Conseil multidisciplinaireRevue professionnelle
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Josette Laframboise, conseiller en
planification de programmes, Direction de la recherche et du développement |
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À travers les champs d’activités variés dans lesquels l’intervention psychosociale est utilisée, la nature de cette approche demeure fondamentalement la même. Toutefois, le contexte dans lequel elle se situe (qu’il s’agisse du contexte organisationnel, légal, socioculturel, etc.) peut affecter dans une certaine mesure ses modalités d’application. Au Québec, en particulier, la pratique de l’intervention psychosociale dans les établissements parapublics a dû au cours des dernières décennies s’ajuster aux séismes structuraux qui en ont périodiquement modifié les paramètres. Quelques années après le regroupement des agences de service social dans des Centres de services sociaux, qui rapatriaient également divers autres types de services (tels les services sociaux en milieu institutionnel, hospitalier, scolaire et celui de la justice), le cadre de partage est venu décréter le transfert d’un certain nombre d’intervenants dans les CLSC; par la suite, la réforme s’est soldée par un retour des intervenants sociaux du domaine de la santé sous la juridiction des centres hospitaliers, la redistribution de certains autres dans divers établissements ou centres spécialisés (e.g. en déficience intellectuelle), et la fusion des nouveaux centres de protection de l’enfance et de la jeunesse avec les centres de réadaptation pour les jeunes et les mères en difficulté d’adaptation, résultant dans les Centres jeunesse d’aujourd’hui. Par ailleurs, l’interdisciplinarité est devenue la norme plutôt que l’exception dans les modèles d’intervention d’ordre psychosocial. Cette caractéristique a entraîné pour les praticiens de formation différente le besoin d’effectuer un certain nombre d’ajustements dans leur pratique. De la part des divers partenaires, cette approche exige au départ une connaissance au moins sommaire de la philosophie et des modes d’action spécifiques aux autres intervenants. C’est la raison pour laquelle, à la demande de la direction générale des Centres jeunesse de Montréal, un travail à deux volets a été entrepris pour clarifier les paramètres de l’un des types majeurs d’intervention en vigueur dans l’établissement: l’intervention psychosociale. On a cherché à préciser aussi bien la notion même d’intervention psychosociale que les particularités d’application de cette notion auprès de la clientèle. Le résultat de cette démarche - un document sur L’Intervention psychosociale - a été complété à la fin d’octobre 1995. Nous en résumons ici les principaux éléments.
LA NATURE DE L’INTERVENTION PSYCHOSOCIALE
L’intervention psychosociale s’est construite et a évolué à partir de concepts théoriques puisés en grande partie dans les sciences humaines. Elle repose essentiellement sur une vision de la personne où sont considérés à la fois sa dynamique intérieure et son être social et, plus particulièrement, l’interrelation qui existe entre ces deux dimensions. Elle entre en jeu au moment où l’individu éprouve des difficultés dans ses relations avec les personnes qui composent son environnement affectif et social ou encore, par rapport à certains aspects de son milieu de vie qui contribuent à la situation-problème. L’intervention psychosociale repose sur un certain nombre de valeurs postulant, entre autres, le caractère unique de chaque personne et son droit à l’autodétermination à l’intérieur des cadres de la société. Au moyen de la relation d’aide, le praticien social agit auprès de la personne en difficulté ainsi que des personnes avec lesquelles elle entretient un lien significatif; il peut également intervenir au niveau de son milieu social ou par rapport à des facteurs environnementaux qui contribuent à perpétuer la situation-problème. Le processus d’intervention visant à améliorer le fonctionnement social de la personne et à l’aider à modifier les éléments significatifs de la situation-problème repose sur une évaluation approfondie de cette situation. Pour établir des objectifs judicieux d’intervention, le praticien doit en effet, non seulement connaître les données objectives de la problématique, mais en arriver à comprendre la dynamique sous-jacente à la situation-problème. Cette vision d’ensemble lui permettra d’intervenir de façon efficace auprès de la personne et de savoir aller chercher la collaboration d’autres partenaires pour atteindre ou consolider les résultats souhaités. Dans l’ensemble, l’intervention psychosociale représente donc un processus d’aide visant à instaurer dans les interactions des diverses personnes impliquées dans une situation-problème un nouvel équilibre dynamique qui soit à la fois mutuellement satisfaisant et favorable à leur développement. Elle se situe à la frontière entre l’individu et la société et cherche à établir ou rétablir entre les deux des liens positifs et harmonieux.
LA PRATIQUE DE L’INTERVENTION PSYCHOSOCIALE DANS UN CENTRE DE PROTECTION DE L’ENFANCE ET DE LA JEUNESSE
Tel que défini dans l’article 82 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, les services de nature psychosociale qui entrent dans la mission d’un centre de protection de l’enfance et de la jeunesse s’adressent à une clientèle particulière, soit celle des jeunes et de leur famille qui requièrent ces services en vertu de la Loi sur la protection de la jeunesse (chapitre P-34.1), de la Loi sur les jeunes contrevenants (Lois révisées du Canada (1985), chapitre Y-1), ainsi qu’en matière de placement d’enfant, de médiation familiale, d’expertise à la Cour supérieure sur la garde d’enfants, d’adoption et de recherche des antécédents biologiques (L.R.Q. chapitre S-4.2, à jour au 5 juillet 1994. Québec: Éditeur officiel du Québec. 1994.). Compte tenu des mandats diversifiés d’un centre de protection de l’enfance et de la jeunesse, on peut se demander jusqu’à quel point la pratique psychosociale varie à l’intérieur de l’établissement en raison des responsabilités spécifiques attribuées à chacun de ses secteurs d’intervention. Ainsi, lorsque ses activités professionnelles s’exercent à l’intérieur de l’une ou l’autre des aires de responsabilités de la société à l’égard des enfants, telles que définies dans la LPJ ou la LJC, le praticien social doit-il ou non modifier son approche de la clientèle ? Si tel est le cas, à quels niveaux est-il contraint de le faire; s’agit-il pour lui d’une clientèle nouvelle ? Les objectifs d’intervention sont-ils comparables à ceux généralement poursuivis grâce à l’intervention psychosociale ? En quoi les modes d’interaction de l’intervenant avec le client diffèrent-ils de ceux qui sont pertinents à sa façon habituelle d’agir ? Jusqu’à quel point ses moyens d’action sont-ils encadrés, sinon limités, par les exigences du processus judiciaire ou les contraintes inhérentes aux prescriptions des lois à l’intérieur desquelles il exerce ses activités professionnelles ?
L’INTERVENTION PSYCHOSOCIALE ET LA LOI SUR LA PROTECTION DE LA JEUNESSE
Deux éléments de la Loi sur la protection de la jeunesse ont un impact significatif sur l’intervention psychosociale: son objectif général, qui vise essentiellement à assurer la protection de l’enfant, et les moyens qu’elle permet d’utiliser pour favoriser l’atteinte de cet objectif, en particulier l’exercice de certains pouvoirs liés à l’autorité dévolue notamment à l’intervenant social pour contraindre au besoin les parents ou d’autres membres significatifs de l’environnement de l’enfant à adopter des mesures visant à restaurer cette protection. Ainsi, lorsqu’il doit traiter d’une situation relevant de cette loi, le travail d’adaptation de l’intervention du praticien social relève tant du niveau des connaissances que de celui des habiletés d’agir: pour intervenir de façon judicieuse, le praticien doit en effet bien connaître la nature, les sources et les répercussions du phénomène de dysparentalité (selon Clément (1993)1, il s’agit des troubles de la fonction parentale qui se situent dans la ligne d’un dysfonctionnement de type transgénérationnel); il doit aussi comprendre les implications, pour le jeune et sa famille, de la problématique en jeu - négligence, abandon, abus physiques ou sexuels, troubles graves du comportement. Par ailleurs, l’étendue de ses compétences doit lui permettre d’agir adéquatement dans des circonstances telles que l’exercice de l’autorité devient l’un des moyens d’intervenir dans une situation dangereuse pour l’enfant au plan physique, émotif ou développemental. Le mode d’interaction qu’il établit avec la clientèle est caractérisé par la possibilité d’ajouter, à l’autorité de compétence qu’il exerce déjà à son égard, le pouvoir que lui confère la capacité de se servir au besoin d’une autorité légale - ce qui renforce par le fait même la dimension de contrôle au coeur de l’intervention psychosociale. Le praticien agissant en vertu de la LPJ doit donc posséder l’art du discernement afin d’utiliser à bon escient les pouvoirs que lui confère cette loi. Il doit également être suffisamment outillé pour résoudre dans les faits le dilemme d’amalgamer contrôle légal et aide psychosociale et pouvoir compter, à cet égard, sur un support organisationnel adéquat.
L’INTERVENTION PSYCHOSOCIALE AUPRÈS DES JEUNES CONTREVENANTS
L’intervention psychosociale effectuée sous le couvert de la Loi sur les jeunes contrevenants s’inscrit en complémentarité avec l’action des autorités judiciaires et des autres partenaires, et vise un double objectif: la responsabilisation du jeune à l’égard des conséquences de ses actes, et la protection de la société à travers les efforts de prévention des récidives. La LJC est venue confirmer la pertinence et la place d’une approche psychosociale dans le traitement de la délinquance en prévoyant, par exemple, la possibilité de recourir à des mesures alternatives au processus judiciaire : ces mesures de rechange peuvent être utilisées pour les jeunes dont l’agir délictueux est jugé transitoire et non susceptible de se manifester à nouveau si l’adolescent bénéficie d’un encadrement approprié de la part de ses parents et de son milieu. Il est donc important pour l’intervenant social d’associer les parents à l’évaluation de la situation de leur adolescent et de s’assurer de leur adhésion aux mesures de rechange envisagées. Dans d’autres situations, telle une mise sous garde ouverte ou fermée, le praticien social travaille de concert avec les intervenants de la réadaptation qui prennent en charge la situation du jeune. Comme il fait l’évaluation psychosociale et prépare, le cas échéant, un rapport prédécisionnel, il possède les informations nécessaires pour prévoir la réinsertion sociale de ce jeune et mobiliser au besoin les parents en ce sens. D’autre part, l’intervenant social joue un rôle prépondérant auprès du jeune et de sa famille lorsque le juge ordonne une mesure de probation. De façon générale, les mesures qui s’appliquent dans le cadre de la LJC requièrent donc de l’intervenant social une compréhension globale de la délinquance, de l’adolescence, ainsi que des facteurs familiaux et environnementaux qui contribuent aussi bien à la genèse qu’à la disparition d’un comportement délictueux chez un jeune. Elles s’appuient également sur sa capacité d’intervenir efficacement auprès du jeune et de sa famille, non seulement pour responsabiliser le jeune quant aux retombées sociales de ses actes délictueux et le dissuader de toute récidive, mais pour l’aider à acquérir et intérioriser les valeurs nécessaires pour compléter chez lui le processus de socialisation. Avec les parents, son action s’inscrit dans le cadre de l’orientation générale de la LJC, qui réitère l’importance du maintien et du renforcement de l’autorité parentale sur le jeune.
L’INTERVENTION PSYCHOSOCIALE DANS LES SITUATIONS DE PLACEMENT
Le placement d’un jeune en dehors de son milieu familial met en cause plusieurs enjeux d’ordre psychologique dont il importe pour l’intervenant social de bien comprendre les effets. Lorsque, par exemple, un placement est indiqué en raison d’une problématique familiale particulière, la période de vie de l’enfant en dehors de son milieu d’origine peut être pour les diverses personnes en cause une occasion de développement permettant à moyen terme la restauration de liens positifs entre eux ou, au contraire, résulter dans la consécration d’une rupture profonde entre l’enfant et sa famille. Dans toute situation de placement, l’intervenant social a un rôle important à jouer auprès de l’enfant qui doit être placé, auprès de ses parents, ainsi que par rapport à l’impact du placement sur le système familial. Lorsque le jeune va vivre dans une famille d’accueil, le praticien social a également des responsabilités particulières à assumer à l’égard des parents d’accueil. C’est l’intervenant social qui fait le lien entre les divers protagonistes à partir du moment où se prend la décision du placement jusqu’à la réinsertion du jeune dans sa famille ou son orientation vers un autre milieu, dans le cadre d’un plan de vie plus permanent. Des recherches (Fanshel & Shinn (1978); Vachon & St-Pierre (1982); Milner (1987)2 ont démontré le caractère crucial, pour la réintégration éventuelle du jeune dans son milieu, du maintien des liens entre l’enfant placé et sa famille, aspect sur lequel porte une part significative du travail de l’intervenant social. Lorsque la situation est telle que l’enfant est à toutes fins pratiques en voie d’abandon, le praticien prendra les mesures requises pour qu’il soit intégré dans un nouveau milieu familial prêt à lui faire une place permanente. D’autre part, quand le jeune est placé dans une ressource d’accueil intermédiaire ou un centre de réadaptation, la complémentarité du travail des divers intervenants est nécessaire pour faire du placement un moyen de contribuer à la restauration du développement du potentiel psychosocial de l’adolescent en question.
L’INTERVENTION PSYCHOSOCIALE EN MATIÈRE D’ADOPTION, DE RECHERCHE D’ANTÉCÉDENTS ET DE RETROUVAILLES
En matière d’adoption, l’objectif général de l’intervention du praticien social est de procurer à un enfant sans racines stables un milieu de vie permanent, apte à répondre à ses besoins fondamentaux. Pour réaliser un projet d’adoption, l’intervenant social doit assumer certaines responsabilités spécifiques à l’égard des parents naturels, de l’enfant et des postulants à l’adoption. L’admissibilité à l’adoption peut provenir du consentement des parents naturels, que le praticien social a le mandat de recueillir. Elle peut aussi faire suite à une déclaration judiciaire d’admissibilité à l’adoption, décrétée par le tribunal dans le cas d’enfants abandonnés ou délaissés, pour lesquels il est impossible d’obtenir des parents un consentement à l’adoption. Un autre volet du champ d’action du praticien social concerne l’évaluation des postulants à l’adoption, par laquelle il tentera de percevoir avec justesse les capacités des adoptants à prendre en charge un enfant qui a un patrimoine différent du leur; dans le cas des postulants à la banque mixte (composée de futurs parents ayant fait une demande d’adoption mais qui acceptent d’agir en tant que famille d’accueil pour un enfant qui pourrait éventuellement devenir légalement adoptable), le praticien doit en plus évaluer leurs habiletés à transiger avec des parents naturels qui voudraient encore garder contact avec leur enfant pour un certain temps et possiblement, le reprendre. L’intervenant en adoption peut aussi être amené à évaluer certains postulants en adoption internationale, ainsi que des familles d’accueil intéressées à adopter un enfant qu’elles hébergent déjà depuis quelques années. Enfin, le jumelage constitue une activité professionnelle requérant beaucoup de discernement de la part de l’intervenant social, surtout dans le cas d’un enfant plus âgé : il devra trouver une famille dont les caractéristiques s’accordent bien au profil de cet enfant, et qui possède aussi la capacité de composer avec ses besoins particuliers. Le cas échéant, l’enfant devra être préparé au placement et soutenu dans son intégration. Certains adoptés éprouvent à l’âge adulte un besoin si profond de retrouver leurs origines qu’ils adressent au Service d’adoption une demande en ce sens. Après clarification par l’intervenant social des raisons à la base de la demande, le traitement de cette requête se solde généralement par une remise d’antécédents sociobiologiques constitués à partir des informations contenues au dossier d’adoption. Lorsque l’adopté formule le désir de s’engager dans le processus menant à des retrouvailles avec ses parents de naissance (habituellement, la mère), le praticien lui fournit l’assistance requise pour que cette démarche, émotivement très chargée, soit pour lui une expérience enrichissante et non, extrêmement éprouvante. C’est l’intervenant social qui contacte le parent pour l’informer du désir de son enfant de le retrouver (ou vice-versa) et lui apporte le soutien nécessaire à l’égard de la décision qu’il devra prendre à ce sujet. Le cas échéant, il organise une rencontre entre les deux et demeure disponible aux besoins qui pourraient être exprimés, soit par l’adopté, soit par le parent biologique. En certaines circonstances, par exemple lorsqu’il s’agit de la demande admissible d’un mineur ou de celle d’un adulte adoptable qui n’a jamais été adopté, les enjeux émotifs de la situation exigent beaucoup d’attention et de support de la part de l’intervenant social. Dans l’ensemble, le rôle du praticien social en matière de recherche d’antécédents et de retrouvailles est de permettre aux personnes impliquées de vivre de façon positive les émotions profondes que suscitent de telles démarches et, le cas échéant, de participer à la démarche des adoptés qui cherchent à compléter ce qu’ils sont devenus comme personnes.
L’INTERVENTION PSYCHOSOCIALE EN MATIÈRE DE MÉDIATION FAMILIALE ET D’EXPERTISE PSYCHOSOCIALE
Lorsqu’un couple ayant des enfants entreprend des démarches en vue d’une séparation ou d’un divorce, l’intervenant social est amené, dans un certain nombre de cas, à jouer un rôle majeur dans ce processus. Grâce à la médiation familiale, il aide le couple qui en fait la demande à négocier une entente satisfaisante pour les deux parties quant au partage des responsabilités parentales et financières. Lorsque le conflit opposant le père et la mère est trop virulent pour leur permettre d’en arriver à une entente à l’amiable, le juge peut demander à l’intervenant d’effectuer une expertise psychosociale sur les enjeux relatifs au partage des responsabilités des parents à l’égard de leurs enfants. Dans le cadre d’une médiation, l’objectif de l’intervenant social n’est pas de tenter de réconcilier les deux parties, comme pourrait le faire un thérapeute conjugal, mais d’accompagner la famille en transition vers un nouvel équilibre, compte tenu du mode de vie différent qu’entraînera la décision du couple. L’un des thèmes majeurs de la négociation a trait aux façons selon lesquelles, tout en désavouant formellement les liens conjugaux qui les avaient unis, les deux partenaires demeureront pour leurs enfants des parents à part entière. Au cours des discussions, l’intervenant social peut rencontrer les enfants afin de leur permettre d’exprimer leurs besoins et leurs désirs quant à l’avenir; toutefois, il s’assure de faire clairement comprendre, aussi bien aux enfants qu’à leurs parents, qu’en aucun cas les enfants ne sont responsables des choix éventuels de leurs parents, pas plus qu’ils ne sont responsables de leur divorce. Sur un autre plan, le réaménagement des rôles à l’égard des enfants exige une révision attentive des charges économiques liées à leur entretien et une attribution équitable de ces coûts entre les deux parents. Enfin, les biens que possède le couple font aussi l’objet de l’entente à négocier en médiation. Quant à l’expertise psychosociale, elle est effectuée auprès de conjoints impliqués dans des procédures judiciaires, et qui sont incapables de s’entendre quant au partage des responsabilités parentales. Outre son rôle central d’évaluateur en fonction du premier mandat reçu du tribunal, le rôle de l’expert se double de celui d’intermédiaire entre les parents; en raison de son impartialité, il suscite la confiance de ces derniers et leur permet souvent d’apaiser, sinon de résoudre leur conflit et de rétablir la communication entre eux. Dans l’ensemble, l’expertise psychosociale pose à l’intervenant le défi de distinguer, à travers des perceptions brouillées d’émotions contradictoires, la voie qui permettra au père et à la mère qui se séparent de ne pas divorcer par le fait même des enfants qu’ils ont choisi de mettre au monde.
L’INTERVENTION PSYCHOSOCIALE AU PRÉSENT
Ainsi, l’intervention psychosociale pratiquée dans un centre de protection de l’enfance et de la jeunesse est le produit de l’évolution d’un ensemble d’éléments théoriques et contextuels qui expliquent à la fois sa richesse et sa complexité. Le rôle de l’intervenant social se situe dans l’ensemble à l’intersection du psychologique et du social; la difficulté de certaines personnes à assumer certains rôles, en particulier le rôle parental, est à la fois la raison pour laquelle le praticien social intervient dans leur vie et l’objet spécifique de son intervention. La capacité des parents à assumer leur rôle à l’endroit de leurs enfants est en effet l’une des questions de base que se pose l’intervenant social lorsqu’il évalue une situation de maltraitance à l’égard d’un jeune enfant, les troubles de comportement d’un adolescent ou le recours d’un jeune contrevenant à des actes délictueux. Cette question forme aussi la trame de fond de son investigation lorsqu’il étudie la demande de postulants en adoption ou encore, lorsqu’il négocie avec des conjoints en instance de divorce les meilleurs arrangements à prendre à l’égard de la garde de leurs enfants. Par ailleurs, le rôle de l’environnement dans la genèse des problèmes sociaux aussi bien que dans la façon de les traiter représente l’une des facettes importantes de la pensée psychosociale, que l’on retrouve en particulier dans l’intérêt actuel des intervenants pour une vision écologique des problématiques sociales et pour l’expérimentation d’une approche au traitement de ces problématiques qui soit conséquente avec l’importance attachée à l’influence mutuelle des personnes et de leur environnement. Enfin, le milieu social dans lequel oeuvre l’intervenant social lui impose des ajustements venant à la fois du contexte géographique, économique et culturel. Le phénomène de la violence, que l’on retrouve plus souvent dans les milieux urbains, particulièrement à Montréal, et avec lequel l’intervenant d’un CPEJ doit composer à travers la clientèle qui lui est spécifique, impose au praticien social des obligations et des contraintes souvent très lourdes. Par ailleurs, lorsqu’il intervient auprès de parents ou de jeunes provenant d’un milieu socioculturel distinct de celui de la majorité de la population, son approche doit tenir compte, entre autres, du type de valeurs à la base de leur identité culturelle. Dans l’ensemble, l’intervention psychosociale au quotidien témoigne de la diversité de ses racines théoriques, de l’évolution que l’expérience et la recherche lui ont permis de faire au cours des années et des ajustements dans les modalités de la pratique qui ont été entraînés par les impératifs contextuels de la réalité d’aujourd’hui.
NOTES BIBLIOGRAPHIQUES1 CLÉMENT, R. Parents en souffrance. Paris, Stock-Laurence Pernoud, 1993, pp. 69-70. 2 FANSHEL, D., SHINN, E. Children in Foster Care : A Longitudinal Investigation. New York, Columbia University Press. VACHON, J., ST-PIERRE M. Enfants en soins d’accueil : cinq ans après leur placement. Québec, Université Laval, École de Service social, Laboratoire de recherche, 1982. MILNER, J.L. « An Ecological Perspective on Duration of Foster Care », Child Welfare, vol. 66, ch. 2, pp. 113-123.
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