John Diefenbaker rentre au foyer
- à la fin d'une vie qui a commencé à une
autre époque et qui a embrassé la majeure partie
de l'histoire de notre Canada. Lorsqu'il est arrivé dans
l'Ouest, cette contrée était encore jeune et sauvage,
c'était l'année où la Saskatchewan devenait
une province. Enfant, il a parlé aux chasseurs de bisons.
Homme, il a dirigé son pays et dominé son parlement.
En cours de route, il a touché la vie de ses compatriotes
comme plus personne ne pourra le faire.
Il est plus facile de changer les
lois que les vies. John Diefenbaker a changé les deux.
Sa Déclaration des droits, ses programmes sociaux, ses
politiques sur les ressources et le développement régional
ont changé pour toujours les lois du Canada. Mais, ce qui
est encore plus fondamental, c'est qu'il a changé notre
vue de notre pays. Il nous a exposé son potentiel et nous
a fait voir nos possibilités. Il est approprié que
son dernier travail, duquel la mort l'a séparé,
était de rédiger un discours en prévision
de l'ouverture de la Dempster, son autoroute menant à notre
mer du Nord.
Nous ne sommes pas ici pour juger
John Diefenbaker. Nous sommes ici pour rendre hommage à
la force, digne des pionniers, et à l'esprit de cet homme
indomptable, issu d'un groupe minoritaire, élevé
dans une région minoritaire, chef d'un parti minoritaire,
qui a changé le cours même de l'histoire de son pays
- et qui l'a changé pour toujours. Quand un homme meurt,
après presque 84 années bien remplies, il laisse
une foule de souvenirs. Dans le cas de cet homme, on saura que
la grandeur, la réputation et la fierté de ce pays
ont bénéficié de son passage.
En politique canadienne, il fut l'homme
le plus près du peuple. John Diefenbaker a fait participer
au régime politique de notre pays ceux qui avaient été
oubliés. Il a fait connaître la politique à
ceux pour qui elle n'était qu'un vague concept. Il a éclairci
un processus qui, pendant trop longtemps, fut entouré de
mystères.
Il était un homme passionné.
Quelle que soit la question, quelle que soit la personne, il avait
ses idées - arrêtées avec fermeté -
présentées avec force - défendues avec vigueur.
John Diefenbaker a laissé sa marque dans la vie publique
du Canada et, à cette passion qu'il offrait à ses
compatriotes, les Canadiens ont répondu avec passion. John
Diefenbaker a suscité toute la gamme des réactions
à son endroit sauf une, l'indifférence.
C'était un patriote. Pour
John Diefenbaker, le patriotisme n'a jamais perdu son attrait;
c'était l'essence même de sa vie. Les Canadiens ne
partageaient pas tous sa vision du Canada, mais tous la connaissaient
et tous étaient touchés par la conviction avec laquelle
il la défendait. Toutes ses autres croyances prenaient
leur source dans sa foi. Sa foi dans le Canada en tant que pays
offrant l'égalité des chances à tous ses
citoyens se reflète dans sa Déclaration des droits
de l'homme. Et ce pays, il le connaissait à fond; c'est
pourquoi il a encouragé la mise en valeur du Nord et favorisé
le développement des régions. Son engagement profond
à l'égard de la justice sociale et de la dignité
humaine se retrouve dans le régime de soins de santé
qu'il a institué et dans les programmes en faveur des déshérités
qu'il a parrainés.
Il était beaucoup plus qu'un
homme d'État. Les hommes d'État sont des étrangers
alors que John Diefenbaker était connu de la plupart des
habitants du Canada. Pendant toute sa vie, il a recherché
les contacts personnels. Et au cours des derniers jours, ceux
qui se sont alignés tout au long du parcours du train,
qui sont venus à minuit lui dire adieu, qui ont chanté
et applaudi à son départ, ils ne se rappelaient
pas une Déclaration des droits, ou un débat du Parlement
ou une cause ou un parti en particulier. Ils venaient rendre hommage
à un homme extraordinaire, un homme qui est entré
dans nos vies et qui les a enrichies, un homme que nous voulions
voir rentrer chez lui.
Sa vie était véritablement
le Canada. Pendant plus de huit décennies, il a fait partie
de notre histoire, depuis le charrette dans les Prairies jusqu'aux
satellites dans l'espace. Il a façonné une bonne
partie de cette histoire; et celle-ci toute entière l'a,
à son tour, faconné, lui.
Maintenant, sa vie, cette étape
de notre histoire est terminée. Et nous sommes ici aujourd'hui
pour accompagner John Diefenbaker à sa dernière
demeure.
Et c'est juste que ce soit ici. Car
John Diefenbaker avait beau représenter tout le Canada,
il était par-dessus tout un homme des Prairies. C'est ici
dans ce pays aux grands espaces que son attachement au peuple
avait pris racine. Sa grande compassion pour autrui lui avait
été inspirée par ce qu'il avait vu et senti
durant les années de la dépression. Le barrage du
sud de la Saskatchewan, qui est l'une de ses oeuvres, atteste
de sa détermination de faire en sorte que les agriculteurs
de la région n'aient plus jamais la poussière comme
lot là où l'herbe doit pousser. C'est de Prince
Albert qu'il a regardé vers le Nord et que lui est venue
la vision avec laquelle il a fait vibrer le coeur de chacun de
nous.
Nous confions donc ses restes au
sol des Prairies, au campus qui l'a vu étudiant puis chancelier
et qui surplombe la voie fluviale empruntée par nos premiers
pionniers se dirigeant vers l'Ouest, à la province qui
l'a formé.
Il a montré ce qu'un homme
pouvait faire dans un pays comme le Canada .
En confiant son corps à la
terre qu'il aimait, nous confions son âme au Créateur
qu'il a toujours voulu servir - et nous gardons dans nos coeurs
le souvenir d'un homme qui consacra sa vie à son pays.
Donnez-lui le repos éternel,
Seigneur, et que la lumière brille à jamais sur
lui.
Que le Seigneur bénisse et
protège John Diefenbaker.