Quelques observations des commissaires


Le Canada est le terrain d'essai d'une noble idée - l'idée selon laquelle des peuples différents peuvent partager des terres, des ressources, des pouvoirs et des rêves tout en respectant leurs différences. L'histoire du Canada est celle de beaucoup de ces peuples qui, après bien des tentatives et des échecs, s'efforcent encore de vivre côte à côte dans la paix et l'harmonie.

Cependant, sans justice, il ne peut y avoir ni paix ni harmonie. C'est pour aider à rétablir une relation fondée sur la justice entre autochtones et non-autochtones au Canada, et pour proposer des solutions concrètes à des problèmes difficiles à résoudre, que la Commission royale sur les peuples autochtones a été établie. En 1991, quatre commissaires autochtones et trois commissaires non autochtones ont été chargés d'étudier les problèmes qui se posaient et de soumettre leurs conclusions au gouvernement.

Nous avons axé nos consultations sur une question primordiale: quels sont les fondements d'une relation équitable et honorable entre autochtones et non-autochtones au Canada?

Nous avons tenu 178 jours d'audiences publiques, rendu visite à 96 collectivités, consulté des dizaines d'experts, commandé des quantités d'études, examiné les conclusions de plusieurs enquêtes et parcouru toutes sortes de rapports. Notre conclusion essentielle peut se résumer en quelques mots: c'est une mauvaise ligne de conduite qui a été suivie pendant plus de 150 ans par les gouvernements coloniaux et par les gouvernements canadiens ultérieurs.

Les gouvernements successifs ont tenté - parfois intentionnellement, parfois par simple ignorance - d'assimiler les autochtones dans la société canadienne et d'éliminer tout ce qui en fait des peuples distincts. Au fil des années et des décennies, les politiques ont miné et presque anéanti les cultures et les identités autochtones.


Sans justice, il ne peut y avoir ni paix ni harmonie.


C'est là de l'assimilation. Mais cette négation des principes de paix, d'harmonie et de justice si chers à notre pays s'est soldée par un échec. Les peuples autochtones demeurent différents et fiers de l'être.

Les politiques d'as

similation ont échoué parce que les autochtones ont le secret de la survie culturelle. Ils sont conscients de former des peuples possédant un patrimoine unique et ayant le droit à la continuité culturelle.

C'est cela qui les amène à dresser des barrages routiers, à protester devant les bases militaires et à occuper des terres sacrées. C'est cela qui les fait résister au suicide culturel auquel les convie la société eurocanadienne lorsqu'elle les pousse à s'assimiler au nom de l'égalité et de la modernité.

Les politiques d'assimilation ont fait un mal énorme; elles ont eu un effet destructeur sur les autochtones, leurs familles et leurs collectivités. L'âme et l'esprit du Canada en ont tout autant souffert, cet esprit de générosité et d'accommodement dont s'enorgueillissent les Canadiens.

Pourtant le mal n'est pas irréparable. Le secret consiste à prendre le contre-pied des principes d'assimilation qui déterminent et restreignent encore les chances de réussite des autochtones - malgré certaines réformes valables dans l'administration des affaires autochtones.

Pour déclencher ce changement fondamental, il est indispensable que les Canadiens comprennent que les peuples autochtones sont des nations. C'est-à-dire qu'ils forment des groupes politiques et culturels dont les valeurs et les modes de vie sont différents de ceux des autres Canadiens. Les autochtones ont vécu au sein de nations - parfois très centralisées, parfois plus ou moins fédérées, parfois organisées en clans - pendant des milliers d'années avant l'arrivée des Européens. Ces nations ont établi des alliances commerciales et militaires entre elles et avec les nouveaux arrivants. Aujourd'hui encore, le sentiment de confiance en soi et de bien-être des autochtones demeure lié à la force de leurs nations. Ce n'est qu'au sein de nations rétablies dans leur intégrité qu'ils pourront réaliser leur potentiel au xxie siècle.

Entendons-nous bien, cependant. Les peuples autochtones sont des nations, mais non pas des États-nations qui cherchent leur indépendance vis-à-vis du Canada. Ce sont des collectivités qui partagent un long passé, qui ont le droit de se gouverner elles-mêmes et qui, en général, ont la ferme intention de le faire comme partenaires du Canada.

Le rapport de la Commission est un compte rendu...

... de la relation entre les autochtones et les non-autochtones, élément essentiel du patrimoine du Canada;

... de la distorsion subie par cette relation avec le temps;

... des terribles conséquences qu'a entraînées cette distorsion pour les autochtones: perte de terres, de pouvoir et d'amour-propre.

Nous espérons que notre rapport montrera aux autochtones et aux autres Canadiens les nombreux chemins qui s'offrent à eux - dès maintenant - pour réparer cette relation et aborder le prochain millénaire du bon pied, c'est-à-dire en misant sur la reconnaissance, le respect, le partage et la responsabilité.

Commission royale sur les
peuples autochtones


Coprésidents

René Dussault, j.c.a.
GeorgesErasmus

Commissaires

Paul L.A.H. Chartrand
J. Peter Meekison
Viola Robinson
Mary Sillett
Bertha Wilson

Retournez Mise à jour : 2000-06-21


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