Journal Canadien de la médecine rurale

 

Les hôpitaux ruraux : Nous ne pouvons nous en passer!

John Wootton, MD, CM, CCFP, FCFP
Shawville (Québec)

Can J Rural Med vol 2 (2):59

© 1997 Société de la médecine rurale du Canada


On a fermé des dizaines d'hôpitaux ruraux en Alberta, en Saskatchewan et au Manitoba. La Commission de restructuration des services de santé en Ontario a entrepris une campagne éclair dans les communautés où elle a semé la confusion et laissé planer le doute au sujet de l'avenir de nombreux hôpitaux ruraux.

Cette activité semble dictée en grande partie par l'économique, affirme-t-on, mais fermer des hôpitaux ruraux pour des raisons économiques, c'est peut-être faire preuve de myopie. Il y a des arguments cliniques et démographiques persuasifs dont il faut tenir compte pour comprendre parfaitement le rôle d'un hôpital rural.

Il faut avoir accès à des services d'urgence le plus rapidement possible, peu importe où l'on vit. Dans les cas d'infarctus du myocarde où une thrombolyse s'impose, par exemple, l'administration du traitement peut attendre au maximum une heure, et même une demi-heure, disent certains. Comme problème indicateur, l'infarctus du myocarde met en évidence le besoin de services et démontre la préoccupation des populations rurales lorsqu'elles pensent que leur hôpital local est menacé.

L'argument démographique, invoqué récemment dans un manuel populaire de gestion1, n'est pas moins persuasif. Pendant que les retombées de la génération du baby boom se répercutent dans l'économie, les hôpitaux deviendront de plus en plus importants pour les communautés rurales qui se feront concurrence pour fournir des services à ce groupe. Comme l'explique Foot[1],

«Au cours des deux prochaines décennies, 9,8 millions de membres de la génération du baby boom auront 50 ans et nous assisterons à un exode important des grandes agglomérations urbaines vers les petites villes du Canada. Ces personnes auront besoin des hôpitaux mêmes que les gouvernements provinciaux veulent fermer au milieu des années 90. (...) Une région qui perd son hôpital local perd peut-être sa meilleure chance de relance économique.»

Quelle est alors la meilleure façon de protéger cette ressource précieuse? Pour continuer de jouer un rôle central dans les soins de santé en milieu rural, les hôpitaux ruraux doivent jouer efficacement leur carte maîtresse -- le service. Ils doivent être accessibles pour la communauté environnante et fournir des services essentiels de grande qualité. Les services existants devraient en attirer d'autres: c'est pourquoi nos hôpitaux ruraux doivent développer au maximum les services que les ressources humaines et l'infrastructure leur permettent d'offrir. Ils doivent pousser le gouvernement à créer une conjoncture propice au recrutement et pousser aussi nos universités à produire des diplômés qui possèdent la formation nécessaire. Ils doivent harceler leurs administrateurs pour obtenir des installations équipées comme il se doit et encourager leurs médecins à mettre en commun leurs compétences spécialisées et à s'appuyer mutuellement. Même s'il faut planifier les ressources des centres urbains de façon à accepter tout transfert nécessaire en provenance de la périphérie, les hôpitaux ruraux doivent pour leur part réduire au minimum le nombre de cas de transfert. L'écrémage, c'est la fin!

Aussi intimidante cette tâche soit-elle pour les hôpitaux ruraux taxés à la limite pour fournir des soins d'urgence 24 heures par jour, la solution de rechange est inévitable : on jugera que les services qu'ils ne fournissent pas ne sont pas nécessaires et ces services disparaîtront.

Tous les intervenants doivent mieux comprendre le rôle de l'hôpital rural dans nos communautés si l'on veut que les changements soient équitables et qu'ils respectent le droit de la population rurale à des soins médicaux accessibles de grande qualité. Sinon, la population rurale se trouvera à hériter d'un système à la pièce où les dangers abonderont.

Référence

  1. Foot DK, avec Stoffman D. Boom bust and echo. How to profit form the coming demographic shift. Toronto : Macfarlane Walter & Ross; 1996.

Table des matières Volume2, numéro 2
>