Déclaration relative aux voyageurs et au vaccin contre la rage

Journal de l'Assocation médicale canadienne 1995; 152 : 1243­1245
Santé Canada, 1994
Reproduit avec la permission du Ministre des Approvisionnements et Services, 1996


Demandes de tirés à part du rapport original (Relevé des maladies transmissibles au Canada 1994; 20 : 201­204) : Eleanor Paulson, rédactrice, RMTC, Bureau de l'épidémiologie des maladies transmissibles, Laboratoire de lutte contre la maladie, Parc Tunney, Ottawa, ON K1A 0L2.

Contenu


La rage est une maladie causée par un virus neurotrope qui est presque toujours mortelle. Elle peut toutefois être prévenue par la vaccination. Dans les pays en voie de développement, les chiens et, surtout, les morsures de chiens sont responsables de 90 % des cas de rage de source connue[1].

Le traitement recommandé dans tous les cas d'exposition apparente au virus rabique est présenté en détail dans le Guide canadien d'immunisation[2] et est résumé dans le tableau 1.

Il convient de noter que la prophylaxie pré­exposition n'élimine pas le besoin de nettoyer les plaies et d'entreprendre la vaccination post­exposition. La présente déclaration prend en considération les deux points suivants : (1) les risques auxquels leurs animaux de compagnie et les animaux errants exposent les expatriés canadiens; et (2) la prophylaxie pré­exposition.

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Animaux domestiques

Les animaux domestiques sont réputés constituer pour leurs propriétaires un facteur de risque de rage pour les raisons suivantes :

Recommandations

  1. Les expatriés canadiens ne doivent pas garder d'animaux de compagnie (chiens, chats ou autres animaux libres de circuler à l'extérieur et donc susceptibles de contracter la rage) (catégorie de recommandation : C; qualité des preuves : III[3]).
  2. Ils ne doivent pas avoir de chiens de garde, à moins que ces animaux aient été vaccinés conformément aux normes en vigueur en Amérique du Nord (catégorie de recommandation : C; qualité des preuves : III).
  3. Les expatriés doivent être avisés d'éviter tout contact avec des animaux errants (catégorie de recommandation : C; qualité des preuves : III).

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Prophylaxie pré­exposition

Les autorités américaines recommandent d'offrir le vaccin antirabique à tous les voyageurs qui prévoient effectuer un séjour de plus de 30 jours dans un pays en voie de développement[4].

La vaccination peut conférer une protection contre une infection inapparente ou toute infection se déclarant chez une personne chez qui le traitement post­exposition est retardé. En éliminant la nécessité d'administrer des immunoglobulines humaines contre la rage et en réduisant le besoin d'administrer le vaccin antirabique sur le terrain, la vaccination pré­exposition peut réduire les problèmes associés à l'inaccessibilité ou à la toxicité de ces traitements.

La rage est une maladie répandue dans un grand nombre de pays en voie de développement, tant en milieu urbain que rural. On estime que 50 000 cas se produisent chaque année en Inde, soit un taux d'un cas pour 10 000 habitants[1]. La maladie touche rarement les voyageurs nord­américains. Depuis 1924, soit depuis qu'on compile des statistiques sur cette maladie, un seul cas de rage contractée à l'étranger a été observé parmi les voyageurs canadiens[5]. Entre 1980 et 1992, 10 Américains ont contracté la maladie durant des séjours à l'étranger[6].

Le nombre de traitements prophylactiques post­exposition dispensés à des Nord­Américains voyageant à l'étranger est inconnu. Parmi 4 014 volontaires à risque du Peace Corps américain, 175 ont reçu un traitement post­exposition entre le 1er novembre 1987 et le 31 octobre 1988, soit un taux global annuel exceptionnellement élevé de 43,6 traitements post­exposition pour 1 000 volontaires[7].

On ignore également le nombre de Canadiens qui séjournent plus de 30 jours dans des pays en voie de développement. Environ 10 000 Canadiens occupent des postes de diplomates ou participent à des programmes d'aide de longue durée. Le nombre de traitements post­exposition dispensés à ces personnes est inconnu.

Le vaccin est normalement administré en trois doses par voie intramusculaire (IM). On ne connaît aucun cas en Amérique du Nord où le vaccin n'a pas induit une hausse satisfaisante des titres d'anticorps. Comme ce vaccin coûte très cher, on eu recours à l'administration intradermique (ID) d'un dixième de la dose aux États­Unis. Le vaccin est habituellement très immunogène. L'administration concomitante de chloroquine peut inhiber d'environ la moitié la production d'anticorps induite par la vaccination ID[8]. On connaît au moins un cas de rage chez une personne vaccinée alors qu'elle prenait de la chloroquine[9]. Il n'existe aucune donnée sur l'effet de la méfloquine sur la réponse immunitaire induite par le vaccin antirabique.

La vaccination comporte de faibles risques. S'il est vrai que 6 % des personnes recevant le vaccin contenant des cellules diploïdes humaines présentent des réactions allergiques, les réactions aiguës sont rares. Aux États­Unis, 108 cas de réactions allergiques généralisées ont été signalés sur une période de 46 mois, soit un taux de 11 cas pour 10 000 vaccinés. Dans la majorité des cas, il s'agissait de réactions de type III (réactions par complexes antigène­anticorps). Peu de vaccinés ont dû être hospitalisés et aucun décès n'a été enregistré[10].

Pour un hôpital, l'administration par voie IM de trois doses de 1 mL coûte environ 220 $. Il n'existe pas de préparation approuvée pour injection en doses ID au Canada. Le Comité consultatif national de l'immunisation a approuvé l'utilisation d'une telle préparation si jamais elle devenait disponible au Canada[11].

On peut faire une estimation prudente du coût du vaccin IM pour chaque vie épargnée en supposant que la vaccination universelle de 10 000 personnes à risque chaque année permet d'épargner une vie de plus sur une période de 70 ans : 220 $ × 70 (années) × 10 000 ou 154 $ millions ­­ coût estimé minimal du vaccin ID, 1/10 du coût du vaccin IM, soit 15 $ millions.

Parmi la cohorte des volontaires du Peace Corps américain, on a estimé que le coût de la prophylaxie pré­exposition était de 1,8 à 4,2 fois supérieur à celui de la prophylaxie post­exposition, en dépit du taux élevé d'interventions. Un équilibre était atteint lorsque le coût de trois doses était de 21 $  US[7].

Il faut donc conclure qu'on ne peut recommander la prophylaxie antirabique pré­exposition pour l'ensemble des voyageurs qui effectuent des séjours prolongés dans des zones d'endémicité. Une utilisation minimale mais hautement ciblée du vaccin confère toutefois une bonne protection contre la maladie. La prophylaxie pré­exposition n'est envisageable pour l'ensemble des expatriés que si elle permet de prévenir la prophylaxie post­exposition. Les recommandations suivantes s'appliquent à la prophylaxie pré­exposition des voyageurs qui effectuent des séjours prolongés dans des zones de haute endémicité :

Recommandations

  1. Il conviendrait d'explorer avec Connaught­Mérieux et le Bureau des produits biologiques la possibilité de mettre au point un vaccin antirabique administrable par voie intradermique pour utilisation au Canada. On pourrait étendre la vaccination à une population plus vaste si le prix de cette préparation était raisonnable (catégorie de recommandation : D; qualité des preuves : III).
  2. Il faut étudier l'interaction entre le vaccin antirabique et d'autres antipaludéens, en particulier la méfloquine (catégorie de recommandation : D; qualité des preuves : III).

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Références

  1. Warrell DA, Warrell MJ : Rabies and related viruses. Dans Strickland GT (réd.) : Hunter's Tropical Medicine, 7e éd, WB Saunders, Philadelphie, 1991 : 219­227
  2. Comité consultatif national de l'immunisation : Guide canadien d'immunisation, 4e éd (no de cat (H49­8/1993F), Santé Canada en collaboration avec l'Association médicale canadienne, Ottawa, 1993 : 110­118
  3. La médecine fondée sur les preuves. Can Commun Dis Rep 1994; 20 : 145­147 (aussi Can Med Assoc J 1995; 152 : 203­204)
  4. Cases of specified notifiable diseases, United States, weeks ending January 5, 1991, and January 6, 1990. MMWR 1991; 40 : 11
  5. Surveillance de la rage au Canada. Can Dis Wkly Rep 1985; 11 : 205­208
  6. Human rabies ­­ California, 1992. MMWR 1992; 41 : 461­463
  7. Bernard KW, Fishbein DB : Pre­exposure rabies prophylaxis for travellers: Are the benefits worth the cost? Vaccine 1991; 9 : 833­836
  8. Pappaioanou M, Fishbein DB, Dreesen DW et al : Antibody response to preexposure human diploid cell rabies vaccine given concurrently with chloroquine. N Engl J Med 1986; 314 : 280­284
  9. Human rabies ­­ Kenya. MMWR 1983; 32 : 494­495
  10. Systemic allergic reactions following immunization with human diploid cell rabies vaccine. MMWR 1984; 33 : 185­187
  11. Administration intradermique du vaccin antirabique préparé sur cellules diploïdes humaines (VCDH). Can Dis Wkly Rep 1982; 8 : 149

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Source : Comité consultatif de la médecine tropicale et de la médecine des voyages

Membres : Dr S. Dumas, Dr G. Horsman (Comité consultatif de l'épidémiologie), Dr J.S. Keystone, Dr D. Lawee, Dr J.D. MacLean, Dr D.W. MacPherson (président), Dr J. Robert, Dr R. Saginur, Dr D. Scheifele (Comité consultatif national de l'immunisation), et Mme R. Wilson (Service universitaire canadien outre­mer [CUSO]). Membres d'office : Dr P. Percheson (Direction générale de la protection de la santé [DGPS], Santé Canada), Dr E. Gadd (DGPS, Santé Canada), Dr S. Mohanna (Direction générale des services médicaux, Santé Canada), Dr R. Nowak (ministère de la Défense nationale), Dr M. Tipple (Centers for Disease Control and Prevention des États­Unis), Dr C.W.L. Jeanes (secrétaire), Dr J.S. Spika (Laboratoire de lutte contre la maladie [LLCM], Santé Canada), Mme S. Ladouceur (responsable du secrétariat du Comité consultatif), Dr J. Losos (LLCM, Santé Canada), et Mme S. Herman (secrétaire).

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Avertissement

Ce guide de pratique clinique est publié à titre d'information uniquement. Ce document ne remplace en rien les conseils d'un professionnel de la santé compétent ou la recherche indépendante, ni n'est-ce là son objet. Sa consultation ne dispense pas non plus le lecteur d'exercer son jugement. L'AMC compte sur les auteurs des GPC pour l'avertir quand les guides deviennent désuets, et elle reçoit d'eux les mises à jour appropriées. L'AMC n'assume aucune responsabilité relativement à des renseignements périmés, à des erreurs ou à des omissions dans le guide de pratique, ou à l'utilisation de l'information qu'il contient.
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