INTRODUCTION
Contexte de la révision de la politique
De nombreux états côtiers sont maintenant
sensibilisés à l'urgence de créer des aires marines
protégées. Dans le but d'accélérer la création d'un
réseau canadien d'aires marines protégées, Parcs
Canada a élaboré une politique sur les parcs marins
nationaux, qui a reçu l'approbation du ministre en
1986, après de nombreuses consultations publiques.
Depuis,
Fathom Five, dans la baie Georgienne, est devenu
le premier parc marin au Canada en 1987. L'année
suivante, le Canada signait une entente avec la
Colombie-Britannique en vue de la création d'un parc
marin à Moresby-Sud, dans les îles de la Reine-Charlotte, puis une autre, en 1990, avec le Québec,
en vue d'une étude sur la faisabilité d'un parc marin
fédéral-provincial au confluent du fjord du Saguenay
et de l'estuaire du Saint-Laurent. Ces nouveaux
projets de parcs marins et les travaux préliminaires
sur d'autres projets de parcs ont permis au personnel
de Parcs Canada d'acquérir une expérience pratique
considérable et de collaborer avec des représentants
d'autres organismes gouvernementaux et du public
à l'application de la politique de 1986.
Durant cette période, beaucoup d'efforts ont été
consacrés à l'étude des principes et des pratiques de
planification et de gestion des réseaux d'aires
marines protégées, tant à l'échelle nationale qu'à
l'échelle internationale. Au pays, Parcs Canada et
divers groupes consultatifs, des groupes d'intérêt et
des universités ont parrainé des ateliers, des
séminaires et des publications qui ont ouvert des
perspectives intéressantes en plus d'appuyer la
création d'aires marines protégées au Canada. De
même, les consultations publiques sur la révision de
cette politique ont permis de recueillir beaucoup de
suggestions utiles.
À l'échelle internationale, le 4th World Wilderness
Congress (1987) et la 17e Assemblée générale de
l'Alliance mondiale pour la nature (IUCN) (1988) ont adopté
d'importantes résolutions proposant un
cadre général de politique sur la planification et la
gestion des aires marines protégées. En 1992,
l'IUCN a également rédigé des directives plus
détaillées sur les aires marines protégées, directives
qui ont été présentées au 4th World Congress on
National Parks and Protected Areas.
La communauté internationale exhorte tous les États
à créer des réseaux nationaux et mondiaux
représentatifs d'aires marines protégées afin
d'atteindre les objectifs de la Stratégie mondiale de
la conservation. Citant l'approche de Parcs Canada
comme modèle possible, elle encourage les États
côtiers à élaborer un système de classement
biogéographique pour faciliter la création de réseaux
vraiment représentatifs d'aires marines protégées.
Afin d'assurer la viabilité à long terme de ces
réseaux, elle leur conseille de s'assurer la
collaboration du public et de tous les paliers
d'administration pour sélectionner des aires
relativement vastes, gérées en fonction des objectifs
de développement durable.
Bien qu'elle conserve la doctrine de base de la
politique de 1986 sur les parcs marins nationaux, la
nouvelle politique tient compte de l'expérience
considérable acquise à tous les niveaux depuis, et
des commentaires du public. Les politiques ont dû
être restructurées et clarifiées, et de nouveaux
principes et concepts ont été introduits, qui
devraient, selon pour Parcs Canada, faciliter la
planification et la gestion d'un réseau national
d'aires marines protégées au Canada. L'un des
changements effectués porte sur la désignation de
ces aires qui deviennent des aires marines
nationales de conservation au lieu de parcs marins
nationaux. Parcs Canada croit que la nouvelle
désignation reflète mieux le but et les objectifs visés
par la création de ces aires.
La politique reconnaît que les activités de
planification et de gestion menées en milieu marin et dans les
parcs nationaux terrestres diffèrent.
La première chose à considérer est la nature
particulière des écosystèmes marins. En effet, les
parcs terrestres sont en général associés à des
écosystèmes semi-fermés, dominés par des
composantes qui sont essentiellement fixes dans
l'espace, et dont le rythme d'évolution est plutôt
lent. Par ailleurs, les aires marines protégées sont
presque toujours associées à des écosystèmes
ouverts, vastes et dynamiques, où de nombreux
procédés écologiques importants connaissent un
rythme d'évolution plutôt rapide. Plusieurs espèces
de poissons pélagiques, démersaux et anadromes, et
plusieurs mammifères et invertébrés marins ont des
cycles alimentaires ou reproductifs qui les amènent
à entreprendre de longues migrations.
La colonne d'eau est une composante fondamentale
de la plupart des écosystèmes marins. En raison de
sa densité, l'eau de mer peut transporter des matières
en suspension sur de grandes distances et donc relier
des régions isolées sur le plan géographique. Elle
peut aussi transporter les polluants qui viennent de
l'atmosphère ou des écoulements terrestres, et rend
les aires marines protégées vulnérables aux effets de
diverses activités menées en amont et susceptibles
d'être nocives. Cette caractéristique confère souvent
aux écosystèmes marins une capacité de régénération
naturelle supérieure à celle des écosystèmes
terrestres. La colonne d'eau soutient la production
primaire et fournit un habitat à la plupart des plantes
et des animaux, y compris aux communautés
benthiques, car elle assure le transport des
nutriments, de la nourriture et des larves.
Les activités humaines ont aussi des effets différents
sur les milieux marins et terrestres. Sur terre, le
maintien de l'intégrité structurelle des écosystèmes,
menacée par la perte d'habitat et par la
fragmentation qui sont liées à la foresterie, à
l'agriculture et au transport, constitue habituellement
une grande source de préoccupation. Le problème
se pose moins en mer, sauf dans les estuaires et à
proximité des côtes. En mer, il faut avant tout se
méfier des effets de la pollution et de la
surexploitation des ressources, qui modifient
graduellement les procédés physiques, chimiques et biologiques,
souvent sans qu'on s'en aperçoive tout
de suite.
Il faut bien comprendre que nous connaissons en
général beaucoup moins les écosystèmes marins que
les écosystèmes terrestres. De plus, les techniques
applicables à l'étude des écosystèmes marins sont
moins nombreuses et moins efficaces que celles qui
sont utilisées sur terre, et l'effort logistique requis en
milieu marin rend la recherche marine très coûteuse.
La complexité des lois et des sphères d'attribution
qui se rapportent à l'environnement marin pose aussi
un problème considérable. Par exemple, au Canada,
on doit tenir compte d'au moins 36 lois fédérales et
20 lois provinciales et territoriales sur la protection
et l'utilisation de l'environnement marin et des
ressources marines, sans compter les diverses
conventions et ententes internationales qui traitent du
même sujet. Étant donné l'aspect découvert des
écosystèmes marins et la grande connectivité qui
existe entre les différents milieux marins et entre ces
milieux et les activités terrestres en amont, la
viabilité à long terme des aires marines protégées
exige l'étroite collaboration des compétences en
cause.
La politique reconnaît aussi la nécessité d'une
approche souple en vue de la planification et de la
gestion de ces aires puisque, d'une région à l'autre,
les Canadiens voient le milieu marin et le rôle des
aires marines protégées d'un oeil fort différent. Ceci
reflète les valeurs socio-économiques profondes qui
sont associées à la protection et à l'utilisation du
milieu marin et de ses ressources. Parcs Canada
considère que ces aires ont un rôle important à jouer
dans la protection du patrimoine marin du Canada,
mais il croit aussi qu'il est peu probable d'atteindre
les objectifs fixés sans la collaboration, l'appui et
l'engagement de ceux qui sont le plus directement
touchés par leur création.
En plus des composantes naturelles, la plupart des
aires marines nationales de conservation contiennent
des ressources culturelles importantes. Celles-ci
doivent être gérées conformément à la Politique de
gestion des ressources culturelles présentée à la
partie III de ce document.
Compte tenu de l'orientation proposée par l'IUCN,
Parcs Canada s'est engagé à créer un réseau d'aires
marines protégées représentatif de tous les milieux
marins du Canada. Par conséquent, et pour faciliter
les efforts de conservation, il faut idéalement choisir
des aires assez vastes. Ainsi, la région à l'étude en
vue de la création de l'aire marine nationale de
conservation de Gwaii Haanas couvre 3 180
kilomètres carrés d'eaux côtières.
Le fond marin, le sous-sol et la colonne d'eau qui
les recouvre sont compris dans les aires marines
nationales de conservation. Dans les régions
côtières, les terres humides, les estuaires, les îles et
d'autres terres côtières peuvent être inclus.
Cependant, on peut aussi créer des aires marines au
large afin de protéger des secteurs marins situés à
distance des côtes canadiennes.
Étant donné que les aires marines protégées sont
vulnérables aux activités terrestres menées en amont,
la proximité d'un parc national ou d'une aire
protégée déjà en place pourrait contribuer à la
protection des aires de conservation.
La philosophie de gestion associée aux aires marines
nationales de conservation et celle qui a cours dans
les parcs nationaux terrestres sont très différentes sur
un point. En effet, au lieu d'essayer de protéger les
écosystèmes marins contre les effets de toute activité
humaine, ce qui est le but premier des parcs
terrestres nationaux, la gestion des aires marines
nationales de conservation vise la conservation au
sens de la Stratégie mondiale de la conservation.
Par conséquent, l'accent est mis sur la gestion
d'activités humaines variées dans le but d'offrir tous
les avantages durables possibles aux générations
actuelles, tout en gardant le potentiel pour répondre
aux besoins et aux aspirations des générations à
venir. Bien entendu, dans ce contexte, la
conservation englobe une foule de concepts de
gestion, dont la préservation, le maintien, l'utilisation
durable et la restauration du milieu marin naturel.
Parcs Canada croit que le succès du programme repose sur la
création de systèmes de gestion
intégrée qui devraient, idéalement, aider à
coordonner la gestion des aires marines et terrestres
bien au-delà des limites des aires marines nationales
de conservation. Dans certains cas, ceci implique la
participation de Parcs Canada à des programmes de
gestion intégrée parrainés par d'autres organismes.
Dans d'autres, il joue un rôle d'initiateur en vue de
faciliter et de coordonner les efforts des organismes
gouvernementaux et non gouvernementaux ainsi que
des utilisateurs, en matière de collaboration et de
gérance.
À long terme, on espère que ces aires
serviront de modèles pour une planification et une
gestion plus holistiques des milieux marins.
Un des éléments essentiels de toutes les aires
marines nationales de conservation est la mise en
réserve de certaines zones dans un but de protection.
Ces zones servent à reconnaître l'existence de
ressources culturelles ou de composantes
d'écosystèmes particulièrement importantes et
vulnérables, leur importance pour la recherche
écologique ou la surveillance environnementale et
leur potentiel à des fins de loisirs non abusifs et
d'éducation du public. Elles sont identifiées dans le
cadre des préparatifs d'un projet de création d'une
aire marine nationale de conservation.
Bien que la Loi sur les parcs nationaux ait été
modifiée en 1988 pour tenir compte de la création
d'aires marines protégées provisoires, il faut une
nouvelle loi et de nouveaux règlements pour refléter
le mandat et la responsabilité globale du ministre en
matière d'administration, de contrôle et de gestion
coordonnée des aires marines nationales de
conservation, afin d'assurer la protection des
écosystèmes marins qui s'y rattachent. Cette
législation doit aussi reconnaître les responsabilités
des autres ministres fédéraux et provinciaux dans des
domaines comme l'administration et le contrôle de
la pêche, de la navigation et du transport maritime.
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