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Osler : la réputation et l'homme
JAMC 1999;161;783
Les lecteurs qui remarquent l'espace que nous avons consacré dans ce numéro à souligner le 150e anniversaire de naissance de Sir William Osler se sont probablement sentis intrigués ou ennuyés. En préparant ce numéro, notre volonté d'en apprendre davantage au sujet du Dr Osler a été tempérée par le scepticisme que suscite toute réputation aussi durable que la sienne. Cet homme était-il vraiment un grand médecin ou son époque avait-elle besoin de créer une célébrité médicale? Était-il médecin ou politicien, maître ou magicien? Pourquoi y a-t-il tellement de gens qui chérissent sa vie et ses écrits, en savourent les anecdotes, au point parfois de devenir presque sirupeux ou sentimentaux?
Le Dr Osler maîtrisait certainement les mots. Un coup d'il rapide sur son manuel qui a fixé la norme, soit The Principles and Practice of Medicine, révèle une maîtrise exceptionnelle de la langue anglaise. Sa prose est d'une qualité que les médecins atteignent rarement et ses allocutions publiques ont suscité l'admiration de générations. Cela dit, l'essence de son conseil est parfois surannée, voire un peu troublante, pour l'époque postvictorienne. Que faudra-t-il penser, par exemple, du fait qu'il exhorte les jeunes étudiants à mettre en veilleuse leurs sentiments à l'égard du sexe opposé pendant leurs études en médecine?
Il faudrait admettre que les horizons du Dr Osler étaient limités par son époque. En adoptant, par exemple, le modèle Johns Hopkins, le Dr Osler ne semble pas avoir reconnu que l'exercice de la médecine a une assise intellectuelle qu'il est impossible d'expliquer par la science seulement. La pensée réformiste qui guidait l'éducation médicale à l'époque du Dr Osler et a atteint son point culminant dans la publication, en 1910, de l'ouvrage d'Abraham Flexner intitulé Reports mettait l'accent sur l'importance d'une base en sciences de laboratoire qui a servi à débarrasser la profession d'un grand nombre de ses charlatans. En revanche, on n'a pas prévu l'apparition de l'assise conceptuelle de l'exercice de la médecine, qui inclut nos concepts de la santé, de la maladie, du diagnostic, du pronostic et de l'intervention, pour en nommer quelques-uns seulement des plus évidents. Par exemple, le manuel du Dr Osler commence par la typhoïde, sans introduction, comme on en trouve dans les manuels modernes, aux éléments fondamentaux de la pratique.
Osler l'homme est peut-être encore plus mystérieux. Il est très difficile en rétrospective de découvrir la personne derrière le personnage public. En fouillant dans des placards biographiques, l'historien Michael Bliss n'y a trouvé aucun squelette. Nous pourrions quand même nous demander comme Mme Osler, l'infatigable hôtesse, se sentait face à la circulation incessante de jeunes médecins visiteurs, ou nous interroger sur la relation bancale qui existait entre le Dr Osler et son propre fils, avec lequel il a réussi a avoir des échanges positifs seulement vers la fin de la brève vie de Revere, grâce au plaisir mutuel qu'ils tiraient de la littérature de la Renaissance sur la pêche. Il est difficile de faire correspondre ces questions à l'image projetée par tant d'amis et d'auteurs.
Il semble que la grandeur véritable résiste aux défis posés par le temps et la recherche, tandis que la fausse grandeur finit par être exposée. Quatre-vingts ans et deux importantes biographies plus tard, le souvenir du Dr Osler persiste avec une chaleur qui échappe à toute explication. Rendons hommage à un grand médecin et préservons ce que nous savons de lui qui a une valeur durable.
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