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La rage de chauve-souris après une exposition non détectée : répercussions sur la prophylaxie

CMAJ 1997;157:56

© 1997 Association médicale canadienne


Les Centers for Disease Control and Prevention (CDC) des É.-U. ont signalé récemment des cas de rage de chauve-souris mortelle chez 2 personnes qui ne se rappelaient pas avoir été mordues par une chauve-souris. Le CDC recommande maintenant que les médecins envisagent une prophylaxie postexposition (PPE) contre la
rage chez tous les patients qui ont été en contact avec une chauve-souris ou qui ont pu l'être.

Les cas

Dans le premier cas, à son arrivée à l'urgence d'un hôpital du Kentucky, une femme de 42 ans se plaignait d'étourdissements, de douleur à l'épaule et de dysphagie. On l'a traitée pour une pharyngite et renvoyée chez elle. Elle est revenue plus tard le même jour et a été hospitalisée : elle avait des hauts-le-coeur et des vomissements, une dysphagie qui s'aggravait, de la douleur au bras droit, et elle était anxieuse et agitée. Elle a été transférée à un autre hôpital le deuxième jour. La dysphagie a persisté et la patiente avait des mouvements involontaires des extrémités supérieures, du cou, du visage et des yeux. On a commencé à la traiter à l'acyclovir en pensant qu'elle pourrait être atteinte d'encéphalite virale. La patiente a été intubée le lendemain soir à cause d'un dysfonctionnement bulbaire progressif. Le quatrième jour, elle a été transférée à un troisième hôpital où elle a été ventilée mécaniquement et a reçu des traitements contre le choc. Une radiographie pulmonaire a révélé la présence d'infiltrats bilatéraux et l'on a commencé à lui administrer un antibiotique à spectre large. Une tomographie du cerveau a révélé la présence d'un oedème cérébral diffus étendu. Ses fonctions neurologiques ont continué de diminuer et, le dix-huitième jour, on a mis fin aux mesures de maintien des fonctions vitales et la patiente est morte. Un spécimen de sérum prélevé le treizième jour a donné des résultats positifs pour la présence d'anticorps de la rage. Le sérum prélevé le quatrième jour a donné des résultats négatifs. On a détecté la présence d'acide nucléique du virus de la rage dans l'humeur vitrée à l'autopsie. L'analyse de la séquence des nucléotides a mis en cause la variante associée à la chauve-souris argentée (Lasionycteris noctivagans).

La patiente et son mari ne se rappelaient aucune morsure d'animal ni aucun contact avec des chauve-souris ou d'autres animaux. On n'a trouvé aucune trace de la présence de chauves-souris dans leur maison. Une PPE contre la rage a été administrée à 5 membres de la famille et à 82 travailleurs de la santé qui auraient pu être exposés à la salive de la patiente.

Le deuxième cas est celui d'un homme de 49 ans qui, à son arrivée à l'urgence d'un hôpital du Montana, se plaignait de fièvre, d'un mal de gorge, d'une toux productive et de douleurs au sinus droit qui persistaient depuis plusieurs semaines. Il a été traité pour une sinusite et libéré. Il est revenu le sixième jour et a été admis pour évaluation, se plaignant de confusion, d'ataxie, de fièvre, de toux et de pression dans les sinus. L'examen neurologique et la tomographie du cerveau ont donné des résultats normaux. Une radiographie pulmonaire a révélé la présence d'infiltrats bilatéraux et d'un épanchement pleural gauche. Les résultats de laboratoire anormaux comprenaient notamment une numérotation des leucocytes à 17.5 2 109/L. Le patient a été traité pour une pneumonie. Le septième jour, des signes d'ataxie ont fait leur apparition et l'on a constaté une diminution des réflexes à la douleur profonde et des sensations dans la main droite. Il a fallu l'intuber à cause d'une hypercapnie grave. Le onzième jour, le patient est tombé dans le coma et l'on a commencé à le traiter à l'acyclovir en pensant qu'il pouvait être atteint d'encéphalite virale. On a soupçonné la présence de la rage le quatorzième jour et prélevé des spécimens de sérum, de salive et de peau de la nuque par biopsie pour les analyser. Le patient est mort 2 jours plus tard. L'analyse de la séquence des nucléotides de l'acide nucléique du virus de la rage détecté dans le spécimen de peau de la nuque a indiqué la présence de la variante associée à la chauve-souris argentée.

Le patient et les membres de sa famille ont signalé voir à l'occasion des chauve-souris à l'extérieur de leur maison située à la campagne, mais ils ne se rappelaient pas avoir eu de contact physique. On a administré une PPE contre la rage à 3 membres de la famille et à 23 travailleurs de la santé.

Répercussions

Ces cas sont instructifs. Aux É.-U., 17 (53 %) des 32 cas de rage signalés chez des êtres humains depuis 1980 ont été causés par des variantes du virus de la rage de chauve-souris. Une morsure certaine a été documentée dans 1 de ces 17 cas seulement. Il peut y avoir transmission après un contact physique limité ou qui semble insignifiant avec des chauves-souris enragées. Le CDC recommande donc maintenant d'administrer une PPE dans tous les cas où il est raisonnablement probable qu'il y a eu contact avec une chauve-souris, ce qui comprend les cas où l'on trouve une chauve-souris dans la même pièce qu'une personne endormie, un enfant sans surveillance ou une personne incapable mentalement ou intoxiquée. -- JH, AMT

Référence

  1. Human rabies -- Kentucky and Montana, 1996. MMWR 1997;46:397-400.

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| CMAJ July 1, 1997 (vol 157, no 1) / JAMC le 1er juillet 1997 (vol 157, no 1) |