Le peuple canadien a clairement démontré.
depuis le début de la guerre, qu'il désire aider
par tous les moyens à rendre l'effort de guerre du Canada
aussi efficace que possible. La majorité de nos gens ont
répondu de façon splendide à tous les appels,
qu'il s'agisse de recrues pour l'armée, de contributions
financières, de travail dans les industries de guerre,
de demandes de médicaments, de volontaires pour les services
auxiliaires, pour la défense civile et la défense
passive, de donateurs de sang, de rationnement volontaire de récupération
et de conservation, ou des centaines d'autres manières
par lesquelles les particuliers peuvent servir.
Les vieux et les jeunes, dans toutes
les sphères de la vie, non seulement sont prêts à
contribuer à la victoire mais désirent vivement
le faire. De toutes les parties du Dominion, on ne cesse de poser
au Gouvernement la question suivante: Que puis-je faire pour contribuer
à l'effort de guerre? Ce soir, je désire répondre
à cette question, à un point de vue du moins, et
en ce faisant je vous demanderai encore une fois de servir le
pays d'une autre façon. Comme toutes les autres formes
de service, celle-ci comporte une certaine mesure de renoncement,
et encore davantage, peut-être, une certaine subjugation
de soi. Le renoncement et la maîtrise de soi, cependant,
sont les qualités prédominantes d'un bon soldat,
on le reconnaîtra. Personne ne peut s'exempter du service
que j'ai l'intention de lui demander à cause de son âge,
d'infirmités physiques, du manque d'occasion ou pour toute
autre raison. Je veux parler de la tempérance dans l'usage
des boissons alcooliques en tant que contribution à l'effort
de guerre total. Tous les Canadiens peuvent aider la cause par
ce moyen.
Pour réussir à écraser
la puissance de l'Allemagne et du Japon, les Nations-Unies doivent
toutes et chacune en particulier tendre nettement et instamment
vers un effort de guerre total. L'effort de guerre total au Canada
exigera des hommes et des femmes de toutes les provinces une mesure
de plus en plus grande d'abnégation et de discipline.
Quelle que soit notre attitude à
l'égard de la prohibition la tempérance ne prête,
en temps de guerre, à aucune protestation raisonnable.
L'importance de cet élément essentiel dans la poursuite
d'un effort de guerre total se fonde sur des faits qui sont d'eux-mêmes
fort probants. C'est de cet aspect de l'effort de guerre du Canada
que je désire, au nom du Gouvernement, vous entretenir
ce soir.
Personne ne voudra nier que l'usage
excessif de l'alcool et des boissons alcooliques serait, plus
que tout autre élément, de nature à rendre
impossible un effort de guerre total. Heureusement, de par ses
dispositions mêmes, le peuple canadien est un peuple tempérant.
Je me demande, cependant, si nous nous rendons bien compte jusqu'à
quel point la guerre elle-même, l'agitation et les occasions
qu'elle fait naître sont de nature à encourager les
inclinations et les dispositions dangereuses. L'usage croissant
des boissons alcooliques au Canada depuis le début de la
guerre en est une preuve évidente. Nous n'apprécions
pas davantage ce que l'augmentation de la consommation des boissons
alcooliques en temps de guerre représente en risques et
en pertes d'efficacité pour les membres des forces combattantes
et pour les ouvriers de notre pays.
Depuis l'ouverture des hostilités,
la consommation des spiritueux, des vins et des bières
a suivi dans notre pays une courbe ascensionnelle constante. On
estime que les dépenses faites de ce chef doublent presque
en dollars celles d'avant la guerre.
Notons cependant que le chiffre en
dollars ne représente pas l'accroissement exact de la consommation
et que celle-ci reste en deçà de ce que plusieurs
sont portés à croire. L'impôt a, chaque année,
subi une majoration. Chaque année. par conséquent
le dollar affecté à l'achat de boissons alcooliques
s'est traduit par une quantité moindre. Afin d'établir
l'indice à peu près juste du relèvement de
cette consommation, il faut se reporter aux quantités de
spiritueux. de vins et de bières mis sur le marché.
Au cours des douze mois immédiatement
antérieurs au conflit, les spiritueux, de provenance domestique
et étrangère, mis en vente au Canada dépassaient
trois millions et demi de gallons de preuve. Le chiffre correspondent
pour la troisième année de la guerre, n'atteint
pas tout à fait cinq millions de gallons de preuve, ce
qui représente une augmentation de 37½ p. 100.
Durant les douze mois qui ont précédé
la déclaration de guerre, il y avait à vendre, au
Canada un peu plus de trois millions de gallons de vin domestique.
Dans la troisième année de guerre, il y en avait
près de quatre millions de gallons. Ce qui représente
une augmentation de plus de 25 p. 100.
L'indication la plus sûre d'une
augmentation dans la consommation de la bière, c'est l'augmentation
de l'emploi du malt pour la fabrication de la bière. Durant
l'année précédant la déclaration de
la guerre, on utilisa près de 140 millions de livres de
malt. Le chiffre correspondant pour la troisième année
de guerre est de plus de 232 millions de livres. Ce qui représente
une augmentation de plus de 60 p. 100.
J'ai souligne l'augmentation de la
consommation des boissons alcooliques en temps de guerre. Je voudrais
maintenant vous dire quelques-uns des effets de cette consommation
accrue sur notre effort de guerre.
Permettez-moi d'abord de vous parler
des conséquences générales sur le moral de
la population. Pour une raison ou pour une autre, il est devenu
nécessaire d'imposer des restrictions sur l'usage de plusieurs
denrées, y compris plusieurs denrées nécessaires
à l'existence.
Il est aussi devenu nécessaire
de restreindre les modes de voyage au point d'interdire à
bien des gens de se déplacer à leur guise et même
de jouir continûment des douceurs de la vie domestique,
de la société, de leurs amis ou des réunions de famille.
Une multitude de personnes éprouvent de bien sérieuses
difficultés à s'acquitter des obligations que leur
impose leur travail quotidien.
A un moment où l'essence et
le caoutchouc sont rationnés, où l'énergie
électrique et les moyens de transport deviennent de moins
en moins utilisables et où la main-d'oeuvre se fait rare,
d'aucuns ont peine à concevoir que l'on veuille y recourir
plus largement encore si ce n'est pour les plus impérieuses
nécessités de la guerre.
A une époque où presque
tous les citoyens font preuve d'abnégation, ou se voient
refuser les douceurs et plaisirs qu'en temps normal ils en étaient
venus à considérer comme des nécessités
de la vie, le fait de voir d'autres dépenser plus d'argent
que jamais à l'achat de boissons alcooliques ne peut que
provoquer du ressentiment. Cela tend à détruire
l'esprit d'appui mutuel et de collaboration collective qui n'est
jamais si nécessaire qu'en temps de guerre.
A moins qu'on ne puisse démontrer
que l'accroissement qui s'est produit dans la production, la distribution
et la vente des boissons alcooliques a non pas diminué
mais augmenté le nombre de ceux qui peuvent contribuer
à servir le pays et que l'accroissement dans la consommation
représente un accroissement correspondant de l'efficacité
de ceux qui préparent et dirigent notre effort de guerre
et de ceux qui participent activement à sa réalisation,
il est évident qu'un accroissement dans la production ou
la consommation des boissons alcooliques, loin d'affermir, ne
peut que miner l'effort qu'exercent les autres pour remporter
la victoire.
Notre effort de guerre, - et non
seulement le nôtre, mais aussi à un degré
considérable, celui des Nations-Unies, - dépend
des réalisations des ouvriers et des ouvrières du
Canada. Leur travail est une contribution essentielle à
l'alimentation, l'habillement, l'équipement et l'armement
des forces armées alliées. Chaque heure de travail
utile est précieuse. Les travailleurs industriels sont
les associés de guerre des combattants. Il est certes peu
douteux que l'absence des ouvriers ou l'inefficacité de
leur travail proviennent souvent de l'intempérance. A une
époque où chaque instant compte, l'absence des ouvriers
dans les industries de guerre essentielles peut entraîner
des pertes considérables. A notre ère de mécanisation
à outrance, l'absence d'un seul technicien peut ralentir
la production industrielle d'un grand nombre d'ouvriers.
Les accidents industriels sont attribuables
aussi dans une grande mesure à la même cause. A cet
égard également la défaillance d'un seul
individu peut mettre en péril plusieurs autres vies. J'ai
noté dernièrement que dans une seule province, le
taux des accidents dans l'industrie équivalait à
l'inscription mensuelle d'une division entière sur les
listes de blessés, morts ou disparus du fait de l'ennemi.
Je ne veux pas donner à entendre
que la plupart des accidents industriels proviennent de l'intempérance.
Mais certes la tempérance n'a jamais manqué d'en
réduire le nombre.
Chose certaine que ce soit à
l'usine ou à l'atelier, dans l'exploitation minière
ou forestière, au bureau ou à la maison, tout ce
qui diminue le rendement de la main-d'oeuvre aura presque certainement
pour conséquence d'accroître le nombre de nos soldats,
de nos marins ou de nos aviateurs tués ou blessés.
II ne saurait y avoir le moindre
doute quant aux avantages de la tempérance dans l'entraînement
de nos forces armées et quant à ses bienfaits chez
nos combattants.
L'affaiblissement de la capacité
physique par suite de l'usage des boissons alcooliques a sûrement
pour effet de ralentir le progrès de la recrue à
l'entraînement. De nos jours, à une époque
où la vivacité de corps et d'esprit est plus nécessaire
que jamais sur terre, sur mer ou dans les airs, un tel affaiblissement
de la capacité physique est grandement de nature à
accroître la possibilité d'accidents qui pourront
atteindre des personnes autres que l'homme en faute. De même
qu'une défectuosité dans un avion ou un canon ou
un navire peut entraîner la perte de vies humaines, ainsi
un moment d'inattention ou de négligence chez le marin,
le soldat ou l'aviateur met en péril la vie de ses camarades
et risque de causer de graves désastres dans l'entraînement
ou dans les combats.
En outre, l'intempérance contribue
à faire naître des habitudes susceptibles d'occasionner
plus tard l'effondrement du moral. Ainsi que des militaires aguerris
ont pu l'observer fréquemment, l'intempérance porte
les soldats à s'exposer d'une façon insouciante
au feu de l'ennemi, ce qui entraîne des pertes inutiles.
Seuls ceux qui savent s'imposer une
discipline sévère peuvent endurer la fatigue écrasante
que comporte la guerre moderne. Les militaires qui font un usage
trop fréquent et abusif des boissons alcooliques failliront
à la tache. Ce fait a été manifesté
pendant la dernière guerre et il l'est encore davantage
dans le conflit actuel.
Si je signale avec autant de franchise
les dangers de l'intempérance pour les membres de nos forces
armées, c'est que nous nous préoccupons tous d'une
façon particulière du bien-être de ceux qui
risquent leur vie pour faire triompher la cause de la liberté.
L'anxiété que ressentent
la plupart des parents lorsque leurs fils ou leurs filles s'enrôlent
n'est pas faite uniquement de la crainte des dangers physiques
auxquels ils pourront être exposés. Nombreuses sont,
au Canada, les mères et les épouses qui se sont
endurcies à l'idée de perdre leurs hommes, - si
la chose est nécessaire, - au service de l'humanité.
Elles ont le courage d'envisager cette perte. La perte qu'elles
ne peuvent pas envisager est celle qui ne se serait pas produite
n'eût été quelque erreur de jugement qui aurait
pu être évitée. Elles redoutent peut-être
plus encore, chez ceux qui leur sont chers, la perte du caractère.
Si nous voulons accomplir notre devoir
envers les braves jeunes gens, hommes et femmes, qui subissent
l'instruction militaire ou sont en activité de service,
nous nous devons de faire tout en notre pouvoir afin de les protéger,
dans toute la mesure du possible, contre les risques, les périls
et les tentatives propres à une période de guerre.
Rappelons-nous aussi, qu'en temps
de guerre, presque chaque cerveau est soumis à une forte
tension. Au moment même où l'on a besoin de toute
son intelligence pour faire face aux dures réalités,
il arrive trop souvent qu'on donne libre cours à des tendances
dangereuses, en vue tout simplement d'échapper aux réalités.
Sous l'influence des stimulants, on commet facilement des fautes
qui sont souvent irrémédiables. La meilleure sauvegarde
contre de pareils risques, consiste à pratiquer la tempérance
en toutes choses.
Comme nation, nous ne saurions déployer
un effort de guerre maximum, tant que chacun des individus qui
composent notre peuple n'est pas décidé, par esprit
d'abnégation et de discipline, à fournir un rendement
individuel maximum, et aussi longtemps que chacun n'est pas prêt
à faire passer les exigences des forces armées et
des industries qui servent l'effort de guerre avant tous les autres
besoins.
Jamais le Gouvernement n'a refusé
d'accorder la préférence aux besoins des services
de nos armées et de nos industries de guerre. Le changement
de l'économie de paix à l'économie de guerre
est déjà si considérable qu'il constitue
au Canada une véritable révolution industrielle.
En effectuant pareil changement, on a dû nécessairement
tenir compte de l'économie de la nation, en général,
ainsi que des moyens les plus aptes à produire, à
la longue, les résultats désirés.
Le Gouvernement dispose sous l'empire
de la Loi des mesures de guerre, de l'autorité la plus
vaste pour faire servir matériaux et capital humain aux
exigences du temps de guerre. Les pouvoirs du ministère
des Munitions et approvisionnements sont établis de façon
à assurer, en ce qui concerne l'utilisation des matériaux,
la priorité à la production de guerre et à
l'approvisionnement des forces armées. La commission des
prix et du commerce en temps de guerre a également le pouvoir
de prendre des mesures, tout en sauvegardant la production et
la distribution des denrées essentielles aux civils, en
vue de rendre disponible notre capital humain. La responsabilité
incombe par conséquent à l'organisme du service
sélectif national de répartir ce capital humain
afin de répondre aux exigences des forces armées
et des industries de guerre et d'assurer une rnain-d'oeuvre suffisante
pour les besoins essentiels des civils.
Le 10 novembre, le Gouvernement donnait
plus d'ampleur aux pouvoirs de la commission des prix et du commerce
en temps de guerre pour qu'elle puisse régir toutes les
entreprises d'affaires et restreindre ou éliminer certaines
d'entre elles. La commission s'est servi de cette autorité
et continuera de le faire en vue de supprimer les pratiques de
gaspillage dans l'industrie. Elle y procède avec toute
la célérité compatible avec l'affectation
ordonnée du capital humain ainsi libéré aux
entreprises essentielles du temps de guerre. Aucun objectif utile
ne serait atteint par l'élimination arbitraire d'emplois
existants avant que des exigences plus essentielles en hommes
s'imposent.
Le Gouvernement a déjà
restreint plus qu'on ne le croit généralement le
commerce des boissons alcooliques. J'ai parlé plus haut
des impôts et de leurs effets sur la majoration des prix.
On estime sans crainte d'erreur à plus de 60 p. 100 la
proportion du revenu des ventes au détail de spiritueux
qui prend la direction des caisses des provinces ou du Dominion.
Il est certain que les impôts, en majorant les prix, ont
contribué à diminuer la consommation.
Le rationnement du sucre a eu pour
conséquence de restreindre la production des vins domestiques.
Le 1er novembre, on a affecté
toutes les distilleries canadiennes à la production de
l'alcool industriel nécessaire aux industries de guerre
et aux besoins essentiels de la population civile.
Le 23 octobre, la commission des
prix et du commerce en temps de guerre, afin d'empêcher
l'augmentation du personnel des brasseries, a promulgué
une ordonnance empêchant les brasseries, à partir
du 1er novembre, d'obtenir le malt à un rythme supérieur
à celui des douze mois précédents. A cette
époque, la commission avait soin d'indiquer que c'était
le premier pas dans le chemin des restrictions imposées
à cette industrie qui devrait plus tard fournir des hommes
pour des fins militaires.
Par décret du conseil adopté
sous l'empire de la loi des mesures de guerre et sanctionné
aujourd'hui par Son Excellence le Gouverneur général,
le cabinet a pris d'autres dispositions importantes en vue de
réduire notablement le débit et la consommation
des boissons alcooliques afin de réaliser un effort de guerre
total.
Le ministère du Revenu national
a reçu l'ordre de diminuer la quantité de boissons
alcooliques, tant fabriquées au pays qu'importées,
qui devront être dédouanées et mises en vente.
La limitation se fonde sur les quantités mises dans le
commerce pendant la période de douze mois commencée
le 1er novembre 1941. Quant à la période de douze
mois commencée le 1er novembre de cette année, la
quantité de bière sera diminuée de 10 p.
100, celle du vin de 20 p. 100 et celle des spiritueux de 30 p.
100.
On a aussi décidé d'abaisser
à un niveau d'au plus 30 p. 100 au-dessous de preuve, la
teneur en alcool de tous les spiritueux. Cette diminution de la
teneur en alcool entrera en vigueur dès que seront épuisés
les stocks actuellement emballés et prêts à
vendre. L'alcoolisation des vins est interdite.
Si la consommation des boissons alcooliques
a fortement augmenté c'est dû en très grande
partie à l'accroissement de la puissance d'achat qu'ont
occasionné les dépenses du temps de guerre. Aussi
toutes les raisons qui justifient l'imposition de restrictions
dans la fabrication, la distribution, la vente et la consommation
des boissons alcooliques s'appliquent-elles également aux
annonces destinées à en stimuler la vente. On n'a
évidemment pas besoin de faire de la réclame pour
stimuler la vente et, du reste la réclame n'a plus de raison
d'être si l'on veut diminuer les ventes et la consommation.
C'est pourquoi le Gouvernement a
pris la decision d'interdire les annonces de spiritueux, de vin
et de bière dans toutes les parties du Canada pour la durée
de la guerre.
Les intéressés disposeront
d'un délai d'environ six semaines pour apporter les modifications
nécessaires à leurs programmes publicitaires. La
réclame des boissons alcooliques sera toutefois formellement
interdite partout au Canada à compter du premier février
1943.
Il faut maintenant dire un mot des
rapports entre les Gouvernements provinciaux et le fédéral
concernant la fabrication et la vente des alcools et des boissons
alcooliques. Au Gouvernement fédéral appartiennent
la production et l'importation; aux gouvernements provinciaux
la vente et la distribution. Autrement dit, si le Gouvernement
fédéral est à même de réglementer
les quantités de spiritueux, de bière et de vins
qui seront mis sur le marché, la régie de la vente
au détail des boissons alcooliques est laissée à
la discrétion de chaque province.
Il est vrai qu'en vertu de la Loi
des mesures de guerre, quand les exigences de guerre le demandent,
l'autorité du fédéral prédomine en
ce domaine comme dans les autres. Le gouvernement a cru qu'il
ne serait pas justifié d'exercer ces pouvoirs, sauf à
propos de questions pressantes se rapportant à la conduite
de la guerre. Pour ce motif, le gouvernement fédéral
s'est abstenu jusqu'ici de prendre à cet égard toute
mesure dont on pouvait prévoir l'adoption par les provinces
elles-mêmes.
A la lumière des besoins actuels
de la guerre, le Gouvernement fédéral se voit dans
l'obligation de joindre aux mesures que je viens d'annoncer. un
appel à la collaboration des provinces pour qu'elles restreignent
davantage la vente des boissons alcooliques. On a déjà
noté que dans les provinces qui l'ont adoptée, la
réduction des heures de vente diminue automatiquement la
consommation des boissons alcooliques et il est évident
que l'effort de guerre du Canada en bénéficie. Bien
que chaque province soit mieux en mesure de décider des
endroits et des heures de vente. le gouvernement fédéral
croit que, dans l'intérêt de l'effort de guerre,
le nombre d'heures durant lesquelles la vente des spiritueux,
du vin et de la bière dans un établissement quelconque
où elle est permise, ne doit pas dépasser huit heures
par jour.
Au nom du gouvernement fédéral,
je fais maintenant un appel public à la coopération
des provinces pour qu'elles facilitent l'effort de guerre du pays
en imposant le plus tôt possible ces restrictions très
nécessaires.
Pour encourager la tempérance,
il faut pouvoir compter sur quelque chose de plus que l'intervention
du gouvernement. Le succès de cette entreprise dépend
plus de l'attitude de chacun de nous et de l'opinion publique
que de tout autre chose.
L'appel à la tempérance
est, comme je le disais au début, une invite à servir
en temps de guerre. La tempérance est une vertu essentielle
si nous tenons à ce qu'hommes et femmes soient employés
le plus utilement possible selon l'aptitude physique et l'habileté
de chacun. Rien de moins n'assurera un effort total.
Bien peu oseraient nier que la tempérance
accroît l'efficacité d'une nation en guerre et pourtant,
plusieurs hésitent à prôner ses avantages
et à donner l'exemple nécessaire.
Les sentiments les plus chevaleresques
demandent toujours que l'on tienne compte des sentiments des autres.
Nous le savons tous, nombre de personnes, jeunes et vieilles,
acceptent des stimulants uniquement parce qu'elles croient faire
plaisir aux autres. Elles désirent ne pas indisposer les
gens en refusant de prendre un verre offert par hospitalité.
Pour certaines natures extrêmement sensibles se dérober
à quelque habitude, mode ou coutume admises dans la société
exige beaucoup plus de courage qu'il ne leur en faut pour affronter
un réel danger. La noblesse de caractère exige toujours
qu'on tienne compte des sentiments des autres. On pourrait même
faire en sorte qu'un changement d'attitude dans certains domaines
en temps de guerre constitue un nouveau code d'honneur.
De même que, dans le conflit
actuel pour la suprématie mondiale. de nouvelles méthodes
et de nouvelles armes en sont venues à remplacer les anciennes
méthodes et les anciennes armes qui étaient moins
efficaces, ainsi un effort total de guerre en est venu à
signifier une nouvelle orientation dans chaque ville, dans chaque
groupement social, dans chaque usine, dans chaque caserne et dans
chaque foyer, et un exemple que tous seront tentés de suivre.
En cette saison de Noël, et
à la fin de la présente année, au cours de
laquelle le sacrifice d'autres vies a épargné les
nôtres, ne prendrons-nous pas la résolution de faire
tout notre possible pour éviter d'autres sacrifices de vies humaines et pour
abréger la durée de cette terrible guerre? Au cours
de l'année prochaine nos forces armées seront probablement
engagées dans une lutte à mort avec l'ennemi. Nous
verrons peut-être la plus grande épreuve que notre
jeune pays ait été appelé à traverser.
Pour être à la hauteur de cette épreuve, il
faut recourir à la protection divine.