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Huguette Bertrand |
AU BOUT DU CRI Au bout du cri ce bruissement des fièvres dans ma chambre aménagée de grenailles et coupes anciennes la tournée des siècles le sang indigène des vieux morts abandonnés la passion malmenée par une nuitée de pas l'oeil au-dessus des villes brûlantes le mouvement graffitique * * * Très haut surgit une écriture difforme le nerf couve les mots insolites éruption de l'ivresse au creux du poing solaire la foudre vaincue au visage de l'interdit l'illusion en désordre la fougue poursuit les pas de l'émue vers le soir enragé * * * Jusqu'à la démesure cette marche neuve comme un ventre vide invite l'inattendu aux bras d'une saison ployé au souffle d'une flamme imprudente la mot grince sur le siège d'un doute l'éclosion du verbe dans la souillure des encres * * * À quoi sert rapprocher des mots d'ambiance discrète telle lenteur de pluie fine d'un épouvantable cri ce geste tend à mourir près d'une folie d'automne * * * Aux tendons de l'image la lumière s'accomplit confond la fleur et le roseau le trait d'herbe et la danse de l'arbre la puissance de l'eau et le chant des mutins l'urgence du cri l'inquiétude des murs pour la fuite gelée dans un fruit l'étrangeté murmure des mortels à profusion au musée de temps chauve * * * Sur l'eau du chagrin les imperfections ont une envie de voyage dans l'esprit du texte longtemps le suc de la blessure du genre royal ce quelque chose d'yeux maladifs l'impression d'un navire à la dérive sous les pieds des chimères les sottises l'imposture près d'un lampadaire jouent du tombeau * * * Du déhanchement de la mer déferle une étreinte sur la grève enroulée trempée à l'os la chair délinquante parle de douceur le fer vif sur l'éclair conserve l'objet du soir achevé perpétuellement remuée la voilure aux paupières s'empourpre et le phare savoure le velours de l'oeil chaud son teint de sel le jet noir la mer s'épuise * * * Au coeur d'une lampe rampe la froidure et son reflet inspire le temps au vague la vie retire les pulsations opaques aux pores de la pensée attise le jour défait en miettes de temps pour l'oiseau affamé la lampe en émeute frissonne dans le creuset des nuits ses ailes rouillées au chant de chair * * * Faut-il brûler nos amants en étincelles sur nos mains pâles comme des encens sur d'étranges pierres ce rituel secret d'un trait m'entraîne vers de grandes chambres usées de cris mâles et mes idoles du bout de l'onde gisent étonnées dans la sève du jour * * * Place du retour un sourire secoue ses hanches au bord d'une larme immense électrise les neurones les hormones au bout d'un cri efficace le feu brûle bleu secoue la cage grise crève la chaleur et ça recommence la chanson la semence la noirceur plein les bras à l'ombre d'un pommier FUGUES EN PEAU MINEUR de maigres instants gravitent autour de moi cela s'éteint et cela s'allume cela courts sur l'écriture et n'en revient pas comme une habitude qui s'effiloche n'en finit plus de vouloir s'échapper la vie en entonnoir filtrée doucement sans bruit une fin d'histoire sans suite ce n'est ni blanc ni noir plutôt gris comme de l'ombre cela s'aperçoit et repart c'est intouchable et cela se désire tant ce n'est pas bête mais cela rend fou cela s'insère et s'enserre laisse un goût fade parce que c'est gris trop gris quel intérêt pour le silence le portrait du parfait silence exaspère la honte des siècles cela fend l'air le temps l'espace et cela s'use très lentement le beau silence qu'on enterre à la suite des cris dans le polaire de la nuit MOUVEMENT I De mains de source la vie improvise un dialogue microscopique simulation sanguine et les griffes à l'entrée des théâtres du coeur écorché rose souvenir errant sous l'esprit de la robe le jeu effronté de mes forêts intimes lianes aux draps * * * Au fer de la terre se meurt l'amer de mon corps d'une image fleur de pluie les gènes expropriés dans l'eau claire j'écris les visages sur un bout de papier peint les cernes au coeur remous de rêves dans l'écrin des folies une cicatrice de marécage aspire le jour et la nuit s'emballe * * * Des roses pâles pour des nuit terroristes des amours senteur lavande tuées proprement sur des civières d'ébène siècle éternel café noir sang bouches de feu doigts d'écriture effaçant ainsi va la suite * * * Dans l'ivoire d'un jour un rythme s'éloigne sur la pointe des rimes vers le jaunâtre des femelles et des mâles derrières les enfants creux regards au milieu d'une page vide les encres dispersées des poèmes de septembre brodent des ponts sur la mer synchronisent les midis pétrifiés par le jazz des saisons * * * Dans le pli des paumes une musique brûle la peau des mots fous prisonniers dans l'armoire ce délire impérial suspend le hasard auréole le discours * * * D'une chair en colère les cris fécondés trébuchent sur un sommeil grandiose les jambes seules à la dérive l'oreille tendue la vie libère l'arbre aiguisé l'os amer * * * Lichen sur le sein méfiant l'agonie des corps morts d'amour soleil rouge le son dort dans la baie les yeux dérivent vers la plage longue durée caresses de cailloux les silences inanimés * * * Bafoué le visage du mouvement agresse la feuille rouge du commencement d'aimer peau d'automne gonflée de mythes aux jardins saoulés d'oeillets d'esprits follets incendiée la pierre jouit de l'ombre
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Écrits des Forges, Trois-Rivières (Québec) Canada coll. ROUGES-GORGES, no 58 Dépôt légal / Deuxième trimestre 1988 BNQ et BNC - ISBN 2-89046-127-0 Tous droits réservés |
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