La diversité culturelle dans les médias canadiens
Préparé pour le compte du : Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes
Mars 2017
This report is also available in English.
Phoenix SPI est une société membre accréditée Sceau d’or de l’Association de la recherche et de l’intelligence marketing
Sommaire
Phoenix SPI a mené une recherche qualitative pour le compte du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) afin de se pencher sur la question de la diversité culturelle dans les médias canadiens. Six groupes de discussion ont été organisés entre les 16 et 21 janvier 2017, soit un groupe dans chacune des villes suivantes : Toronto, Ottawa (en français), Montréal, Halifax, Vancouver et Québec (en français). Les participants étaient des Canadiens de 18 ans et plus qui écoutent des émissions sur les réseaux canadiens. Les groupes comprenaient des membres de minorités ethnoculturelles, des personnes autochtones, des femmes, des personnes handicapées, des membres de la communauté des lesbiennes, des gais, des bisexuels, des transgenres et des allosexuels (LGBTA) ainsi que d’autres adultes canadiens. La participation correspondait aux normes de l’industrie1, c’est-à-dire que les groupes comptaient de sept à neuf participants.
Cette recherche est de nature qualitative et non quantitative. Par conséquent, les résultats, qui fournissent une indication des points de vue des participants au sujet des enjeux abordés, ne peuvent pas être généralisés à l’ensemble de la population, ni aux membres des groupes visés.
Perceptions concernant la représentation et la description globales de certains groupes de la société canadienne
Selon la majorité des participants, la représentation et la description des membres de certains groupes de la société canadienne se sont, dans l’ensemble, améliorées au cours de la dernière décennie. Par contre, les participants étaient tout autant d’avis qu’il y avait encore place à l’amélioration, en particulier en ce qui concerne les personnes handicapées et les personnes autochtones. Comparativement aux minorités ethnoculturelles, aux femmes et aux membres de la communauté LGBTA, les personnes handicapées et les personnes autochtones faisaient moins bonne figure par rapport au nombre de fois qu’elles apparaissent dans des émissions télévisées et aux types de personnages et de rôles qu’on leur attribue. Ce constat est ressorti clairement quand on a demandé aux participants d’évaluer dans quelle mesure ils étaient en accord ou en désaccord avec l’énoncé suivant : « La télévision canadienne devient un miroir dans lequel tous les Canadiens peuvent se voir ».
Les participants étaient plus susceptibles d’être en désaccord qu’en accord avec cet énoncé. Un peu plus de la moitié ont exprimé leur désaccord comparativement à un peu plus du quart d’entre eux, qui étaient d’accord. Les participants étaient beaucoup plus susceptibles d’être modérément que fortement en accord ou en désaccord avec l’énoncé. Dans deux villes, soit Halifax et Québec, la majorité des participants étaient en désaccord avec l’énoncé. Seuls les participants à Vancouver étaient majoritairement en accord. Les participants à Ottawa et à Montréal étaient presque répartis également entre ceux qui étaient en accord et ceux qui étaient en désaccord. Les participants à Toronto étaient plus susceptibles d’exprimer des points de vue différents; ils étaient à parts égales d’accord, en désaccord et ni d’accord ni en désaccord avec l’énoncé.
Perceptions selon le groupe de la société canadienne et le type d’émissions
Les perceptions globales concernant la diversité culturelle dans les médias canadiens, qu’elles soient positives, négatives ou neutres, avaient tendance à reposer sur des perceptions ayant trait aux divers groupes (c.-à-d. les minorités ethnoculturelles, les personnes autochtones, les membres de la communauté LGBTA, les personnes handicapées et les femmes). En ce qui avait trait aux perceptions concernant ces groupes, une tendance claire s’est dégagée. Dans l’ensemble, les participants estimaient que les femmes étaient mieux représentées et dépeintes, suivies des minorités ethnoculturelles et des membres de la communauté LGBTA. Par contre, les participants ont à maintes reprises indiqué que les personnes handicapées et les personnes autochtones ne jouissaient pas d’un aussi bon traitement, particulièrement pour ce qui est de la représentation. De plus, les personnes autochtones sont, selon de nombreux participants, moins bien dépeintes.
En outre, les participants avaient généralement l’impression que certains types d’émissions ont tendance à mieux décrire la diversité de la société canadienne en général. Parmi les types d’émissions qui, de l’avis du plus grand nombre de participants, décrivent bien ou mieux cette diversité, on note les dramatiques et les comédies, les sports, les documentaires, les bulletins d’informations et les émissions d’affaires publiques.
Un résumé de la rétroaction, qui met en lumière les commentaires les plus fréquemment mentionnés par les participants, est présenté ci-dessous pour chacun des groupes :
- Femmes : Dans l’ensemble, les participants estimaient que les femmes sont bien représentées et adéquatement dépeintes. Ils ont fait remarquer à maintes reprises que les femmes n’incarnent pas simplement des personnages, mais qu’on leur attribue souvent des rôles principaux.
- Représentation : Plusieurs participants étaient étonnés d’apprendre que, selon une étude commandée par le CRTC2, la représentation des femmes accuse toujours un retard par rapport à leur proportion au sein de la population totale, ce qui vient s’ajouter aux impressions positives concernant la représentation.
- Description : Bien que la plupart des participants estimaient que les femmes sont généralement bien dépeintes (p. ex., elles sont plus susceptibles d’être présentées comme des femmes indépendantes, confiantes et qui réussissent), ils avaient également le sentiment que la description demeure parfois « stéréotypée » ou même « irréaliste ». Plusieurs participants ont déploré le fait que les femmes sont encore parfois sexualisées ou dépeintes à l’image de ce que veulent les hommes (p. ex., grandes, minces, belles et bien vêtues). Les types d’émissions dans lesquelles les femmes sont plus susceptibles d’être représentées comprennent des dramatiques et des comédies, des émissions de sports, des téléréalités, ainsi que des bulletins d’informations et des émissions d’affaires publiques.
- Minorités ethnoculturelles : Les participants avaient des points de vue mitigés concernant la représentation et la description des minorités ethnoculturelles.
- Représentation : Les participants avaient généralement le sentiment que les membres de ce groupe sont plus présents à l’écran, à la fois parce qu’ils incarnent des personnages à la télé et en raison des chaînes comme OMNI TV. En même temps, les participants ont mentionné à maintes reprises que, bien que la programmation soit devenue plus variée, elle ne reflète pas la diversité de la société canadienne.
- Description : En ce qui a trait à la description, les participants s’entendaient généralement pour dire que, bien que les rôles se soient améliorés, il y a encore des stéréotypes (p. ex., les Noirs sont dépeints comme des criminels, les Hispaniques et les Latino-Américains sont perçus comme des personnes religieuses, les musulmans ne sont vêtus que de leurs habits traditionnels et les personnes d’origine moyen-orientale sont présentées comme des terroristes). Parmi les types d’émissions les plus susceptibles de représenter des minorités ethnoculturelles, on note les comédies, les émissions de sports, les jeux-questionnaires, les bulletins d’informations et les émissions d’affaires publiques, ainsi que les émissions pour enfants.
- Communauté LGBTA : Les participants avaient généralement l’impression que les membres de la communauté LGBTA sont plus présents à l’écran, certains participants ayant que leur représentation n’est plus autant perçue comme un tabou qu’elle ne l’était parfois dans le passé.
- Représentation : À cet égard, les participants ont principalement critiqué le fait que la représentation des gais et des lesbiennes est privilégiée dans une plus grande mesure que celle des membres de la communauté BTA. Estimant que les personnes de cette communauté sont devenues plus visibles, les participants étaient surpris d’apprendre que, selon une étude américaine3, seulement 32 personnages (autres que des figurants) sur 4 370 étaient des personnes de la communauté LGBTA.
- Description : Dans l’ensemble, les participants avaient l’impression que les membres de cette communauté sont bien dépeints, bien qu’il ait également été mentionné à plusieurs reprises que leur image peut être stéréotypée, c’est-à-dire qu’ils peuvent être présentés comme des personnes extravagantes ou ayant des traits de caractère exagérés. Parmi les types d’émissions les plus susceptibles de représenter la communauté LGBTA, on note les comédies, les téléréalités, les documentaires, ainsi que les bulletins d’informations et les émissions d’affaires publiques.
- Personnes handicapées : Les participants étaient généralement d’accord pour dire que les personnes handicapées sont mieux dépeintes qu’elles ne sont représentées. En d’autres mots, il y a très peu de personnages ou de personnalités ayant un handicap, mais lorsqu’ils sont présents, ils sont habituellement bien décrits.
- Représentation : Certains participants avaient l’impression que la représentation des personnes handicapées dans les émissions de télévision tend à être « thématique » ou « épisodique ». En d’autres mots, une émission comprendra un épisode dans lequel jouera une personne handicapée, mais s’attardera à la façon dont le ou les personnages principaux réagissent à cette personne plutôt qu’au développement ou à l’exploration du personnage incarné par la personne handicapée. Les participants ont également formulé des commentaires au sujet de la représentation épisodique des personnes handicapées dans les émissions sportives (c’est-à-dire qu’elles sont peu représentées dans les sports, à part lors de la tenue des Jeux paralympiques). Ayant l’impression que les personnes faisant partie de ce groupe ne sont pas très visibles, les participants n’étaient pas surpris d’apprendre que, selon une étude commandée par le CRTC, les personnes handicapées sont « considérablement absentes » des émissions. Les personnes handicapées sont plus susceptibles d’être représentées dans les dramatiques et les comédies, les téléréalités, ainsi que les bulletins d’informations et les émissions d’affaires publiques.
- Description : Selon la majorité des participants, les personnes handicapées sont mieux dépeintes qu’elles ne sont représentées (c’est-à-dire qu’il y a très peu de personnages ou de personnalités ayant un handicap, mais lorsqu’ils sont présents, ils sont habituellement bien décrits). De plus, certains participants ont fait remarquer que les personnages ayant un handicap sont souvent joués par des acteurs qui n’ont pas en réalité le même handicap (p. ex., un personnage en fauteuil roulant est joué par un acteur qui n’est pas une personne à mobilité réduite)
- Personnes autochtones : Les participants ont déclaré de manière constante que les personnes autochtones ne sont pas bien représentées ni dépeintes.
- Représentation : De l’avis de plusieurs participants, les personnes autochtones sont pratiquement invisibles sur les réseaux canadiens. À preuve, personne n’était surpris d’apprendre que, selon une étude commandée par le CRTC, les collectivités autochtones sont sérieusement sous-représentées. Sans surprise, les participants ont eu de la difficulté à identifier des types d’émissions qui font un bon ou un meilleur travail pour ce qui est de la représentation des personnes autochtones. APTN est le seul exemple qui avoir été mentionné plusieurs fois, mais il s’agit d’un réseau et non d’un type d’émission.
- Description : Les participants avaient en général l’impression que les personnes autochtones sont dépeintes au moyen de stéréotypes (p. ex., comme des personnes pauvres, alcooliques, qui inhalent de la colle ou de l’essence).
Perceptions de la couverture journalistique
La plupart des participants estimaient adéquate la couverture des enjeux intéressant ou touchant les minorités ethnoculturelles, les personnes autochtones, les femmes, les personnes handicapées et les membres de la communauté LGBTA. Par contre, certains participants ont relevé des questions qui, selon eux, pourraient ou devraient recevoir plus d’attention de la part des médias, notamment les enjeux suivants (présentés selon le groupe de la population) :
- Femmes :
- Sexisme/harcèlement sexuel dans l’armée canadienne
- Femmes autochtones disparues et assassinées
- Abus des femmes autochtones par la police
- Violence faite aux femmes en général
- Personnes autochtones :
- Enfouissement des déchets sur les terres des Premières Nations
- Opposition aux pipelines
- Conditions de vie dans les réserves
- Taux de suicide chez les Autochtones
- Femmes autochtones disparues et assassinées
- Abus des femmes autochtones par la police
- Question des pensionnats
- Personnes handicapées :
- Soldats aux prises avec le trouble de stress post-traumatique (TSPT)
- Personnes voulant avoir recours au suicide assisté
- Condition des personnes souffrant d’une maladie mentale
- Minorités ethnoculturelles :
- Brutalité policière/racisme dans les forces policières
- Profilage ethnique
- Condition des réfugiés syriens au Canada
- Membres de la communauté LGBTA :
- Crimes haineux découlant de l’homophobie
De manière générale, les participants avaient tendance à penser ou à présumer que la couverture des enjeux intéressant ou touchant ces groupes est équilibrée ou objective. Cela dit, certains d’entre eux ont fourni des exemples de nouvelles qu’ils disent biaisées d’une façon ou d’une autre, notamment les exemples suivants :
- Les reportages au sujet des manifestations « Black Lives Matter » qui sont présentés comme des incidents violents plutôt que comme des manifestations pacifiques.
- La couverture liée aux conditions dans les réserves qui semble « blâmer les victimes » pour leur situation.
- Les reportages au sujet des femmes assassinées dans lesquels on précise « qu’elle était reconnue comme une prostituée ».
- Les reportages concernant la brutalité policière envers des membres de minorités visibles où l’on déclare que « le suspect était connu des policiers ».
- Les reportages portant sur des crimes où il est mentionné que « les policiers sont à la recherche d’une personne de couleur ».
Note de bas de page 1 : Conformément à la pratique habituelle pour la tenue de groupes de discussion, 11 participants ont été recrutés pour chacun des groupes afin d’assurer une participation adéquate.
Note de bas de page 1 : L’un des principaux objectifs de la Loi sur la radiodiffusion du Canada est de s’assurer que les Canadiens se reconnaissent dans le système de radiodiffusion. En vue d’éclairer un éventuel examen de sa Politique sur la diversité culturelle, le CRTC a commandé une étude pour évaluer les progrès accomplis par les diffuseurs canadiens par rapport à la diversité culturelle dans le système canadien de télédiffusion depuis le rapport de 2004 publié par le Groupe de travail sur la diversité culturelle à la télévision. L’étude, publiée en mars 2016 et intitulée Review of Cultural Diversity within Canadian Television Programming, a fourni des données récentes sur la façon dont la diversité culturelle est ou non reflétée à la télévision traditionnelle dans six marchés au Canada (Toronto, Vancouver, Halifax, Ottawa, Montréal et Québec).
Note de bas de page 1 : Pendant les groupes de discussion, les participants ont reçu un document (un infographique) présentant des statistiques sur la représentation et la description de la diversité culturelle dans les systèmes de radiodiffusion au Canada et aux États-Unis. Le document visait uniquement à stimuler la discussion; il ne tentait pas de donner un aperçu complet et exact des statistiques actuelles, ce qui fut clairement expliqué aux participants au moment de le leur remettre. Les statistiques canadiennes provenaient de l’étude de 2016 commandée par le CRTC (citée à la note en bas de page 2) et les statistiques américaines étaient tirées d’une étude publiée en septembre 2016 par l’USC Annenberg School for Communication and Journalism et intitulée Inequality in 800 Popular Films: Examining Portrayals of Gender, Race/Ethnicity, LBGT and Disability from 2007-2015.