Discours prononcé

par

Arthur Meighen

le

27 avril 1921

devant la

Chambre des Communes



Le très hon. ARTHUR MEIGHEN (premier ministre): Monsieur l'Orateur, je n'avais pas l'intention ni le désir de prendre part au débat, avant d'avoir eu l'avantage d'entendre les observations de tous nos collègues qui désirent discuter la question, ainsi que les avis qu'ils ont à donner afin de faciliter la tâche aux ministres qui iront représenter le Canada à la prochaine conférence impériale. Cependant, en face de la détermination extraordinaire et assurément sans précédent du chef de l'opposition de profiter de ce débat pour proposer un amendement sur le passage à l'examen des subsides, je crois devoir dire tout de suite la pensée du Gouvernement sur la proposition de mon honorable ami. Jusqu'à présent on n'a jamais discuté les questions qui devaient venir à une conférence impériale avant le départ des représentants canadiens. Il n'est pas à ma connaissance du moins qu'un débat spécial ait jamais eu lieu dans le but de régler d'avance la conduite des représentants canadiens appelés à prendre part à ces délibérations. Je ne dirai pas que le précédent que nous créons cet après-midi ne constitue pas un excellent exemple. Si le Gouvernement avait pensé le contraire, nous l'aurions fait savoir au Parlement, au lieu d'inviter les représentants du peuple à discuter la question à une date fixée d'avance. Au contraire, le fait de fournir l'occasion à nos honorables collègues de discuter ces questions constitue un précédent fort précieux. Pour moi, ce libre échange de vues entre les membres du Gouvernement et la représentation nationale est de nature à produire beaucoup de bien, surtout en ce qui concerne certaines questions qui seront débattues à la prochaine conférence des premiers ministres de l'empire.

Le Gouvernement est d'avis que la solution de certains problèmes ne saurait guère faire de progrès tant qu'ils n'auront pas fait l'objet d'un débat devant le Parlement; or, il faut du temps pour cela car une discussion d'un jour, d'une semaine ou un mois ne servirait pas à grand'chose; nous nous rendons compte aussi que ces problèmes doivent être étudiés par la population canadienne, et l'opinion publique devra se prononcer d'une façon non équivoque avant que les délégués du Canada ainsi que les représentants du peuple prennent une décision définitive sur ces questions. Voilà mon opinion à ce sujet.

Cependant, mon honorable ami (M. Mackenzie King) profite de l'occasion pour proposer un amendement sur le passage aux subsides, dans le but de restreindre la liberté d'action des représentants du Canada à la conférence des premier ministres coloniaux. Je prétends que jamais une pareille procédure n'a été suivie relativement aux autres conférences impériales qui se sont succédées au cours des vingt dernières années, jamais le parlement canadien n'a songé à lier les mains de ses représentants avant leur départ pour assister aux conférences impériales qui se sont tenues dans le passé.

Pourquoi cette démarche ne se conseille-t-elle pas? C'est que d'abord, répondrai-je, elle s'accorderait peu avec le principe de la conférence. Cette conférence a lieu pour faire connaître l'état de choses existant dans les diverses colonies aux représentants de toutes les colonies, et pour qu'on y puisse énoncer et peser les faits qui peuvent être connus de quelques-uns, des faits dont l'importance peut n'avoir pas été bien saisie dans quelques colonies, mais non dans d'autres, afin qu'on puisse recueillir les opinions que l'on tient pour être de grande conséquence dans certaines régions du pays et moins dans d'autres, afin, en un mot, qui puisse être tirées des conclusions qui semblerait avantageuses à tous. Telle est la définition qui me semble être celle de la véritable nature de la conférence elle-même. Cela étant, il me semble que la Chambre aurait tort de vouloir tracer la marche que devront suivre les représentants de ce pays dans un examen de certaines matières soumises à la discussion. Ce n'est pas tout, cependant, l'attitude que l'on nous demande de prendre cet après-midi, demande que l'on fait sans avoir pour but, nous assure-t-on, d'embarrasser le Gouvernement, mais plutôt de lui venir en aide dans l'accomplissement de cette importante mission; cette attitude, dis-je, que l'on nous demande de prendre cet après-midi, pourra devenir une pratique à suivre par les autres Dominions, une pratique à suivre non seulement à l'égard des matières spécialement indiquées dans la proposition d'amendement, mais aussi à l'égard de certains autres sujets-puisque si nous avons raison de donner un ordre quant à l'un d'eux, nous avons raison de le donner quant à un autre. Supposons que cette attitude soit prise également par l'Australie, par la Nouvelle-Zélande, par Terre-Neuve, par l'Inde, par la Grande-Bretagne, et que chacun de ces pays la mène à sa conclusion logique; supposons que les délégués se rendent à la conférence avec ordre donné par leurs gouvernements d'agir dans un certain sens sur un point ou sur tous, je me demande pourquoi ces délégués iraient là-bas.

Quel est l'objet de la conférence? La conférence n'aura-t-elle pas été détruite dès l'heure de sa conception? En vérité, la démarche que l'on nous propose cet après-midi serait le premier pas vers un état de choses où il deviendrait inutile aux divers pays de l'empire de se consulter dans un intérêt commun.

L'honorable chef de la gauche me prie de bien vouloir ne pas tenir sa proposition pour une demande faite à la Chambre de déclarer qu'elle n'a pas confiance dans le Gouvernement. Mais si l'honorable député a confiance dans le Gouvernement et, plus particulièrement, dans le premier ministre au sujet de cette conférence, je ne sais plus vraiment pourquoi la motion est proposée. Au reste, une telle motion dans la circonstance pose de prime abord la question de cabinet. II y a quelques jours, l'honorable député de Queen-et-Shelburne (M. Fielding), désireux de persuader au Parlement qu'une demande d'adopter le vieux pacte de réciprocité de 1911, demande faite par voie d'amendement à celle de se former en comité des subsides, n'avait pas le caractère d'une question de cabinet, a fait part à la Chambre du résultat de ses recherches à cet égard et j'ai pris plaisir à l'écouter. II était parvenu à découvrir deux amendements proposés depuis la confédération dans les mêmes circonstances, amendement que l'on a pas tenu pour l'expression d'un manque de confiance dans le Gouvernement; deux en cinquante-quatre ans. Pas n'est besoin de raisonner ensuite pour savoir qu'une motion présentée avant le passage aux subsides, pose de prime abord la question de confiance, d'autant surtout qu'une telle motion serait faite par le chef de la gauche, qui cherche à lier les mains d'un représentant du pays au moment où il se prépare à se rendre à une conférence des premiers ministres de l'empire. Quoi qu'il en soit de la réponse à cette question, il serait peu prudent de la part de cette Chambre de s'engager dans une voie menant à la destruction de l'unique but que nous pouvons viser à titre de colonies autonomes associées à la Grande-Bretagne, but qui est l'avancement de nos intérêts communs et les mesures à prendre pour que l'empire subsiste dans les conditions actuelles.

Pendant que j'ai la parole, et puisque je ne pourrai pas le faire plus tard, je vais dire les motifs de cette convocation; je vais dire de plus quelles sont les matières que l'on y discutera. Je m'efforcerai en même temps d'établir en quoi la présente conférence se distingue des autres qui lui sont semblables sous quelques rapports. A mesure que j'avancerai dans ces explications, je répondrai aux questions que vient de me poser le chef de la gauche.

La conférence impériale de 1917 - je crois que c'est cette conférence et non le cabinet de guerre impérial-adopta une résolution où il était déclaré que la question de tout remaniement nécessaire des rapports constitutionnels des diverses colonies autonomes entre elles et avec la mère patrie était si importante et si complexe qu'il fallait en confier l'étude à une conférence spéciale qui aurait lieu après la guerre, et qu'aucune décision à intervenir ne devrait ignorer ni réduire les pouvoirs inhérents à l'autonomie de ces possessions ni même faillir de reconnaître leur droit de se prononcer quand il s'agirait de déterminer le caractère et les principes de la politique étrangère intéressant l'empire tout entier. Je vais faire la distinction des diverses conférences qui ont eu lieu, afin que la Chambre ne se méprenne pas.

Je commencerai par signaler la conférence impériale. Elle a tenu des réunions périodiques dès avant ce siècle. En 1907, elle décide par une résolution - la résolution n° 1 - de se réunir tous les quatre ans. Elle se compose de ministres représentant la Grande-Bretagne et les diverses parties de l'empire. Elle a pour président le premier ministre d'Angleterre, mais elle est convoquée à la demande du secrétaire d'État aux colonies, et le rouage de sa procédure, c'est-à-dire le secrétariat de la conférence, est sous la surveillance de celui­ci. De fait, c'est lui qui préside d'ordinaire, en sa qualité de vice-président de la conférence. Le thème des délibérations de la conférence impériale a invariablement consisté en ce qui pouvait intéresser l'empire et ses parties intégrantes au point de vue domestique, il n'y a jamais été question de politique étrangère.

Au cours de la guerre a surgi ce qu'on a appelé le cabinet de guerre impérial, nom qui pouvait répugner à quelques­uns sous prétexte qu'il donnait à entendre plus qu'il ne signifiait réellement. De fait, l'ancien chef de l'opposition, sir Wilfrid Laurier, a trouvé que le nom de "conseil" eut été préférable. Ce cabinet se composait de ministres d'Angleterre et de possessions de l'empire. Sa composition ressemblait donc à celle de la conférence impériale. Il avait pour président le premier ministre d'Angleterre. Le secrétaire des colonies n'y était pas spécialement concerné. Il était convoqué par le premier ministre d'Angleterre, et le thème de ses délibérations différait essentiellement de celui des délibérations de la conférence impériale. Il s'occupait de questions de haute politique, de questions concernant les affaires étrangères et surtout l'union des efforts de toutes les parties de l'empire en vue de remporter la victoire. Voilà ce qui en était de ce cabinet.

Je rappellerai qu'avant cette époque c'est-à-dire en 1911, il s'était agi du renouvellement de l'alliance japonaise, question relative aux affaires étrangères et au sujet de laquelle le Canada avait fait entendre sa voix par l'entremise de sir Wilfrid Laurier, son représentant. Toutefois, le Canada s'était prononcé à une réunion non pas de la conférence impériale mais du comité de la défense impériale, institution toute différente. J'ajouterai qu'il fut prévu par le cabinet de guerre impérial que toute possession britannique autonome pouvait faire assister un de ses ministres à toute séance tenu par ce cabinet au sujet de la guerre, entre ses séances plénières. Mais comme on ne s'est jamais prévalu de ce privilège, qu'il me suffise d'y faire allusion.

A la conférence de la paix qui eut lieu à Paris, les ministres des diverses possessions autonomes - tous leurs premiers ministres étaient là, je crois - crurent devoir se réunir pour discuter certains points et conclure certains arrangements de souveraine importance d'après eux, avant la réunion de la conférence constitutionnelle prévue par la résolution de la conférence impériale de 1917 dont j'ai parlé. Mais la réunion de ces ministres n'eut pas lieu, parce qu'ils ne réussirent pas à en fixer le lieu ni la date. Ce ne fut qu'en octobre dernier que le premier ministre d'Angleterre suggéra, dans un message confidentiel, que certains premier ministres pouvant plutôt assister à une conférence au mois de juin. Le Canada fut représenté par son premier ministre à cette conférence, qui avait lieu en Angleterre dans ce mois­là.





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