Canadian Journal of Rural Medicine

 

Message du président : Les spécialistes ruraux étrangers : une espèce en péril?

Keith MacLellan, MD
Shawville (Québec)
Président, Société de la médecine rurale du Canada

Can J Rural Med vol 3 (1):5

© 1998 Société de la médecine rurale du Canada


En octobre, j'ai représenté la Société de la médecine rurale du Canada (SMRC) à une réunion convoquée par le Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada (CRMCC). La réunion portait sur la délivrance du permis d'exercice au Canada à des spécialistes diplômés de facultés de médecine étrangères.

Sauf pour de rares postes universitaires, il s'agit de la prestation de services de spécialistes aux régions rurales du Canada. Pour des raisons valables qui lui sont propres, le CRMCC a jugé bon récemment de refuser d'agréer tout programme étranger de formation dans une spécialité, sauf certains programmes des États-Unis. Les diplômés de nos programmes de formation dans des spécialités n'ont toutefois jamais pu répondre à tous les besoins des régions rurales du Canada, qui ont toujours dû compter énormément sur les diplômés de facultés de médecine étrangères (composez le 1 800 Afrique du Sud).

Le CRMCC a invité quelque 70 intervenants représentant des ministères de la Santé, des services gouvernementaux, des facultés de médecine, des associations médicales provinciales et nationales comme la SMRC, des ordres provinciaux et des ministères de l'Éducation. Que s'est-il passé? Eh bien, amis lecteurs, votre humble serviteur avait peu d'expérience de ces questions, mais voici ce que j'ai pu comprendre :

Le Québec était d'avis qu'il n'avait pas besoin de spécialistes de l'étranger à cause du mécanisme de collaboration bien rodé qu'il a mis en place il y a des années afin de déterminer ses besoins en effectifs médicaux et de dissuader les médecins d'ouvrir un cabinet en milieu urbain. Les représentants du Québec ont décrit leurs méthodes, mais personne n'a semblé suffisamment intéressé pour les interroger sur l'efficacité de leur programme. Plus tard au cours de la conférence, l'Ontario a demandé qu'on élabore une façon efficace de déterminer les besoins en effectifs médicaux : on n'a pas tenu compte du fait que le Québec affirme le faire depuis des années. Y a-t-il là un problème de culture?

L'Ontario a déclaré qu'il était honteux de voir tant de neurochirurgiens conduire un taxi à Toronto, mais la province n'était pas intéressée à aider les spécialistes de l'étranger à avoir accès au Canada. On a demandé plus particulièrement pourquoi le système médical du Canada ne pouvait produire ses propres spécialistes ruraux. Comme on pouvait s'y attendre, la discussion a dégénéré en généralités, car des personnes abordant les problèmes ru-raux pour la première fois se sont rendu compte subitement de la complexité de la situation. «Nous avons les mains liées,» affirment les ordres. «Donnez-nous plus d'argent,» crient les universités. «C'est la faute des gouvernements», déclarent les associations médicales. «Allez-vous faire voir», répliquent les gouvernements.

Le Collège des médecins et chirurgiens de la Saskatchewan a demandé instamment que l'on trouve des solutions pratiques. Il ressent les pressions politiques et a évoqué la possibilité de voir des communautés rurales au complet monter aux barricades. Les provinces de l'Atlantique ont fait de même. Le Manitoba aussi. Ces intervenants souhaitent qu'on établisse un mécanisme rapide d'agrément des diplômés de facultés de médecine étrangères : ils le veulent maintenant et se fichent des deux poids deux mesures. Je n'ai jamais compris vraiment ce que disait la Colombie-Britannique. . . . La journée s'est terminée sur un consensus : on s'est entendu pour créer un groupe de travail. Je ne sais pas si la SMRC sera invitée à participer aux travaux, parce que je me suis endormi jusqu'à ce que mes ronflements me réveillent (j'étais de garde la nuit précédente). Nous sommes toutefois en train de mettre sur pied le Comité des spécialités de la SMRC et je m'attends à ce que la société ait un rôle important à jouer dans tout groupe de travail qui sera créé, vu qu'elle est la seule représentante véritable des médecins ruraux sur le terrain.


| CJRM: Winter 1998 / JCMR : hiver 1998 |