «Archives des lettres
canadiennes», 5, 1976, p. 431-435.
Le théâtre canadien-français contemporain a deux sources,
l'américaine et la française. L'influence des États-Unis
s'est d'abord fait sentir par le feuilleton radiophonique, puis par la
télévision. Ces deux formes se sont toutefois essoufflées
: «Il était temps de passer d'un théâtre qui
reflète le réel, à un théâtre qui le mette en
question» (p. 433). L'auteur donne en exemples Gratien Gélinas,
Marcel Dubé, Robert Élie, Claude Gauvreau, Jacques Ferron,
Réjean Ducharme, Michel Tremblay. Tout le théâtre
canadien-français n'est pas touché : «l'influence du
théâtre américain sur [le théâtre
récent] n'est pas évidente. S'il y a influence ce serait celle
d'une société sur une autre société et le
théâtre n'en serait alors que le reflet ou l'expression» (p.
435).
LANGUIRAND, Jacques, «Le Québec et
l'américanité», dans Klondyke, Montréal,
Cercle du livre de France, 1971, p. 219-237; Études
littéraires, 8 : 1, avril 1975 («Littérature
québécoise et américanité»), p. 143-157.
Au Québec, l'américanité serait
«refoulée», «avortée», «comme si [...]
l'Amérique du Nord, c'était ailleurs» (p. 222). Elle
est «un phénomène complexe qui tient du dualisme tel
qu'on le trouve exprimé, peut-être, dans l'opposition des deux
termes : sédentaire et nomade, opposition qui correspond analogiquement
à celle qu'on trouve en psychologie : introvert et extravert; ou encore,
en sociologie : apollinien et dionysien» (p. 224). L'auteur croit que
«les Canadiens français ont été les premiers à
refouler la tendance dyonisienne de l'américanéité»
(p. 231). Les exemples sont tirés de l'oeuvre de Languirand (les
Grands Départs, 1958) et de celle de Félix-Antoine Savard:
Menaud, maître-draveur (1937) serait apollinien et la
Dalle-Des-Morts (1965), dionysien.
LAPOINTE, Roger, «Sous le signe zodiacal de la Balance : Placide
Gaboury, essayiste nord-américain», dans l'Essai et la prose
d'idées au Québec, Montréal, Fides, coll.
«Archives des lettres canadiennes», VI, 1985, p. 643-652.
L'auteur résume l'évolution philosophique de Gaboury : «Sans
ériger la courbe de cette évolution en paradigme, on ne se
trompera pas en tenant pour très significatif un tracé qui part
du christianisme et qui aboutit à l'ésotérisme, en passant
par une phase médiane qu'on pourrait qualifier d'humaniste» (p.
645). Les attaches nord-américaines de Gaboury se manifesteraient par un
vocabulaire empruntant souvent à l'anglais, le fait d'avoir parfois
écrit en anglais pour un public américain et par un «choix
culturel», celui de la philosophie américaine (sur laquelle il
serait «branché») plutôt que celui de la philosophie
européenne et française (p. 650-651).
LAROCHE, Maximilien, «La conscience américaine de la
nouvelle poésie québécoise», les Cahiers de
Sainte-Marie, 1, mai 1966, p. 71-76.
L'auteur pose que les poètes québécois ont voulu se
définir par rapport à la France «latine, européenne,
cartésienne et ironique» et à l'Amérique
«nordique, anglo-saxonne et pragmatique», et qu'existe entre les deux
«une âme encore française mais en train de s'acclimater
à ce continent» (p. 71). Il refuse de limiter l'Amérique
à sa partie anglophone et croit au contraire que le refus de
«l'ombre anglo-saxonne» peut unir plusieurs «cultures
voisines» en Amérique (p. 74), «les mille et une
Amériques» (p. 75). Il donne les exemples de divers poètes
et d'un numéro de Lettres et écritures consacré
à l'homme nord-américain.
LAROCHE, Maximilien, le Miracle et la métamorphose. Essai sur
les littératures du Québec et d'Haïti, Montréal,
Éditions du jour, coll. «Littérature du jour», Y-2,
1970, 239 p.
Recueil de dix études, dont huit comparatistes. Après avoir
présenté «deux grands traits communs» aux deux
littératures («L'appartenance à la francophonie»,
«La similitude des problèmes»), l'auteur livre des
études par genre (poésie, roman, théâtre), puis sur
des questions plus générales (le statut des héros
littéraires, «Le noir et le blanc» en poésie,
l'humour). Dans les «Mythologies» finales, il propose une
définition de l'«homme américain» : «qu'il
s'agisse du Québécois, de l'Haïtien ou de
l'Étatsunien, [il] peut se définir avant tout comme un homme venu
d'outre-mer et qui a dû rompre avec sa civilisation originelle» (p.
231). Chaque rupture est toutefois spécifique : «l'homme
haïtien, homme sans généalogie, ne pouvait que se
reconnaître Africain des Antilles et accepter de prolonger le destin de
ses pères alors que l'homme du Nord, Étatsunien ou
Québécois, de par sa connaissance de sa filiation, ne pouvait que
s'efforcer de donner à son destin un sens différent de celui de
ses pères» (p. 237).
LAROCHE, Maximilien, «L'américanité ou
l'ambiguïté du je», dans Deux études sur la
poésie et l'idéologie québécoises,
Québec, Université Laval, ISSH, avril 1975, p. 1-17;
Études littéraires, 8 : 1, avril 1975
(«Littérature québécoise et
américanité»), p. 103-128.
L'auteur aborde les poésies américaine, québécoise,
haïtienne et brésilienne. Quel est le «je»
américain dans la poésie ? Est-il blanc, amérindien, noir,
etc.? L'auteur pose l'équivalence entre
«américanité» et «americanness» (p. 6)
et montre que sa définition est autant un problème pour
l'Américain que pour le Québécois. Dans le domaine
québécois, c'est l'Amérindien qui est la «figure de
l'américanité» (p. 7), le «tiers obligé»
(p. 13) : «L'Amérique [...] est cet espace auquel il faut donner un
temps qui lui soit propre, façon paradoxale de dire que
l'Américain est la figure qu'Européen ou Africain ne peuvent se
donner en faisant fi de l'Amérindien, sans passer par lui donc !»
(p. 13).
LAROCHE, Maximilien, «La littérature
québécoise face à la littérature
latino-américaine», suivi d'un débat avec Irlemar Chiampi,
Italo Caroni, Diva Barbaro Damato, Leyla Perroné-Moises, Flavio Aguiar,
Maria Aparecida Santili et Fernão Mourão, Études
littéraires, 16 : 2, août 1983 («Regards du Brésil
sur la littérature du Québec»), p. 185-201.
Dans les années trente, la poésie québécoise entre
dans la modernité, passe «d'un art pour l'oreille à un art
pour l'oeil» (p. 185). Le rapport au langage change : «Ce sentiment
de solitude et même de quasi impuissance à l'égard du
langage devenu indépendant et libre par rapport à celui-là
même qui le profère est le premier signe de
l'américanité en littérature québécoise
puisqu'il témoigne d'une vision de la parole comme prenant naissance
ici, en Amérique, et non ailleurs, là-bas, en Europe» (p.
187). L'auteur étudie la figure thématique du «nègre
blanc» dans les oeuvres de Jacques Brault, Michèle Lalonde et
Pierre Vallières : il y a passage de «l'identification
négative à l'Amérindien à l'identification positive
à l'Afro-américain» (p. 192). L'américanité
passe par la création d'un «décor» (Alejo Carpentier),
«l'habitation du paysage» (Saint-Denys Garneau), la cartographie du
«pays incertain» (Jacques Ferron) (p. 193).
Dans le débat qui suit, Irlemar Chiampi introduit la notion
d'anthropophagie culturelle : cette métaphore a
été créée au Brésil dans les années
vingt par Oswald de Andrade «pour caractériser sa situation de
"mauvais sauvage" qui dévore le blanc, s'incorpore ses vertus, le
consomme, le digère et ainsi restaure son patrimoine culturel» (p.
195). Cette anthropophagie, Chiampi ne la retrouve pas au Québec :
«Il y a [...] une contradiction dans l'américanité
québécoise. Je pense à l'attitude d'une certaine
façon déférente du Québécois pour la culture
et la langue françaises» (p. 196). Flavio Aguiar propose une autre
distinction : «Comme image, [l'anthropophagie] renvoie à une
tactique culturelle pour qui la meilleure défense est l'agression :
dévorer ce que nous avons devant nous pour le faire "nôtre".
Tandis qu'au Québec la préoccupation culturelle la plus constante
a été défensive : celle de ne pas être
dévoré» (p. 200).
LELAND, Marine, «Quebec Literature in Its American Context»,
dans David Staines (édit.), The Canadian Imagination. Dimensions of A
Literary Culture, Cambridge, Harvard University Press, 1977, p. 188-225.
L'auteure indique les traits communs à toutes les littératures
américaines et montre comment le Québec a développé
des traits spécifiques. Les traits communs sont le passé
colonial, l'origine européenne, la rupture du lien avec la mère
patrie, la nécessité pour l'écrivain de définir
l'identité nationale, la fierté de celle-ci, l'expression tardive
de ce nationalisme par les colons, les problèmes littéraires du
manque de technique et d'originalité, l'influence du Romantisme. Les
traits spécifiques sont la persistance des traits coloniaux
français même sous la domination anglaise et le fait que les
Québécois n'auraient pas senti le besoin de
«déseuropéaniser» leur littérature. L'influence
de la littérature américaine sur la québécoise
serait minime, et celle de l'Amérique latine, nulle.
LEMIRE, Maurice, les Grands Thèmes nationalistes du roman
historique canadien-français, Québec, PUL, coll. «Vie
des lettres canadiennes», 8, 1970, xii/281 p.
L'ouvrage est divisé en deux parties : les thèmes positifs
(personnages de l'Iroquoise, du missionnaire, du pionnier, du soldat), les
thèmes négatifs (la déportation des Acadiens, la trahison
de Bigot, le choix entre la France et le Canada, la victoire morale, les
guerres canado-américaines, les Troubles de 1837-1838). Le chapitre qui
traite les guerres canado-américaines (p. 177-196) recense dix romans et
nouvelles parus entre 1842 et 1948 et décrivant ces conflits : «Le
nationalisme qui se dégage de ces oeuvres en est [...] un de soumission
à l'autorité établie. Le devoir, toujours clairement
défini, s'impose à la masse avec la précision d'un dogme.
[...] La seule amélioration que l'on pourrait souhaiter, serait un peu
plus de reconnaissance et de considération de la part des Anglais»
(p. 196); «les Américains sont plus redoutables que les Anglais.
Entre deux maux, il faut choisir le moindre» (p. 226). La
présence des Américains est évoquée dans l'ensemble
du volume, mais plus précisément dans ce chapitre.
MAILHOT, Laurent, «Volkswagen Blues, de Jacques Poulin, et
autres "histoires américaines" du Québec», OEuvres et
critiques, Paris, Jean-Michel Place et Tübingen, Gunter Naar Verlag,
1989, sous presse.
Depuis quelques années «l'espace du roman québécois
éclate, se répand en tous sens (en toutes Amériques), en
une configuration de déplacements, trajets, allers-retours, pour revenir
sur lui-même et en sortir, renouveler sa forme, préciser ses
mythes». Avant d'en venir aux romans de Jacques Poulin, l'auteur
présente un certain nombre d'oeuvres récentes (et une plus
ancienne : le «Voyage en Californie» (1875) d'Arthur Buies) se
déroulant aux États-Unis : «Ces "histoires
américaines", québécoises en fait, ne sont pas de simples
déplacements, mais des transformations du roman lui-même».
L'auteur insiste sur la pluralité des Amériques :
«L'essentiel de la question est dans ce singulier et ce pluriel :
Amérique, Amériques. Rêve et rêves, ou
réalité et cauchemars ? Toutes les Amériques -- dont la
francophone, la québécoise -- sont dans l'Amérique, mais
sont-elles à l'Amérique américaine,
états-unienne ?»
MARCOTTE, Gilles, «Découvrir l'Amérique»,
Liberté, 90, 15 : 6, novembre-décembre 1973 («Roman
des Amériques»), p. 102-106; Littérature et
circonstances, Montréal, l'Hexagone, coll. «Essais
littéraires», 4, 1989, p. 91-94.
C'est par l'inexistence d'une tradition réaliste au Québec que
l'auteur explique l'absence de textes québécois sur
l'Amérique : «le mot Amérique ne m'appartient pas. [...] Je
vis en Amérique, mais je ne le sais pas. Et si je ne le sais pas, c'est
qu'on ne me l'a pas conté» (p. 91). Il manque au roman
québécois la «prodigalité verbale» du roman
américain, «un espace littéraire de grandes dimensions,
homologue à l'espace réel dans lequel il se
déploie» (p. 92). «Je crois que nous vivons, que notre
roman vit actuellement l'Amérique sous une autre forme -- ou non-forme
--, celle de l'éclatement» (p. 93). Le recours au joual peut
être interprété comme volonté de «parler
américain» (p. 93). La conclusion porte sur la Fille de
Christophe Colomb (1969) de Réjean Ducharme comme exemple de
«tohu-bohu des formes» : «Le voici donc enfin notre roman
américain, et voici le découvreur lui-même» (p.
93).
MARCOTTE, Gilles, «Robert Charbonneau, la France, René
Garneau et nous...», Écrits du Canada français, 57,
1986, p. 39-64; Littérature et circonstances, Montréal,
l'Hexagone, coll. «Essais littéraires», 4, 1989, p. 65-83.
Selon l'auteur, Robert Charbonneau, dans la France et nous (1947), est
surtout novateur par sa revendication de l'américanité de la
littérature québécoise et par sa conception de la
littérature comme institution. Deux des six «propositions» du
texte ont un rapport direct avec l'américanité : «Aussi bien
nous sentons-nous autorisés à réclamer pour la
littérature canadienne [...] une autonomie complète par rapport
à la française», la littérature américaine
servant ici de modèle; «Une telle autonomie implique que les
écrivains canadiens aillent chercher leur bien littéraire
là où ils le veulent, notamment aux États-Unis, qui
d'ailleurs pourraient bientôt devenir, par la traduction, leur
marché le plus important» (p. 66). Le
«désenchantement» de Charbonneau «l'amène à
constater, à souhaiter une rupture définitive avec la mère
patrie» (p. 74-75). L'américanisation dont il se réclame
«n'est évidemment pas facile à circonscrire [...] Elle est
pour lui, comme elle l'est de-venue pour nous, un foyer de sens»
(p. 78).
MELANÇON, Benoît, «Et si la littérature
québécoise n'était pas une littérature
américaine ?», communication à la Sixth Biennial Conference
de l'American Council for Québec Studies, Université Laval,
Québec, 21 octobre 1988, à paraître.
À partir des définitions de l'américanité de Marcel
Rioux, de Raymond Montpetit et de Jean Morisset, l'auteur tente de montrer que
le recours à cette notion dans la critique littéraire des
années quatre-vingt est surtout un effet de mode, qui s'explique
doublement : par une absence de perspective historique et par un refus de la
«francité» de la littérature québécoise.
«L'absence de perspective historique, la réintroduction de la
traditionnelle volonté de distinction d'avec la France et l'absence de
réels échanges culturels donnent à penser que la critique
littéraire québécoise a jusqu'ici confondu
américanité et américanophilie : la multiplication des
signes culturels empruntés à la culture américaine, loin
de fonder un imaginaire québécois américain, n'est qu'une
façon, guère nouvelle, de subir l'américanisation
culturelle.» En conclusion, quatre hypothèses de recherche sont
proposées.
MORISSET, Jean, «Louis Riel écrivain des
Amériques», Nuit blanche, 28, mai-juin 1987, p. 59-63.
L'auteur considère que l'Amérique britannique est «un des
seuls coins du continent fondé officiellement sur la prohibition du
métissage», alors que ce métissage sera «le principe
constitutif des nations du Nouveau Monde» (p. 59). C'est parce que son
étude remettrait en cause l'identité québécoise que
Riel n'est pas reconnu par l'institution littéraire
québécoise : «ce que le Québec rejette, c'est d'abord
et avant tout l'essence même de son rapport à
l'américanité et partant, de son rapport à lui-même
: ce qui est en cause ici, c'est la relation du Québec à ses
propres origines, à sa propre créativité intellectuelle et
littéraire, ainsi qu'à sa propre conception politique dans le
Nouveau Monde» (p. 60).
PONTAUT, Alain, [sans titre], Liberté, 90, 15 : 6,
novembre-décembre 1973 («Roman des Amériques»), p.
145-151.
La première partie du texte est consacrée à une
«critique de la France» (p. 148) : «Le paradoxe du
Québec n'est pas surtout d'être un pays ex-français en
terre américaine. Sa singularité, son problème culturel
spécifique, c'est d'avoir en même temps à faire face
à une culture anglo-saxonne massivement présente et envahissante,
logiquement dénaturante, dont en tout cas, il n'attend rien pour sa
survie; et à une certaine ignorance, une certaine cécité
de la France dont il serait en droit d'attendre par contre, ou un appui, ou du
moins une certaine compréhension» (p. 147). Dans un deuxième
temps, l'auteur s'intéresse au «roman-symbole» (p. 151), au
«roman allégorique» (p. 150), comme exemple «d'un
langage et d'une poétique romanesques des Amériques» (p.
149).
RESCH, Yannick, «Dossier Québec», le Français
aujourd'hui, 81, mars 1988, p. 71-88.
Texte en quatre parties : «A comme Américanité»,
«H comme Histoire», «L comme Langue», «P comme
Plaisir». L'auteure propose une définition de
l'américanité : «Derrière ce néologisme, nous
mettons un certain nombre de valeurs que le peuple québécois a
intériorisées en fonction de son histoire, de son appartenance
géographique, climatique, au continent nord-américain. Valeurs
positives qui débordent largement l'"american way of life",
c'est-à-dire l'absorption passive d'une culture et d'un mode de vie
étatsuniens. L'Américanité n'est pas, ou du moins pas
uniquement, l'américanisation» (p. 74). L'auteure insiste sur la
question linguistique : «la langue aujourd'hui est l'élément
par lequel les Québécois peuvent affirmer leur
spécificité en Amérique du Nord. [...] La langue seule
exprime leur spécificité» (p. 83). Les exemples sont
tirés d'oeuvres de Gilles Hénault, d'Yves Préfontaine, de
Gilles Vigneault, de Ringuet, de Gaston Miron, de Jacques Brault et de Jean-Guy
Pilon.
RICARD, François, «Edmond de Nevers : essai de biographie
conjecturale», dans l'Essai et la prose d'idées au
Québec, Montréal, Fides, coll. «Archives des lettres
canadiennes», VI, 1985, p. 347-366.
L'auteur propose de l'oeuvre de de Nevers «une lecture nouvelle qui, sans
négliger son message explicite et sa portée idéologique,
mette mieux en lumière son contenu latent, sa spécificité
profonde» (p. 348). Le parcours de de Nevers se fait en trois temps :
«la fuite studieuse, la réconciliation impossible, la
synthèse utopique» (p. 351). C'est par la réflexion sur les
États-Unis que la réconciliation est rendue possible, mais sur le
mode de l'utopie. Les États-Unis sont «pure potentialité,
pur imaginaire encore, et donc ouvert à la réalisation du
désir, à l'implantation triomphante de la Culture» (p. 359).
Ils constituent «le grand mythe personnel d'Edmond de Nevers» (p.
363).
RICARD, François, «Remarques sur la normalisation d'une
littérature», Écriture (Lausanne), 31, automne 1988,
p. 11-19.
Dans les années soixante et soixante-dix, la littérature
québécoise était «petite, unifiée, et
moderne» (p. 11). Deux traits la définissent aujourd'hui : sa
«vitalité incontestable» (p. 12), sa normalisation
(«Expansion quantitative, diversification, relativisation des codes»,
p. 15). Celle-ci a pour conséquence de rendre «malaisé de
parler de la "spécificité" de cette littérature» (p.
15). Ainsi, les tenants de la «différence» du Québec se
sont tournés vers l'américanité : «On ne peut
qu'être étonné par tant d'innocence, à la fois
politique et intellectuelle, si l'on ne comprend pas que ce refrain sur
l'américanité n'est qu'un nouvel avatar du besoin de
spécificité, une nouvelle manifestation de la tentation
qu'éprouvent plus ou moins tous les provinciaux de se montrer
"pittoresques", en se définissant par cela même qui fait d'eux des
provinciaux» (p. 16).
ROUSSEAU, Guildo, «La nature et les paysages de l'Ouest
américain dans les récits de voyages des Canadiens
français. 1800-1935», Vie française, 27 : 3-4,
novembre-décembre 1972, p. 59-75.
«Aucune région des États-Unis ne suscite une
curiosité aussi vive que l'Ouest américain. Nulle autre n'est
l'objet d'autant d'essais de description» (p. 60). Au XIXe
siècle, seul Arthur Buies parvient à appliquer au paysage de
l'Ouest «l'incantation magique de l'art littéraire» (p. 65).
Avant lui, le milieu physique est peu souvent décrit, surtout dans les
textes de religieux qui accordent plus d'importance aux récits
d'évangélisation. Dans les années 1930, seuls se
détachent les noms de Robert Choquette et d'Henri d'Arles. «Pendant
un siècle et plus, [les voyageurs] peignent cette partie des
États-Unis en mettant l'accent, suivant leur tempérament, sur les
paysages, les moeurs ou les institutions. Toujours étonnés,
toujours stupéfaits des beautés du décor naturel, ils ne
sont pas, néanmoins, conquis par la civilisation américaine. La
grandeur du Far West, telle qu'ils la voient, demeure toujours à leurs
yeux un immense tableau où éclatent les richesses de la
nature» (p. 75).
ROUSSEAU, Guildo, «La ruée vers l'or en Californie dans le
roman et le conte québécois», Journal of Canadian
Fiction, 25-26, 1979, p. 99-114.
«Au total, c'est près d'une vingtaine de contes et de romans
québécois, parus entre 1853 et 1945, qui vont entretenir dans
notre littérature l'image d'une terre américaine, tantôt
représentée comme un paradis des chimères
séculaires, tantôt décrite comme un espace de
malédiction pour le Canadien français, tantôt tenue
responsable des infortunes socio-économiques du Bas-Canada» (p.
99). L'article est divisé en trois parties : «Le mirage
californien», «L'état des Canadiens français en
Californie», «La terre de malédiction». Dans l'ensemble,
«l'aventure californienne n'a guère été une
bénédiction pour nos compatriotes du XIXe
siècle» (p. 103). L'or «reste un objet maudit» (p. 107).
Repris dans le livre du même auteur paru en 1981.
ROUSSEAU, Guildo, l'Image des États-Unis dans la
littérature québécoise (1775-1930), Sherbrooke,
Naaman, coll. «Études», 28, 1981, 356 p.
L'auteur suit thématiquement l'évolution de la
«pensée américanisante» (p. 11) dans la
littérature d'imagination en prose publiée au Québec.
L'ouvrage est divisé en trois parties : le mirage américain
(«celui d'une Amérique fabuleuse qui impose son pouvoir de
fascination», p. 24), le combat contre l'Amérique (lié
à la montée du nationalisme littéraire), la revanche
finale. «Par delà les clichés littéraires, le combat
contre le mirage américain aboutit à l'expression d'un drame
collectif : c'est à la fois le tiraillement entre le Nord et le Sud, le
désir d'une civilisation pastorale idyllique par opposition à un
univers urbain, le rêve d'une société parfaite qui laverait
l'Amérique de tous ses péchés, du libéralisme, du
capitalisme, de l'industrialisation; c'est la promesse d'une terre canadienne
qui ferait la synthèse de l'ancien et du nouveau continent, d'une
France américaine qui se donnerait d'elle-même un destin
à sa mesure» (p. 280-281). Important instrument de travail
(appendices, bibliographie, index, etc.).
ROUSSEAU, Guildo, «Les relations littéraires
Québec/États-Unis au XIXe siècle», dans
Claude Savary (édit.), les Rapports culturels entre le Québec
et les États-Unis, Québec, Institut québécois
de recherche sur la culture, 1984, p. 71-95.
Pour l'auteur, la littérature américaine a joué un
rôle important au XIXe siècle dans la définition
de l'imaginaire québécois. Tandis que la critique traditionnelle
cite le plus souvent les inspirations européennes, l'auteur insiste sur
les contacts intellectuels des écrivains québécois avec la
culture américaine. Six sujets sont abordés : les journaux, les
voyages et échanges littéraires, les traductions et adaptations,
les influences littéraires (celles de Cooper et de Longfellow, par
exemple, qui sont pour l'auteur les deux plus influents auteurs
américains pour le XIXe siècle au Québec), le
théâtre et les spectacles américains, la littérature
franco-américaine. Importante bibliogra-phie. Suivi d'un
«Commentaire» (p. 97-101) de Maurice Poteet sur les
Franco-Américains.
ROUSSEAU, Guildo, «L'Amérique comme métaphore»,
Écrits du Canada français, 58, 1986
(«Québec/USA»), p. 156-167.
La métaphore contemporaine de l'Amérique tourne «en partie
le dos au référent» (p. 156) dont elle procède, comme
le faisait l'image de la France américaine au XIXe
siècle : «Cette "France américaine" était [...] une
manière de ne plus désirer l'Amérique comme objet
primordial» (p. 157). L'auteur insiste sur la continuité des
romanciers contemporains avec les écrivains du XIXe
siècle : «à chaque génération
d'écrivains, au Québec, se produit une sorte de
"réenchantement imaginaire" pour le mythe de
l'Amérique» (p. 158). L'Amérique apparaît
«comme un mythème de la profondeur, comme une durée quasi
immobile qui nous échappe, parce que l'Amérique, au fond,
n'appartient pas -- du moins dans l'imaginaire nord-américain --
à l'homme de culture, mais à l'homme de désir»
(p. 161). Le thème central de l'article est celui de la déchirure
: «le Québec sans l'Amérique apparaît comme une
déchirure, un manque d'un grand bien auquel on ne saurait
remédier par aucune chose» (p. 162); «L'Amérique sans
l'Amérindien est [...] aussi une déchirure, un manque
d'être insupportable» (p. 165).
SAVARD, Pierre, Jules-Paul Tardivel, la France et les
États-Unis. 1851-1905, Québec, PUL, coll. «Cahiers de
l'Institut d'histoire», 8, 1967, xxxvii/499 p.
Dans cette contribution à l'histoire des idées, l'auteur veut
«traiter de la France et des États-Unis dans la vie et l'oeuvre de
Jules-Paul Tardivel» (p. vii) et des «relations qui ne cessent de
s'établir à la fin du XIXe siècle dans ce
triangle culturel nord-atlantique constitué par la France, les
États-Unis et le Canada» (p. 461). Un chapitre est consacré
à la présentation biographique de Tardivel (journaliste
ultramontain et conservateur, «homme qui fut de tous les
problèmes» (p. 4), fondateur en 1881 du journal la
Vérité), six à l'Europe (Tardivel distingue la France
catholique de la France impie) et trois aux États-Unis («Le mirage
américain», «Dans la tourmente américaniste»,
«L'impérialisme yankee»). Tardivel refuse le
libéralisme politique, la «poli-tique d'américanisation qui
gagne les hautes sphères de l'épiscopat américain à
partir de 1890» (p. 460) et l'impérialisme économique des
États-Unis.
SICARD, Brigitte, «L'enjeu d'un concept : la littérature
nationale au Québec et en Haïti durant l'entre-deux-guerres»,
dans Robert Giroux (édit.), Littérature, histoire,
idéologie (Québec-Haïti), Sherbrooke, Université
de Sherbrooke, 1980, p. 146-168.
Lecture idéologique, à partir d'une «hypothèse
socialiste» (p. 166), de «l'élaboration des
littératures nationales québécoise et haïtienne des
années 1920-1940» (p. 147). Malgré un certain nombre de
différences, plusieurs éléments unissent Haïti et le
Québec : «l'origine est liée à des transmigrations
puis à différentes coercitions tutélaires» (p. 149);
«Haïtiens et Québécois sont des transplantés,
tour à tour colonisateurs ou colonisés. Ils furent même des
provincialistes longtemps feudataires de la métropole
française» (p. 150); le rôle de l'Église catholique;
un «mode de production féodale» (p. 155); le refus du
socialisme et de toute Révolution; «la collaboration des
élites québécoises et haïtiennes avec les monopoles
d'argent livra, pieds et poings liés, ces deux nations à la
théogonie capitaliste» (p. 159). En fait, il s'agirait de
«régimes analogues» dans des «toponymies ethniquement
inconciliables» (p. 150), de «vassalités
littéraires» (p. 153).
SUTHERLAND, Ronald, «Les États-Unis et la littérature
québécoise», dans Claude Savary (édit.), les
Rapports culturels entre le Québec et les États-Unis,
Québec, Institut québécois de recherche sur la culture,
1984, p. 201-209.
L'auteur considère que «les écrivains du Canada
français ont toujours été conscients, voire
hyper-conscients, de l'existence d'une nation vaste et dynamique, avec une
population dix fois plus grande, de l'autre côté de la
frontière, mais [que] pour la grande majorité des
écrivains américains, le Canada et le Québec n'existent
pas» (p. 203). Il propose huit sujets d'étude comparée des
deux littératures : la perception des États-Unis dans la
littérature québécoise, le statut des héros
littéraires, l'influence de la littérature féministe
américaine sur la littérature québécoise, la
conception de l'indi-vidualisme et du collectivisme dans le contexte d'une
vague d'immigration, l'humour et le grotesque, les rapports entre la langue
parlée et la langue écrite, l'extra-territorialité
fictive, le mélange de la fiction et de l'histoire. Dans son
«Commentaire» (p. 211-214), Paul-André Bourque reprend les
con-clusions de son texte de 1975 et, d'accord avec le programme de Sutherland,
insiste sur la nécessité de mener des enquêtes pour
comprendre l'amé-ricanité de la littérature
québécoise : il faut «mesurer le rêve américain
à l'aulne québécoise» (p. 214).
TÉTU, Michel, «Jacques Godbout ou l'expression
québécoise de l'américanité», Livres et
auteurs québécois 1970, p. 270-279.
Corpus : l'Aquarium (1962), le Couteau sur la table (1965),
Salut Galarneau ! (1967). Le projet de l'auteur est de montrer
«comment l'oeuvre romanesque de Jacques Godbout est vraiment l'expression
d'un Québécois francophone en terre américaine» (p.
271). Godbout chercherait la «fusion de l'âme
québécoise avec l'esprit américain» (p. 272). Sa
démarche littéraire serait «typiquement américaine.
L'individu et le collectif parviennent à se libérer de la
situation opprimante initiale», alors que dans les romans traditionnels
français «la situation se détériore graduellement
prouvant au lecteur la variété des comportements humains»
(p. 275).
THÉRIEN, Gilles, «La littérature
québécoise, une littérature du tiers-monde ?»,
Voix et images, 34, automne 1986 («Dossier comparatiste
Québec-Amérique latine»), p. 12-20.
Peut-on considérer la littérature québécoise comme
une littérature du tiers-monde ? «Une des principales
difficultés à accepter pareille idée tient à ce que
nous sommes : un immense pays au nord des États-Unis, dont les deux
nations fondatrices se réclament de deux des grandes cultures
occidentales, la française et l'anglaise. [...] L'autre
difficulté tient à la situation particulière du
Québec qui, selon les occasions, peut jouer alternativement la carte
européenne en affirmant sa francité ou la carte
nord-américaine au nom de son américanité» (p.
12-13). La littérature québécoise est
étudiée de cinq points de vue : l'institution, la
thématique, les études littéraires, la langue, la
«position du tiers» (p. 19). «Prendre un point de vue
tiersmondiste sur notre littérature, c'est se décentrer par
rapport à un certain nombre d'illusions savamment entretenues» (p.
19).
TOUGAS, Gérard, Destin littéraire du Québec,
Montréal, Québec/Amérique, coll. «Littératures
d'Amérique», 1982, 208 p.
Dans une perspective comparatiste, l'auteur décrit l'évolution
historique de diverses «nations littéraires». «La
littérature de nos voisins du sud a tracé une courbe que toutes
les néo-littératures du Nouveau Monde sont condamnées
à suivre, de près ou de loin. Car toutes, à un certain
moment, ont cherché à s'émanciper de l'Europe et c'est la
littérature américaine qui, la première, a indiqué
le chemin à suivre» (p. 11). L'auteur définit la
littérature québécoise, «deuxième
littérature de langue française» au monde (p. 149), comme
française (par la langue), chrétienne (par les origines),
nord-américaine (par la situation). Elle est le reflet d'une
collectivité doublement minoritaire -- face à la francophonie et
face au monde anglo-saxon.
WEISS, Jonathan M., «Image des États-Unis dans le roman
québécois moderne», The American Review of Canadian
Studies, 5 : 2, automne 1975, p. 82-103.
Corpus : Trente arpents (1938), la Famille Plouffe (1948),
Kamouraska (1970). Selon l'auteur, les romanciers
québécois perçoivent les États-Unis à la
fois comme une puissante force d'attraction et comme une menace. L'attraction
est présente dans les oeuvres par les thèmes de la survie
économique, de la réussite personnelle et de l'attirance
sexuelle. C'est toutefois la répulsion qui domine : les
États-Unis sont une menace pour la langue (surtout chez Ringuet) et pour
le mode de vie (ceci se manifeste chez Roger Lemelin par la peur de
l'«infantilisme» américain et chez Anne Hébert par le
caractère démoniaque du Dr Nelson).
WEISS, Jonathan M., «Les Plouffe et l'américanisme au
Québec», Revue canadienne des études sur le
nationalisme, 3 : 2, printemps 1976, p. 226-230.
Pour l'auteur, «Lemelin semble avoir axé toute son oeuvre -- dans
sa structure aussi bien que dans ses thèmes -- sur l'influence
pénétrante des États-Unis au Québec» (p. 226).
Les Plouffe (1948) se déroule entre 1938 et 1945, époque
à laquelle «l'emprise» américaine sur le Canada
remplace la britannique (p. 226). L'attitude de la famille Plouffe face aux
États-Unis, qui la menacent de «dislocation» (p. 227), est
faite de «contradictions» : «Faire fortune aux U.S.A., tout en
étant un affront à la valeur du travail manuel, est un espoir
d'évasion d'une vie laborieuse et monotone. [...] Mais, avec la fortune,
avec la renommée, avec l'émancipation, vient un vide culturel et
moral» (p. 229).
WEISS, Jonathan M., «Victor-Lévy Beaulieu : écrivain
américain», Études françaises, 19 : 1,
printemps 1983, p. 41-57.
L'auteur entend montrer «comment la thématique de Beaulieu rejoint,
à un niveau profond et subtil, la thématique non seulement de ses
sources reconnues mais, au-delà de ces sources, du courant le plus
important de la littérature américaine» (p. 44) et que son
américanité «ne se révèle pas seulement dans
les textes [...] où il partage l'expérience américaine,
mais tout au long de son oeuvre» (p. 45). L'article porte sur deux aspects
de l'oeuvre : la sexualité et le thème de la frontière.
«Ce qui, à un niveau conscient, constituait des inspirations, des
sources, des modèles, devient, à un niveau subconscient, une
identité d'images, de mythes, de structure romanesque» (p.
56).
WEISS, Jonathan M., «Une lecture américaine de Volkswagen
Blues», Études françaises, 21 : 3, hiver
1985-1986, p. 89-96.
Étude des thèmes de la frontière, du voyage, de la
quête et de l'écriture dans le roman (1984) de Jacques Poulin.
L'auteur s'attache à le comparer, «tant au niveau de la structure
du récit qu'à celui de son contenu» (p. 90), avec Travels
with Charley (1962) de John Steinbeck et avec De quoi t'ennuies-tu,
Éveline ? (1982) de Gabrielle Roy : «nous sommes convaincus
que, au-delà de toute question d'influences, il y a entre les
littératures québécoise et canadienne-française, et
la littérature des États-Unis, une filiation, voire "un
inconscient collectif américain" [Paul-André Bourque] qui
englobe, du moins partiellement, l'inconscient collectif
québécois» (p. 91).
WEISS, Jonathan M., «Arthur Buies et les États-Unis au
XIXe siècle», Québec Studies, 5, 1987, p.
85-96.
L'auteur présente l'essayiste, puis son rapport avec les
États-Unis, à partir du récit de voyage
«Départ pour la Californie» (1875). Buies avait
déjà, au moment de son départ, un «parti-pris
[politique] favorable aux États-Unis» (p. 88); c'est au plan
littéraire et psychologique que le voyage de Buies sera
déterminant. L'auteur refuse l'interprétation selon laquelle
Buies aurait fait volte-face après son voyage en Californie :
l'«enracinement dans le pays canadien, si évident après
1875, n'aurait pas été possible s'il n'avait pas entrepris le
voyage aux États-Unis. [...] Cette Amérique qu'il cherchait,
c'est en lui-même qu'il l'a trouvée, dans une intégration
maintenant possible au pays» (p. 94).
REMERCIEMENTS
Nous tenons à remercier le Département d'études
françaises de l'Université de Montréal et le Conseil de
recherches en sciences humaines du Canada (qui subventionne le projet de
recherche Histoire littéraire du Québec du professeur Laurent
Mailhot) d'avoir rendu rendu possible la préparation de cette
bibliographie. Nos remerciements vont également à Marie Malo et
à Pierre Popovic pour leur aide lors de la révision du manuscrit,
et à Jonathan M. Weiss pour ses indications bibliographiques.
[1] Selon la quatrième de couverture
de ce roman paru en France, l'auteur serait un «un écrivain
américain écrivant directement en français»...
[2] La Presse, 4 février 1984, p.
B 1.
[3] Nous donnons les dates de publication des
textes dramatiques.
[4] Synecdoque par excellence des
États-Unis, la Californie est aussi l'objet d'un documentaire de Jacques
Godbout (Comme en Californie, 1983) et de la Lettre de Californie
de Jovette Marchessault (1982).
[5] Entrevue parue dans les Deux Rives,
1, 1984, p. 40.
[6] Voir Écrivains des
Amériques (Montréal, Hurtubise HMH, trois volumes, 1972, 1976
et 1980).
[7] La liste d'oeuvres donnée ici n'est
bien sûr pas exhaustive.
[8] Spirale, 81, septembre 1988, p.
6.
[9] Influences culturelles des
États-Unis sur le Québec : état sommaire des travaux,
Québec, Centre québécois de relations
internationales/Institut canadien des affaires internationales, coll.
«Notes de recherche», 4, mars 1972,
p. 19.
[10] On trouvera de précieuses
indications bibliographiques sur la période qui précède
celle que nous étudions dans Rousseau 1984 (les indications
bibliographiques, lorsqu'elles sont données en abrégé,
renvoient à la bibliographie générale. On y trouvera
également des descriptions plus précises des textes
mentionnés dans l'introduction.).
[11] Nous ne connaissons aucun texte portant
sur l'image de l'Amérique centrale ou de l'Amérique du Sud dans
le corpus critique québécois.
[12] Voir Cotnoir 1980.
[13] Il va de soi que ces nouvelles
recherches devraient se développer parallèlement aux travaux
recensés plus haut, et non pas les remplacer. À cet égard,
voir ce que dit Laurent Mailhot des recherches institutionnelles qui manquent
à l'historien de la littérature du Québec : «Restent
aussi à faire, ou à compléter, l'étude non
seulement des relations culturelles ou de l'"image" de la France et des
États-Unis au Québec, et du Québec en France, mais
l'analyse du "code" français et du "code" américain à
l'oeuvre dans la littérature québécoise. Ceci comprend,
mais dépasse, les études de "réception" comme les bilans
d'"influences". La littérature québécoise fonctionne
à la fois en français et en Amérique, mais dans un cadre
et avec des moyens différents sous le Régime français,
sous le Régime britannique, sous le Régime canadien,
canadien-français, canadien-québécois»
(«Problèmes d'histoire littéraire du Québec ou La
littérature comme critique de l'histoire», Paragraphes, 1,
1989, p. 58. Nous soulignons.).
[14] Voir par exemple Yvan Lamonde,
«American Cultural Influence in Quebec: A One-Way Mirror», dans
Alfred O. Hero et Marcel Daneau (édit.), Problems and Opportunities
in US-Quebec Relations, Boulder (Colorado) et Londres, Westview Press,
coll. «Westview Special Studies in International Relations», 1984, p.
106-126 et «Un voisin qui fait écran : le cinéma au Canada
et au Québec et les États-Unis», dans les Grands Voisins.
Actes du colloque belgo-canadien des 24, 25 et 26 novembre 1983, Bruxelles,
Éditions de l'Université de Bruxelles, 1984, p. 227-249.
[15] Voir le Phénomène
IXE-13 (Québec, PUL, coll. «Vie des lettres canadiennes»,
21 et Centre de recherche en littérature québécoise, 1984,
375 p.) et plus particulièrement la contribution de Denis Saint-Jacques,
«L'idéologique dans le texte» (p. 283-322).
[16] Dans Bernard Gilbert,
«Poésie québécoise : portrait récent»,
Nuit blanche, 28, mai-juin 1987, p. 11 et 15.
[17] Voir «L'autre culture
québécoise. La croissance de l'américanité dans la
culture québécoise de masse» (Critère, 35,
1983, p. 133-145) et «Culture et milieu de vie : l'espace urbain à
Montréal» (Écrits du Canada français, 58, 1986
(«Québec/USA»), p. 132-141) : «Si j'ai parlé
d'américanitude, qui rime avec habitude et attitude, c'est pour marquer
que cette culture nous la consommons passivement, elle nous est faite, nous
n'en sommes pas les co-auteurs; le jour où, nous définissant
autrement, nous tenterons d'en produire et y insérerons nos objets,
alors il en ira de notre "américanité" et d'un projet
américain. [...] De l'américanitude à
l'américanité revendiquée, la culture populaire
infiltrerait la définition de soi que promeut la culture
savante»
(p. 140).
[18] Voir, par exemple, le numéro de
la revue Possibles intitulé «L'Amérique
inavouable» (8 : 4, été 1984) et l'ouvrage collectif les
Grands Voisins. Actes du colloque belgo-canadien des 24, 25 et 26 novembre
1983 (Éditions de l'Université de Bruxelles, 1984).
[19] Voir aussi, du même auteur,
«Québec/Brésil : les relations diffractées !»,
Études littéraires, 16 : 2, août 1983, p.
277-287.
[20] Voir, dans le même sens,
l'intervention du Brésilien Gerardo Mello Mourao lors de la Rencontre
québécoise internationale des écrivains intitulée
«Roman des Amériques» (Liberté, 90, 15 : 6,
novembre-décembre 1973,
p. 248-249).
[21] On retrouve une image semblable chez
Jacques Dufresne («Avalons Moby Dick !», le Devoir, 1er
mai 1982, p. 19) : «Si notre destin en tant que culture est de
mourir, aussi bien sombrer en haute mer, avec Moby Dick dans le ventre, que
chavirer sur un lac du Nord. Si nous avons assez de substance pour vivre, le
grand large ne peut que nous faire du bien. Nous y retrouverons d'ailleurs la
France.»
[*] On consultera Liberté, 90, 15 : 6, novembre-décembre 1973 («Roman des Amériques») et Écrits du Canada français, 58, 1986 («Québec/USA»).
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