Esprit critique - Revue internationale de sociologie et de sciences sociales
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Automne 2004 - Vol.06, No.04
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La représentation de l'implication dans les travaux de thèse


Martine Arino

Doctorante en Sciences de L'Information et de la Communication sous la direction du Pr. Robert Marty, Université de Perpignan, membre du VECT (Voyages, Echanges, Confrontations, Transformations: Equipe d'accueil 2983). Axe IV SALAM (Sociologie et Anthropologie des Labilités, des Altérités et des Mobilités). ATER de sociologie à l'université de Perpignan. Coordonnées: 2 Avenue du général de Gaulle 66000 Perpignan, MARTINE.ARINO@wanadoo.fr


Résumé

Cet article a l'ambition d'approfondir le lien entre les doctorants et l'institution universitaire à travers la notion de restitution de l'implication du chercheur dans son enquête.

Mots clés: Implication, Institution, Restitution, Sémiotique, Doctorant.


Abstract

The representation of implication in Ph.D. thesis work

The ambition of this article is to look further into the bond between Ph.D. students and the university institution through the concept of restitution of the implication of the researchers in their investigations.

Key words: Implication, Institution, Restitution, Semiotics, Ph.D. student.


La notion de l'implication du chercheur dans son objet d'étude remet en cause l'idéal de la connaissance. Scientificité ne rime pas avec certitude théorique. Karl Popper montre qu'une théorie est scientifique parce que réfutable, portant en son sein l'incertitude. L'affirmation de certitude en science relève de l'idéologie, de l'égocentrisme et de l'ethnocentrisme. René Lourau consacre toute son existence à l'étude de l'implication, sans en donner d'emblée une définition claire: "...j'utilise les deux idées complémentaires-opposées d'implication et d'institutionnalisation, toutes deux issues de l'analyse institutionnelle. L'implication désigne l'ensemble des rapports entre l'intellectuel et son activité: l'analyse de l'implication, objet de l'analyse institutionnelle, est de loin la tâche la plus difficile pour tous les intellectuels, y compris ceux qui, comme moi, attribuent la plus haute signification à une telle tâche." (R. Lourau, 1981, p.11-12). Une recherche sur l'implication revient à étudier les rapports du chercheur à son environnement. "J'appelle implication l'ensemble des rapports que l'intellectuel refuse, consciemment ou non, d'analyser dans sa pratique, qu'il s'agisse des rapports à ses objets d'étude, à l'institution culturelle, à son entourage familial ou autre, à l'argent, au pouvoir, à la libido et en général à la société dont il fait partie. Alors que l'intellectuel se croit très capable d'analyser et d'objectiver ce qui arrive aux autres, y compris, parfois, à des catégories d'intellectuels dont il s'exclut d'office." (R. Lourau, 1981, p.24). Il commencera son dernier ouvrage Implication, Transduction, en donnant une définition totale de l'implication: "La question de l'implication, c'est celle de la relation du chercheur à son objet, du praticien à son terrain, de l'homme à sa vie", corps à corps avec l'implication qui devient l'existence de chercheur. Si l'implication est inévitable, elle reste difficile à analyser et donc à dire.

Ainsi l'étude de l'implication reviendrait à"sur-prendre le réel, là où il se réfugiait". (R. Hess, 1975, p.92) Il s'agit dans cet article de montrer que l'implication est objet de connaissance qui dévoile le rapport que chaque chercheur entretient avec ses institutions d'appartenance. En accord avec J. Ardoino, "Les interrogations auxquelles elle [l'implication] nous conduit se situent beaucoup plus encore sur un plan épistémologique que sur celui des méthodologies. [...] l'implication apparaît plus encore, aujourd'hui, comme un mode particulier de connaissance lié à une façon spécifique d'être, caractérisée par l'existence. Autrement dit, objet possible et souhaitable d'analyse, parce que façon d'être, l'implication constitue en outre un mode spécial de production de connaissance dont elle deviendra partie intégrante." (Jacques Ardoino, 1983, p.20) L'implication nous fait rentrer dans la complexité: "...le mot impliquer suggère plutôt les idées d'enlacer, d'entrelacer, d'entortiller, d'envelopper, d'engager, d'embarrasser, de gêner, de lier; sous forme d'adjectif cela donne: compliqué, embrouillé, confus." (Jacques Ardoino, 1983, p.21) Jacques Ardoino poursuit en écrivant qu'expliquer renvoie à une extériorité (mettre à plat dans un espace concret) et l'implication renvoie à une intériorité. Il n'est pas possible de tracer un axe symétrique entre ces deux concepts car leur relation est dialectique, ce qui signifie qu'il faut dépasser les injonctions du mode de connaissance subjectiviste et objectiviste.

C'est alors que j'en viens à la problématique suivante: l'objet réel est-il égal à l'objet construit par le chercheur? Quelles sont les conditions d'objectivité, d'une production du savoir du chercheur? Comment rendre compte d'une réalité plurielle et mouvante? Comment intégrer l'ensemble des dimensions de l'objet d'étude et construire un modèle complexe représentatif de la réalité? Comment le chercheur construit-il du sens dans l'édifice des signes?

J'ai été amenée à m'intéresser à cette problématique d'une part en observant les doctorants de mon laboratoire ainsi que ceux inscrits sur la liste "sicliste"[1] et d'autre part par ma démarche réflexive sur mes propres travaux. La période de thèse m'est apparue comme idéale pour observer l'implication dans la recherche car, comme le dit Roland Barthes, les doctorants sont "suffisamment libres pour avoir conçu eux-mêmes leur projet de recherche et cependant encore soumis à une institution, celle du doctorat de troisième cycle." (Roland Barthes, 1972, p.1) J'ai été frappée par la dissonance entre le discours sur leur travail de thèse et le document final rendu. Comme s'il y avait d'un coté "le discours de la scientificité (discours de la Loi) et de l'autre, le discours du désir, ou écriture." (Roland Barthes, 1972, p.1) La relation entre ces deux discours n'est jamais énoncée dans les thèses[2]. Dans un premier temps, je donnerai une définition sémiotique de l'implication en montrant qu'elle est liée à celle de l'institution, puis j'enchaînerai par la restitution de l'implication. (Par restitution, j'entends une communication impliquée, rendre son expérience de terrain communicable, transmissible.)

Charles S. Peirce a posé que la connaissance scientifique passe par la relation, par la médiation d'un élément tiers intercalé entre le réel et nous: nous ne pouvons en effet rien connaître directement de la réalité. Dès 1867, dans un article intitulé "D'une nouvelle liste de catégories", Peirce pose les fondements de sa pensée, fondements qui structureront durablement la sémiotique, à travers la question: Comment une connaissance synthétique est-elle possible?

La sémiotique est une théorie sociale de la signification. "De la signification" car elle se centre sur le sujet pensant dans ses rapports avec les signes, "sociale" car elle analyse les modes de circulation des signes au sein des différents champs au sens bourdieusien du terme. Dans la première partie de ce texte, nous donnerons une définition sémiotique de l'implication pour en venir dans un second temps à ma propre implication dans la réalisation du travail de recherche de thèse.

1. Implication et Institution

Comme je l'ai dit en introduction, pour aborder la complexité de la notion d'implication, il faut faire table rase de notre tradition culturelle qui réduit la réalité à des phénomènes binaires, d'action/réaction: "La structure de pensée dominante dans notre société est disjonctive et réductrice. Elle est disjonctive parce qu'elle sépare les faits, les données, les problèmes, les disciplines, etc. Elle est réductrice parce qu'on essaie, alors, de donner l'explication d'un ensemble organisé à partir d'un élément simple qui le constitue. Pour moi, il est tout à fait naturel de penser en terme d'unité du multiple et du multiple de l'un.". (E. Morin, 1998, p.37)

En ce sens, le signe triadique peircien est adapté à notre propos[3]. Il permet d'individualiser les rapports de chaque interprétant à un quelconque objet de connaissance en fonction de son implication personnelle dans les institutions de la signification qui règlent les rapports entre les signes et leurs objets.

Cette position épistémologique nous permet d'approcher l'architectonique de l'institution sociale et de proposer une description de sa dynamique.

La théorie sémiotique triadique fait apparaître comment les deux corrélats, Objet et Interprétant, sont liés à l'objet d'expérience directe.

Il ne nous est pas possible d'exposer en quelques lignes la théorie sémiotique ou la "doctrine des signes", aussi, nous nous contenterons d'en traiter les fondements indispensables à la compréhension du lecteur[4]. L'enjeu est à la fois théorique et méthodologique.

1.1 L'objet de la sémiotique: le signe triadique

Peirce a envisagé les signes dans les relations et les dynamiques qui les relient à d'autres. Cette pensée des relations ne fait pas abstraction du chercheur ni de sa posture d'observation: celle-ci est même à conceptualiser en premier lieu, et c'est sans doute ce qui donne à la sémiotique peircienne une telle modernité. Dès ses fondements, en effet, la sémiotique se structure autour d'une réflexion sur la pensée vue comme un signe: aucune connaissance ou sensation n'est immédiate, ultime, certaine. Une connaissance est toujours médiate, c'est-à-dire qu'elle est le fruit d'un processus sémiotique, d'une chaîne infinie d'interprétations d'autres conceptions. Le signe peircien est un signe général, triadique et pragmatique. Pour Charles Sandres Peirce, un signe (S) c'est quelque chose qui représente quelque chose d'autre (O) pour quelqu'un (I).




Ses caractéristiques essentielles sont les suivantes:

Tout signe est triadique, c'est à dire qu'il nécessite la coopération de trois instances qui sont le signe S (ce qui représente), 1'objet O (ce qui est représenté) et 1'interprétant I (l'esprit) qui produit leur relation; cette coopération est obtenue par le jeu de deux déterminations successives (les flèches de la figure 1 sont des déterminations), du signe S, par 1'objet O et de l'interprétant I, par le signe S, de façon que I soit déterminé par O à travers S


(le Signe représente la relation triadique qui lie S, O et I.).

De plus, on observe que puisque I est déterminé par O, il devient d'une certaine manière un signe de O au même titre que S et est donc susceptible de déterminer un nouvel interprétant et ainsi de suite. On rentre donc nécessairement dans un processus d'interprétation indéfini; I1, I2, I3... (en 1'état actuel de la conceptualisation).

La sémiotique repose donc sur une réflexion sur la pensée et la connaissance conceptualisées comme un processus systémique. Peirce propose une catégorisation des phénomènes de la pensée, la phanéroscopie ou phénoménologie. Par sa conception de la pensée comme processus sémiotique illimité, la sémiotique s'ouvre à des modes de construction de connaissances scientifiques qui ne reposent plus sur des systèmes fermés d'inférence (induction-déduction), mais sur une approche systémique (reposant sur la modélisation de systèmes ouverts - l'inférence abductive). En cela, Peirce préfigure donc toutes les théories de la complexité. A propos des catégories phénoménologiques, il dira dans une lettre à James du 26 février 1909 que l'"on peut partir du possible et de l'indéterminé, sans être soumis aux contraintes des principes de non contradiction et de tiers exclus."(collected papers, MS140) Mieux vaut donc cerner son objet par une multitude d'arguments éventuellement faibles que par une seule évidence forte.

Robert Marty ajoutera à la sémiotique peirceinne une théorie de la perception.

1.2 Percept et jugement perceptuel

Peirce a une conception de l'être fondamentalement relationnelle. Les modes d'être sont les modes relationnels des êtres au monde.

La perception du monde physique peut se formaliser en termes de structure relationnelle.

La perception est un processus de sélection et d'arrangement des effets des stimuli. Elle est la juxtaposition d'un percept et d'un jugement perceptuel. Le jugement perceptuel produit une structure relationnelle des éléments sélectionnés dans le percept global.

Cette structure relationnelle constitue formellement la configuration perceptive, dans laquelle sont incorporées les structures eidétiques caractéristiques des objets présents à l'esprit.

1.3 Les modes d'être et la complexité

Maintenant, je suis en mesure de donner une définition sémiotique de l'implication: elle est la relation entre la structure relationnelle formée par l'esprit de l'interprète et la structure eidétique de l'objet du co-signe producteur. Cette présence à l'esprit d'un individu, ici et maintenant est un phénomène ou phanéron[5]. C'est ici que l'on peut appréhender la complexité qui résulte de la richesse plus ou moins grande des structures relationnelles mises en jeu, la totalité étant plus complexe que chacune de ses parties.

Il faut considérer cet objet présent à l'esprit comme une totalité ayant des sous-structures à la fois autonomes et dépendantes. Autonomes, car on peut les isoler et à leur tour elles peuvent être dépendantes comme appartenant à la totalité. Elles sont les sous-structures de la structure sur laquelle l'esprit peut focaliser. Ainsi, la totalité est plus complexe que chacune des parties. Cette affirmation pose la vaste problématique du rapport entre une totalité et ses parties regardées comme constitutives. Un théorème de réduction des relations n-adiques que Robert Marty développe tout au long de sa thèse d'état (1987) conduit à démontrer, dans la perspective abstraite de la mise en forme des phénomènes au moyen des relations n-adiques, que tous les modes d'être peuvent être ramenés à trois d'entre eux (avec trois formes dégénérées) qui permettent de décrire les relations par recombinaison (à la manière des atomes de chimie): c'est la phénoménologie peircienne. Peirce désigne les catégories phanéroscopiques[6] à 1'aide des nombres: un, deux, trois. Il s'agit de la priméité, firstness, la secondéité, secondness, ou la tiercéité, thirdness. Peirce considère que trois catégories sont nécessaires et suffisantes pour décrire les différents modes d'être de la pensée considérée comme un signe.

Au nombre de trois, les catégories phanéroscopiques sont irréductibles l'une à l'autre mais respectent le principe de la hiérarchie des catégories. Ce principe stipule qu'un troisième présuppose un second, qu'un second présuppose un premier et qu'un premier rien d'autre que lui-même.

1.3.1. La priméité de la cognition: l'émotion




L'émotion est déclenchée par la perception, elle est une certaine manière d'appréhender le monde. La perception du signe produit chez l'interprète des qualités de sentiments dont certaines proviennent de l'objet du signe. C'est le plus bas niveau phénoménologique de cognition. La première phase d'acquisition d'un savoir est le ressenti, la conscience de l'objet qui est représenté par une qualité.

1.4.2. La secondéité de la cognition: l'expérience




C'est le niveau de l'expérience de l'objet, du rapport existentiel entre la connaissance et son objet. L'objet d'expérience directe fournit des informations sur l'objet.

Il s'agit de "la structure vécue".

1.4.3. La tiercéité de la cognition: l'argumentation




La perception des faits suscite dans l'esprit de l'interprète le concept auquel il est lié parce que celui-ci en a fait l'expérience. Les éléments perçus constituent pour lui des éléments symboliques. C'est donc le formalisme le plus abstrait; la conclusion contenue dans les prémisses qui découle explicitement ou implicitement des faits.

L'interprète incorpore dans la forme vécue les caractéristiques de la structure eidétique de l'objet. C'est le plus au niveau phénoménologique de cognition.

L'acquisition du savoir est une triade qui lie le monde, l'être dans le monde et l'homme.

"Chaque fois que nous pensons, nous avons présent à la conscience une "représentation qui sert de signe." (Peirce, 1978, p.248)

La signification, pour un individu consiste en la manière dont il réagit au signe. S'interroger sur l'implication c'est s'interroger sur la relation Sujet-Objet, jeune chercheur et objet étudié. Comment cette relation entre la structure éidétique de l'objet et la structure éidétique du signe que nous considérons comme une micro-institution sociale est-elle soumise à la dialectique de l'instituant et de l'institué et comment l'interprétant peut-il être le moment de la singularité de cet universel?

L'objet d'étude est construit par le chercheur, c'est un système de représentation. D'où l'appel à la sémiotique peircienne qui pose d'emblée la distinction entre être et être représenté et le postulat que nous n'avons accès à la réalité qu'à travers sa représentation. L'objet d'étude nous résiste. Le réel réagit à nos expérimentations, établit des liens qu'il convient d'utiliser comme des indices. Je fais l'hypothèse que tous ces indices, ces "perturbations", nous pouvons les retrouver dans le journal de recherche. La fonction du journal de recherche est de relever nos implications.

Le journal est une aide précieuse pour comprendre, dévoiler son implication de recherche, tout en s'en distanciant mais aussi pour comprendre ce que la société qu'il étudie lui dit sur elle-même à travers la manière dont elle l'accueille, le rejette ou l'associe. (Ce fut le cas de René Lourau) Il est le siège des abductions. "Non pas matériaux pour un travail futur, mais éclairs qui passent, susceptibles d'apporter la révélation attendue." (A. Girard, 1963, p.VII). Une illustration de cette posture de recherche se trouve dans l'ouvrage de R. Lourau, Le journal de recherche. Dès le début du mouvement de l'analyse institutionnelle, il y a cette préoccupation majeure d'écrire sur l'intervention des analystes, de noter au fur et à mesure leurs hypothèses, travail, résultat. Une recherche sur l'implication et son processus d'institutionnalisation ne peut se passer d'une analyse de sa propre implication, de ses appartenances matérielles, idéologiques, théoriques... de sa propre institutionnalisation en tant que sujet social. Cette première premisse est une condition nécessaire pour étudier l'implication.

2. Tentative d'une écriture impliquée: le journal de recherche

Décembre 1999, je commence une thèse en sémiotique et communication, suite logique de mon DEA. Mon projet est encore vague, mes seules certitudes se résument à un mot l'implication et deux noms Robert Marty et C. S Peirce.[7] (extrait de mon journal, décembre 1999)

Durant mes deux premières années de thèse, "J'en venais à douter de tout, à nier tout ce qui m'entourait. Et si mes doutes étaient des certitudes. A ce stade de mon travail, j'étais dans un état psychologique angoissé et anesthésiant. Je soignais mes angoisses en multipliant les lectures et les approches disciplinaires sur ma thématique: le rapport entre le chercheur et son objet de recherche. Etant en sociologie, en Sciences de l'Information et de la Communication et en sémiotique, la tâche était colossale.

Il me fallait trouver des certitudes, pour m'apaiser." (Extrait de mon journal, juillet 2002) C'est beaucoup plus tardivement, en octobre 2003, que je compris que ce que je pouvais appréhender de l'implication n'était que mon propre rapport à mon objet. Cette restitution s'attache non pas à mettre en exergue les phénomènes du monde interne de ma conscience, l'introspection, mais ses caractéristiques visibles, externes.

Mon implication dans cette thèse sera mon objet d'expérience, en fondant la connaissance des signes sur l'observation empirique. Il convient d'analyser ma propre implication dans l'institution universitaire, d'élucider mes prises de position lors de cette recherche. Ce n'est pas une tâche facile et elle est peut être même dangereuse, mais en contre-partie le chercheur y gagne en objectivité. "Jouer la carte de l'analyse de ses implications comporte cependant un risque: celui de donner à l'autre des éléments d'évaluation de sa pratique sans garantie a priori d'une réciprocité." (R. Hess, 1983, p.8), Pierre Bourdieu (1992, p.226) ayant exprimé également cette asymétrie au sujet de l'espace universitaire: "...où chacun lutte pour le monopole d'un marché dans lequel il n'a pour clients que des concurrents, et où la vie est par conséquent très dure..." J'avais consciencieusement gardé toutes mes notes de lectures, de réunion de travail, de colloques, mes échanges mail, l'histoire du vécu de cette thèse, de la période du travail de recherche à celui de la douloureuse étape de la rédaction. Aussi, je mêlerai à mon document de thèse, les bribes les plus significatives du journal de recherche de mon implication dans cette recherche[8]. Ainsi le lecteur sera à son tour impliqué dans la construction du sens. Il pourra analyser mon implication à travers le contenu du journal de recherche.

Ces notes ont au sens bourdieusien du terme une fonction auto-réflexive, description de mon cheminement méthodologique qui donne sens à cette thèse. René Lourau nomme ce processus la transduction, notion essentielle pour appréhender la logique à l'oeuvre dans le processus de recherche. Ce processus se laisse voir dans le journal de recherche.

Il démontre dans son dernier ouvrage et le lapsus des intellectuels que le journal est le siège de ses transductions, des rapprochements de faits relevant des différentes logiques, d'où la connaissance advient. "Mon livre (le Lapsus des intellectuels)-rhapsodie, avec ses reprises, ses répétitions, ses parties que l'on trouve où l'on ne s'attendait pas à les trouver, etc. est une assez bonne expression de ce paquet mal ficelé d'identification que je suis devenu (R. Lourau, 1981, p.284)

L'élément déclencheur de la prise de conscience de la nécessité d'élucider mes implications a été la correction de mon premier chapitre de thèse par mon directeur. En effet, j'avais gommé dans ces pages mes implications.

"-----Message d'origine-----
De:
Martine Arino [mailto:MARTINE.ARINO@wanadoo.fr]
Envoyé:
dimanche 15 décembre 2002 11:09
À:
marty
Objet:
Ecriture de la thèse en miroir

Bonjour,

Ecriture de la thèse:

Voilà ce que je vais essayer de faire:juxtaposer le texte "scientifique" et le hors texte (qui sera rétrospectif) dans toute la thèse, pour permettre une double lecture, une écriture en miroir. Il n'y aura donc pas de partie de journal car elle sera impliquée dans la thèse. Le terrain étant moi-même et ma relation aux institutions.

C'est là où je risque d'avoir de vives critiques au niveau de la constitution de mon corpus.

Mais, je voudrais qu'il comporte une dimension collectivement, pas seulement moi, mais mes proches. C'est ce côté collectif qui m'interpelle, je voulais y mettre mes correspondances (mes mails) pas seulement sur la thèse mais aussi sur l'ordinaire, le bizarre et l'extraordinaire. Une valeur pragmatique du journal de recherche, quelque chose qui n'a jamais été fait.

J'ai analysé le pourquoi de l'écriture de ce chapitre sans implication et j'ai trouvé la réponse la suivant: depuis mon entrée en thèse je me suis initié à l'institution universitaire côté recherche, et celle-ci m'a dominée ce qui m'a conduit à gommer mon implication pour écrire sur l'implication des auteurs cités. Ah! J'ai été piégée...

Objectif empêcher le délire grâce à la sémiotique. Qu'est-ce que vous en pensez? Peut-être que je suis en plein délire et qu'il est impossible pour l'institution universitaire d'accepter un tel travail où que je ne vais pas y arriver. J'ai besoin de votre avis sur cette forme d'écriture. De retour des vacances de Noël, je vous rendrai le chapitre 1 avec son "hors texte".

Merci de votre avis,

Chaleureusement,

Martine"

Sa réponse le lendemain:

"après réflexion il me semble que c'est faisable sous quelques conditions qui apportent un surcroît de travail et de vigilance:

  • que la partie texte soit la thèse telle qu'elle aurait pu être sans le hors-texte
  • qu'une ligne jaune ne soit jamais franchie: celle du militantisme sémiotique
  • que les implications épistémologiques et idéologiquessous-jacentes soient clairement analysées et justifiées par un désir d'objectivité scientifique bien défini. S'appuyer sur quelques grands noms sera indispensable, mais cela vous l'avez déjà bien commencé. Relisez"une belle journée d'automne" de Sartre que je cite dans l'Algèbre des signes et essayez d'écrire "une belle thèse de socio-sémiotique"...-)
  • résoudre aussi les problèmes de déontologie: accord explicite des correspondants pour la reproduction de leurs messages (vous avez le mien sans restriction); fixerez-vous une limite public-privé? Donnerez-vous un droit de suite? Sous quelle forme et à quel moment?

En raccourci: faites attentionde ne pas casser le miroir (7 ans de malheur!)"

A partir de ce moment mon doute s'est transformé en une croyance stable qui a stabilisé mon processus de recherche. Le chercheur passe du doute authentique à l'état de croyance stable, vraie. Peirce a longuement critiqué la "salade cartésienne" pour lui opposer une conception de la connaissance fondée sur une démarche qui permet de sortir de l'état de malaise, de doute authentique pour atteindre l'état de croyance satisfaisant. Seule la méthode scientifique permet d'y arriver en permettant de donner sens à l'idée de croyance non pas parce qu'elles sont satisfaisantes mais parce qu'elles sont vraies. Ainsi, je ne pouvais commencer par "le doute complet". Il faut, nous dit Peirce (collected papers, 5.264) partir de "tous les préjugés que nous avons réellement quand nous entreprenons l'étude de la philosophie. Il n'y a pas à rejeter ces préjugés par une maxime car ce sont des choses dont il ne nous vient pas à l'esprit qu'on puisse les remettre en question. Ce scepticisme initial serait pure tromperie sur soi, et non un doute réel et aucun de ceux qui suivent la méthode cartésienne ne sera jamais satisfait qu'il n'ait auparavant recouvré toutes ces croyances qu'il a abandonnées. C'est par conséquent un préliminaire aussi inutile que d'aller au pôle Nord pour se rendre à Constantinople en descendant régulièrement sur un méridien. Il se peut, il est vrai, que quelqu'un, dans le cours de ses études, trouve des raisons de douter de ce qu'il a commencé par croire, mais en ce cas, il doute parce qu'il a une raison positive pour cela et non en vertu de la maxime cartésienne. Ne prétendons pas douter en philosophie de ce dont nous ne doutons pas en nos coeurs." (collected papers, 5.264)

Je propose d'analyser le pourquoide cette première écriture dés-impliquée:

Lors d'un sondage[9], j'ai pu constater que peu de doctorants tiennent un journal de recherche et que celui-ci a deux fonctions: celle d'un aide-mémoire et celle d'un contre-transfert des désirs, c'est à dire qu'il permet de libérer par écriture les pulsions du chercheur.

Un aide-mémoire:

"C'est plus un pense bête qu'un journal véritable. Je ne pense pas qu'il apparaisse dans le document final, là n'est pas le but. Disons qu'il me sert de mémoire papier, sachant que je travaille toute la journée sur ordinateur, mon sujet de recherche étant les forums de discussion. J'ai besoin d'avoir ce rapport au papier et d'y jeter des idées schématiques, souvent la nuit ou en pleine discussion avec des amis à bâtons rompus." (Extrait de mon journal, mars 2003)

"Je ne crois pas que je vais l'exploiter dans la rédaction de ma thèse, si ce n'est que pour retracer le parcours de son évolution." (Extrait de mon journal, mars 2003)

Le journal de recherche est trop intime pour être communiqué à une communauté scientifique:

"le journal de recherche?... en annexe?... en l'état impossible, comme vous pouvez le constater, il me faudrait arriver avec un sac de sport pour la soutenance et je crains que ce ne soit pas très académique (hihihi)

Et puis la photocopie de tout ce "matos" me semble difficile. Plus sérieusement, comme c'est un journal de recherche "intime" beaucoup de notes sont écrites sur le ressenti, l'impulsion. Je me défoule, et ensuite cela me permet d'utiliser ces notes en les "traduisant" dans un style plus "phénoménologique". A travers des ressentis très personnels ou des choses "secrètes" qui m'ont été confiées, je peux mieux traduire des situations, m'en souvenir pour les utiliser dans une analyse distanciée, préservant la discrétion demandée de certaines infos.

Cette antichambre du chercheur qu'est mon journal de recherche laisse toute liberté à l'humaine que je suis:

pour l'écriture et la réflexion de la thèse proprement dite, je sais qu'il me faut écrire "savant", dans une écriture ni appliquée, ni affective mais conceptuelle.

Donc ce journal fonctionne comme un aide-mémoire des idées à mettre en liens ensuite sur mon ordi.

Mais je n'ai pas encore décidé des annexes à faire apparaître encore..." (Extrait de mon journal, mars 2003)

"Il pourrait apparaître mais alors il serait tellement dilué dans le document final et réécrit qu'il deviendrait méconnaissable." (Extrait de mon journal, mars 2003)

"Autant dire que cela n'apparaît donc pas réellement tel quel dans le document final de thèse. J'utilise certaines de ces notes (une minorité concernent ma thèse) dans ma rédaction de thèse, mais elles seront noyées dans le document final. Je retravaille ensuite énormément à l'écrit, sur l'informatique." (Extrait de mon journal, mars 2003)

Cette forme d'écriture diariste permet de donner accès à la connaissance en train de se faire. Les productions scientifiques n'en rendent jamais compte, car elles pensent que c'est là que se situe la faiblesse de leur savoir. Elles produisent alors un savoir dés-impliqué. "Or dans notre société, dans nos institutions, ce qu'on demande à l'étudiant, au jeune chercheur, au travailleur intellectuel, n'est jamais son désir: on ne lui demande pas d'écrire, on lui demande ou de parler (au long d'innombrables exposés) ou de "rapporter" (en vue de contrôles réguliers)." (Barthes, 1972, p.2)

La visibilisation du processus de construction de la recherche par l'écrit transductif devient l'écriture phéniste, car dans ce même moment elle s'institue. Cornelius Castoriadis l'avait si bien décritdans sa préface de L'institution imaginaire de la société: "Ecrite sous la pression des délais imposés par la publication de la revue, cette première partie est déjà elle-même non pas un travail fait mais un travail se faisant. Contrairement à toutes les règles de composition, les murs du bâtiment sont exhibés les uns après les autres au fur et à mesure de leur édification, entourés par ce qui reste des échafaudages, de tas de sable et de pierres, de bouts de poutres et de truelles sales. Sans en faire une thèse, j'assume cette présentation dictée au départ par des facteurs "extérieurs". Cela devrait être une banalité, reconnue par tous, que dans le cas du travail de réflexion, enlever les échafaudages et nettoyer les abords du bâtiment non seulement n'apporte rien au lecteur, mais lui enlève quelque chose d'essentiel. Contrairement à l'oeuvre d'art, il n'y a pas ici d'édifice terminé et à terminer; autant et plus que les résultats, importa le travail de la réflexion, et c'est peut-être cela surtout qu'un auteur peut donner à voir, s'il peut donner à voir quelque chose. La présentation du résultat comme totalité systématique et polie, ce qu'en vérité il n'est jamais; ou même du processus de construction - (...) Penser n'est pas construire des cathédrales ou composer des symphonies. La symphonie, si symphonie il y a, le lecteur doit la créer dans ses propres oreilles." (Cornelius Castoriadis, 1975, p.5-6)

Trouver une forme d'écriture qui approche au plus près le processus de construction de l'objet, de sa mise en forme au sens phénoménologique du terme. C'est ici toute la problématique de la communication écrite de ses propres implications dans un champ de cohérence institué par la science.

Effectivement, on ne peut pas écrire sans penser à tous ceux qui sont susceptibles de nous lire, au moins les membres du jury. Loin d'être un travail solitaire, l'écriture, la mise en mot du terrain est aussi une mise en forme de mes implications. Jusqu'où dois-je énoncer mon expérience de thèse? Ce sujet a fait l'objet de nombreuses conversations avec mon directeur de recherche. La négociation a plusieurs facettes constitutives de notre pratique de recherche: universitaire, familiale, matérielle, C'est encore elle qui trace la ligne de l'acceptable, de l'autorisé, du dit et du non-dit et de l'inédit.

L'injonction institutionnelle nous guette, me guette: il fallait rédiger cette thèse (de plus sur l'implication) dans les cadres institutionnels (normes de présentation, la relation étudiant/directeur de thèse, rituel de la soutenance,...); dès lors, on se heurte à la difficulté d'énonciation des implications! L'écriture cache un autre enjeu, une stratégie de reconnaissance scientifique, le critère de scientificité d'un chercheur s'évaluant au nombre de publications...

La production de connaissance lors d'un travail de recherche n'échappe pas à la contrainte temporelle, délais de soutenance, d'inscription, de publication d'article... Le temps a ici une définition institutionnelle mais à ce temps "s'ajoute", "se superpose", "se mêle" un autre temps: celui de l'objet et des individus engagés dans la recherche. Comment faire coopérer ces deux dimensions temporelles sans que l'une prenne le pas sur l'autre, sans qu'il y ait de "censure" afin de ne trahir ni l'objet étudié ni soi-même?

Le temps de la recherche déterminé par l'institution à un goût de finitude, il est radicalement différent de celui de l'implication qui n'est qu'infinitude. "Rendre compte des processus d'institutionnalisation n'est concevable en effet que dans la mesure où l'on rend compte de sa propre institutionnalisation comme sujet social. Je ne puis pas me mettre entre parenthèses." (Hess, 1978, p.164) Rien n'est neutre dans une recherche, du choix du directeur de thèse à celui du sujet, du temps consacré... L'institution est toujours là, mais nous avons le choix d'analyser cette relation ou de la passer sous silence. Le journal de recherche est dans ce cas une aide précieuse. Au temps imposé consacré à sa survie économique, sociale... il y a le temps plus libre le temps pour soi. Rémi Hess cite Marc-Antoine Jullien dans La pratique du journal (1998, p.29): "La vie de chaque individu peut également être divisée en deux parties bien distinctes: l'une est donnée à la nécessité de s'assurer des moyens d'existence; de se livrer à sa profession, de remplir les fonctions dont on est revêtu, et les autres devoirs qu'impose la société; de satisfaire enfin aux divers besoins de la nature, qui tiennent à la conservation de l'homme. La seconde portion est laissée à la livre disposition de chaque individu, qui peut en faire l'usage qui lui convient le mieux". Le journal de recherche m'a permis de conjuguer ces deux temps. Ecrire un journal sur son vécu, c'est alors renverser ce temps obligé en temps pour soi.

Conclusion: des interprètes à l'intérieur d'un champ

Le "métier" de doctorant est avant tout l'intériorisation des normes de l'institution de la recherche de troisième cycle en dépit de son implication. La thèse est un parcours initiatique ponctué de rites (colloque, articles, compte rendu de thèse, soutenance) qui sont des actes d'institutionnalisation parcours d'initiation de l'enfance de la recherche à l'age adulte de celle-ci avec le statut de docteur. L'un de ces rites de passage le plus symbolique est la soutenance qui consacre une différence entre un avant et un après.

Si les conditions et les processus sociaux de l'émergence de l'objet sont occultés dans le document de thèse c'est parce que les jeunes chercheurs sont pris dans la dialectique du champ de l'interprétant de la thèse. L'interprétant est un des moments de l'institution intériorisée, ici et maintenant, par un interprète et se trouve confronté à son expérience propre du champ auquel la norme s'applique. Le moment de l'universalité portant en lui sa propre contradiction, n'est pas une fin en soi. L'analyse à l'aide des modes d'être peircien montre que l'universalité et la particularité de l'institution fusionnent dans le fait mental qui ait la singularité d'un signe. C'est ainsi que la signification aboutit sur une prise de position, une implication de l'interprète, aussi bien à la production qu'à la réception du signe. Les individus sont des interprètes et des émetteurs de signes, c'est ainsi que chacun participe à la construction du sens. Les doctorants permettent la reproduction de l'institution universitaire, en se prêtant aux jeux de celle-ci par le biais de la thèse. "L'institution consiste à assigner des propriétés de nature sociale qui sont destinées à apparaître comme des propriétés de nature naturelle, le rite d'institution tend logiquement [...] à intégrer les oppositions proprement sociales." (Bourdieu, 1982, p.59) Instituer revient à consacrer; et dire l'ordre c'est établir le lien entre l'objet et le signe.

La thèse sert à légitimer "c'est-à-dire à faire méconnaître en tant qu'arbitraire et reconnaître en tant que légitime, naturelle, une limite arbitraire; ou, ce qui revient au même, à opérer solennellement c'est à dire de manière licite." (Bourdieu, 1982, p.58)

L'obtention du diplôme de doctorat consacre l'étudiant de 3ème cycle en docteur et transforme la représentation que la communauté scientifique a de lui. Une amie doctorante et maintenant docteur me racontait que son directeur de thèse lui avait demandé de la tutoyer à partir du moment où elle avait soutenu sa thèse. Ainsi être doctorante me signifie que j'ai droit et devoirs relatifs à mon statut; préparer une thèse, écrire des articles... agir comme l'Institution de la recherche l'entend. Le directeur de thèse est alors le porte-parole de cette Institution, il peut parler au nom de la communauté des chercheurs de sa discipline.

Malheureusement l'institution efface l'implication du jeune chercheur, le caractère négocié de son rapport à l'objet. Ce qui m'amène à une autre question: n'y a t-il pas une confusion entre objet étudié et représentation du chercheur, entre signe et objet du signe, entre carte et territoire?

Martine Arino

Notes:

1.- La "sicliste" est une liste de discussion des doctorants en Sciences de l'Information et de la Communication administrée par Vincent Mabillot.

2.- Mis à part les travaux des institutionnalistes.

3.- Les relations dont parle Peirce ici ne sont pas réductibles à de simples relations dyadiques.

4.- Pour plus de détails, voir R. Marty et C. Marty, 1992, question no1.

5.- Pour plus de détail, voir R. Marty et C. Marty, 1992, question no41. Le phanéron est: "Tout ce qui, à quelque point de vue et en quelque sens que ce soit, est présent à l'esprit de qui que ce soit, partout et toujours, qu'il corresponde ou non à quelque chose."

6.- Charles Sanders Peirce définit ainsi ses catégories: "En donnant à "être" le sens le plus large possible pour y inclure des idées aussi bien que des choses, des idées que nous imaginons avoir tout autant que des idées que nous avons réellement, je définirai la Priméité, la Secondéité et la Tercéité comme suit: La Priméité est le mode d'être de ce qui est tel qu'il est, positivement et sans référence à quoi que ce soit d'autre, la secondéité est le mode d'être de ce qui est tel qu 'il est par rapport à un second, mais sans considération d'un troisième quel qu'il soit. La Tercéité est le mode d'être de ce qui est tel qu'il est, en mettant en relation réciproque un second et un troisième: j'appelle ces trois idées catégories cénopythagoriciennes". (collected papers 8.328) Ok c'est encore dans les manuscrits de Peirce

7.- Pourtant comme l'écrit Denis Miéville (année, page) "L'oeuvre de Peirce est d'un accès difficile, et plusieurs raisons expliquent cette difficulté. Il y a tout d'abord le fait que cette oeuvre est monumentale et qu'elle n'est que partiellement diffusée malgré l'effort remarquable des éditeurs Fisch, Kloesel et Moore. L'oeuvre est également difficile parce qu'elle est dense et mouvante, parce qu'elle s'interroge et se cherche constamment. Une autre difficulté réside dans le fait qu'elle s'exprime dans un langage riche en néologismes, un langage qui s'accompagne d'une terminologie spécifique, une richesse nécessaire mais qui ne contribue guère à une compréhension immédiate. Il y a surtout le fait que cette oeuvre, à sa manière, reflète les grandes exigences de son auteur.

My book (Peirce aurait tout aussi bien pu écrire "mon oeuvre") is meant for people who want to find out; and people who want philosophy ladled out to them can go elsewhere. There are philosophical soup shops at every corner, thank God! (Collected Papers of Charles Sanders Peirce 1931: 1.11)

Peirce exige de son auditoire, comme il l'exige pour lui-même, une volonté critique et un travail d'analyse considérables."

8.- -----Message d'origine-----
De:
Martine.Arino [mailto:MARTINE.ARINO@wanadoo.fr]
Envoyé:
vendredi 11 avril 2003 10:15
À:
marty; Jean Xech
Objet:
guide de lecture de ma thèse 1,2,3

Bonjour,

J'ai enfin trouvé la forme que je vais donner à mon document final de thèse: Depuis quelques mois, je me demandais comment j'allais pouvoir inclure mon journal. Sachant que celui-ci est composédes notes, des observations, des idées qui advenaient subitement... l'histoire du vécu de cette thèse, de la période du travail de recherche à celui de la douloureuse étape de la rédaction. Aussi, je mêlerai à ce document, les bribes les plus significatives du journal de recherche de mon implication dans cette recherche de thèse. Ainsi le lecteur sera à son tour impliqué dans la construction du sens. Il pourraanalyser mon implication à travers le contenu du journal de recherche.

Voici un guide pour la lecture de ladite thèse, vous trouverez trois livres en un. Le premier sera celui du journal de recherche, le second la description des expérimentations, le troisième celui de mon modèle théorique.

Il est possible de les lire de manière indépendante. Mais, il est conseillé de commencer car le modèle théorique puis l'expérimentation pour finir par le journal. Ainsi, le lecteur se rendra compte que ces trois catégories sont "emboîtées" les uns dans les autres.

Comment est-il possible de reconnaître ces différents parcours?

Pour en facilité la lecture, j'utilise des couleurs différentes: jaune (journal), rouge (la description), bleue (le modèle).

Mon problème se situe au niveau des normes de présentation de la thèse. je ne sais pas si un document présenté en trois couleurs va être académiquement recevable?

Merci

Chaleureusement

Martine

9.- J'ai envoyé un questionnaire sur la liste "sicliste" et j'ai obtenu 71 réponses en retour.


Références bibliographiques:

Ardoino Jacques, "L'analyse de l'implication dans les pratiques sociales", revue Pour, mars-avril 1983, no88, Privat, Toulouse, pp.19-22.

Barthes Roland, "Jeunes chercheurs", in Le texte de la théorie à la recherche, Communications, no19,, Seuil, Paris, 1972, pp.1-5.

Bourdieu Pierre, Réponses, Pour une anthropologie réflexive, Seuil, Libre examen, Paris, 1992.

Castoriadis Cornelius, L'institution imaginaire de la société, Seuil, Points, 1975.

Girard Alain, (Thèse pour le Doctorat ès Lettres), Le journal intime et la notion de personne, Paris, Presses Universitaires de France, 1986, 1963. xxiii, 638 p.

Hess Rémi, La pédagogie institutionnelle, aujourd'hui, Paris, Editions universitaires, 1975.

Hess Rémi, Centre et périphérie, introduction à l'Analyse Institutionnelle, Eppsos, Privat, Toulouse, 1978, p.164.

Hess Rémi, "L'analyse de l'implication", in la revue Pour, no88, Paris, 1983.

Lourau René, Le lapsus des intellectuels, Toulouse, Privat, Clamecy, 1981.

Lourau René, Le journal de recherche, Méridiens-Klincksieck, Paris, 1988.

Marty Robert, L'Algèbre des signes, Formalisation et extension de la sémiotique de C.S. Peirce, Thèse de Doctorat d'Etat, Université de Perpignan, 1987.

Marty Robert, C. Marty, 99 réponses sur la sémiotique, Centre Régional de Documentation, Montpellier, 1992.

Marty Robert, Sociosémiotique de l'Intelligence Artificielle, consulter sur Internet: http://come.to/robert.marty

Miéville Denis, La pensée de la ressemblance... in Travaux du centre de recherches sémiologiques, Charles Sanders Peirce, Apports récents et perspectives en épistémologie, sémiologie, logique, actes du colloque, Neuchâtel 16-17 avril 1993, CDRS, no62, avril 1994.

Morin Edgar.- L'enjeu humain de la communication.- La Communication: Etat des savoirs, Editions Sciences Humaines, Paris, 1998.

Peirce Charles S., "D'une nouvelle liste de catégories", in Textes fondateurs de sémiotique, Paris, Méridiens Klincksieck, 1987.

Peirce Charles S., Ecrits sur le signe, trad. Gérard Deledalle, Seuil, Paris, 1978.

Peirce Charles S., Collected Papers: de nombreux textes de Pierce, référencés dans l'article avec des numéros, ne sont pas publiés mais consultables sous forme de fiches codées. Une publication électronique des écrits de Peirce a été entreprise dans le cadre du Peirce Edition Project, consultable en ligne: http://www.iupui.edu/~peirce/index.htm

Le portail des journaux intimes: http://agora.qc.ca/mot.nsf/Dossiers/Journal_intime


Notice:
Arino, Martine. "La représentation de l'implication dans les travaux de thèse", Esprit critique, Automne 2004, Vol.06, No.04, ISSN 1705-1045, consulté sur Internet: http://www.espritcritique.fr
 
 
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