Esprit critique - Revue internationale de sociologie et de sciences sociales
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Automne 2004 - Vol.06, No.04
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L'intervention sociale de la psychanalyse et de la psychologie analytique


Véronique Liard

Docteur en études germaniques. HDR en préparation sur la philosophie de la culture chez C.G. Jung. Maître de conférences à l'Université Catholique de l'Ouest, Angers. Directrice de l'Institut de Perfectionnement en Langues Vivantes, Université Catholique de l'Ouest, Angers.


Résumé

Freud et Jung tentent de remédier au malaise qu'ils diagnostiquent dans notre civilisation. Pour Freud, ce mal-être naît des lourds sacrifices que la crise impose à l'homme dans les domaines de la sexualité et de l'agressivité. Selon Jung, c'est la raison qui est à la source du déclin des cultures. Freud propose de canaliser la libido par la voie de la sublimation pour faire évoluer les idéaux de la société et l'organisation sociale. Jung, de son côté, mise sur l'"individuation", processus de centrage, de connaissance et de réalisation de soi, qui libère le Soi de ses fausses enveloppes et de la force suggestive de l'inconscient, afin que l'individu ne soit plus la proie des manipulations, mais prenne ses décisions pour répondre à ses besoins profonds qui sont ceux de tout être humain en général.

Mots-clés: psychanalyse, psychologie analytique, inconscient, malaise.


Abstract

Der soziale Einfluss der Psychoanalyse und der analytischen Psychologie

Freud und Jung versuchen, dem Unbehagen entgegenzuwirken, das sie in unserer Kultur diagnostizieren. Für Freud entsteht dieses Unwohlsein aus den schweren Opfern, die die Krise dem Menschen in den Bereichen der Sexualität und der Aggressivität auferlegt. Jung meint, die Ratio sei der Ursprung des Untergangs der Kulturen. Freud schlägt vor, die Libido durch Sublimierung zu kanalisieren, um die Entwicklung der Ideale der Gesellschaft und der sozialen Organisation voranzutreiben. Jung setzt seinerseits auf die "Individuation", einen Zentrierungsprozess, der das Selbst von seinen falschen Hüllen und der suggestiven Kraft des Unbewussten befreit, damit das Individuum nicht länger das Opfer von Manipulationen wird, sondern seine Entscheidungen mit dem Ziel trifft, seinen tiefen Bedürfnissen zu entsprechen, die im Grunde genommen diejenigen eines jeden Menschen sind.

Wörter Schlüssel: Psychoanalyse, analytischen Psychologie, Unbewusstes, Unbehagen.


La psychanalyse et la psychologie analytique ont-elles un impact social et si oui, de quelle nature est-il? Nous prendrons comme base de réflexion les textes de Freud pour la psychanalyse et de Jung pour la psychologie analytique.

Dans un premier temps, essayons de définir ce qu'est la psychanalyse d'une part, la psychologie analytique d'autre part et quels sont leurs buts. Freud écrit dans Introduction à la psychanalyse: "la psychanalyse est un procédé de traitement médical de personnes atteintes de maladies nerveuses" (1922, p.9), et plus loin: "le traitement psychanalytique ne comporte qu'un échange de paroles entre l'analysé et le médecin". (1922, p.12) Il s'agit donc d'une tentative de guérison par la parole. Jung, de son côté, écrit que la psychologie analytique "analyse les raisons d'un amoindrissement pathogène de l'adaptation et suit le sentier tortueux de la pensée et du sentiment névrotiques pour découvrir le chemin qui fait quitter la mauvaise route et remet sur la voie de la vie" (1995, p.110). Il ajoute: "Nous ne faisons pas de recherche pour la recherche, mais dans le but direct d'aider." (1995, p.110) Jung essaie de remettre ses patients sur le "droit chemin", celui qui permet aux personnes névrosées d'une part de retrouver une vie que l'on considère socialement comme normale, vie qu'elles pourront vivre pleinement, et d'autre part de se réintégrer dans la société.

Freud et Jung visent tous les deux une thérapie des maladies nerveuses, névroses et psychoses, essayant de remédier à un malaise personnel qui handicape les personnes atteintes dans leur vie quotidienne et qui peut également entraver le bon fonctionnement des groupes auxquels ces personnes appartiennent. Mais ils essaient peut-être de remédier plus généralement à ce que Freud a appelé le"malaise dans la civilisation". C'est ce que nous allons tenter d'étudier.

Les origines du malaise chez Freud

Prenons Freud tout d'abord. Selon lui, les hommes veulent être heureux et le rester. Ainsi, c'est le principe du plaisir qui détermine le but de la vie et gouverne les opérations de l'appareil psychique. (Freud, 1971, p.20) La souffrance nous menace de trois côtés: dans notre corps destiné à la déchéance et à la dissolution (nous avons conscience de sa caducité), dans le monde extérieur qui dispose de forces souvent invincibles (nous faisons régulièrement l'expérience de la puissance écrasante de la nature) et dans nos rapports avec les autres êtres humains (l'insuffisance des mesures prises pour régler ces rapports est flagrante). La souffrance due à la fragilité de notre corps et à la puissance de la nature peut être limitée de manière tangible grâce aux progrès de la science, mais son caractère néanmoins inéluctable doit être accepté. Dans le domaine social, affectif, celui des rapports avec autrui, les humains, pour s'assurer le bonheur et se protéger contre la souffrance, procèdent ensemble à une déformation chimérique de la réalité. Ils ont recours à plusieurs méthodes. Pour se protéger, on peut s'isoler volontairement pour éviter tout contact humain et donc toute souffrance qui en naîtrait. C'est le cas des ermites qui édifient à la place du monde réel un monde nouveau où le caractère pénible de la réalité jusqu'alors vécue sera effacée. On peut aussi utiliser l'intoxication par les médicaments qui modifient la chimie de l'organisme. On peut enfin effectuer un déplacement de la libido, processus également appelé "sublimation". On retire alors du travail intellectuel un plaisir suffisant qui se substitue au plaisir sexuel. C'est de ce déplacement de la libido, nous allons le voir plus loin, dont se sert la civilisation.

Considérons la civilisation dans son ensemble. Pour Freud, la civilisation est la totalité des oeuvres et organisations instituées par l'homme pour se protéger contre la nature et réglementer les relations des membres du groupe entre eux (1971, p.37). A un moment donné de leur histoire, explique-t-il, les humains ont décidé de former un groupe plus puissant que chacun de ses membres. La puissance collective s'est substituée à la puissance individuelle. Les membres de la communauté ont alors dû limiter leurs possibilités de plaisir. Les tabous, lois et moeurs ont établi des restrictions sexuelles. Une vie sexuelle identique pour tous a été imposée (union indissoluble contractée devant tous, légitimité, monogamie), le plaisir érotique a été diminué (agent de multiplication, pas de sexualité en tant que source autonome de plaisir). Il a donc fallu que les humains renoncent à leurs pulsions instinctives. L'énergie sexuelle soustraite par le biais de la sublimation des instincts a produit et continue de produire des activités psychiques élevées, scientifiques, artistiques ou idéologiques. Mais la civilisation rassemble aussi la plus grande quantité possible de libido inhibée quant au but pour renforcer les liens sociaux par des relations amicales. Freud pose l'hypothèse que ce sont des relations amoureuses qui constituent l'âme des groupes et plus largement des foules. La foule, affirme-t-il doit sa cohésion au pouvoir de l'Eros (Freud, 1981, p.168). Si l'individu abandonne sa singularité, c'est parce qu'il préfère être en accord avec les autres plutôt qu'en désaccord, et ce probablement pour se protéger des conflits internes, se protégeant dans un même temps d'éventuelles agressions de la part d'un autre groupe. Mais l'individu, au sein de la foule, voit son activité psychique se modifier. Freud parle d'affectivité extraordinairement exaltée, de rendement intellectuel notablement limité, d'incapacité de se modérer et de temporiser, de tendance au dépassement de toutes limites dans l'expression des sentiments et d'une décharge totale dans l'action (Freud, 1921, pp.163 et 203). On assiste à une régression de l'activité psychique à un stade antérieur. L'individu est trop faible, aussi bien sur le plan affectif qu'intellectuel, pour décider seul. Il a besoin d'une confirmation venant d'une répétition identique chez les autres. Il y a suggestion réciproque, autrement dit influence de chaque individu sur chaque individu. Mais l'individu est aussi influencé par le meneur de la foule qui demeure toujours le père originaire redouté. La foule veut sans cesse être dominée par une puissance illimitée; elle est avide d'autorité et a soif de soumission. Le père originaire est l'idéal de la foule qui domine le moi à la place de l'idéal du moi. Le choix du meneur est facilité par cet état de choses. Il lui suffit souvent de posséder les propriétés typiques de ces individus, avec un relief particulièrement net et pur, et de donner l'impression d'une force et d'une liberté libidinale plus grandes; le chef énergétique revêt alors la surpuissance à laquelle sans cela il n'aurait peut-être aucunement prétendu. Chaque individu est lié libidinalement au meneur. Dans l'Eglise et l'Armée, que Freud appelle des foules artificielles (une contrainte extérieure est exercée pour empêcher leur dissolution et des modifications de structure), le meneur, le chef suprême, est le Christ (Eglise) ou le commandant en chef (Armée) qui sert aux individus de substitut paternel.

La restriction de la vie sexuelle, les relations d'amour inhibées quant au but, sont également utilisées par la société civilisée pour limiter l'agressivité humaine. Dans ce cas précis, grâce au dictat de l'amour du prochain qui règne aussi en société, l'agression est introjectée, intériorisée, retournée contre le propre Moi. Elle est reprise par le Surmoi, la conscience morale, qui manifeste à l'égard du Moi une agressivité rigoureuse. Pour ne pas être privé d'amour, il faut éviter de commettre le mal. Mais la différence entre faire le mal et vouloir le mal s'efface totalement, car rien ne reste caché au Surmoi. Le Surmoi tourmente le Moi pécheur au moyen des mêmes sensations d'angoisse et guette les occasions de le faire punir par le monde extérieur. L'angoisse devant l'autorité et l'angoisse devant le Surmoi sont les deux causes du sentiment de culpabilité ressenti par le "pécheur" potentiel ou effectif. La première contraint l'homme à renoncer à satisfaire ses pulsions, la seconde, étant donné l'impossibilité de cacher au Surmoi la persistance des désirs défendus, pousse en outre le sujet à se punir.

En résumé, on peut dire qu'il y a tout d'abord renoncement à la pulsion (consécutif à l'angoisse devant l'agression de l'autorité extérieure), puis instauration de l'autorité intérieure (équation de la mauvaise action et de la mauvaise intention, d'où sentiment de culpabilité et besoin de punition). (Freud, 1921, p.85) L'individu n'est pas le seul à développer un Surmoi. La communauté elle aussi développe son Surmoi dont l'influence préside à l'évolution culturelle. Le Surmoi de la communauté civilisée (Kultur-Überich) émet, comme le surmoi individuel, des exigences idéales sévères et des idéaux (Ethique), dont la non-observation trouve aussi sa punition dans une angoisse de la conscience morale. Le but est d'écarter l'obstacle le plus grand rencontré par la civilisation: l'agressivité constitutionnelle de l'être humain contre autrui. D'où l'intérêt du commandement du Surmoi collectif: Aime ton prochain comme toi-même.

La civilisation impose de lourds sacrifices concernant la sexualité et l'agressivité, deux instincts innés chez l'homme. Il est donc difficile de trouver le bonheur et l'être humain éprouve un vif mécontentement contre la civilisation. Il échange une part de bonheur possible contre une part de sécurité, mais il en demeure une frustration douloureuse. La civilisation nous montre constamment la lutte entre Eros et Thanatos, entre l'instinct de vie et l'instinct de destruction.

Jung et la crise du monde occidental moderne

Jung a critiqué les vues de Freud sur le malaise dans la civilisation. La causalité Freudienne est selon lui exagérée et les créations culturelles sont interprétées comme des activités substitutives, ce qui dévalorise ce qu'il y a de bon dans la culture et la civilisation. On a l'impression que la civilisation se résume à "un long soupir déplorant la perte du paradis et de son infantilisme, son caractère barbare et primitif" (C.G. Jung, GW 17, 1995, p.129)[1]. L'explication Freudienne d'un méchant père qui avait interdit la grandeur des enfants sous peine de castration est un mythe étiologique de la civilisation dont naît une explication illusoire du malaise dans la civilisation. Selon Jung, la doctrine du refoulement de la sexualité infantile sert à détourner l'attention des raisons actuelles de la névrose, de ces "paresses, négligences, omissions, convoitises, méchancetés et autres égoïsmes" (Ibidem, p.130)[2] que l'on n'a aucunement besoin d'expliquer par une doctrine compliquée du refoulement, reposant sur la sexualité. Il semble trop facile pour Jung d'expliquer une névrose par un événement survenu dans la petite enfance et d'innocenter ainsi sa propre personne pour éviter de s'améliorer. Jung reconnaît que Freud a mis le doigt dans de nombreuses plaies, qu'il a éveillé une certaine méfiance et exacerbé le sens des vraies valeurs. Le scepticisme Freudien est la conséquence logique de son époque. Mais douter de notre civilisation et de ses valeurs est une névrose contemporaine, continue-t-il (C.G. Jung, GW 15, 1995, p.59). Et que faire de notre soi-disant déraison et une fois nos illusions détruites, par quoi les remplacer pour nous permettre de continuer à vivre?

Quelles sont alors pour Jung les raisons du malaise, si l'on ne peut l'expliquer par la sexualité? Analysons tout d'abord ce que Jung dit de la culture. "Là où l'on cultive le blé et la vigne, on trouve une vie civilisée. Là on ne cultive ni blé ni vigne, on a la non-civilisation des nomades et des chasseurs." (Jung, GW 11, 1941, p.268)[3] Pour Jung, la culture suppose donc une certaine sédentarité de l'homme. Une fois cette condition posée, on peut s'interroger sur la nature et le pourquoi de la culture. Jung nous renseigne abondamment sur le sujet. La culture est le transformateur d'énergie qui aboutit à la productivité, à la création dans les différents domaines culturels. La culture représente donc une machine, une machine ayant deux fonctions, l'une étant purement technique, l'autre intellectuelle. Pour expliquer la première, il prend l'exemple du castor. Si cet animal abat des arbres pour bloquer les cours d'eaux, cela répond aux critères de vie qui le différencient des autres animaux. Cette différentiation est une culture naturelle qui fonctionne comme un transformateur d'énergie, une machine donc. "Ainsi, la culture humaine, en tant que produit naturel de différenciation, est aussi une machine, dans un premier temps une machine technique qui se sert des conditions naturelles pour transformer l'énergie physique et chimique. Mais dans un second temps, elle est également une machine mentale qui se sert des conditions psychiques pour transformer la libido." (Ibidem. p.53)[4]. Tout comme la chaleur, par l'intermédiaire de la machine à vapeur, est transformée en tension puis en énergie cinétique, la libido est transformée par la culture en rendement, le symbole étant la machine psychologique servant à transformer l'énergie. C'est elle qui est à la base de la culture puisqu'elle génère les idées qui sont à la base de toute invention technique ou de tout concept intellectuel. La vision est similaire à celle de Freud, mais la "libido" est pour Jung l'énergie psychique en général, sans restriction à la seule sexualité comme chez Freud.

Comme Freud, Jung constate que les réussites de la science sont indéniables, certes, mais qu'elles n'ont cependant apporté aux hommes ni paix ni salut. Jung compare la situation actuelle à ce qu'il appelle la "maladie du monde romain" durant les premiers siècles de l'ère chrétienne (C.G. Jung, GW 10, 1995, p.164). A cette époque comme maintenant, la multiplicité, la platitude, l'excentricité, le mauvais goût et l'inquiétude régnaient. Le continent de l'esprit était submergé; seuls quelques sommets émergeaient, tels des îles perçant les flots; toutes les débauches, tous les débordements intellectuels étaient possibles (C.G. Jung, GW 15, 1995, p.71). L'état politique et social se fissura, les croyances religieuses et philosophiques s'émiettèrent, arts et sciences connurent une déplorable décadence. Jung s'attarde sur l'individu de cette époque: c'est un homme très sûr de lui, extrêmement puissant, mais qui, parce que ce succès lui semble définitivement acquis, se disperse en vaquant à toute sorte d'occupations, en s'intéressant à une multitude de choses; cette personnalité "finit par en oublier tellement son origine, ses traditions et même ses souvenirs personnels qu'elle s'imagine être telle ou telle chose, ce qui la précipite dans un funeste conflit avec elle-même. Ce conflit cause un tel état de faiblesse que le monde ambiant qu'elle dominait autrefois, s'écroule et achève le processus de destruction. Quand une culture atteint son apogée, tôt ou tard le moment arrive où elle se décompose." (Jung, 1930, pp.43-45)[5] Jung nous demande ensuite de supposer que nous ayons maintenant devant nous un de nos contemporains, un représentant typique de la culture européenne moderne. "Il souffre surtout de la maladie de "Déjà-tout-mieux-savoir"; il n'existe absolument rien qu'il n'ait déjà classé quelque part en bonne et due forme; en ce qui concerne son âme, elle est essentiellement sa propre invention, son propre libre-arbitre et elle obéit exclusivement à sa raison; et là où elle ne le fait pas,... il s'agit de maladies cliniquement constatables portant des noms tout à fait scientifiques et plausibles." (Ibidem, p.167)[6] La Ratio, voilà pour Jung la source du déclin des cultures; le rationalisme a la prétention d'avoir réponse à tout. (C.G. Jung, 1973, p.342) Le monde occidental, après avoir perdu sa tradition morale et intellectuelle, se retrouve dans un état de désorientation et de dissociation.

Une raison sans tradition et sans fondement instinctif, privée de tout lien avec l'inconscience, devient facilement la proie de la suggestion et "le danger d'une infection psychique et d'une psychose des masses" croît. (Jung, 1950, p.263, note 84)[6]. La raison, quand elle se retrouve seule, est totalement impuissante, car ses arguments ne se répercutent que sur la conscience. L'inconscient n'en reste pas moins actif. Les effets de l'inconscient s'accumulent peu à peu et finissent par étouffer ce que la conscience a de raisonnable. L'inconscient ayant un effet compensatoire, il essaie en effet de rétablir l'équilibre et fait monter l'instinct en force (Jung, 1944, p.631 et GW 9/I, 1939, p.138). Il rétablit un état primitif qui dépasse de loin celui qu'on a constaté au Moyen Age. Le niveau de la culture se trouve abaissé et les "-ismes" remplacent alors de manière subtile les liens perdus avec la réalité psychique (Jung, 1946, p.249). On assiste à une identification à la conscience collective; le moi n'a plus aucune signification pratique et se retrouve noyé dans les avis et tendances de la conscience collective, dans la masse, alors que les contenus refoulés de l'inconscient prennent un caractère fanatique. Cette masse possède, selon Jung, une "sorte d'âme commune animale" (Jung, GW 9/I, 1939, p.140)[7] qui est bien en dessous du niveau de celle de l'individu. Selon les lois de la psychologie, dit Jung, même le meilleur perd de sa valeur et de son importance au sein de la masse. Et plus l'organisation est grande, plus l'amoralité et la bêtise sont grandes. La moralité d'une société, affirme Jung, est inversement proportionnelle à sa taille, car plus il y a d'individus, plus les facteurs individuels sont éradiqués. Le caractère de l'individu se trouve modifié par la montée des forces collectives. Un être doux et raisonnable se transformera facilement en bête sauvage et furieuse. La foule est comparable à un asile de fous; tous deux sont mus par des forces impersonnelles et insurmontables (Jung, GW 9/I, 1939, p.3, 1928/1966, p.161 et GW 10, 1941, p.626). L'homme de masse peut très facilement commettre les pires crimes sans y réfléchir une seconde. L'individu est dépouillé de son indépendance d'esprit qui est effacée par la communauté. Tout ce qu'il a de mauvais, de destructif et d'anarchique se fait alors remarquer. L'identification au groupe est la voie la plus simple. L'individu est porté par "la vague générale du sentiment d'être identique aux autres" (Jung, GW 9/1, 1939, p.140)[8]. C'est un sentiment agréable, un état d'ivresse, une transformation collective. Jung emploie le terme de "participation mystique". Si l'individu se laisse aller à l'illusion que la foule dans laquelle il se fond est merveilleuse, il devient un héros. L'élévation au rang de demi-dieu ne dure cependant pas. Rentré chez lui, l'individu n'est plus que monsieur Untel, mais ce monsieur a goûté à la griserie que procure le sentiment d'écrire un morceau d'histoire, d'être respecté, admiré, de sortir de l'ordinaire. Pour pouvoir y croire, il aura sans cesse besoin de renouveler son expérience et se replongera avec délice dans la masse dès que celle-ci lui proposera de se joindre à elle. Le ou les rites du groupe sont très importants. Ils permettent d'une part d'éviter un comportement entièrement instinctif et d'autre part de procurer une expérience relativement personnelle à chacun en captivant son intérêt et son attention (Ibidem, p.141).

Le rationalisme scientifique a également facilité considérablement la tâche de l'État. Il a privé l'individu de ses fondements et de sa dignité en le réduisant, sur le plan des statistiques, au rang d'unité infinitésimale et interchangeable. Il a ôté à l'individu sa valeur et son sens, et l'a rendu insignifiant. Devenu une simple unité, l'individu est écrasé par les statistiques et la loi des grands nombres. La raison, les sens, ne peuvent plus défendre l'individu face aux preuves constantes de sa futilité et de son impuissance. L'image de la réalité est déformée et transformée en idée moyenne (C.G. Jung, GW 10, 1995, p.281). L'individu finit par douter de son jugement et accepter la collectivisation de sa responsabilité en général. Sa responsabilité morale, elle, est remplacée par la raison d'état. En récompense de son sacrifice, l'individu "en tant qu'unité sociale" est "administré, nourri, vêtu, formé, logé dans des unités de cantonnement correspondantes et amusé, le bien-être et la satisfaction de la masse donnant le critère idéal" (Ibidem, p.281)[9]. L'individu n'est plus qu'une "fonction de la société" (Jung, 1957, p.283)[10], un serviteur de l'État. Cet État n'a que faire de personnalités capables de jugement. Les individus doivent être utilisables là où l'État a besoin d'eux. L'État limite leurs compétences au domaine où il souhaite les employer. Il est bon qu'ils ne soient qualifiés que dans un seul secteur; on pourra ainsi mieux les convaincre que, n'ayant pas une vue d'ensemble et manquant de certaines compétences, ils ne peuvent se permettre quelque critique que ce soit. Seuls ceux qui occupent les hauts postes du gouvernement ont le droit de critiquer, de modifier les règles et de les faire appliquer coûte que coûte. Persuadés que la formule de Louis XIV "L'État, c'est moi" est la bonne, ils peuvent agir selon leur bon vouloir. Ils finissent par s'identifier avec la doctrine de l'État qu'ils dirigent et deviennent les esclaves de leur propre fiction (Ibidem, p.500). On croit, écrit Jung, pouvoir confier sa vie et son évolution à l'État anonyme. "Mais qui sont ces manifestes surhommes? Tout comme nous, uniquement des maîtres dans l'art de considérer les autres comme des bêtes noires." (Jung, GW 19, 1941, p.114)[11].

Quand l'objectif politique est considéré comme le seul valable, l'individu est trompé et privé de son véritable but: la prise de conscience de soi. Au lieu d'élargir sa conscience, ce qui lui permettrait de se passer des projections sur autrui, l'individu la réduit. La masse empêche l'individu de réfléchir sur lui-même et sur le monde où il vit. Il n'y a pas de développement psychique naturel, pas d'orientation intellectuelle qui maintiendrait en vie les valeurs culturelles, il n'y a qu'une évolution politique qui sert à apaiser la soif de pouvoir de certains groupes et qui promet à la masse des avantages qu'elle n'est finalement pas capable de lui donner. Cette situation est sous tous points de vue défavorable à la culture, car elle en abaisse le niveau (Ibidem, pp.112 et 115). L'identification inconditionnelle de l'individu avec une vérité nécessairement unilatérale conduit à la catastrophe. Quand, au lieu de la connaissance, de l'expérience de soi et des autres, on ne trouve qu'une conviction bornée, aucun développement n'est possible et la voie est ouverte à la manipulation. Malgré la perte de sa religiosité, l'homme continue à se soumettre au logos, figure centrale de la foi chrétienne. La Parole, dit Jung, est devenue notre dieu. Des mots comme "société" ou "état" se sont trouvés tellement concrétisés qu'ils sont presque personnifiés et ont été promus au rang de principes éthiques (Jung, 1957, p.316). Cette croyance aveugle dans le mot alloue une énorme puissance à la propagande, à la publicité. Le citoyen est la proie facile des politiciens, des scientifiques et de tous ceux qui veulent le gagner à leur cause. On lui ment, on le trompe, on le manipule sans qu'il s'en rende compte. "La parole qui, à l'origine, était un message de l'unité des hommes... est ainsi devenue à notre époque la source de soupçon et de méfiance de tous envers tous." (Ibidem, p.36)

Les remèdes proposés

Comment remédier au malaise? Freud propose dans "L'avenir d'une illusion" (1927) de remplacer les succès du refoulement par les résultats du travail rationnel de l'esprit. Le contraste entre l'intelligence radieuse d'un enfant en bonne santé et la faiblesse de pensée de l'adulte moyen est flagrante. La pédagogie actuelle retarde le développement sexuel et hâte l'influence religieuse. Or, les personnes sous la domination d'interdits de pensée ne peuvent accéder au primat de l'intelligence. Il faut que l'homme avoue son infimité dans les rouages du monde. Il doit avouer qu'il n'est plus le centre de la création et qu'il n'existe pas de Providence bienveillante. Il est temps de surmonter l'infantilisme et d'éduquer les humains à la réalité. En dégageant de l'au-delà ses attentes et en concentrant les forces ainsi libérées sur sa vie terrestre, sa vie deviendra plus supportable et la culture n'opprimera plus personne. Si l'on se contente de fonder socialement l'interdit culturel, si on laisse Dieu hors du jeu, le caractère sacré des commandements et des lois va tomber ainsi que leur rigidité et leur immutabilité, et les hommes pourront comprendre qu'ils ne sont pas sur terre pour dominer, mais pour servir leurs intérêts. Il y aura donc un rapport plus amical avec la culture, une réconciliation avec la pression qu'elle exerce. Les impératifs de la culture seront ramenés à une nécessité sociale. Cependant, dans cet ouvrage déjà, Freud est sceptique quant à la faculté de l'être humain à surmonter cette épreuve.

Deux ans plus tard, dans "Malaise dans la civilisation", il se montre carrément pessimiste. Après avoir analysé la puissance de l'Eros et du Thanatos, il affirme certes qu'il conviendrait d'ajouter au diagnostic de la crise des propositions thérapeutiques, mais qu'il faudrait procéder avec beaucoup de prudence étant donné l'incertitude dans les analogies rencontrées. Lui, en tous cas, ne s'y risque pas. Et finalement, il pose la question de savoir "à quoi servirait l'analyse la plus pénétrante de la névrose sociale puisque personne n'aurait l'autorité nécessaire pour imposer à la collectivité la thérapeutique voulue?" (Freud, 1971, p.107) Une part du malheur et de l'angoisse actuels, explique Freud, vient de la facilité avec laquelle les humains pourraient s'exterminer mutuellement. Selon lui, on ne peut qu'attendre que l'une des deux "puissances célestes", l'Eros éternel, fasse un effort pour s'affirmer dans la lutte qu'il mène contre le Thanatos. Il faut donc attendre et espérer. Néanmoins, les instincts demeurent les plus forts et l'homme semble impuissant face à eux dont il n'est que le jouet.

Jung, de son côté, était d'avis qu'il faudrait former des êtres humains et non des animaux politiques. Le but suprême était pour lui de faire progresser, d'élever sa propre personne, mais aussi son prochain.

"Les chemins qui conduisent à ce but sont multiples. Le plus noble est selon moi celui de l'échange spirituel sans réserve, loin de tous préjugés et arrière-pensées, pour connaître l'homme en tant qu'homme et non comme gentille bête de bétail au sein du troupeau de la société. Nous nous préservons ainsi d'un jugement d'après l'apparence, superficiel." (Jung, 1997, p.88)[12]

L'homme qui se sert des connaissances qu'ont apportées la science et la technique, lui qui dispose à présent d'armes lui permettant d'anéantir l'humanité, doit jouir de toutes ses facultés mentales, être responsable, afin de les utiliser pour le bien de l'humanité et non pour la détruire. Mais les modifications et améliorations extérieures de sa vie ne touchent en rien sa vie intérieure. La principale mission de la culture est de chercher des voies et des moyens pour arracher l'homme à son inconscience, pour l'"exorciser" (Jung, 1945, p.269). Pour ce faire, il faut regarder au-delà de ce qui est collectif. Il faut se poser la question de ce qui est propre à notre personne et de ce qui est propre à l'autre. Cela implique de se concentrer sur les contenus, le sens et les valeurs et d'aller plus loin que la volonté d'autrui à laquelle on se plie dans le collectif et l'obligation que l'on ressent. L'essentiel pour chaque individu est de retrouver ce qu'il a de particulier, "car personne ne peut s'approcher de l'autonomie sans la conscience de sa particularité" (C.G. Jung, GW 10, Zivilisation im Übergang, "Vorrede zu Toni Wolff, "Studien"" (1959), Walter Verlag, Olten, 1995, p.514)[13]. Le problème de beaucoup d'êtres humains est qu'ils sont soit trop collectifs, soit trop individuels, ce qui fait d'eux des névrosés. L'homme uniquement collectif considère l'individualité comme une anarchie qui met ses adeptes hors la loi; tout ce qui est individuel a donc moins de valeur que le reste et doit être refoulé. A l'autre extrémité, on trouve l'individualiste qui surestime l'individuel et ne parvient pas à s'adapter au collectif, à y trouver sa place et à s'y intégrer (Jung, 1935, p.19). Il faut savoir trouver le juste milieu.

Une intervention sociale de la psychanalyse et de la psychologie analytique?

On constatera dans un premier temps que le psychanalyste/psychologue joue le rôle de médiateur entre l'inconscient du patient et le conscient, entre autres l'image que ce dernier s'était faite de lui-même et des autres jusqu'à présent. Par suite, il intervient également dans la relation entre le patient et les différents groupes auxquels il appartient. Après avoir surmonté sa névrose, le patient reprend une vie que la société considère comme "normale" et peut ainsi se réintégrer dans les structures existantes. Pour Freud, le patient pourra aussi, en canalisant sa libido, par la voie de la sublimation par exemple, faire évoluer les idéaux de la société et l'organisation sociale ou contribuer aux différentes manifestations de l'art. Chez Jung, l'intervention sociale se fera par l'intermédiaire de l'"individuation", processus de centrage, de connaissance et de la réalisation de soi, le but étant de libérer le Soi des fausses enveloppes de la persona, du masque que nous mettons pour jouer un rôle dans la société, ainsi que de la force suggestive des images inconscientes.

Véronique Liard

Notes:

1.- "...ein langer Seufzer über den Verlust des Paradieses und dessen Infantilismus, Barbarei und Primitivität..."

2.- "...Bequemlichkeiten, Nachlässigkeiten, Unterlassungen, Begehrlichkeiten, Bosheiten und andern Egoismen..."

3.- "Wo Weizen- und Weinbau vorhanden, da herrscht zivilisiertes Leben. Wo aber kein Weizen- und Ackerbau vorhanden, da herrscht die Unkultur der Nomaden und Jäger vor."

4.- "So ist auch die menschliche Kultur, als ein natürliches Differenzierungsprodukt, eine Maschine, zunächst eine technische Maschine, welche natürliche Bedingungen zur Umformung physikalischer und chemischer Energie benützt. Dann aber auch eine geistige Maschine, welche geistige Bedingungen zur Umformung der Libido benützt."

5.- "...darob ihre eigene Herkunft und Tradition und sogar ihr eigenes Gedächtnis dermaßen vergisst, dass es ihr scheint, sie sei dies oder das, und dadurch in einen unheilvollen Konflikt mit sich selbst gerät. Der Konflikt führt schließlich zu einem solchen Schwächezustand, dass die früher beherrschte Welt einbricht und den Zerstörungsprozess vollendet...Wenn eine Kultur ihren Höhepunkt erreicht, tritt früher oder später die Epoche der Zerspaltung ein."

6.- "Er leidet vor allem am Alles-schon-besser-Wissen, und es gibt schlechterdings nichts, was nicht irgendwo schon richtig klassifiziert wäre; und was seine Seele anbetrifft, so ist sie wesentlich seine eigene Erfindung, seine eigene Willkür und gehorcht ausschließlich seiner Vernunft, und wo sie es dennoch nicht tut,... da handelt es sich um klinisch feststellbare Krankheiten mit durchaus plausiblem, wissenschaftlichen Namen."

7.- "eine Art gemeinsame Tierseele"

8.- "von der allgemeinen Welle des Identischseins"

9.- "als soziale Einheit verwaltet, ernährt, gekleidet, ausgebildet, in entsprechenden Unterkunftseinheiten logiert und amüsiert, wofür das Wohlbefinden und die Zufriedenheit der Massen den idealen Maßstab abgeben."

10.- "Funktion der Gesellschaft"

11.- "Wer sind aber diese offenbaren Übermenschen? So wie wir, nur Meister, den Schwarzen Peter anderen zu überlassen."

12.- "Der Wege zu diesem Ziel sind mancherlei. Als vornehmsten erachte ich den, des rückhaltlosen geistigen Austausches fern von allen Vorurteilen und Nebenabsichten, den Menschen als Menschen kennen zu lernen und nicht als liebenswürdigen Gesellschaftsvieh. Dadurch wahren wir uns vor dem Urteil nach dem Schein, nach der Oberfläche."

13.- "..., denn niemand kann sich der Selbständigkeit nähern ohne das Bewusstsein seiner Eigenheit."


Références bibliographiques:

Freud Sigmund, Essais de psychanalyse, Psychologie des foules et analyse du moi, (1921), Payot, Paris, 1981, Ed. 2001, p.168

Freud Sigmund, Introduction à la psychanalyse, Payot, Paris, 1922, Ed. 2001.

Freud Sigmund, L'avenir d'une illusion, Payot, Paris, 1927

Freud Sigmund, Malaise dans la civilisation, PUF, Paris, 1971, p.20

Jung Carl Gustav, Ma Vie. Souvenirs, rêves et pensées, Gallimard, Paris, 1973

Jung Carl Gustav, GW 17, Über die Entwicklung der Persönlichkeit. Analytische Psychologie und Erziehung III, Walter Verlag, Olten, 1995

Jung Carl Gustav, GW 7, Zwei Schriften über Analytische Psychologie, Die Beziehungen zwischen dem Ich und dem Unbewussten (1928/1966), Walter Verlag Olten, 1995

Jung Carl Gustav, GW 15, Über das Phänomen des Geistes, Zum Gedächtnis Richard Wilhelms, 1930

Jung Carl Gustav, GW 10, Die Bedeutung der Psychologie für die Gegenwart, 1933.

Jung Carl Gustav, GW 16, Praxis der Psychotherapie, Grundsätzliches zur praktischen Psychotherapie (1935), Walter Verlag, Olten, 1995.

Jung Carl Gustav, GW 9/I, Die Archetypen und das kollektive Unbewusste, Über Wiedergeburt (1939), Walter Verlag, Olten, 1995, p.140

Jung Carl Gustav, GW 11, Psychologie und Religion (1939), Walter Verlag, Olten, 1995.

Jung Carl Gustav, GW 16, Praxis der Psychotherapie, Die Psychotherapie in der Gegenwart (1941), Walter Verlag, Olten, 1995.

Jung Carl Gustav, GW 10, Zivilisation im Übergang, Rückkehr zum einfachen Leben (1941), Walter Verlag Olten, 1995.

Jung Carl Gustav, GW 11, Das Wandlungssymbol in der Messe (1941), Walter Verlag, Oldenbourg

Jung Carl Gustav, GW 18/2, Das symbolische Leben, Epilog zu "L'homme à la découverte de son âme" (1944), Walter Verlag Olten, 1995,

Jung Carl Gustav, GW 9/I, Die Archetypen und das kollektive Unbewusste, Zur Phänomenologie des Geistes im Märchen (1945), Walter Verlag, Olten, 1995.

Jung Carl Gustav, GW 8, Die Dynamik des Unbewussten, Theoretische Überlegungen zum Wesen des Psychischen (1946), Walter Verlag, Olten, 1995.

Jung Carl Gustav, GW 9/II. Aion. Die Struktur und Dynamik des Selbst (1950), Walter Verlag Olten, 1995.

Jung Carl Gustav, GW 10, Zivilisation im Übergang, Gegenwart und Zukunft (1957), Walter Verlag, Olten, 1995.

Jung Carl Gustav, GW 15, Über das Phänomen des Geistes in Kunst und Wissenschaft. Zum Gedächtnis Richard Wilhelms, Walter Verlag, Olten, 1995.

Jung Carl Gustav, GW 18/I, Das symbolische Leben, Heilen der Spaltung, Walter Verlag, Olten, 1995.

Jung Carl Gustav, GW 17, Psychologie und Erziehung, Walter Verlag, Olten, 1995.

Jung Carl Gustav, Die Zofingia-Vorträge, Antrittsrede als Präsidium der Zofingia, Walter Verlag, Olten, 1997.


Notice:
Liard, Véronique. "L'intervention sociale de la psychanalyse et de la psychologie analytique", Esprit critique, Automne 2004, Vol.06, No.04, ISSN 1705-1045, consulté sur Internet: http://www.espritcritique.fr
 
 
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