Editorial

par Gertrude Millaire

Poète... Poésie... poème... écriture... édition...

Le trait marquant du poète ne serait-ce pas son regard, sa perception, sa vision du monde autant que son écriture ? Sa simplicité à pouvoir encore s'émerveiller...

Ecrire, d'où vient ce goût, cette envie... ce besoin ?

Les mots se dessinent au gré des images, des odeurs, des frissons, des rencontres, des absences, des attentes comme un kaléidoscope d'instants démesurés sur la pellicule de nos petites lubies.

Le poème naît de cet instant, dans ce déclic, cette capture du momentané. Tout le reste, je crois, n'est que technique, apprentissage, trucs et astuces, effets recherchés pour la projection sur grand écran de cet instant sculpté à même la glaise de nos fantasmes.

Oui pour moi, le poème est toujours là bien avant que ses contours ne soient dessinés.

Puis, les mots arrivent ; ils me suivent, me poursuivent à travers mes escapades de plein air et souvent la nuit, je les entends rire, un rire qui me tient éveillée.

Ils sont là, en vrac, se bousculent, ouvrant une brèche dans la matière ; l'insaisissable me frôle, me déstabilise. À fleur de mots, les images se succèdent à un rythme effarant, le poème s'écrit ; je suis ensorcelée, comme sous hypnose, je touche cet ailleurs... l'imperceptibilité des choses, cet absolu indescriptible.

D'où vient ce vent, cette folie, cette rage de dire, je n'en sais trop rien et vous ?

Je ne connais pas l'angoisse de la page blanche, car pour moi, la poésie n'est pas dans les mots mais dans ma perception, ma sensibilité à tout ce qui vibre autour de moi, le poème s'écrit bien au-delà des mots, dans la complicité de ces instants de vie, à la plume du vent trempée à la rosée d'un jour tout neuf, fleuri de tant de rêves à inventer.

Comment vous dirais-je, l'écriture m'habite, elle fait partie de moi... elle se nourrit de mes sens. Le poème est le souffle de l'âme et la feuille de papier, le révélateur de cette image latente.

On écrit comme on élague une forêt pour percer la lumière... l'écriture est une marche... vers une rencontre, une communion, un absolu.

Le geste d'écrire me fait penser au jeu où l'on mime un mot pour que quelqu'un le devine. Par l'écriture nous voulons un peu forcer l'autre à connaître ne serait-ce qu'une infime partie de nous, lui faire partager nos vibrations intérieures et nous y allons avec des mots, une image... un rythme.

Et qu'est-ce qui nous pousse à publier nos poèmes ?

- La communication ! Bien sûr... bien sûr... ou du moins sa recherche car je ne crois pas que le poème soit par lui-même très communicatif.

- Le désir d'apprendre ! Bien sûr, bien sûr et nous avons besoin du regard de l'autre pour mieux comprendre notre propre écriture.

- Le défi ! Oui le défi d'affronter le jugement, la critique et la surprise de nous voir à travers le miroir de l'autre.

-Le plaisir ! Oui juste pour le plaisir, oui le plaisir de fleurir le quotidien, de frôler l'incandescente vérité, de toucher l'insaisissable de l'être.

Faut-il être fou, rêveur ou naïf pour écrire ?

Non juste être soi, en avoir le goût et y prendre un plaisir fou.
Gertrude Millaire