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Le dépistage du VIH à domicile : pourquoi pas au Canada? JAMC 2000;162 :1547 En 1996, la FDA a approuvé aux États-Unis l'utilisation à domicile de tests de dépistage de l'infection par le VIH. N'importe qui peut donc acheter en toute confidentialité des trousses de dépistage dans une pharmacie, par commande postale ou sur Internet. Le test à domicile est en fait un prélèvement, puisque le patient prélève chez lui un échantillon de sang capillaire qu'il envoie ensuite par la poste à un laboratoire privé. Quelques jours plus tard, le patient obtient par téléphone, d'un conseiller qualifié, des renseignements sur la façon d'interpréter les résultats, d'obtenir un suivi et d'empêcher la transmission de la maladie. Pour recevoir les résultats en trois jours ouvrables, il faut débourser 55 $US; en sept jours ouvrables, 44 $US.1 En mars 2000, Santé Canada a enfin approuvé l'utilisation des trousses de dépistage rapide du VIH au Canada. Toutefois, il en restreint l'utilisation aux «professionnels de la santé dans les points de service où l'on offre un counselling adéquat en la matière».2 En effet, Santé Canada estime que les patients doivent recevoir une aide pendant tout le processus de dépistage rapide ainsi que des conseils sur la nécessité de faire confirmer les résultats du test. Très peu d'entre nous jugeraient inutile ce genre de conseil, mais avons-nous aussi pensé aux préjudices? Selon les guides de pratique clinique, les conseils dispensés préalablement à un test ont notamment pour but de faire prendre conscience des risques présents. Au terme d'un questionnaire plus révélateur (mais moins secret) qu'une confession, les patients doivent divulguer, entre autres détails intimes de leur vie, la dernière date à laquelle ils ont eu une relation sexuelle avec un homme de même que la nature des activités sexuelles qu'ils pratiquent.3 Les gens qui considèrent ce genre de questions comme une ingérence dans la vie privée ou qui seraient mal à l'aise d'admettre qu'ils ont un comportement à risque pourraient perdre toute incitation à se prévaloir de ce test. Les gens qui recourent au test à domicile présentent un profil de risque différent de ceux qui choisissent un test de dépistage conventionnel. L'utilisateur à domicile est plus susceptible d'être à risque à cause d'un contact sexuel avec une personne infectée par le VIH et moins susceptible d'être à risque parce qu'il est homosexuel ou qu'il s'injecte des drogues.4 Un récent sondage d'envergure nationale mené aux États-Unis a révélé qu'un pourcentage important des trousses de dépistage à domicile avait été acheté par des hommes bisexuels et que près de 50 % de ceux qui ont obtenu un résultat positif n'avaient jamais subi auparavant de test de dépistage du VIH.5 Le principal avantage de la trousse de dépistage à domicile ne tient pas autant à la rapidité des résultats qu'à la possibilité de subir le test dans l'intimité la plus complète. Depuis longtemps, les tests de grossesse à domicile donnent aux femmes l'autonomie nécessaire pour obtenir des renseignements personnels sur leur santé et pouvoir ainsi prendre des décisions de vie importantes. Si la technologie existe, pourquoi le public ne pourrait-il pas jouir de la même autonomie et confidentialité mais pour obtenir d'autres renseignements? Le public est en mesure de comprendre les messages de santé qu'il reçoit sur les facteurs de risque du VIH. La plupart des gens qui craignent d'être infectés connaissent sans doute déjà les dangers et les avantages des tests de dépistage. Ils n'ont pas besoin de la protection ni du soutien de Santé Canada pour divulguer des renseignements personnels. Il faudrait offrir les tests de dépistage à domicile au Canada et en promouvoir l'utilisation. On pourra ainsi dépister plus tôt les infections par le VIH, amorcer plus rapidement un traitement et, espérons-le, éviter une transmission éventuelle. JAMC
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