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From: Patrick Baker
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In Memoriam
Maurice Lebel
L'helléniste Maurice Lebel s'est éteint à Québec le 24 avril dernier à
l'âge de 96 ans. Sa disparition est une grande perte pour l'Université
Laval de Québec et aussi pour la Société canadienne des études classiques
dont il était membre depuis sa fondation et dont il fut président (1953,
1954).
Après avoir effectué ses études supérieures en France (Sorbonne) et en
Angleterre (University of London), il entreprit sa carrière universitaire
à l'Université Laval, au rayonnement de laquelle il a beaucoup contribué
par son enseignement et sa recherche en langue et littérature grecques :
parmi la quarantaine de livres qu'il a publiés, rappelons son
remarquable ouvrage sur les images dans la poésie de Sophocle, qui lui
valut de recevoir de la part de la Grèce la reconnaissance du Prix
Venizelos (1957) et son édition du De transitu de Guillaume Budé (1974) ;
on se souvient que l'édition critique de la Synthesis de Denys
d'Halicarnasse, qu'il réalisa avec le professeur Germaine Aujac, a
représenté la première contribution canadienne à la célèbre Collection
des Universités de France (1981). Parallèlement à ses travaux en
philologie et à ses études sur la réinterprétation du message antique, il
approfondissait sa réflexion sur la dimension pédagogique de la
transmission de ce savoir : ses essais sur l'éducation et l'humanisme
furent couronnés par l'Académie française qui lui décerna la Médaille
Richelieu (1966).
Sa passion pour la culture gréco-latine, en particulier pour la Grèce
antique et contemporaine, a porté Maurice Lebel à nourrir d'autres
champs de recherche tels que la philosophie, les sciences de la religion,
l'histoire, le droit, la peinture et la botanique ; il nous a aussi
laissé de nombreuses analyses de littérature comparée et des études
marquantes sur les littératures française, anglaise et canadienne
d'expression française et d'expression anglaise. Toujours très attentif
à l'évolution de la société moderne, il faisait régulièrement partager
le fruit de ses réflexions par ses mémoires, ses conférences et ses
interventions dans les médias sur des sujets d'actualité comme le rôle
des bibliothèques, l'anticulture, l'environnement ou le partage du
travail.
Son sens de l'engagement l'a conduit à accepter de lourdes
responsabilités administratives au sein de son établissement : il a
exercé les fonctions de secrétaire (1938-52) et de doyen (1957-63) de la
Faculté des lettres, puis de directeur-adjoint de l'École des gradués de
l'Université Laval (1964-7). Sa compétence a été sollicitée à
l'extérieur, à telle enseigne qu'il a assumé la présidence de plusieurs
conseils de direction ou de sociétés savantes : il a été, entre autres,
deux fois président de la Fédération canadienne des études humaines
(1948-9 et 1956-7), président de la Société royale du Canada (1963-4) et
directeur de l'Union académique internationale (1964-72). Son expérience
« innombrable » et la richesse de son œuvre ont été soulignées par de
nombreuses distinctions : mentionnons le Prix Athanase-David du
Gouvernement du Québec, la Médaille Pierre Chauveau de la Société royale
du Canada, ses nominations au titre de Commandeur de l'Ordre du Phénix
de la République hellénique, au titre de Commandeur de l'Ordre du
St-Sépulcre de Jérusalem et au titre d'Officier de l'Ordre national du
Québec. Il a reçu des doctorats honoris causa de cinq universités
canadiennes (Université de Moncton, Memorial University, University of
Halifax, McMaster University, University of Saskatchewan) et de deux
universités européennes (University of Birmingham, Université de Rennes).
Malgré son âge, Maurice Lebel demeurait extrêmement actif sur le plan
intellectuel : à preuve la récente publication (2000) qu'il venait de
réaliser des douze conférences inédites prononcées par Mgr Jean Calvet
sur Les Salons de Marguerite de Navarre (1492-1549) à Suzanne Necker
(1740-1794). Ses collègues et amis, qui connaissaient son amour des
voyages en terre hellène, ne manquaient jamais lors de leurs séjours
là-bas de lui envoyer une carte ou une lettre d'un pays qu'il ne
pouvait plus revoir, mais qui restait tellement cher à son cœur. Nous
ne savons pas si le paysage de la Grèce a inspiré cette métaphore
géographique par laquelle il aimait à répéter que « l'homme n'était pas
une île, mais une presqu'île », évoquant ainsi les liens de toutes
sortes qui rattachent un être humain aux autres, mais ce dont on peut
être sûr, c'est que les liens étroits qu'il a tissés avec nous ne se
briseront pas.
Université Laval André Daviault
Next regular issue 2006 05 15
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