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Les amputés de guerre du Sierra Leone JAMC 2000;162(13) :1799 En Amérique du Nord, une amputation est habituellement causée par un traumatisme violent ou une maladie vasculaire chronique. En dépit des rappels annuels des Amputés guerre du Canada, les Canadiens n'ont pas tendance à penser à la perte de membres comme la conséquence directe de la guerre. Les membres sont toutefois les objectifs délibérés des mines antipersonnel et des machettes, qu'on utilise sciemment pour mutiler et immobiliser les victimes. Une personne sans mobilité est à la merci de l'ennemi, qui n'a manifesté aucune merci au Sierra Leone, où des milliers de civils ont perdu un ou des membres depuis 1992.1,2 Colonie de la Grande-Bretagne jusqu'en 1961, ce pays riche en diamants a une histoire turbulente de coups d'État et de contre-coups. La guerre civile y fait rage depuis 1991, car le Front uni révolutionnaire (RUF), qui a l'appui du Liberia, et (depuis 1997) le Conseil révolutionnaire des forces armées (AFRC) militaire se font la guerre pour garder le contrôle des régions diamantifères et étouffer la participation des civils à la réforme démocratique.2 La sauvagerie du RUF est devenue de plus en plus connue à mesure que l'on informait le reste du monde de la tragédie vécue dans ce pays. Le RUF a enlevé de jeunes garçons d'à peine 7 ans, et leur a fourni des armes, leur a appris à tuer, les a bourrés de cocaïne et les a incités à attaquer des villages partout au Sierra Leone.3 Ces raids visent les civils, et en particulier les femmes et les enfants. Leur marque de commerce : les amputations grossières des pieds, des mains, des oreilles, des lèvres et du nez.4 Entre 1991 et 1999, la guerre a fait plus de 75 000 victimes, créé plus de 500 000 réfugiés sierra-léoniens et déplacé plus de la moitié des 4,5 millions d'habitants du pays.4 Les écoles, les hôpitaux, les services gouvernementaux et le commerce normal sont immobilisés et la guerre et le chaos ont coûté une génération d'enfants. En 1998, UNICEF a conçu un indice numérique constitué de 5 indicateurs du bien-être de l'enfance pour traduire en statistiques certains des risques auxquels fait face un enfant.5 Selon cette «mesure du risque de l'enfance», le Sierra Leone vient au deuxième des pays les plus dangereux au monde pour les enfants, précédé seulement d'un seul pays africain aussi riche en diamants et ravagé par la guerre, l'Angola. À la suite d'une récente étude intégrée sur la situation du diamant au Sierra Leone, le Partenariat Afrique Canada (coalition d'organisations non gouvernementales du Canada et de l'Afrique) a conclu que les conflits en Angola et au Sierra Leone ont été attisés par la contrebande illicite du diamant et soutenus par le crime organisé, qui s'enrichit grâce aux possibilités économiques créées par la rupture du droit et de l'ordre.4 En dépit des protestations de l'industrie du diamant,6 les statistiques ne concordent pas. Selon Ian Smillie et ses collaborateurs, le Liberia (voisin du Sierra Leone) a une capacité annuelle d'extraction de diamants de 150 000 carats, mais entre 1994 et 1998, Anvers, qui est le point de convergence de plus de la moitié de la production mondiale de diamants, a importé plus de 31 millions de carats du Liberia.4 D'où provenaient tous ces diamants? Les Nord-Américains informés pourraient commencer par remettre en question la valeur intrinsèque de ces éclats de carbone, qui ont peut-être coûté des mains et des pieds à des enfants. Les diamants sont éternels. Les amputations aussi.
Références
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