Santé publique

 

Le paludisme au Canada

Journal de l'Association médicale canadienne 1997; 156 : 58

© 1997 Association médicale canadienne


Voir aussi :
Le paludisme est réapparu dans la plupart des pays tropicaux et cause maintenant de 1,5 à 2,7 millions de morts par année[1]. Comme le nombre des voyages internationaux est à la hausse, les cas importés de paludisme deviendront plus fréquents au Canada. En 1991, on a signalé au total 674 cas, dont 5 mortels[2]. Il faut toujours demander aux patients fiévreux s'ils ont voyagé ou immigré récemment. Lorsqu'un patient devient fiévreux dans les 2 à 3 mois suivant son arrivée d'une région où le paludisme à Plasmodium falciparum est endémique, il faut le considérer comme une urgence médicale[3]. Les décès et les complications sont presque tous causés par des retards du diagnostic et du traitement. Le paludisme peut être mortel en 36 à 48 heures à peine après l'apparition des symptômes[4].

L'apparition de souches pharmacorésistantes de P. falciparum constitue maintenant un problème dans la plupart des régions du monde où le paludisme est endémique. La résistance à la chloroquine est répandue, sauf dans les Caraïbes, en Amérique centrale et dans certaines régions du Moyen-Orient, et la résistance à la chloroquine et au proguanil combinés est importante en Afrique subsaharienne. Le paludisme à P. falciparum résistant à la chloroquine et à la méfloquine est présent aux frontières entre la Thaïlande et le Laos, le Cambodge et le Myanmar, et a fait son apparition dans l'est de l'Afrique. On a constaté une résistance à la sulfadoxine­pyriméthamine dans le bassin de l'Amazone, dans le Sud-Est asiatique et, de temps à autre, en Afrique. Les médecins doivent se procurer des renseignements à jour sur la pharmacorésistance avant de choisir un antipaludique comme moyen de prévention ou de traitement.

Diagnostic et traitement

On pose le diagnostic en fonction des symptômes cliniques, des antécédents d'exposition possible et de l'examen d'un frottis sanguin. Les symptômes cliniques peuvent être non spécifiques et prendre la forme de fièvre et de symptômes grippaux. Le paludisme à falciparum se manifeste habituellement dans les 2 mois suivant l'exposition, mais il peut être retardé chez les patients qui ont pris de la méfloquine comme agent prophylactique. D'autres types de paludisme (et en particulier à P. vivax) peuvent se manifester des mois, voire des années, après l'exposition.

Il faut analyser de toute urgence un frottis sanguin épais dans le cas de tous les patients symptomatique qui ont déjà voyagé dans une région paludique[5]. Comme un seul frottis peut donner un résultat faussement négatif, il peut être nécessaire d'analyser des frottis successifs jusqu'à ce que le paludisme soit exclu. Comme le traitement est fonction du type de paludisme, il peut être nécessaire d'analyser un frottis sanguin mince pour déterminer l'espèce du parasite Plasmodium[3].

Il est essentiel de commencer le traitement dès que le diagnostic est posé. Les patients infectés par les espèces vivax, ovale ou malariae ou qui ont une infection à falciparum sans complication peuvent être traités en clinique externe avec des antipaludiques. Le CCMTMV fournit des recommandations sur les ordonnances[3]. Les patients atteints de paludisme à falciparum grave doivent être admis aux soins intensifs et traités par un spécialiste en maladies tropicales.

Le traitement antipaludique reçu par des Canadiens qui voyagent dans des pays en développement peut être insuffisant. Il faut réexaminer rapidement un patient fébrile qui revient d'une région endémique et chez lequel on a déjà diagnostiqué et traité la maladie[4].

Prévention

Il est essentiel de fournir des conseils suffisants sur la prévention du paludisme aux patients qui se rendent dans des pays tropicaux. Le risque d'infection est plus faible en milieu urbain qu'en milieu rural et à plus de 2500 mètres. Il est préférable d'obtenir des renseignements courants sur la présence du paludisme et de souches pharmacorésistantes dans le pays de destination en s'adressant à un service local de santé publique ou à un centre de médecine des voyage ou de médicine tropicale. Les Centres de lutte contre la maladie aux États-Unis fournissent aussi des renseignements touristiques à jour par pays sur leur site Web (http://www.cdc.gov/travel/travel.html) et par télécopieur (téléphone: 404 332-4565).

Le premier moyen de défense contre le paludisme consiste à réduire le risque de piqûres de moustique. Les voyageurs doivent éviter de sortir le soir, demeurer dans des endroits bien grillagés ou climatisés et fermés et porter des vêtements qui réduisent l'exposition de la peau. Des insectifuges contenant du DEET et des moustiquaires traités à la perméthrine réduisent aussi le risque d'infection. Pour obtenir des moustiquaires traitées aux insecticides au Canada, il suffit de composer le 1 800 880-TRIP.


Examiné par John Carsley, MD, Régie régionale de la santé et des services sociaux de Montréal-centre, Montréal, et J. Dick MacLean, MD, Centre des maladies tropicales, Université McGill, Montréal.

Références

  1. La situation du paludisme dans le monde en 1993. Can Commun Dis Rep. 1996;22:174-6.
  2. Commentaire de la rédaction. Paludisme--Boundary Health Unit, Colombie-Britannique, 1995. Can Commun Dis Rep. 1996;22:173.
  3. Recommendations canadiennes pour la prévention et le traitement du paludisme (malaria) chez les voyageurs internationaux. Can Commun Dis Rep 1995; 21S3:1-20.
  4. Cas de paludisme à P. falciparum mortel chez des voyageurs canadiens. Can Commun Dis Rep1996;22:165-8.
  5. Svenson JE, Gyorkos TW, MacLean JD. Diagnosis of malaria in the febrile traveler. Am J Trop Med Hyg 1995;53:518-21.

| JAMC le 1er janvier 1997 (vol 156, no 1) |
>