Sommaire
Comment le public perçoit le rôle du Canada en Afghanistan

Préparé pour:

Affaires étrangères et Commerce international Canada
125 promenade Sussex
Ottawa, Ontario
K0A 0G2
www.international.gc.ca
kevin.chappell@international.gc.ca

POR # 243-06
08227-065463/001/CY
1 novembre 2006

Table des matières

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Sommaire

The Strategic Counsel est heureuse de présenter l'analyse détaillée des constatations d'une série de groupes de discussion avec des Canadiens concernant leurs points de vue sur la mission en Afghanistan, leur degré de compréhension des buts de la mission et leur réaction face à des énoncés divers, certains en faveur et d'autres contre, et des faits à propos de la mission.

L'engagement du Canada en Afghanistan, sous l'égide de la Force internationale d'assistance à la sécurité (FIAS), a été sanctionné par l'Organisation des Nations Unies en réaction à l'attaque contre le World Trade Center à New York par des terroristes d'al-Qaida le 11 septembre 2001. La nature de la participation du Canada en Afghanistan a évolué depuis 2002, quand les Canadiens y ont été déployés pour la première fois en réponse aux besoins économiques et de sécurité du peuple afghan. Les Canadiens sont très au courant du déploiement des forces canadiennes en Afghanistan, qui attire beaucoup l'attention des médias. En plus de travailler à stabiliser la situation en Afghanistan et à améliorer la sécurité des citoyens afghans, le Canada est également très engagé dans un effort de reconstruction, en dispensant de l'aide économique et humanitaire et du soutien pour le rétablissement des structures et des systèmes civiques et de gouvernance de base. Ces initiatives diplomatiques et de développement sont généralement moins bien connues et comprises par le public canadien, mais sont des composantes tout aussi importantes de l'effort international de reconstruction.

Au cours des 12 derniers mois, l'appui du public à la mission en Afghanistan a fluctué, reflétant les préoccupations croissantes des Canadiens à l'égard de la nature toujours risquée de l'engagement, reflétant aussi des questions en suspens et certainement quelques perceptions erronées concernant la raison d'être de la participation initiale du Canada. L'appui envers la mission est également lié à la mesure selon laquelle les Canadiens croient qu'un résultat positif et durable en Afghanistan est probable.

Les sondages d'opinion publique réalisés et publiés par The Strategic Counsel ont révélé que l'appui envers la décision d'envoyer des forces en Afghanistan est passé d'un pic de 55 % en mars 2006 à un creux de de 37 % en août. L'appui a repris de la vigueur en remontant à 44 % en octobre 2006, puis est retombé à 35 % au début de décembre. Si l'idée selon laquelle l'augmentation des pertes a influé sur le point de vue des Canadiens quant aux mérites de la mission afghane fait l'objet d'un certain débat, le déclin de l'appui semble aller de pair avec le fait qu'on croit de moins en moins que la mort de certains soldats canadiens est un coût acceptable et prévu associé à l'établissement de la stabilité et de la paix en Afghanistan. Au cours de la même période, de mars à octobre 2006, le pourcentage de Canadiens qui croient que ce prix est trop élevé a augmenté de 39 à 55 %.

favorables à, ou en opposition avec, l'envoi de troupes en Afghanistan

En même temps, les Canadiens sont partagés quant à savoir si la décision d'envoyer des soldats en Afghanistan était bonne ou mauvaise. Juste un peu moins de la moitié des Canadiens (48 %) sont d'accord avec chacun de ces points de vue opposés. En outre, si 52 % du public disait en octobre dernier qu'il fallait retirer les soldats canadiens de l'Afghanistan, juste un peu plus de quatre sur dix (42 %) n'étaient pas en faveur d'un retrait des troupes à ce moment-là.

Il est évident que la participation du Canada en Afghanistan a été et continuera d'être une question litigieuse. Si les Canadiens appuient généralement les forces canadiennes et les soldats canadiens qui sont actuellement en Afghanistan, ils sont moins enclins à accorder leur appui entier et inconditionnel à l'ensemble de la participation canadienne. Le programme de recherche qualitative avait donc pour but d'évaluer les niveaux courants de compréhension et de croyances concernant la mission, les facteurs et les enjeux qui influencent l'appui, ou l'opposition, ou les deux, envers la mission et également la réaction aux faits et à l'information à la fois sur l'Afghanistan et sur l'ensemble de la présence internationale dans la région. Les constatations tirées des groupes de discussion fournissent des éclairages précieux pour les décisionnaires et les communicateurs du gouvernement du Canada quant à la compréhension du degré et de la nature des écarts d'information critiques et des points de pression clé pour l'opinion publique à l'égard de cette question.

Une série de 14 groupes de discussion a été entreprise, soit deux dans chacun de sept centres d'un bout à l'autre du Canada, c'est-à-dire Toronto, Oshawa, Laval, Halifax, Drummondville, Vancouver et Saskatoon. Tous les groupes se sont réunis entre le 14 et le 20 novembre 2006. Dans chaque centre, un groupe était formé de participants âgés de 18 à 35 ans, et le second était formé de participants de 36 ans et plus. Outre la segmentation par âges, les participants ont été recrutés pour refléter un mélange de niveaux de scolarité, de niveaux de revenu familial et d'occupations. Dans la mesure du possible, les groupes comprenaient 50 % d'hommes et 50 % de femmes. Les représentants des Forces armées canadiennes étaient expressément exclus des groupes.

Les lecteurs du présent rapport doivent garder à l'esprit que les constatations de la recherche qualitative sont de nature directionnelle. Étant donné qu'elles ne représentent pas les points de vue d'une portion statistiquement importante de la population canadienne, on ne peut pas dire qu'elles sont représentatives de l'ensemble de la population ou des populations des centres où les groupes de discussion ont été organisés. Elles permettent néanmoins de mettre en lumière les enjeux et les considérations qui sous-tendent les opinions publiques concernant la participation du Canada en Afghanistan. À cet égard, les constatations sont particulièrement éclairantes et peuvent guider les décisionnaires et les communicateurs concernant les fluctuations de l'opinion publique sur cette question.

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A. Résumé des constatations

La question de la participation du Canada en Afghanistan représente un point de pression explosif de l'opinion publique et un point clé de vulnérabilité pour le gouvernement du Canada.

La mission canadienne en Afghanistan cause de plus en plus d'inquiétudes et d'anxiété à un grand nombre de personnes. Les commentaires des participants laissent entendre qu'ils sont gravement préoccupés par l'état de la mission, par les perceptions de la probabilité de sa réussite ou de son chec et par les risques continus auxquels les soldats canadiens sont exposés. Cette préoccupation accrue représente un changement fondamental dans la plus vaste perspective publique. Rarement, et certainement pas de mémoire récente, les affaires étrangères du Canada ou sa politique internationale ont-elles occupé une place prépondérante parmi les enjeux nationaux ou les défis considérés comme des préoccupations qui viennent à l'esprit en premier. Pour la plus grande partie ou plus de la dernière décennie, les gens étaient généralement plus préoccupés par la santé, l'éducation, l'économie et les emplois ou l'environnement. Et, si la plupart des sondages nationaux courants d'opinion publique indiquent encore que la santé et l'environnement figurent au nombre des préoccupations principales de la plupart des Canadiens, il faut noter qu'aussi récemment qu'en juillet 2006, The Strategic Counsel constatait que juste un peu moins d'un Canadien sur dix (7 %) considérait que le terrorisme et les questions relatives à l'Afghanistan étaient l'enjeu le plus important du Canada.

La participation du Canada en Afghanistan est fortement teintée des signes caractéristiques d'une question « chaude », susceptible d'exploser et envers laquelle la réaction publique est fortement influencée par les événements et la couverture des médias. Les participants des groupes de discussion ont parlé avec passion et vigueur de la question. Elle suscite des opinions très fortes, même si elles sont basées sur des perceptions erronées ou de l'information incomplète. C'est galement une question explosive susceptible d'attirer la foudre, de galvaniser l'opinion publique et les perceptions du rendement général du gouvernement du Canada et de devenir plus importante que les préoccupations publiques entourant à peu près tous les autres sujets.

Il existe un certain nombre de raisons pour lesquelles cette question touche une corde très sensible de l'âme canadienne, dont l'augmentation du nombre de soldats canadiens qui ont perdu la vie au cours des 12 derniers mois n'est pas la moindre. Au-delà de cette évidente réalité tragique, il est également appararent que la perspective publique à l'égard des Forces canadiennes et de leur rôle ne semble pas avoir évolué beaucoup au-delà d'une sorte de perception « Pearsonienne » du rôle très traditionnel de maintien de la paix des Forces canadiennes. Voici donc les principaux facteurs qui influent fondamentalement sur l'opinion publique en rapport avec cette question :

Il ressort des commentaires des participants que les Canadiens se considèrent relativement isolés de l'évolution des réalités mondiales en ce qui concerne les activités terroristes et les conflits civils autour du monde. C'est un fait que les États-Unis, l'Europe et l'Asie ont été les principales cibles des menaces terroristes. En général, les participants ne se considéraient pas eux-mêmes comme cible principale de l'activité terroriste. Par conséquent, la plupart d'entre eux ne souscrivent pas à l'idée que la lutte contre le terrorisme à l'étranger améliorera la sécurité au pays.

La question est également enlisée dans le désir des participants de continuer à être perçus comme des promoteurs et des gardiens internationaux de la paix. La perception selon laquelle ce rôle convoité semble mis à mal ou diminué par la participation du Canada en Afghanistan a des répercussions sur l'appui des Canadiens envers la mission.

Le public canadien n'a pas été préparé à l'évolution du rôle des militaires à l'intérieur de ce nouveau contexte mondial où les États défaillants et les activités d'acteurs non étatiques ont remplacé les conflits entre les nations au rang des menaces prééminentes envers la sécurité mondiale. Le fait que ces situations changeantes exigent un type différent d'engagement militaire et de l'intervention diplomatique et humanitaire pour appuyer la reconstruction des institutions démocratiques n'est pas quelque chose que les Canadiens semblent avoir entièrement assimilé. Le rôle du Canada à l'intérieur de l'OTAN au cours de la guerre en Bosnie-Herzégovine a représenté un changement décisif d'orientation pour les militaires. Pourtant, un grand nombre de Canadiens n'étaient pas, et ne sont probablement pas encore, conscients à la fois de la nature entière et de la portée de cet engagement et de son importance pour ce qui est d'ouvrir une nouvelle ère pour les Forces canadiennes. Les événements qui ont eu lieu dans la Poche de Medak en Croatie au milieu des années 1990, s'ils sont relativement inconnus pour de nombreux Canadiens, ont marqué un point tournant pour les gardiens de la paix canadiens. L'extrait suivant d'un document affiché au site Web de l'Association de la défense du Canada décrit le rôle des Forces canadiennes dans la Poche de Medak : « Les Canadiens, bien versés dans l'art délicat du maintien de la paix , ont découvert que leurs compétences en matière de négociation n'étaient pas immédiatement requises cet endroit. Le feu des mitrailleuses, des mortiers et de l'artillerie déclenché par les unités de l'Armée croatienne pour tenter de stopper l'avancée canadienne a plutôt obligé nos forces à redevenir des forces offensives, comme elles le sont en premier lieu. Pour s'acquitter de la mission qui leur avait été assignée, les Patricias ont dû menacer d'utiliser une force létale, ce qu'ils ont d'ailleurs fini par faire, contre l'Armée croatienne. Mais le vrai test du professionnalisme et de la discipline militaires est venu quand la fumée a été dissipée, quand les Croates ont reculé et que les Canadiens ont immédiatement repris leur rôle de gardiens de la paix impartiaux dans leurs rapports avec des individus qui avaient essayé de les tuer quelques minutes plus tôt; » [traduction] 1 et

Finalement, cette question touche également une corde sensible quant au sentiment de souveraineté et d'indépendance des Canadiens, particulièrement face aux États-Unis. L'idée selon laquelle la participation du Canada en Afghanistan est liée à la défense des intérêts américains, ou une guerre américaine à mener, a une grande importance sur le fait qu'on juge qu'il s'agit ou non d'une poursuite « juste » et fondée.

On peut diviser les points de vue sur la mission en trois groupes distincts - ceux qui sont opposés, ceux qui hésitent entre l'appui et l'opposition (« zone grise ») et ceux qui sont en général favorables à la participation du Canada. Si l'opposition est très ferme et en général immuable, l'appui envers la mission a tendance à être mou et plus instable.

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Les tableaux qui suivent résument les caractéristiques clés de chacun de ces segments de l'opinion publique.

Ceux qui sont fermement opposés à la mission

Caractéristiques déterminantes
Croyances et préoccupations à propos de la mission
Questions et expressions fréquentes
Approches possibles de communications
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Partisans « mous » de la Mission

Caractéristiques déterminantes
Croyances et préoccupations à propos de la mission Questions et expressions fréquentes
Questions et expressions fréquentes
Approches possibles de communications
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Les incertains : ceux qui hésitent entre l'appui et l'opposition (« zone grise »)

Caractéristiques déterminantes
Croyances et préoccupations à propos de la mission
Questions et expressions fréquentes
Approches possibles de communications

En général, les jeunes Canadiens (18 à 35 ans), sauf quelques exceptions (par exemple Saskatoon), ont tendance à être moins favorables à la mission par rapport aux plus âgés, de 36 ans et plus. Cela semble lié à une perspective moins éclairée sur les événements mondiaux en général et sur l'Afghanistan en particulier, et aussi à une position anti-américaine plus forte, par rapport aux plus vieux.

De façon générale, à l'exception de ce qui précède, les groupes de discussion des participants plus jeunes ont eu tendance à être opposés plus fermement à la participation du Canada en Afghanistan. Cet effet générationnel résulte d'un certain nombre de facteurs, dont les suivants :

Une opposition plus forte envers les politiques internationales des États-Unis et un sentiment que le Canada emboîte simplement le pas - beaucoup de jeunes étaient opposés fermement à la participation du Canada en Afghanistan parce que cela suppose un alignement avec la politique trangère américaine. De plus, certains jeunes ont dit qu'ils croient que la mission en Afghanistan est une initiative menée par les Américains. Ils s'inquiètent donc que les Canadiens ne soient pas en contrôle. Ce sentiment que les Canadiens suivent aveuglément le leadership des États-Unis dans la région inquiète dans la mesure où le Canada apparaît devenir plus vulnérable comme cible de terrorisme. Ils craignent que les groupes terroristes ne fassent pas beaucoup de distinction entre le Canada et les États-Unis.

La crainte que les Forces canadiennes ne savent pas vraiment ce qu'elles font ou qui est l'ennemi qu'elles combattent en Afghanistan - cette attitude est fondée sur trois perceptions distinctes, mais qui se renforcent mutuellement à propos de la mission canadienne et de l'Afghanistan en général. La première est le manque de confiance envers le leadership politique en général. Sur beaucoup de questions, les jeunes expriment des doutes à propos de la sagesse et du jugement des membres du gouvernement. Cela reflète la question plus large du manque de confiance envers les institutions traditionnelles et les organismes d'autorité qui influence leurs perceptions du rôle du Canada en Afghanistan. La deuxième est une tendance générale à considérer les forces armées comme une institution de plus en plus désuète. À plusieurs égards, cette attitude reflète simplement l'idéalisme de la jeunesse et le désir d'un monde où l'intervention militaire devient inutile. Finalement, il ressort clairement des commentaires d'un grand nombre de jeunes des groupes de discussion qu'ils ne comprennent pas entièrement la géographie, l'histoire, la culture et la politique de l'Afghanistan. Leurs points de vue sont façonnés par de l'information et une compréhension limitées qui les amènent à adopter un point de vue très simpliste (et généralement négatif) de la situation.

Il y a une déconnexion entre les notions de protéger les Canadiens et d’aider les Afghans –c’est le point de vue d’un grand nombre de participants sans considération de l’âge—mais il est particulièrement prononcé parmi les jeunes participants aux groupes de discussion.

Par ailleurs, les jeunes des groupes de discussion étaient favorables aux efforts humanitaires et de reconstruction en Afghanistan. Ils croient cependant fermement que ces efforts pourraient avoir lieu sans présence militaire. La notion qu'il faut rendre la région sécuritaire et la stabiliser pour permettre aux efforts de reconstruction de réussir n'est pas une prémisse que beaucoup de jeunes acceptent. En revanche, ils affirment que les forces armées sont probablement en train d'exacerber une situation déjà précaire et sont un facteur de déstabilisation.

Ceux qui sont contre la mission, et même ceux qui lui sont favorables, se montrent sceptiques à propos de la possibilité d'un résultat positif. Leurs points de vue ont été façonnés par les rapports des médias sur les escarmouches presque quotidiennes entre les Forces canadiennes et les insurgés afghans. Ils ont peu l'impression d'un grand plan et questionnent l'engagement et le leadership des Afghans, en se basant sur l'histoire troublée de la région.

Chez les opposants (et même ceux qui sont favorables), les questions/préoccupations principales sont les suivantes :

Les Canadiens mènent une guerre américaine. L'utilisation continue d'expressions commme la « guerre contre la terreur » dans la description des efforts du Canada en Afghanistan a eu pour effet de mêler la situation de l'Irak et celle de l'Afghanistan dans l'esprit d'un grand nombre de participants. Un grand nombre d'entre eux ont de la difficulté à séparer l'Afghanistan de l'Irak. Par conséquent, puisque l'argument des « armes de destruction massive » invoqué à l'origine comme la raison principale de l'intervention des États-Unis en Irak s'est avéré sans fondement par la suite, ils sont nombreux à croire que la raison d'aller en Afghanistan est probablement boiteuse ou faible au mieux. De plus, à cause de la détérioration des conditions en Irak, où la violence sectaire et l'activité terroriste augmentent, un grand nombre d'entre eux en viennent à penser qu'il doit être en train de se produire la même chose en Afghanistan.

Il n'y a pas de vraie raison pour que le Canada se batte en Afghanistan. Chez les jeunes en particulier, ils étaient nombreux à avoir l'impression que le Canada a été forcé de participer en Afghanistan par les Américains après le 11 septembre 2001, ou bien qu'il y a eu de la manipulation. Il existe également une certaine suspicion que le Canada est en Afghanistan simplement pour soutenir les États-Unis et la Grande-Bretagne et que ces pays servent uniquement leurs intérêts personnels en essayant de dominer la région. Il y a un lien ici avec le fait qu'un grand nombre d'entre eux sont d'avis que les États-Unis pourraient être sur le point de se retirer de l'Afghanistan. Ce point de vue a été renforcé par le résultat des élections de mi- mandat aux États-Unis. En entendant parler d'un retour des soldats à la maison, quoique cela était en référence à l'engagement américain en Irak, certains ont été amenés à croire que les Américains pourraient également se retirer de l'Afghanistan, laissant les forces canadiennes de plus en plus vulnérables. On comprend peu que le Canada fait partie d'un grand contingent international.

Il n'y a pas de plan clair. Les participants veulent dire par là qu'ils ne sont pas au courant d'une feuille de route établissant des buts précis ou des résultats attendus de la présence en Afghanistan. Ils n'ont pas entendu parler de discussions, n'en ont pas vues, concernant ce qui serait un résultat positif ou sur ce que seraient les indicateurs de réussite en Afghanistan. Cela laisse les participants très pessimistes et ils ont alors tendance à comparer l'Afghanistan à l'expérience des Américains en Irak - « Je ne vois pas de plan clair. c'est comme les États-Unis en Irak. »

Ils ont l'impression qu'il n'y a pas eu beaucoup de progrès jusqu'ici, s'il y en a eu. Par ailleurs, quand on a dit aux participants que le Canada était présent en Afghanistan depuis environ cinq ans, cela a eu tendance à augmenter l'inquiétude à propos du peu de progrès accompli au cours de cette période. Un grand nombre de participants se demandent en fait si les Afghans sont mieux maintenant qu'ils l'étaient il y a cinq ans. Si c'est le cas, on ne semble pas avoir annoncé grand- chose pour le démontrer. De plus, on note une certaine expression de futilité de la mission. On a l'impression que lorsque les forces internationales partiront, le pays retombera dans son histoire de conflits.

Certains craignent que les soldats canadiens ne sont pas suffisamment bien équipés. Cela est renforcé par le point de vue que les Canadiens sont des gardiens de la paix, pas des combattants. Les participants croient que les Canadiens, à titre de gardiens de la paix, n'ont pas le savoir-faire pour se battre contre les insurgés talibans ou pour débusquer les enclaves terroristes dans les régions montagneuses de l'Afghanistan. Cette inquiétude semble émaner de deux préoccupations : premièrement, on craint que le contingent canadien est trop petit pour avoir un impact important et, deuxièmement, on croit que les soldats canadiens ont été négligés depuis dix ans ou plus. Sur ce dernier point, il est probable que les années de discussion publique des réductions du financement des forces armées, du matériel désuet ou mal entretenu et du moral bas des membres des forces ont donné l'impression aux Canadiens que les forces canadiennes sont mal préparées à fonctionner efficacement en Afghanistan.

Un grand nombre des participants étaient d'avis que le Canada est peut-être en train d'imposer un « mode de vie » ou des valeurs culturelles aux Afghans qui ne sont ni ce qu'ils veulent, ni une chose qu'ils ont demandée. On a beaucoup l'impression que la mission canadienne a été imposée aux Afghans et qu'un grand nombre d'Afghans, à l'exception des membres du gouvernement, sont irrités par la présence canadienne. Presque personne n'est d'avis que les Canadiens sont en Afghanistan en raison d'une résolution de l'ONU en matière de sécurité et à la demande du gouvernement afghan. Certains participants ont même parlé de la mission comme de « l'invasion de l'Afghanistan », laissant entendre que les Canadiens prennent part à une agression qui contrevient à la souveraineté de l'Afghanistan ou qui l'affaiblit.

Les participants ne voient pas d'avantage clair à la présence du Canada en Afghanistan. La pertinence de la participation du Canada en Afghanistan n'a pas été articulée clairement à l'intention des Canadiens. Ils ont également de la difficulté à déterminer si la participation du Canada réduit ou augmente le risque d'une attaque terroriste au pays.

Les participants ne voient pas de connexion entre l'Afghanistan et la sécurité au Canada. Ils ne comprennent pas comment le fait de se battre en Afghanistan peut protéger les Canadiens. S'ils sont généralement d'accord avec le point de vue que la participation du Canada démontre du leadership, que nous nous acquittons de nos obligations envers l'OTAN et que nous participons activement à la protection des droits de la personne, ils ne voient pas la situation en Afghanistan comme la défense des intérêts nationaux du Canada. La plupart considèrent ainsi que cette participation est très peu directement pertinente, si elle l'est en quelque chose, outre évidemment l'avantage altruiste associé à la reconstruction d'un pays qui avait été réprimé et qui avait régressé sous le règne des talibans.

Tous les groupes ont débattu avec beaucoup de vigueur en se demandant si la participation du Canada en Afghanistan réduit ou augmente le risque que nous devenions une cible terroriste. Les participants ont des points de vue des deux côtés sur cette question. Certains croient que le Canada est de plus en plus une cible en raison de son rôle en Afghanistan. D'autres croient que le Canada s'exposerait encore plus si les soldats étaient retirés. Finalement, toutefois, peu de participants croient que cette question est un facteur clé pour déterminer si le Canada doit demeurer ou partir. Si elle n'influence pas l'opinion publique en faveur ou contre la participation, elle est considérée comme un risque dont la possibilité se situe de mineure à modérément importante.

En même temps, peu de participants se sont dits en faveur d'un retrait rapide et complet des soldats canadiens en ce moment ou même dans les 12 prochains mois.

Si ceux qui s'opposaient le plus fortement à la participation du Canada en Afghanistan étaient en faveur d'un retrait immédiat, la majorité des participants étaient d'avis qu'agir ainsi aurait des conséquences désastreuses pour l'Afghanistan et pour la réputation du Canada au sein de la communauté internationale et parmi ses alliés de l'OTAN. Dans le cas de ceux qui étaient incertains ou qui hésitaient à propos de la participation du Canada, un retrait échelonné sur une période de 12 à 18 mois était considéré raisonnable. D'autres favorisaient le maintien de la participation jusqu'en 2009.

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B. Principaux défis de communications

Les défis en matière de communications auxquels fait face le gouvernement du Canada à ce chapitre sont énormes, ont des facettes multiples et sont complexes. L'opinion des gens sur cette question s'est forgée et consolidée en fonction d'une combinaison de mythes, de perceptions erronées et d'une faible compréhension de la situation. Par conséquent, les principaux défis du gouvernement sont de :

Mieux faire connaître et comprendre la situation difficile des Afghans, leur histoire et les occasions de les aider en communiquant des faits connus au sujet de la région; Détruire les principaux mythes et conceptions erronées quant à l'engagement, y compris les perceptions actuelles que :

Établir un avantage plus tangible pour les Canadiens qui rejoint leur sentiment d'identité sur la scène internationale;

Contrer une tendance croissante à l'insularité et à l'introversion. Cette tendance de l'opinion publique est particulièrement inquiétante en cette ère qui nécessite plus de sensibilité face à la situation internationale et à la coopération multilatérale alors que le pouvoir économique se déplace vers le continent asiatique;

Prendre la question en charge et faire preuve d’un sens des responsabilités envers le peuple afghan afin de renverser la perception que cette guerre dans une région éloignée du monde ne nous concerne pas;

Changer la perception des militaires canadiens et redéfinir le rôle des Casques bleus;

Définir la portée globale de la participation du Canada, établir et renforcer l'intersection entre l'importance de la diplomatie, du développement et des activités de sécurité;

Combattre le cynisme populaire qui fausse la perception de nombreuses initiatives gouvernementales et le peu de confiance qu'ont les gens dans les médias. Combinés, ces phénomènes rendent extrêmement difficile de tenir des audiences publiques ouvertes et réceptives; et

Démontrer des progrès tangibles.

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C. Approche de communications globale

Il faut communiquer de façon équilibrée en utilisant un ton qui est :

optimiste, qui reflète les progrès à ce jour;
plein d'espoir et souligne que les Canadiens continueront à soutenir le désir des Afghans d'améliorer leur qualité de vie;
et prudent et honnête au sujet des risques en jeu et de l'engagement d'aller jusqu'au bout de la mission.

Les participants avaient tendance à remettre en question tous les faits et l'information qui leur étaient présentés. Cette attitude est un reflet du scepticisme croissant au sein du public, surtout en ce qui a trait aux communications émanant du Gouvernement du Canada qu'ils ont tendance à percevoir comme présentant un seul côté de la médaille. Des exemples de réussites et d'échecs, ainsi qu'une évaluation honnête des défis en cours, contribueraient à réduire le cynisme au sein du public.

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D. Cadre de communications

Voici quelques directives pour établir un cadre de travail visant à communiquer la participation du Canada en Afghanistan et à régler certains des principaux défis de communications mentionnés plus tôt.

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1. Encadrer le problème: le contexte

La question doit être bien établie dans le contexte plus vaste de l'approche du Canada de la politique étrangère. Plus précisément, un contexte doit être établi afin de répondre à ces questions :

Pourquoi l'Afghanistan? Pourquoi pas un autre pays?
Est-ce que l'Afghanistan empêche d'autres opérations?
Est-ce que nous utilisons des fonds qui pourraient être plus utiles pour régler des problèmes à
l'interne?

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2. Définir des messages clés

Les messages clés possibles doivent être construits à partir des thèmes suivants afin d'éliminer les perceptions erronées et le manque d'information, tout en transformant l'image que se font les Canadiens du maintien de la paix dans le monde présent :

Obligation du Canada en vertu de l'OTAN / Opération internationale

Nous sommes présents dans le cadre de notre engagement envers les Nations-Unies et l'OTAN. Nous sommes présents aux côtés de 36 autres nations.

Répondre à la demande des Afghans et les soutenir

Le peuple afghan nous a demandé de les aider et désire notre présence. Nous pouvons faire une différence. Nous en faisons une. Nous aidons à rétablir les droits de la personne pour les femmes et les enfants. Nous aidons à rebâtir les structures économiques et sociales de base de la société que nous prenons pour acquises ici. Nous combattons les Talibans et les terroristes afin de créer un environnement sécuritaire et pacifique pour le peuple afghan.

Poursuivre la tradition de maintien de la paix et l'adapter aux nouvelles réalités

Les Canadiens ont une forte tradition de maintien de la paix très respectée. Nous continuerons à jouer ce rôle où et quand nous pouvons être efficaces. Nous éradiquons les sources de déstabilisation dans la région (terroristes / Talibans) qui continuent de semer la terreur au sein du peuple afghan et les empêchent de vivre normalement. La stabilité, le développement et la démocratie vont de pair. Les Casques bleus canadiens d'aujourd'hui doivent maîtriser un éventail de compétences. Le concept de maintien de la paix a évolué en un rôle plus dynamique nécessitant des opérations de soutien.

Des progrès sont en cours

Nous établissons les conditions pour que la démocratie naisse et s'épanouisse dans la société. Le nombre de zones de conflit en Afghanistan est limité. La majeure partie du pays est en paix et fait des progrès.

Un engagement continu est nécessaire

Nous nous sommes engagés auprès des afghans. Nous devons respecter notre parole.

Faire preuve de leadership - défendre les droits de la personne où et quand ils sont

En Afghanistan, nous sommes aux côtés des Afghans afin de défendre leurs droits face à ceux qui les terrorisent et les oppriment.

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3. Définir un avantage plus évident pour les Canadiens

Voilà un défi particulièrement difficile. Il est clair que l'avantage de « protéger les Canadiens » ne fait pas le poids. Une approche plus efficace pourrait en être une qui fait appel au sens de l'altruisme des Canadiens, à leur fierté du maintien de la paix et à leur désir d'être perçus comme des acteurs importants sur la scène internationale.

Faire preuve de leadership sur la scène internationale
Respecter nos engagements internationaux
Défendre nos valeurs - soutenir et renforcer les droits de la personne

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4. Utiliser un vocabulaire plus efficace

Les groupes ont révélé très clairement que certains termes et certaines phrases ont pour effet d'inquiéter davantage et suscitent du cynisme au sujet de la mission, ou, au contraire, touchent une corde sensible. Voici un bref résumé des principaux termes à éviter ou à utiliser davantage :

Vocabulaire/Termes/Phrases/ Concepts à utiliser davantage Vocabulaire/Termes/Phrases/ Concepts à éviter
  • Reconstruire
  • Restaurer
  • Reconstruction
  • Stabilité
  • Sécurité
  • Renforcer et soutenir les droits de la personne fondamentaux
  • Améliorer la vie des femmes et des enfants
  • Faire partie d'un effort international
  • Maintenir la paix et la soutenir
  • Espoir
  • Occasion
  • Avenir des Afghans
  • Liberté, démocratie. Ces termes combinés ont une consonance trop américaine
  • Éviter un argumentaire trop basé sur les valeurs. Si la valeur des droits de la personne obtient un grand soutien, il y a un risque que le public croit qu’on tente d’imposer les valeurs canadiennes. Encore une fois, ce n’est pas perçu comme une méthode « canadienne ».
  • Protéger les Canadiens
  • Combattre le terrorisme / la guerre à la terreur
  • 911 - Références au 11 septembre qui ont tendance à renforcer la perception qu'il s'agit d'une guerre américaine
  • Relier la participation du Canada trop troitement aux gestes des Américains dans la région. De nouveau, cela renforce la perception que le Canada s'aligne trop sur les États-Unis quant à sa politique étrangère et son approche.
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5. Tactiques et outils : diffuser l'information

Il est important d'utiliser un éventail d'outils et de tactiques afin de filtrer les communications à divers niveaux, tant en surface qu'en profondeur. Les communications doivent tenir compte des nombreuses façons dont les Canadiens reçoivent l'information, que ce soit par les médias traditionnels ou nouveaux. Une compagne de sensibilisation doit inclure :

De plus, une certaine distance entre le Canada et les États-Unis doit être établie pour cette question, et l'indépendance doit Canada doit être rappelée. Tel que mentionné plus tôt, il existe une forte perception que les Canadiens combattent dans une guerre déclarée et menée par les Américains. Cela est aussi renforcé par le fait que le gouvernement actuel est déjà très largement perçu comme très étroitement aligné avec les États-Unis à d'autres niveaux.

Le gouvernement doit envisager d'autres occasions de souligner la souveraineté du Canada et la défense des intérêts des Canadiens afin d'atténuer cette perception d'une relation trop étroite, de dominant-dominé, entre les États-Unis et le Canada. Aborder la question de la souveraineté de l'Arctique, par exemple, tout en n'était pas directement relié à la mission en Afghanistan pourrait aider à atténuer ou à éliminer cette perception.

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6. Identifier des porte-parole efficaces

Étant donné le peu de confiance accordée au gouvernement et aux politiciens, des porte-parole crédibles et équilibrés issus d'autres sphères doivent être identifiés. Parmi eux :

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Note

  1. http://www.cda-cdai.ca/library/medakpocket.htm (retourner au paragraphe source)