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Identification fédérale pour la Bibliothèque nationale du Canada


Sunshine Sketches of a Little Town

Sunshine Sketches of a Little Town de Stephen Leacock


Les idées exprimées dans les commentaires suivants sur Sunshine Sketches (Un Été à Mariposa : Croquis en clin d'oeil) sont entièrement tirées des ouvrages suivants : Gerald Lynch. Stephen Leacock : Humour and Humanity (Montréal-Kingston : McGill-Queen's University Press, 1988); Jack Hodges «Afterword» de Sunshine Sketches of a Little Town (Toronto : McClelland and Stewart Limited, 1989. p. 187-191; et de Robertson Davies. Stephen Leacock (Canadian Writers, no 7. Toronto : McClelland and Stewart, 1970).


Frontispice de la première édition



Page manuscrite tirée de Sunshine Sketches of a Little Town



Page manuscrite tirée de Sunshine Sketches of a Little Town

Le chef-d'oeuvre de Stephen Leacock est Sunshine Sketches of a Little Town (Un Été à Mariposa : Croquis en un clin d'oeil), publié en 1912. Deux ans plus tard, Stephen Leacock publiait un ouvrage qui donnait une suite à Sunshine Sketches, Arcadian Adventures (1914). Ces deux livres de nouvelles révèlent toute la dimension des intérêts de Leacock, en tant qu'artiste et penseur. C'est ainsi qu'on doit percevoir les deux oeuvres Sunshine Sketches et Arcadian Adventures, car l'une sans l'autre ne peut être pleinement comprise. À l'opposé de la vision artistique de Stephen Leacock, se situent la Plutoria d'Arcadian Adventures et la Mariposa de Sunshine Sketches. Mariposa est une petite ville canadienne (une communauté idéale) qui donne libre cours à la sottise humaine alors que Plutoria est une métropole américaine (l'antipode de la communauté idéale) qui appuie l'individualisme absurde. Le pivot sur lequel évolue ces deux livres est le Mausoleum Club : Arcadian Adventures débute au Mausoleum Club et Sunshine Sketches se termine au Mausoleum Club. Le Mausoleum Club est un point fixe, et malgré tout, c'est un point qui donne naissance aux deux ouvrages. Mariposa représente une ville d'où pourrait vraisemblablement être issu un membre du Mausoleum Club; Mariposa représente pour ce membre du Mausoleum Club un passé dont il se souvient, une ville idyllique et champêtre. Par contre, Plutoria représente la ville vers laquelle se dirigera vraisemblablement un membre du Mausoleum Club; Plutoria représente ce que l'avenir réserve si ce n'est pas encore une réalité, une obsession de ce qui est mécanique et matériel.

Sunshine Sketches s'est attiré l'admiration du monde entier. Nulle part ailleurs cet ouvrage est-il plus chéri qu'au Canada. La ville de Mariposa est baignée de soleil pour que nous puissions tous rire alors que chacun de nous se souvient des petites villes que nous avons connues ou qui nous ont vu grandir. Si la satire est impitoyable, son effet est immédiatement purifié par la chaude lumière solaire. La satire n'infeste pas Sunshine Sketches de la même façon qu'Arcadian Adventures. En réalité, la juxtaposition de Sunshine Sketches à côté d'Arcadian Adventures ne sert qu'à dramatiser davantage l'image idéalisée de la petite ville canadienne. La Mariposa de Sunshine Sketches est pastorale et idyllique alors que la Plutoria de Arcadian Adventures, en comparaison, est mécanique et démoniaque. Mariposa est bonne, Plutoria est mauvaise. Une dialectique aussi simple d'une ville canadienne par comparaison à une ville américaine, tant juvénile cela puisse paraître, est un élément fondamental de l'imaginaire canadien tel qu'il se révèle dans sa littérature. Il est ironique de constater que les habitants de Mariposa tentent d'imiter cet exemple négatif d'humanité B la ville B tout au long de Sunshine Sketches. Mariposa n'atteint jamais complètement le statut de ville malgré les efforts de ses habitants pour ce faire. Le nouveau «Caff» de Josh Smith en est la preuve : le «Caff» n'affichera jamais les "filles de bar" que l'on retrouve dans les bars de la ville.

Lettre de M. John Lane



Illustration de Joseph Smith



Illustration de Judge Pepperleigh

Mais Sunshine Sketches n'est pas une fable nationale dans son sens le plus strict ni un roman monumental que les Canadiens et les Canadiennes considèrent comme source ou mythe primaire. Sunshine Sketches ne fait pas exactement le poids avec les chefs-d'oeuvre canadiens que sont Moby Dick ou Huckleberry Finn. Des érudits canadiens et canadiennes ont souvent déploré que Leacock n'ait pas été romancier et qu'il n'ait pas produit une histoire nationale de quelque sorte. Stephen Leacock n'est pas un romancier, il est un nouvelliste. Nous ne pouvons ignorer que Sunshine Sketches soit une série de «croquis». Même si ce livre emprunte plusieurs caractéristiques du roman, il est le mieux qualifié en tant que cycle de nouvelles. Il est en partie très canadien en ce sens que Sunshine Sketches n'est en réalité qu'un recueil de croquis et d'illustrations. Alors que des artistes d'autres nations créent des tableaux audacieux, notre Stephen Leacock canadien crée des croquis en noir et blanc. Les croquis sont des tableaux inachevés et, de même, le Canada était à plusieurs égards une nation incomplète. Ce n'est sans doute pas la faute de Leacock mais plutôt celle du lecteur canadien qui a tort de croire que Leacock est un romancier qui n'est pas arrivé à maturité. Les lecteurs canadiens n'ont jamais pu se concevoir en tant que source d'inspiration de tableaux audacieux et magistraux. Jack Hodgins nous éclaire sur la disparité de la vision canadienne de soi :

"Le monde entier peut ériger ses grands monuments littéraires comme il l'entend, suggère Leacock, mais voyez ce qui se passe lorsque nous essayons de nous situer dans un tel rôle. Nous finissons par avoir l'air idiot. Et nous savons à quel point nous avons l'air idiot. Et qui plus est, nous nous plaisons dans ce rôle!" («Afterword», Sunshine Sketches of a Little Town. Toronto : McClelland & Stewart, 1989. p. 188)

Le naufrage de la Mariposa Belle nous donne un exemple parmi tant d'autres des habitants de Mariposa, qui dans un moment où il pourrait se passer de grandes choses, ne sont pas tout à fait à la hauteur. Le narrateur fait constamment ressortir la folie des habitants de Mariposa. Malgré tout, c'est cette même folie qui rachète les habitants de la Petite ville Mariposa. Nous reconnaissons nos bêtises dans la leur. La Petite ville devient d'une certaine façon le héros du livre. On pourrait dire la même chose de Sunshine Sketches en tant qu'ouvrage littéraire. Même s'il est fragmenté si on le compare au roman, il puise sa force dans sa forme littéraire ou plutôt son absence de forme. On peut dire que Sunshine Sketches est un livre magique qui, par un procédé alchimique qui lui est propre, se transforme (à l'instar de Peter Pupkin) d'un ensemble fragmenté de contes en une fable enchantée (s'agit-il d'une fable nationale?) au sujet d'un moment et d'un endroit enchantés. D'autres diront simplement que Sunshine Sketches puise sa magie de notre mémoire imaginaire et de notre aspiration à la nostalgie. Quoi qu'il en soit, Sunshine Sketches demeure aujourd'hui, autant au Canada qu'ailleurs, aussi populaire qu'il l'était en 1912.

Illustration de Drone et Dr. Gallagher



Illustration de Jefferson Thorpe et Peter Glover



Illustration de la Mariposa Belle



Lettre de Julian Hinkley, un admirateur, 15 dec. 1912.

Le narrateur de Sunshine Sketches exerce un force magnétique dans ce livre et constitue sa plus grande source de complexité. Par moment, il semble participer intimement à la vie quotidienne de Mariposa, alors que par d'autres, il garde ses distances afin de ne pas perdre de vue la folie humaine. Malgré tout, il demeure fondamentalement l'un des leurs. Ainsi, le narrateur garde presque constamment un pied à Mariposa et l'autre au Mausoleum Club de la ville. L'art de Leacock atteint son apogée dans Sunshine Sketches au moment où les rires, fusant de deux directions opposées, se rejoignent. D'un côté, le narrateur tourne en dérision l'attitude de la Petite ville au vu et au su de tous, de l'autre, le narrateur est tendrement attaché et attiré par l'objet de cette dérision. Stephen Leacock a créé un tableau qui permet au lecteur de dénigrer les habitants de Mariposa, en même temps que notre intérêt et notre attachement pour eux grandit. Le narrateur lui-même est un quelconque caméléon qui ne se fixe jamais. On trouve ainsi au moins trois narrateurs distincts dans ce livre. Premièrement, il y a le narrateur, auteur de l'avant-propos; on trouve ensuite le narrateur des croquis comme tel et, au bout du compte, le narrateur de «l'Envoi». Chacun nous présente la perspective qui lui est propre et oblige le lecteur à s'ajuster. En fait, Sunshine Sketches est une toile élaborée de diverses perspectives présentées par divers narrateurs. Aucune de ces perspectives ne domine, même si elles cherchent toutes à capter l'attention du lecteur.

Au départ, on avait publié Sunshine Sketches par tranche dans le Montreal Star (du 17 février 1912 au 22 juin 1912). Plusieurs des personnages sont calqués en partie sur les gens qui habitaient à Orillia, en Ontario. Dr C. H. Hale écrivait dans l'Orillia Packet and Times (12 mars 1957) un article sur le rapport qui existe entre des personnes existantes et certains personnages. On a dû même changer le nom de certains personnages lorsque Sunshine Sketches a paru sous forme de livre. Malgré sa prétention à représenter une ville typiquement canadienne, Mariposa est avant tout une ville ontarienne.


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