Le Canada a une dette que nous avons
contractée directement par suite du fait que nous avons
pris part au conflit européen; les intérêts
annuels que nous devons acquitter excèdent de beaucoup
le chiffre que représentait notre dette nationale plusieurs
années après l'établissement de la Confédération.
Voilà une grave situation. Cependant, exposer la situation
n'y apporte pas remède ; le fait de la signaler à
l'attention publique ne la fait pas disparaître. Cette situation
a été signalée à l'attention de la
Chambre et elle le sera encore à l'avenir. J'estime qu'en
1937, quelqu'un devra s'attaquer au grand problème de
la conversion de la dette du Canada. Mais, si nous devons réussir
à convertir notre dette, il n'y a qu'un moyen de le faire
et c'est de maintenir notre crédit (Très bien, très
bien.) Si nous perdions notre caractère national, soit
notre crédit, il nous serait alors à jamais impossible
d'effectuer la conversion. Le seul objet que le Gouvernement ait
eu en vue, plus que tout autre, lorsqu'il s'agit de nos problèmes
financiers, a été d'administrer nos affaires de
façon que les gens raisonnables et sincères puissent
dire que nous avons agi à l'endroit de nos créanciers
comme doivent le faire des honnêtes gens; que nous avons
exercé nos attributions législatives de façon
à encourager l'honnêteté chez les gens et
les engager à s'acquitter de leurs obligations selon leurs
promesses.
Mais la faillite intervient, et la
faillite n'est rien de neuf en droit; nous savons sur quoi elle
repose, nous savons à quoi elle remonte, et nous avons
conçu l'idée que nous pourrions régler les
affaires de faillite comme on l'a fait, après qu'elles
ont été soumises à la Cour suprême
du Canada. Si une mesure, plus que d'autres, a été
avantageuse au cultivateur canadien, c'est bien la loi d'arrangement
entre cultivateurs et créanciers. (Très bien, très
bien). Maintenant, pour ce qui est des autres projets de loi,
je n'en dirai que ceci: c'est que, dans la limite de nos attributions,
nous avons présenté au Parlement des mesures législatives
qui sont de notre ressort au point de vue constitutionnel. L'attaque
dirigée contre le ministre de la Justice (M Guthrie) parce
qu'il a osé faire observer, comme il était tenu
de le faire, et ce pour une raison que je donnerai dans un instant,
que des avocats consultés à ce sujet avaient formulé
des doutes quant à la régularité de la loi,
était un procédé déloyal; c'était
précisément ce que l'on devait compter qu'un procureur
général du Canada devait faire, à en juger
par l'expérience du Parlement dans le passé. Le
premier venu, dois-je croire, dirait que c'était le moins
qu'un procureur général du Canada pouvait faire.
Pourquoi? Parce que la Chambre était saisie d'un rapport
d'une commission, et j'ai dit l'autre jour que nous avions décidé,
dans la mesure où la loi nous y autorise, à donner
suite aux conclusions du rapport. Il saute aux yeux que le ministre
devait, pour agir de bonne foi, informer la Chambre qu'on lui
avait fait part de doutes sur la régularité du bill.
non pas pour dire que la loi serait sans résultats pratiques,
mais pour user de sincérité à l'endroit de
ceux qui comptaient sur lui, en sa qualité du ministre
de la Justice, pour les guider. Ceux qui se souviennent de ce
que l'on disait de la loi des chambres de commerce en 1919, --
voyez le hansard -- se souviendront également que l'on
avait des doutes à son sujet, mais le Gouvernement poursuivit
son projet afin que la question pût être tranchée.
Il en est de même de cette mesure; le Gouvernement l'a soumise
à la Chambre. Et lorsque nous en arrivons à la loi
des compagnies au sujet de laquelle il y a eu, depuis un demi
- siècle, comme il y aura encore, des opinions variées
quant au meilleur moyen d'atteindre aux résultats visés,
le ministre a soumis cette mesure à la Chambre et a dit:
Ce bill est le vôtre tout autant que le mien; faites-moi
connaître votre manière de voir; je me bornerai à
dire que c'est une mesure que, si je pratiquais le droit, j'aurais
pu mettre de côté. Ce n'était pas là
manquer de sincérité; c'était parce qu'il
tenait à ce que la Chambre, en examinant cette loi dont
on doutait, puisse profiter de l'opinion d'avocats que l'on avait
consultés afin de savoir si l'adoption de la mesure entrait
dans les attributions du Parlement. II est bel et bon de dire
que les gens sont las d'entendre parler de la loi de l'Amérique
britannique du Nord. Nous avons eu de nombreux exemples de son
importance lorsque des gens sont venus demander à des parlements
et à des législatures d'en ignorer les dispositions.
Nous avons eu des renvois devant les tribunaux au sujet des assurances
et d'autres que je pourrais mentionner. Nous avons eu l'affaire
des chambres de commerce, celle des coalitions, et d'autres de
cette nature.
Mon devoir, tel que je le conçois,
est de présenter des lois en cette Chambre, que le ministre
de la Justice, avec l'aide du légiste qu'il a consulté,
croit constitutionnelles et valides. S'il existe des doutes, alors
nous voulons bien que la Chambre assume la responsabilité
de légiférer selon qu'elle le juge à propos,
mais il nous incombe de faire part à la Chambre de ce doute.
Le ministre de la Justice serait-il excusable de cacher ces faits
et dire à la Chambre: Voici une mesure législative
valide que vous pouvez adopter; ou est-il juste et convenable
qu'il déclare que jusqu'à un certain point il ne
semble exister le moindre doute, que les tribunaux ont décidé
que nous avons le pouvoir, mais qu'outre cela il y a doute et
incertitude. Je me contente de dire que l'on m'a exprimé
ces opinions comme je vous les manifeste moi-même.
Si l'on a fait croire au peuple que
le Parlement peut adopter n'importe quelle loi indépendamment
de la constitution, c'est que nous en sommes arrivés à
un âge d'anarchie. Il ne faut pas nous méprendre
à cet égard. Ceux qui lisent l'histoire et ce qui
en découle savent quel a été le premier pas
vers le fascisme en Europe. Ce fut un appel aux préjugés
du petit homme. Puis est venu le souverain et inévitable
mépris des limites et des libertés constitutionnelles.
Il y a un moyen dont notre pays peut obtenir pour ce Parlement
l'autorité de traiter ces questions. II se peut que le
Parlement canadien devrait être muni de pouvoirs plus grands
que ceux qu'il possède; les opinions sont fort partagées
à ce sujet. En ces temps difficiles, certains ont conclu
que si nous avions un Parlement central avec des conseils de comté,
au lieu de législatures provinciales, tout serait pour
le mieux. C'est possible. Il se peut que le rajustement de la
situation financière des provinces et des municipalités
limite l'exercice du pouvoir des législatures provinciales.
Cela est possible également, mais on ne peut obtenir ce
résultat en cherchant à faire croire au peuple que
le Parlement peut enfreindre les décisions des tribunaux.
Je le répète, la troisième branche du gouvernement,
la branche judiciaire, est devenue excessivement importante. C'est
pourquoi j'ai dit que, en dernière analyse, nous devons
toujours dépendre des conclusions et des décisions
des tribunaux. C'est pourquoi, en fin de compte, si nous sommes
un peuple respectueux des lois, ayant foi dans la réforme
et non dans la révolution, nous devons procéder
graduellement afin d'atteindre nos fins d'une manière légale
et ordonnée. Mais il n'est pas bien, il ne sera jamais
bien, de laisser croire à ceux qui ne comprennent pas qu'un
Parlement a un pouvoir et qu'il ne l'exerce pas par crainte ou
entêtement. Cela ne sert qu'à amener le peuple à
penser qu'un corps de législateurs siège en cette
Chambre et que certains parmi eux sont moins honnêtes que
d'autres, et que, par conséquent, ils refuseront d'accomplir
leur devoir.
M. POULIOT: Nommez-les.
Le très hon. M. BENNETT:
Je ménagerai les sentiments de l'honorable député;
je pourrais le nommer. Je prétends, monsieur l'Orateur,
que la seule manière dont le Parlement possédera
les pouvoirs qu'on veut lui faire exercer consiste en modifications
de la constitution qui seront amenées par une conférence
constitutionnelle. Comme je l'ai dit, on a tenu une conférence
constitutionnelle pendant les années antérieures
à 1867, une conférence qui n'était pas limitée
aux hommes d'un parti, mais à laquelle prirent part les
représentants de tous les partis qui discutèrent
de quelle façon on réussirait à créer
l'union des provinces de l'Amérique britannique du Nord.
Si nous désirons modifier notre constitution, nous pouvons
le faire d'une manière régulière et convenable;
mais tant que nous ne l'aurons pas fait, restons, en citoyens
loyaux et respectueux des lois, liés par les décisions
des tribunaux du pays qui ont été constitués
afin de décider jusqu'où nous pouvons aller et où
il faut mettre un frein à notre fierté.
Voilà le principe sur lequel
le Gouvernement s'est basé en s'attaquant à ces
problèmes depuis quelques mois. Je veux faire remarquer
que, même si nous demeurons ici jusqu'à la fin de
l'été, nous devrons nous contenter d'adopter des
lois qui sont de notre compétence. Quand on nous fera des
suggestions conformes à la loi d'après les avis
de jurisconsultes compétents, par exemple au sujet de la
loi des compagnies, je serai heureux de les entendre. Le présent
bill même, dont on propose la troisième lecture,
a été modifié à la demande de l'honorable
député de Weyburn (M. Young), qui réclamait
une plus grande publicité. Je n'ai pas hésité
à dire que c'était une suggestion opportune, et
nous avons inséré un amendement prescrivant que
le public intéressé aura l'occasion de se faire
entendre avant que tout accord projeté entre producteurs
ne reçoive la sanction de la Commission
On a prétendu que la Commission
du tarif n'est pas capable d'entreprendre cette tâche parce
qu'elle est trop occupée. Je me contente de répondre
que le président de la commission a déclaré
qu'il croit cette dernière capable d'entreprendre cette
tâche. Nous n'avons demandé à la Chambre d'autoriser
la Commission du tarif à s'occuper de ces choses, qu'après
avoir appris qu'elle croyait pouvoir avoir le temps et la compétence
nécessaire. De plus, nous ne pouvons pas demander et nous
ne demanderons pas au Parlement de nommer une commission ayant
le pouvoir de faire des lois, car c'est là une délégation
de pouvoirs qui n'est pas constitutionnelle, d'après la
jurisprudence actuelle. C'est le Parlement qui doit adopter les
lois et il peut charger toute commission de faire les règlements
autorisés par ses lois; or la commission en question a
été désignée par la loi dont nous
proposons en ce moment la troisième lecture. Ce projet
de loi donne suite, autant que nous le permet la compétence
du Parlement, à tout principe prôné par la
commission sur les écarts des prix; quant aux autres projets
de loi que j'ai mentionnés et dont je ne parlerai pas davantage
cet après-midi, on constatera que nous avons donné
suite à chaque avis de cette commission dans la limite
de notre compétence. Si nous ne l'avons pas fait de manière
à satisfaire tous les membres de la commission, je le regrette
mais aucun règlement ne dit que nous devons nécessairement
faire adopter des lois agréables à chaque membre
d'une commission. Aucune règle n'oblige le Parlement à
adopter des lois conformes aux avis d'une commission, à
moins que ces avis ne soient légaux. En effet, il y a seize
ans, ces avis ont été formulés de bonne foi
et ont fait l'objet de lois invalides et contraires à la
constitution. Sachant quelles ont été les décisions
des tribunaux depuis seize ans, nous croyons avoir évité
les dangers que le Conseil privé a signalés.
En demandant la troisième
lecture de cette mesure j'affirme à la Chambre que nous
avons fait un effort sincère -- non pas le dernier effort,
mais un effort sincère -- pour atteindre le but visé.
S'il arrive que nous ne l'atteignions pas tout de suite, je me
contenterai de rappeler que le développement des institutions
britanniques, des institutions dont nous jouissons aujourd'hui,
ainsi que de notre droit commun, s'est fait petit à petit,
précepte par précepte ligne par ligne, jusqu'à
ce que le bon sens ait atteint son plein développement
en se manifestant dans les lois qui reflètent la volonté
et l'intention du peuple.