L'utilisation de contraceptifs oraux et la colite ischémique chez les jeunes femmes

Source: Deana DG, Dean PJ : Reversible ischemic colitis in young women: association with oral contraceptive use. Am J Surg Pathol 1995; 19 : 454-462

Sommaire : Journal de l'Association médicale canadienne 1996; 154: 530


Même si la colite ischémique est inusitée chez les adultes de moins de 40 ans, elle peut être liée à des problèmes comme le choc hypovolémique, la vasculite et la toxicomanie. L'infection à l'Escherichia coli 0157:H7 peut aussi imiter la colite ischémique spontanée. Même si de nombreux comptes rendus ont établi un lien entre l'utilisation de contraceptifs oraux et la colite ischémique chez les jeunes femmes, les données probantes sont limitées à des études de cas et à des séries restreintes. Des chercheurs du Tennessee ont étudié pendant 5 ans, dans un hôpital de Memphis, des cas de colite ischémique chez des patients de moins de 40 ans.

Ils ont constaté que 35 patients avaient été victimes de colite ischémique confirmée par une biopsie de la muqueuse du côlon. Dix-sept des sujets ont été exclus parce qu'une culture d'E. coli 0157:H7 a donné des résultats positifs, ou à cause d'une hypotension grave ou d'une côloscopie incomplète. Parmi les 18 autres sujets, qui avaient en moyenne 29 ans, 17 étaient des femmes. Tous les sujets présentaient des résultats cliniques et de laboratoire conformes à une ischémie transitoire de la muqueuse du côlon descendant mais étaient autrement en bonne santé, normotensifs et afébriles, et rien n'indiquait la présence d'agents entéropathogènes. Les symptômes se sont résorbés dans les 4 jours chez tous les patients.

On n'a pu établir de lien entre la colite ischémique chez les sujets et une maladie cardiovasculaire, l'utilisation d'anti-inflammatoires non stéroïdiens, d'antibiotiques ou de drogues illicites, l'ingestion d'aliments ou l'endométriose. Cependant, 10 (59 %) des 17 femmes utilisaient des contraceptifs oraux à l'oestrogène-progestine à faible dose. Ce pourcentage était plus élevé que la moyenne nationale de 18,5 % des femmes de 15 à 44 ans en 1988. Le calcul a révélé un risque relatif de 6,31 de colite ischémique chez les femmes utilisant des contraceptifs hormonaux. Quatre autres femmes avaient utilisé auparavant des contraceptifs oraux pendant 2 à 8 ans et les trois autres prenaient des oestrogènes de remplacement par voie orale. Une femme qui a continué d'utiliser un contraceptif oral a subi une autre colite ischémique 20 mois plus tard. Elle a ensuite interrompu la contraception hormonale, et n'a pas subi de rechute pendant au moins 34 mois.

Les auteurs soutiennent qu'il est possible que l'utilisation d'oestrogènes exogènes, qui a été reliée à l'hyperplasie artérielle et veineuse, ainsi qu'à une incidence accrue de thrombo-embolie, puisse déclencher des épisodes de colite ischémique chez des femmes autrement en bonne santé. Malgré cette association, leurs données n'appuient pas l'interruption de l'utilisation de contraceptifs oraux chez les femmes victimes d'une ischémie réversible du côlon. Les jeunes femmes, surtout celles qui prennent des contraceptifs oraux, sont un groupe à risque élevé de colite ischémique réversible, et il faudrait envisager cette affection dans le diagnostic différentiel de l'entérite régionale aiguë chez les jeunes adultes.


VOIR JAMC : le 15 févr. 1996