Jan Marie Fritz

Associate Professor of Planning and Health Policy, School of Planning, University of Cincinnati (USA); affiliated with Women's Studies and the Department of Sociology; Ph.D. American University (USA), M.A. Ohio State University (USA), B.A. Bowling Green State University (USA). Jan.Fritz@uc.edu

Texte traduit de l'anglais par Karine Provot.

Résumé

Les parties en conflit sont parfois très surprises du résultat de la médiation et, si elles adhèrent au résultat, ont même été jusqu'à décrire le procédé comme "magique". La magie implique un certain nombre d'éléments y compris l'approche au processus. Le champ de médiation, à ce point précis, est seulement le début pour identifier et discerner les approches fondamentales. Et tandis qu'il y a eu des discussions des modèles, il n'y a eu que peu de débats sur les rapports entre théories et modèles. Cela fait-il une différence si nous savons quels modèles et approches sont utilisés et quelle(s) théorie ou théories sont fondamentales aux modèles? Je le pense. Plus les médiateurs comprennent les modèles et les théories dans notre domaine, mieux ils seront capables d'expliquer et d'évaluer ce qu'ils font. L'identification et la discussion des similarités/différences et des forces/faiblesses (dans des cadres différents) des modèles, des approches et des théories vont favoriser les améliorations nécessaires à l'enseignement, la recherche et la pratique de la médiation. Cela aidera aussi les parties en conflit et les organisations à engager des médiateurs ou à diriger des programmes de médiation pour faire des choix informés sur les possibilités de médiation.

Mots-clés: médiation sociale, médiateur, conflits, méthodes de résolution.

La médiation, un processus de non-confrontation, semi-structuré et créatif dans lequel un ou plusieurs individus impartiaux aide(nt) les parties en conflit (Fritz, 2004a) est liée à plusieurs disciplines et est disponible dans plusieurs types de cadres différents. Le médiateur peut être, par exemple, un spécialiste des négociations ouvrières, un sociologue clinique travaillant à la Cour, une personne âgée dans une tribu, un diplomate, un ministre ou un avocat spécialiste des divorces, et peut travailler, par exemple, avec des familles, des lieux de travail, des communautés et/ou des pays.

Étant donné que les médiateurs peuvent avoir des aires de pratiques très différentes et des cadres disciplinaires différents, cela ne doit pas être surprenant de réaliser qu'ils ont aussi des bases théoriques différentes. Certaines des approches théoriques se sont développées à la suite de l'emphase placée sur l'entraînement en médiation, tandis que d'autres trouvent leur origine dans des affiliations, des valeurs, des lieux de travail et une éducation disciplinaire ou sont le résultat d'une combinaison d'influences.

Parfois, les opinions modèles et théoriques d'un médiateur - comme la politique, la religion ou l'identité nationale - peuvent être plus "la main qui a été donnée" que quelque chose qui a été choisi. Par exemple, un groupe d'experts dans un pays particulier offre un entraînement en médiation dans un pays qui n'a pas de tradition de médiation formelle et les médiateurs entraînés dans le pays d'accueil pensent que l'approche du groupe d'experts à la médiation est la seule approche possible et la meilleure. Un autre exemple peut être un cas dans lequel un employé d'une quelconque organisation où un volontaire est formé en tant que médiateur, mais auquel on ne montre qu'une seule approche de la médiation. Dans ces cas-là, il serait difficile pour le nouveau médiateur d'évaluer cette approche.

Cet article identifie certaines des approches majeures utilisées par les médiateurs professionnels aux Etats-Unis. Il identifie aussi les bases théoriques de ces approches et fournit un raisonnement pour tenter de comprendre les approches et les théories.

Les modèles de médiation

Les théories, implicites ou explicites, sont à la base des modèles utilisés par les praticiens. Les modèles expliquent comment les praticiens doivent fonctionner. Selon Lang et Taylor (2000:101):

"Les modèles représentent les pratiques appropriées, ambitieuses et les meilleures; elles incluent des directives pour les mettre en oeuvre. La plupart des médiateurs novices apprennent un modèle particulier et une approche à la médiation qui comprend des directives, des règles, des procédures, et des façons de comprendre les pratiques de la médiation..."

La liste qui suit des approches à la médiation aux Etats-Unis - y compris l'identification des bases théoriques[1]- est faite pour servir comme point de départ pour la discussion des approches médiatiques. On suppose que la médiation est relativement volontaire (par exemple, même si on requiert des administrateurs qu'ils prennent part à la médiation...ils peuvent décider s'ils souhaitent régler un problème) et dirigée dans des circonstances plutôt démocratiques (par exemple, les contraintes du programme doivent toujours permettre une variation des sujets de discussion abordés et résolus).

Centrée sur le(s) participant(s). Cette approche utilise généralement un modèle par étapes et se focalise sur ce que les parties voudraient atteindre comme objectifs à travers le processus de médiation. Cela peut vouloir dire, par exemple, que les parties impliquées veulent se comprendre mieux et/ou veulent réduire ou résoudre le ou les sujets de discussion qui les ont menées vers la médiation. Le médiateur agit généralement comme facilitateur. L'approche est connectée à l'humanisme et, parfois, peut être liée à la psychothérapie ou à la sociothérapie. Ceci est en particulier le cas avec les modèles thérapeutiques de médiation familiale (Taylor, 2002:120).

Orientée sur la solution. Cette approche utilise un modèle par étapes et le médiateur peut (fondamentalement et uniquement) faciliter et diriger. Le médiateur peut prendre part à la résolution du problème, et s'il dirige, il peut même "pousser"vers une solution. La solution est soumise à l'accord des deux groupes, mais le médiateur peut aussi avoir eu une forte influence dans l'atteinte d'une solution. L'approche orientée sur la solution est fortement connectée à l'utilitarisme, le béhaviorisme, l'échange social et le choix rationnel mais aussi le fonctionnalisme structurel, une approche des systèmes dans laquelle le conflit peut être envisagé comme une perturbation.

Transformatrice. Cette approche se focalise sur le fait de changer les participants en encourageant l'émancipation et la reconnaissance. Le conflit (et sa résolution) est moins important que le changement d'attitude des parties. Les parties ont la responsabilité des résultats et le médiateur est un facilitateur qui a foi dans le fait que les parties développent leur processus de médiation. Cette approche peut être caractérisée comme étant humaniste, focalisée sur l'amélioration de la communication et orientée vers le changement. Della Noce et al. (2002:50) ont indiqué que cette approche est liée à une vision communicative/sociale du conflit humain dans la discipline de la science communicative. Si une organisation insiste pour qu'une approche transformatrice soit utilisée dans les médiations, l'approche peut alors être connectée au fonctionnalisme structurel.

Narrative. Le médiateur travaille avec les parties pour développer une histoire à propos du conflit. L'histoire est ensuite démantelée et remplacée par une nouvelle histoire co-construite. Les trois phases de ce type de médiation sont (1) impliquer les participants, (2) raconter et "déconstruire"l'histoire chargée de conflit, et (3) créer une nouvelle histoire qui modifie ou réduit le conflit. L'approche narrative est liée à l'humanisme et particulièrement à la pensée post-moderne dans laquelle il n'existe pas de réalité objective mais des réalités multiples.

Le Processus Intégré Humaniste /Humanist Integrated Process (HIP). Le cadre de la médiation HIP accentue l'humanisme, la compétence culturelle, l'émancipation, le respect et la créativité. Le médiateur est réfléchi, et on attend de lui qu'il évalue continuellement l'interaction entre/parmi les groupes et entre les groupes et le médiateur. Le médiateur HIP est centré sur les participants mais est flexible. Selon les circonstances de la médiation, le médiateur peut intégrer des aspects de n'importe quelle autre approche de médiation citée dans cet article. Cette approche est similaire à ce que Vraneski (2004) a identifié comme étant une approche interactive, excepté que le HIP a une connexion avec l'humanisme.

L'approche HIP est fréquemment basée sur une perception particulière de la théorie humaniste. Cet humanisme, qui se focalise sur des choix individuels libres et responsables, n'est ni anthropocentrique (centré sur l'humain) ou bio-centré (considération morale donnée à toutes choses vivantes). Cette forme d'humanisme inclue une considération respectueuse de l'environnement naturel et est en très bon accord avec la théorie éthique de la terre d'Aldo Leopold (1949). Leopold (1949:204) a indiqué que "une éthique de la terre change le rôle de l'Homo Sapiens d'un conquérant de la communauté dela terre en un simple membre et citoyen de celle-ci."

Une attention particulière est donnée au contexte ou à la structure dans laquelle les actions des groupes ont été prises. Si les groupes sont intéressés, une discussion des actions peut être engagée - par les individus représentés, les départements, les organisations et/ou les communautés - pour empêcher, réduire et/ou résoudre certains conflits. Cela correspond tout à fait avec ce qui est appelé la médiation sociale.[2]

La tradition HIP, comme plusieurs des autres approches, est basée sur l'humanisme. L'humanisme est d'ailleurs mentionné dans le titre de cette approche si bien qu'il ne peut être ni diminué ni ignoré. Les médiateurs qui utilisent l'approche HIP peuvent aussi avoir de fortes connexions avec la théorie multiculturelle/libératrice[3] et ils peuvent avoir quelque chose en commun avec certaines pratiques des socio-thérapeutes.

Conclusion

Les parties en conflit sont parfois très surprises du résultat de la médiation et, si elles adhèrent au résultat, ont même été jusqu'à décrire le procédé comme "magique". La magie implique un certain nombre d'éléments y compris l'approche au processus. Le champ de médiation, à ce point précis, est seulement le début pour identifier et discerner les approches fondamentales. Et tandis qu'il y a eu des discussions des modèles, il n'y a eu que peu de débats sur les rapports entre théories et modèles. Cela fait-il une différence si nous savons quels modèles et approches sont utilisés et quelle(s) théorie ou théories sont fondamentales aux modèles? Je le pense.

Certains médiateurs et certaines organisations qui emploient des médiateurs ne comprennent que très peu les variétés de théories ou les différences d'applications dans des cadres différents. Cela peut être le résultat d'une ou de plusieurs situations. Par exemple, les médiateurs formés à seulement une approche ne sont peut être pas exposés à une vue d'ensemble du domaine. Par ailleurs, certaines organisations de médiation peuvent penser que c'est dans leur intérêt commercial de "vendre" uniquement l'approche de leur agence et de minimiser les autres approches. De plus, les organisations qui emploient des médiateurs peuvent insister sur une approche étroite parce qu'ils ne veulent pas se soucier demédiateurs "s'écartant" d'une approche donnée. Tandis que "garder les choses simples" peut cheminer dans un certain enseignement, un apprentissage et une pratique moins déroutante d'une certaine façon, cela n'encourage pas les médiateurs et les organisations à grandir et à changer en incorporant de nouvelles idées et en affinant les programmes. Une formation ou un usage strict peut signifier que les médiateurs sont moins aptes à approcher quelque chose qui prend en compte de manière créative les circonstances de chaque médiation.

Plus les médiateurs comprennent les modèles et les théories dans notre domaine, mieux ils seront capables d'expliquer et d'évaluer ce qu'ils font. L'identification et la discussion des similarités/différences et des forces/faiblesses (dans des cadres différents) des modèles, des approches et des théories vont favoriser les améliorations nécessaires à l'enseignement, la recherche et la pratique de la médiation. Cela aidera aussi les parties en conflit et les organisations à engager des médiateurs ou à diriger des programmes de médiation pour faire des choix informés sur les possibilités de médiation.

Jan Marie Fritz

Notes:

1.- Une discussion complète des théories peut être trouvée dans Fritz 2004b.

2.- Selon Erik Wennerstrom (Suède), (2000:18): "La médiation sociale est une manière de résoudre des conflits très tôt, peut-être avant qu'ils n'atteignent le niveau de conflits ouverts...La France nous (a)...fait repenser aux différents niveaux et étapes d'intervention, en lançant le concept de médiation sociale. Cela couvre une série d'événements qui commence avec des causes fondamentales, en passant d'une réduction du conflit à la gestion du conflit, ce qui en fait est quelque chose de plus étendu que les concepts de médiation et de prévention qui sont principalement d'usage aujourd'hui."

3.- La théorie sociale libératrice et multiculturelle (par exemple, Africain Américain, Latino/Latina, point de vue féministe, Indiens d'Amérique, théorie gay) rejette les théories qui soutiennent ceux qui ont le pouvoir. Les théoriciens libérateurs/multiculturels sont inclusifs; ils veulent constituer des systèmes plus divers et ouverts, et veulent essayer de secouer le monde social et intellectuel. La théorie est proposée au nom de ceux qui sont sans pouvoir. Selon Harding (2004:3): "Les mouvements basés sur la race, l'ethnicité, la justice sociale gay et anti-impériale produisent couramment des théories point de vue."Une théorie point de vue envisage la réalité sociale d'une position socio-économique de laquelle des actions peuvent être prises.