Les six livres du Souvenir sont gardés dans la Chapelle du souvenir de
la tour de la Paix au Parlement. Ensemble, ils commémorent les noms de 114 710 Canadiens qui, depuis la Confédération,
ont perdu la vie au combat au cours de conflits armés à l'extérieur du Canada.
Le Livre du Souvenir de la Première Guerre mondiale est le plus volumineux et le premier qui a été réalisé. Il
contient 66 655 noms. Le deuxième plus volumineux est le Livre du Souvenir de la Seconde Guerre mondiale qui
contient 44 893 noms.
C'est le 1er juillet 1917 que le premier ministre Sir Robert Borden a dédié un lieu au Parlement, qu'il a décrit
comme « un monument à la mémoire de nos ancêtres et du courage de ces Canadiens qui, pendant la Guerre mondiale,
ont combattu pour défendre les libertés du Canada, de l'Empire et de l'humanité. » Deux ans plus tard, le prince
de Galles posait la pierre angulaire de « la tour de la Victoire et de la Paix » comme on l'avait d'abord nommée.
Originalement, l'intention était de graver tous les noms des soldats canadiens sur les murs de la Chapelle du
souvenir. Mais on a finalement constaté qu'il n'y avait pas assez de place pour contenir plus de 66 000 noms.
Il a fallu songer à d'autres solutions. C'est le colonel A. Fortesque Duguid, DSO, qui a suggéré l'idée des
livres. Le plan a été accepté et des modifications mineures ont dû être effectuées dans la Chapelle pour y
installer les livres. Le prince de Galles est retourné le 3 août 1927 pour dévoiler l'autel, un cadeau du
gouvernement britannique, sur lequel repose le Livre du Souvenir de la Première Guerre mondiale.
L'artiste choisi pour faire le travail était James Purves de London, en Ontario. À ce moment-là, on s'attendait
à ce que la réalisation du livre de la Première Guerre mondiale prenne cinq ans et coûte 35 000 $. Cependant, le
travail n'a pas été achevé avant 1942, c'est-à-dire onze ans après la formation du comitié chargé du projet. Les
raisons de ce retard étaient nombreuses. Premièrement, Purves avait besoin de matériaux rares. Deuxièmement,
tous les outils et les matériaux devaient venir de l'Empire britannique. James Purves est mort en 1940. À ce
moment-là, il n'avait eu le temps de faire que le travail préliminaire. Le travail d'enluminure et d'illustration
n'avait été effectué que sur une seule page du manuscrit. Par conséquent, tout le travail de Purves a été
confié à Allan Beddoe, un artiste d'Ottawa et un assistant de Purves pendant plusieurs années. Le premier livre
a été complété deux ans et demi après que Beddoe ait pris la relève. Beddoe a été un administrateur
consciencieux qui a consacré 30 ans de sa vie à la création des livres du Souvenir du Canada. Il est mort en 1975.
Le Livre du Souvenir de la Seconde Guerre mondiale (1939-1945)
En 1948, on décida de créer un livre du Souvenir à la mémoire des Canadiens qui avaient perdu la vie au cours de la Seconde Guerre
mondiale. Allan Beddoe a été choisi à cette occasion aussi pour faire le travail. Dans les notes qu'il a préparées sur le projet, Beddoe
a écrit : « Je tiens à ce que mon travail soit un hommage approprié à la mémoire de tous ceux qui sont morts, mais également
une oœuvre qui soit parmi les plus belles réussites du genre à l'époque moderne. C'est un travail qui demande beaucoup d'application et de
soin. Je n'ignore pas qu'il soit financé à l'aide des deniers publics et qu'il faut maintenir les coûts le plus bas possible. Mais je suis
néanmoins conscient de la responsabilité qui m'échoit en tant qu'artiste face au peuple canadien, qui s'attend certainement à ce
que ces fonds soient employés à la production d'une œuvre d'une beauté exceptionnelle. »
M. Beddoe devait entreprendre la réalisation de ce deuxième livre au printemps de 1948 et comptait avoir terminé en
août 1952. Au cours des trois premières années, Beddoe a rencontré une série de problèmes. Notamment
le vélin (cuir de veau) utilisé comme papier est arrivé d'Angleterre neuf mois plus tard que prévu, puis il a fallu six mois à l'Imprimerie
nationale pour attacher les gardes de toile au vélin. D'autres difficultés sont survenues lorsqu'il a fallu établir l'orthographe exacte des noms
des femmes et des hommes d'origine française. Aussi, le comité interarmé des archives a eu beaucoup de difficulté à retracer les
noms de Canadiens morts au combat au sein d'autres forces armées. Les sections historiques des trois services ont connu un retard de sept
mois, en raison de leurs autres obligations après la guerre. En plus, Beddoe et son équipe de travail ont passé six mois à chercher des
lieux de travail convenables où la température et l'humidité pouvaient être contrôlées de façon à ne pas endommager les livres.
À l'automne de 1949, on a finalement pu commencer la composition et l'illustration du livre. Cependant, en 1950 et 1951, d'importantes
modifications en matière de politique ont retardé la progression des travaux. Par exemple, on a décidé que les abréviations des
régiments d'infanterie et des régiments blindés devaient être incluses au lieu de simplement inscrire les
appellations désignant les divers corps, comme on l'avait fait jusque là. Quand ces décisions ont été prises, près de la moitié
des 44 893 noms avaient déjà été inscrits. Il a donc fallu rejeter tout ce travail et le reprendre à nouveau. Beddoe a alors décidé
d'apporter d'autres changements au livre. Il a adopté une nouvelle calligraphie appelée « Foundation Hand ». Il a aussi engagé un autre
rédacteur pour l'aider. Des plumes en or ont été fabriquées spécialement pour la composition des livres. L'équipe de travail de
Beddoe comprenait un chef adjoint, cinq artisans adjoints, deux rédacteurs, un agent comptable et un correcteur.
Dans le deuxième livre, il n'y a que 75 noms par page comparativement à 125 dans le premier. Beddoe a décidé aussi
d'incorporer des pages soulignant des actions particulières, des batailles spécifiques et des endroits qui ont été significatifs
pour les Canadiens pendant la guerre. Le Livre du Souvenir de la Seconde Guerre mondiale a été placé dans la Chapelle du souvenir à
l'occasion du jour de Souvenir, le 11 novembre 1957.
La Chapelle du souvenir
Plus de 500 000 visiteurs par année se rendent à la Chapelle du souvenir, au troisième étage de la tour de la Paix, pour admirer les
six livres du Souvenir. La Chapelle est une salle admirablement faite, avec un plafond voûté, des vitraux et des sculptures très
détaillées qui dépeignent les actes accomplis par le Canada pendant la guerre. Au cœur de la Chapelle se trouve l'autel
principal sur lequel repose le Livre du Souvenir de la Première Guerre mondiale. L'autel est posé sur des gradins taillés
dans la pierre du champ de bataille de Flandres. Le sol autour des gradins est orné d'une mosaïque de plaques de laiton,
fabriquées avec des douilles vides trouvées sur le champ de bataille, où sont consignées les grandes opérations
auxquelles les Canadiens prirent part durant la Première Guerre mondiale. Sur l'autel, il y a un coffre en laiton finement ouvragé, avec
un couvercle en verre : les coins de ce coffre sont ornés de statuettes d'anges agenouillés. Le livre repose dans ce coffre, sur un
lutrin basculant spécial grâce auquel les pages sont toujours de niveau et parfaitement lisibles sous le verre protecteur. Quatre
autres livres sont disposés à proximité de chacun des murs de la Chapelle et le Livre de la Seconde Guerre mondiale est appuyé sur le mur sud.
En 1959, on s'aperçut que la température et l'humidité élevées à l'intérieur de la Chapelle du souvenir avaient gravement endommagé
la reliure et la couverture du livre de la Première Guerre mondiale et de celui de la Seconde Guerre mondiale. Ces deux ouvrages
furent donc recouverts de crispé levant (cuir de chèvre) rouge, reliés de nouveau mais cette fois en deux volumes chacun.
Les personnes intéressées à un nom particulier peuvent communiquer avec le Service de sécurité de la Chambre des communes pour recevoir
un calendrier qui indique à quel moment la page correspondante sera tournée. Avec une permission spéciale, on peut voir la
cérémonie qui n'est pas normalement accessible au public.
Conclusion
Individuellement et collectivement, les six livres du Souvenir du Canada sont un chef-d'œuvre moderne d'exécution artistique. Ils
représentent en fait l'excellence même de ces arts délicats que sont l'enluminure héraldique, la calligraphie, la
peinture à l'aquarelle, la reliure, le tannage et le gaufrage du cuir. Mais le seul fait qu'y soit consignée la perte tragique de jeunes
Canadiens et Canadiennes de la Marine, de l'Armée et de l'Aviation qui périrent à la guerre suffit sans doute pour que le
peuple canadien vénère éternellement ces ouvrages, en leur qualité de témoignages vivants à la bravoure, au
sacrifice et au dévouement de tous ces héros qui ont sacrifié leur vie.