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Journal de l'Association médicale canadienne 1997; 156 : 7

© 1997 Association médicale canadienne


Par «expérience», nous entendons souvent les leçons du passé, les connaissances tirées de l'accumulation d'événements. L'expérience nous permet d'acquérir des connaissances pratiques, des croyances et, parfois, un peu de sagesse. Comme professionnels, nous chérissons notre expérience chèrement gagnée et nous comptons souvent sur l'expérience collective de nos pairs. L'expérience entraîne la confiance et, souvent, un certain conservatisme. D'autres expériences peuvent toutefois remettre en question les vérités -- ou la science -- sur lesquelles nous comptons. Comme l'écrivait le Dr Mark Longhurst dans le JAMC :
La science a provoqué la confusion en nous procurant des cures miracles. Or, nous sommes confrontés constamment à la fragilité de ces cures et à la nature non scientifique des êtres humains. La maladie va beaucoup plus loin que ce que l'on voit dans un microscope ou un laboratoire. Chaque maladie est tellement personnelle qu'il faut aborder chaque patient d'une façon particulière. L'incertitude d'un résultat est une source d'humilité[1].

Ainsi, l'«expérience» décrit aussi notre engagement à l'égard du présent : périodes de difficulté, moments de conscience nouvelle. Pour les médecins, cette voie commence par les rencontres directes avec chaque patient. Il s'agit en fait d'un lieu de rencontre où «le vécu de la maladie» du patient pénètre dans l'expérience professionnelle et personnelle du médecin.

Une personne devient un patient lorsque, selon sa propre perception de l'existence, elle franchit un seuil de tolérance d'un symptôme ou d'une incapacité et demande l'aide d'un tiers qui a promis d'aider. . . . Ce n'est pas n'importe qui qui peut devenir guérisseur. Les élus ne peuvent pas tous résister à la rencontre de personnes qui ont atteint la limite de leur difficulté d'être humain. Confronter, comme médecin, les craintes, les inquiétudes et les attentes d'une personne malade, c'est une expérience profonde[1].

Pour le Dr Longhurst, «la condition cruciale pour devenir guérisseur efficace» est précisément la conscience de soi que l'on acquiert par l'expérience :

Le soi personnel est lié intimement au rôle professionnel. . . [1].

Il incombe aux médecins d'acquérir la conscience la plus vaste possible de leurs propres sentiments, besoins et conflits et d'apporter ainsi le plus grand bien possible à l'acte guérisseur[1].

Le patient doit sentir que le médecin s'intéresse à son cas. Pour comprendre les sentiments des patients, les médecins doivent être disposés à confronter leurs propres sentiments. Ils ne doivent pas se laisser étouffer par eux, mais ils doivent en reconnaître l'existence dans la relation.[2]

La nouvelle chronique Expérience du JAMC offre aux médecins une tribune qui leur permet de présenter des réflexions sur les occasions souvent imprévues d'épanouissement qui se présentent dans leur vie professionnelle et personnelle. Dans ce numéro (page 53), M. Klein présente un drame personnel en contrepoint de la sagesse classique qui consiste à interdire aux médecins de soigner leurs êtres chers. Dans le prochain numéro, S. Cameron décrira comment une patiente particulièrement déterminée a soulevé des questions délicates au sujet de son droit de mourir à ses propres conditions. Le lancement de la chronique Expérience s'inspire des essais du Dr Mark Longhurst et cette chronique est dédiée à sa mémoire. Mark Longhurst est décédé dans un accident de la circulation en septembre 1996. -- JH

Réferences

  1. Longhurst M. Physician self-awareness: the neglected insight. CMAJ 1988;139:121-24.
  2. Longhurst M. Angry patient, angry doctor. CMAJ 1980;123:597-8.

Les icones de section comme, par exemple, l'arbre de la vie représentant « l'expérience », sont un élément important de la nouvelle apparence du JAMC. Elles ont été créées par Susan Laurie-Bourque, artiste de la région d'Ottawa.
| CMAJ le 1er janvier 1997 (vol 156, no 1) |
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