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Hiver2006 - Vol.08. No. 01

Action-recherche / recherche-action en formation - Conjoindre l'expérience, l'art et la science afin de former à (se) former

Christian Gérard
Maître de conférences en Sciences de l'éducation à l'université de Nantes. Associé au Laboratoire TRIGONE de l'université de Lille 1, Gérard Christian est habilité à diriger des recherches depuis 2003. Il assure la direction pédagogique d'un Master professionnel. Ses recherches s'inscrivent dans le paradigme constructiviste de la complexité et posent des questions relatives à l'action de (se) former, à la recherche professionnelle et à l'alternance dite "intégrative". Il a publié avec Jean Clénet, en 1994, Partenariat et alternance en éducation ; en 1999, Au bonheur des maths ; en 2002, avec Jean-Philippe Gillier, Se former par la recherche en alternance ; en 2005, Diriger dans l'incertain, Pour une pragmatique de la problématisation. Esprit critique > Hiver 2006

 

 

 

Résumé

 

Le sens de cette production est fondé sur une expérience de "praticien / formateur / chercheur", enracinée à une "culture terrienne" (A. Peretti de, 2005) et à la pratique d'une autoréflexion éprouvée et enseignée. Cette autoréflexion est reliée à un parcours professionnel d'enseignant, formateur, chercheur à l'université. Paradoxalement, cette pratique s'exerçant en-soi-même, sur soi-même, est aussi réfléchie et promue à l'adresse des adultes qui (se) forment et que nous accompagnons dans ce contexte. Se former et former traduisent le sens qui émerge du système de formation qui se construit dans l'interaction des formés aux formants, et récursivement, dès lors que cette interaction est finalisée par l'"intentionnalité" [1] à se projeter ; c'est-à-dire l'intentionnalité pour laquelle la production de savoirs demeure pour les uns comme pour les autres la cheville ouvrière d'une "autoformation" (G. Pineau, 1986, p.129-146). Fondé sur l’action, la formation et la recherche, ce système de formation crée les conditions d’émergence de "connaissances actionnables" (D. Schön, 1983), ou de "connaissances-processus", au sens de J. Piaget (1967).

 

Mots clés:

 

Autoréflexion, Action-recherche, Engagement, Distanciation, En-soi-même

 

Summary

 

The meaning of this work is based on an experience of “practitioner/trainer/researcher which takes its roots in a “down-to-earth culture” (A.Peretti de, 2005) and on a practice of proven and taught self-reflection-analysis. This self-reflection-analysis is linked with a professional career as a teacher, trainer, researcher at university. Paradoxically, this practice being exercised on oneself and within oneself, is also reflexive and assists the development of adults who are training themselves and whom we are accompanying in this context. Training someone and self-training translate the sense that emerges from the system of training which comprises of the interaction between trainers and trainees with recursiveness on the condition that this interaction is completed by the ” willingness” to project oneself in the near future :that is to say, the intention of doing for which the production of knowledge remains for the trainer and the trainee the root of “self-training” (G. Pineau, 1986, p.129-146). Based on action, training and research, this system of training creates the condition for the emergence of “pragmatic knowledge” (D.Schön, 1983), or the “knowledge-process” in the “kowledge within action” meaning of J. Piaget (1967).

 

 

Introduction

 

L'action de (se) former, autant que d'être formé, fournit le sens de notre contribution. Celle-ci cherche à poser la fonction autoréférentielle aux origines de laquelle s'exerce l'action de connaître. En effet, connaître, autrement dit "naître avec", place le sens comme faculté incarnée dans l'humain. Dans une perspective constructiviste et avec J. Legroux (1981), nous situons la connaissance s'actionnant aux origines de l'humain, l'information comme "donnée quantifiable" de l'environnement, et le savoir se construisant à l'interface de la connaissance et de l'information. Une telle position invite à considérer l’interaction entre l'expérience, l’art et la science en formation. On fait l'hypothèse qu'il s'agit ici de comprendre les processus actionnés contribuant à l'émergence des savoirs, d'une part, et des facultés cognitives, d'autre part. Nous postulons que l'action de (se) former en formant, de former en (se) formant procèdent de soi-même, voire dans des perspectives phénoménologique et herméneutique, de l'"en-soi-même" des sujets, fussent-ils apprenant, ou enseignant, ou cherchant, ou formant, etc. (C. Gérard, 2003, 2004). Ainsi, l'action de formation repose sur une éthique de la responsabilisation. Elle est légitimée par l'action (le "faire", le "dire" et l'intentionnalité) qui nous renvoie à la congruence rogérienne. Cette action crée les conditions de la responsabilisation des sujets. Cette responsabilisation les invite à s’engager autant qu'à s'impliquer. Dans cette aventure est actionnée la capacité des sujets à assumer les interactions "complexes" [2] qu'ils développent avec leur environnement.

 

1 - (Se) former, c'est l'avoir fait soi-même

 

A ce point, nous posons l’autonomie "se construisant" de l'humain formant et (se) formant comme méta niveau de sa lucidité. Ce parti pris que nous discriminons de la notion "d'indépendance" est fondé sur la capacité humaine à relier la pratique de l'autoréflexion, d'une part, à celle de la réflexion sur des objets d'autre part, qui suppose enfin un engagement collectif. De là, quel que soit le statut du sujet formant ou (se) formant au travers d'un système d'"action-recherche" versus "recherche-action", l’action délibérée de l’auteur / acteur / chercheur est de procéder de lui-même, par une autoréflexion menée en lui-même, en interaction avec un milieu (ou plus globalement avec un environnement) [3]. C'est dans ce contexte au sein duquel il est immergé qu'il exerce son intentionnalité à produire et à construire collectivement, en interaction, c'est-à-dire en tension avec ses pairs. C'est cette autoréflexion (opératoire, conceptuelle et épistémologique), conduite en situation, en interaction avec un "en-dehors" à soi-même, qui fonde les conditions de l’auto / hétéro / éco apprentissage et qui accompagne le sujet sur le chemin du sens (comprendre) et des "faires" (entreprendre).

 

Notre parcours de formation quelque peu atypique est à l’origine de cette contribution. Celui qui nous a conduit à rompre avec l'école classique latine, précocement, et que nous apparentons à un cursus de formation "tout au long de la vie". Ce cursus que nous avons ré-interrogé à l'occasion de la préparation d'une Habilitation à diriger des recherches (HDR) en Sciences de l'éducation, en 2003, neuf années après avoir soutenu une thèse de Doctorat en 1994. Ce parcours, dans la perspective de J. Piaget (1974), nous le qualifions de constructiviste. En cela qu'il nous a conduit à actionner des "faires", à agir bien souvent très concrètement au travers d'un métier dès l'adolescence ; en cela qu'il nous a amené en permanence, et rétrospectivement comme s'il s'agissait d'une connaissance actionnée intégrée "en-soi-même", à réfléchir ses actions afin de les réinvestir dans les "faires". C'est cette expérience éprouvée avec conscience, nous dirait E. Morin (1990), et cette conscience que nous cultivons dans la double perspective de l'action et de la réflexion qui participe à la construction de l'humain (se) formant. Ce mouvement dialogique nous invite, ici et maintenant, à considérer l'action réfléchie particulièrement fondatrice de la conscience, de l'action de produire une connaissance aux origines de soi-même. Cette prise de conscience sur soi-même, cette lucidité sur soi-même, opérée en "en-soi-même", résultent d'une double origine : celle de prendre conscience de ce que nous ne connaissons pas en construisant notre domaine de savoir. Ainsi nous avançons que c'est en construisant des savoirs que l'humain devient plus lucide par rapport aux domaines de savoir qu'il ne maîtrise pas. Cette prise de conscience tout à fait essentielle crée les conditions d'une intentionnalité à agir, c'est-à-dire qu'en même temps qu'il prend conscience de ce qu'il sait, il prend conscience de ce qu'il ne connaît pas. Cela peut vouloir dire qu'il se projette dans une action qu'elle soit de l'ordre d'un "faire" ou d'un "dire".

 

2 - L'histoire d'une prise de conscience

 

Dans cette contribution, c'est en nous enracinant dans notre "parcours" [4], en le réfléchissant, et cela en nous référant dans le même temps à des théories que nous (re)conceptualisons, que nous construisons chemin faisant notre "identité humaine" (E. Morin, 2001). C'est en construisant cette identité, ou plutôt en la concevant, que nous acquerrons une "capacité à nous mouvoir dans un environnement qui change", ce que G. Lerbet nomme notre "capacité autonome" (1998).

 

2.1 - Prendre conscience d'un parcours

 

La position par rapport aux origines, dont nous nous autorisons à parler ici, est fondée sur la prise de conscience d'un parcours. En ce qui nous concerne, celle-ci s'est manifestée par l'écriture que nous avons entreprise sur la singularité de notre cheminement. C'est l'apprentissage d'une écriture portant sur soi-même et reliée à des théorisations, dans le rapport dialogique d'une écriture intentionnelle, qui confère cette lucidité. Notre conception s’apparente à un style d'alternance que nous nommons "l'alternance interactivo-intégrative". Cette alternance est d'essence pragmatique au sens où elle se fonde sur l'énonciation de notre singulier vécu. Avec P. Ricœur, cela s’apparente à "l'acte même du dire, lequel désigne réflexivement son locuteur. La pragmatique met directement en scène, à titre d'implication nécessaire de l'acte d'énonciation, le "je" et le "tu" de la situation d'interlocution" (1990, p.55). Au-delà de cette conception pragmatique de l'"action-recherche" (C. Gérard, 2003), nous posons, dans les mêmes termes, les fondements constructivistes de la problématisation comme fonction d'"intentionnalité" à questionner. En d'autres termes, la conjonction entre…, voire le trait d'intégration que nous opérons entre "pragmatique" et "problématisation", fonde une énonciation qui s'enchevêtre avec une interrogation. C'est en dévoilant ce parcours, en le réfléchissant afin de le comprendre, donc d'y donner un sens, que nous nous sommes représenté des "passages" dans le cours de notre histoire, c'est-à-dire des processus qui créent une médiation, qui facilitent la compréhension, mais qui en aucun cas ne résout. Ces passages sont des interfaces tel le dieu Janus, ce dieu aux deux visages : l'un orienté vers le passé que le sujet (se) formant s'efforce de comprendre, et de comprendre via le second visage projeté vers le futur. Pour l'avoir actionnée et vécue nous-même, la réflexion portée sur notre parcours, d'une part, et l'action engagée à partir d'une réflexion, d'autre part, invitent au "présent" à se représenter le "passé" et à conjecturer le "futur". C'est en l'ayant actionnée nous-même que nous percevons le sens de l'autoréflexion, c'est-à-dire celle que Gérard Mégie, directeur du CNRS, récemment disparu, invitait à promouvoir auprès de ses collaborateurs / chercheurs.

 

2.2 - Entre engagement et dégagement

 

La pragmatique de la problématisation demeure éminemment paradoxale. Elle procède de l’engagement de l'humain à (re)produire des savoirs reconnus socialement, mais aussi des savoirs singuliers qui invitent la personne à se distancier par rapport à ses origines autoréférentielles. Ces productions-là peuvent être admises comme extrêmement coûteuses en temps, en énergie, en investissement personnel et, paradoxalement, particulièrement fécondes en terme de lucidité, c'est-à-dire en termes d'apprentissage, de compréhension du monde, d'autonomie et d'intentionnalité à entreprendre. En effet, produire des savoirs sur soi-même, en-soi-même, sur la singularité de ses apprentissages et de ses stratégies bio-socio-cognitives, c’est en même temps "accoucher" de son expérience pour la mettre à distance, la comprendre et l’intérioriser. C'est actionner sa capacité à se projeter et à entreprendre en reprenant la trilogie "Projet / ressource / contrainte", énoncée par M. Crozier en 1977. En nous référant à F.-J. Varela (1989, p. 86-91), nous nous autorisons à dire que le sens procède d’un "couplage structurel". Le sens se construit en se construisant lui-même. Ce qui signifie pour la personne en quête de sens, prise de risques, essais, erreurs, intentionnalité à changer, à "se représenter" et à assumer des obstacles, etc.

 

Ce que nous avons montré au travers de recherches (1994, 1999), c’est que l’enchevêtrement des processus de problématisation avec des processus de résolution incarne les fondements d'une pragmatique. Cet enchevêtrement représente une "clé" qui initie l’investissement personnel et, par-là, contribue à finaliser l’acte d’apprendre et de façon plus ambitieuse de comprendre. Par là, le méta processus que nous traduisons par la pragmatique de la problématisation ne peut pas être donné. Il exprime l’action d’une personne se réalisant dans l’action de produire et de vulgariser sa production et son œuvre quelle qu’elle soit. Cela suppose, d’une part, qu’elle assume le labeur de la production en éprouvant le bien-fondé de sa socialisation, et, d’autre part, que le système de formation et d’enseignement l’aide sans l’aliéner. C'est en cela que nous parlons d'une alternance interactivo-intégrative qui suppose de relier, intentionnellement, l'expérience réfléchie à des champs conceptuels avec lesquels elle est en harmonie, et, dialogiquement, des champs conceptuels en résonance avec l'expérience réfléchie.

 

La pragmatique de la problématisation pose le sens en termes d’"intentionnalité" (F. Brentano, 1944 ; J. Searle, 1985) ; F.-J. Varela, 1993, p. 45) et de "faisabilité projective", diraient J.-L Le Moigne (1990) et J.-P. Boutinet (1993). Ainsi, elle inscrit son sens dans le point de rencontre interactif qui s’élabore entre les démarches personnelles de réflexion et de production de savoir, démarches très intimes, très autoréférencées, et celles qui s’apparentent à la "commande", au sens conceptualisé avec F.-J. Varela (1989) ; c’est-à-dire les injonctions sociales, culturelles, pédagogiques, didactiques, disciplinaires, etc., par rapport auxquelles le sujet est amené à se situer. En effet, poser la construction du sens ne se traduit pas par un abandon du formateur enseignant à l’égard de sa classe ou de l'adulte qu'il accompagne. En revanche, elle l’invite à cultiver les fondements de l’action d’enseigner, voire ici d’éduquer, et à penser dans des formes complexes les stratégies, voire les postures d’enseignement et de formation qu’il met en œuvre. En fait, c’est là que se situe notre projet de communiquer qui se fonde sur notre expérience réfléchie, et qui se traduit par l’action de modéliser [5] afin d'accompagner l'éducation susceptible de promouvoir cette action.

 

3 - Concevoir l'action de (se) former en alternance

 

Méditer sur les origines d’une conception systémique de l'autonomie humaine, et à un niveau infra sur l’apprentissage en alternance, corrobore le sens de notre projet. Nous tenons tant que faire se peut à nous distancier de nos origines sensibles afin de modéliser, de concevoir, à l’entre-deux de nos enracinements et des fondements de notre parcours, les stratégies actionnables légitimées par de telles pratiques d’enseignement, de formation, d’autoformation et de recherche. Et comme le rappelle J. Miermont : "La cognition est une affaire d’échanges, d’interactions, de communications dont l’autoréflexion et l’isolement sont une partie intégrante" (1995, p.87). Tout au cours de cette section nous montrerons globalement, en activant des processus de modélisation, le sens d’une action qui jusque là n’avait pu être formalisée, modélisée. L’action mobilisée nous conduit à proposer un modèle général de "l'action / formation / recherche". Nous le modélisons en nous enracinant dans notre parcours et en nous fondant dialogiquement sur les théories qu'y s'y rapportent, ainsi qu'aux expériences familières et concrètes que nous actionnons. C'est aux origines de ce projet intentionnel finalisé que se dévoile l'émergence des connaissances actionnables dont il est question dans ce texte.

 

Des connaissances aux origines de l'action de (se) former

 

En fait, les connaissances actionnées par le sujet (se) formant, en interaction avec les processus d’accompagnement mis en œuvre par le système de formation, ne sont pas données "clé en main" ; en revanche, en pareille situation d'apprentissage où prime une "pragmatique de la problématisation" (C. Gérard, 2005), ces connaissances procèdent d'opérations, de théorisations et d'une épistémologie redevables au "paradigme de la complexité" (E. Morin, J.-L. Le Moigne, 1999). Ces connaissances actionnables corroborent la perspective des "Nouvelles sciences" et de l’ingenium auxquelles G.-B Vico nous a initié et qu’il a porté à notre connaissance. En 1710, G.-B. Vico écrivait : "Le critère et la règle du vrai sont l'avoir fait soi-même" (1710, 1987, p.15).

 

La modélisation sur laquelle nous achoppons montre trois niveaux (I, II, III) qui sont dégagés dès lors que l'action de (se) former s'enracine et se fonde sur l'autoréflexion:

 

- le méta niveau (III) procède des interactions qui s'exercent entre les niveaux I et II. Cette construction (III) est une construction en creux qui traduit symboliquement ici la maîtrise autonome qui se dévoile au fur et à mesure de l'action, de l'autoréflexion et de la réflexion.

 

- le niveau I s’apparente à l'enracinement de l'action et de la réflexion en "l'en-soi-même". Cette posture est d'essence phénoménologique. Elle se pose, aux origines, dès l'en-dedans de l'humain (se) formant. Plus concrètement, elle suppose une temporalité. Elle suppose une production, une écriture sur son parcours singulier ; celle-là qui dévoile son sens pour soi et pour autrui dès lors que cette écriture "(se) fait". De là, on comprend que cette action n'a aucun sens dès lors qu’elle est suggérée par celui qui ne l'a jamais actionnée.

 

- le niveau II, le niveau du "dégagement", est tout aussi essentiel. C’est le niveau à partir duquel se construit le socle théorique qui permet la distanciation et en retour l'implication de l'humain (se) formant. Ce niveau II est aussi une construction. Il est d'essence herméneutique. En étant de l'ordre de la théorisation opérée en interaction avec le projet, avec le problème qui se construit, ce niveau fonde le processus de distanciation. En effet, c'est en s'enracinant dans un "faire", à une "intentionnalité", à des représentations, vécues et éprouvées en-soi-même, que ce niveau du "dégagement" se construit. Ce niveau II est, contrairement au niveau I de l'enracinement qui exhibe des processus d'autoréflexion, de l'ordre d'un "dégagement" et d’un primat réflexif. En fait, il est de l'ordre d'une réflexion conduite sur des objets théoriques finalisés par le projet qui (se) construit. Ce n'est donc pas de la théorie pour de la théorie !

 

A ce point, à l'interface des enracinements et des fondements, dit autrement de l'engagement et du dégagement de l'humain (se) formant, duquel en creux se dévoile les "connaissances actionnables" (III), deux méta processus interagissent : la "distanciation" et "l'implication". Comme nous l'avons déjà esquissé, ces deux méta processus évitent deux dérives : une dérive autistique d'un travail sur soi-même et une dérive théorique qui ne serait fondée que sur la compilation d'objets théoriques. En revanche, la position que nous adoptons nous conduit à avancer la fertilisation croisée de ces deux pôles, envisagés dans leur divergence et leur convergence, s'exerçant de façon autonome, et finalisés sur l'autonomie de l'humain (se) formant (niveau III). Ce que nous illustrons comme il suit.

 

 

 

 

Ainsi, nous décrivons les deux méta processus de "distanciation" et "d'implication" comme il suit :

 

1) La distanciation, position que nous avons construite en nous adossant aux travaux de N. Elias (1983). Elle rend compte de l'action des processus consistant à dédoubler son regard entre une expérience intimement vécue et une représentation mise à distance. Il s'agit d'une représentation "jetée en avant" qui fait que l'on peut la regarder, la réfléchir. Elle n'est pas une théorie ésotérique, abstraite, déliée de l'en-soi-même.

 

2) L'implication, qui se distingue de l'engagement, traduit le processus cognitif actionné à partir d'un bagage conceptuel conscientisé. C'est cette théorisation construite par soi-même qui en retour (ré) interagit sur l'en-soi-même, et qui produit ce mouvement infini d'une prise de conscience de ses actions reliées à une conscience portée sur son action.

 

Implication et distanciation sont alors les processus qui forment le trait d'union entre "engagement" et "dégagement", et qui produit cette construction infinie de la connaissance.

 

Ainsi, à ce point de notre modélisation, nous sommes invité à traduire ce modèle général conjecturé en un modèle opératoire que nous avons conduit tout au cours de notre parcours. Deux remarques toutefois doivent être énoncées ici et maintenant. D'une part, cette modélisation procède de notre expérience. Elle est le procès d'une longue méditation sur l'action qui se produit. Ce que nous énonçons là n'est pas une vérité, elle est une prise de conscience formalisée, rien de plus ! D'autre part, cette modélisation oriente notre pratique d'enseignant-chercheur-ingénieur-concepteur et participe à l'éthique, aux connaissances et à la méthodologie que nous développons auprès des étudiants, ou autres adultes en formation que nous accompagnons à l'Université.

 

4 - Concevoir les stratégies opératoires du système d'action / formation / recherche

 

Notre visée ici est de traduire le modèle que nous avons construit dans la trilogie de ses trois creusets fondateurs, c’est-à-dire:

1) l'en-soi-même fondé sur les enracinements;

2) les fondements conceptuels, c'est-à-dire les théorisations;

3) les connaissances actionnables.

 

4.1 - (Re) contextualiser afin d'opérationnaliser

 

De là, il convient de dégager ce qui peut apparaître comme "enseignable", au sens de la légitimité des savoirs produits. En aucun cas ce déjà-là, cette expérience, ces actions, ces réflexions…, qui sont aux sources de notre modélisation, sont à prendre en l’état. En effet, quiconque y trouverait un sens, se l’approprierait, va naturellement le reconstruire en vue de l’adapter à sa propre action et à sa singulière réflexion. La réalité n’est pas là, statique, unique, la même pour tous; elle est en revanche une construction, une (re)construction finalisée par notre système humain (éthique, bio-socio-cognitif, etc.) en fonction de ce qu’il est et de ses projets. La réalité est une invention nous rappelle P. Watzlawick et les auteurs qui ont contribué à l’écriture de "L'invention de la réalité" (1988). C’est dans la perspective de ces recommandations que doit s’inscrire la présentation du modèle que nous avons inventé, conçu et construit, afin d’apprendre et de comprendre de notre expérience, en nous la (ré)appropriant et en nous en distanciant. De plus, comme pour tout savoir, ce savoir qui est le produit d’une ingénierie personnelle peut être considéré comme pouvant être apprécié, critiqué, reconstruit par autrui car, transposé dans des contextes personnels, inédits, singuliers…, suppose des adaptations aux finalités de ces éventuels nouveaux usagers.

Ainsi, rendre compte de notre modélisation en fournissant la fonction opératoire qu’elle recèle fonde le paradoxe qu’en la socialisant, donc en actualisant le système de formation, en le rendant visible et accessible par autrui, nous participons paradoxalement à annihiler son potentiel. Le risque étant de réduire cette modélisation à un algorithme, à un modèle figé, statique, auquel nous nous opposons en toute intention. Ceci dit, c’est en prenant le parti de l’exposer que nous nous ouvrons à la critique des points de vue pratique, théorique et épistémologique. En fait, c’est sans doute en posant à nous-même ces exigences nouvelles que nous nous interrogeons sur le bien-fondé d’une "méta réflexion" portant sur "l’enseignabilité" de ce modèle, c’est-à-dire sur les fondements éthiques, conceptuels, pédagogiques, qui nous autoriseraient à l’enseigner. Ainsi est posée la "légitimité des savoirs enseignables" (J.-L. Le Moigne, 2002).

 

4.2 - La symbolique du "8" aux origines du système humain (se) formant

 

Depuis plus d'une décennie, nous cherchons à modéliser le "système de formation" versus "système humain (se) formant" à partir de la métaphore du "8" [6]. Cette métaphore renvoie à huit stratégies opératoires. Celles-ci initient, en cohésion avec le côté symbolique initiateur du modèle, huit actions bio-socio-cognitives qui nous apparaissent transposables dans l’exercice de nos fonctions professionnelles d’enseignant, de formateur, de chercheur, voire de concepteur. Nous l'avons compris, ces actions ne peuvent se réduire à des injonctions; en revanche, elles se situent, se construisent et sont actionnées, au sens des "connaissances actionnables" énoncées par D. Schön (1994), à "l’entre-deux d’une origine partagée" dirait D. Sibony (1991) ou/et "à la limite d’une réflexion éthique soucieuse de réconcilier pensée de la liberté et pensée de la finitude" (G. Liiceanu, 1994). Les stratégies opératoires traduisent alors l’action du "se formant" en interaction avec son environnement. Elles sont éprouvées et vécues à l'interface d'un "en-soi-même" (apprenant, comprenant, entreprenant) et d'un "milieu" (G. Lerbet, 1993), lui-même immergé dans un environnement.

 

Notre expérience d’enseignant, de formateur, d’accompagnateur, de chercheur en éducation, permet d’affiner la modélisation de cette action considérée "complexe". Elle nous amène à formaliser ce système de formation à partir de huit stratégies actionnables. La représentation ci-après (figure 2) a le projet de traduire notre modèle à des fins opératoires et à destination du système de formation. Elle se fonde sur le courant d'une pensée systémique redevable à une épistémologie constructiviste, à laquelle J. Piaget, J.-L. Le Moigne, G. Lerbet, nous initient depuis le début des années quatre-vingts. Notre conception se prolonge également, dans la perspective d'une intelligence de la complexité, au sens où E. Morin (1999), E. Von Foerster (1988, 1990), H. Simon (1991), F. Varela (1993), J.-P. Dupuy (1993), et bien d'autres, vivifient nos conceptions.

 

Ainsi, l'état de cette modélisation issue d'un long processus heuristique, que nous avons conduit depuis plus d'une décennie, fournit huit stratégies actionnables (1; 2; 3; 4; 5; 6; 7; 8). Sur l'illustration de la page suivante, cela représente huit stratégies mobilisées à un moment ou un autre par le sujet se formant. Par manque de temps et d'espace ici, nous ne pouvons pas reprendre la "chronique des états" qui a présidé à cette construction, en revanche, nous nous limitons à fournir la forme ultime de la modélisation. Celle-ci qui nous invite à développer l'ancrage opératoire de notre position. Dans le prolongement de G. Lerbet (1993), cette modélisation se fonde sur trois niveaux interactifs et enchevêtrés :

 

-          le niveau du "sujet se formant" (niveau A) que nous traduisons dans notre illustration par "L'autonomie du système humain se formant". Il est l'unité de l'être agissant, c'est-à-dire le méta niveau : le suprenum ici du système agissant.

 

-          Le niveau de l'environnement (niveau C) représente l'espace/temps dans lequel le sujet se formant est immergé et avec lequel il interagit. Il recèle des informations que le système humain peut intégrer. Il représente un niveau infra.

 

-          Le "milieu" (niveau B) se situe à l'interface du niveau méta et du niveau infra. Il traduit l'intégration/reconstruction de l'environnement opérée par le système humain.

 

            Nous représentons comme il suit les huit stratégies actionnables de notre modélisation.

 

 

Cette modélisation traduit le sens que nous donnons à l’alternance interactivo-intégrative. Elle se fonde à un méta niveau sur une pragmatique de la problématisation. A un niveau infra [7], cette alternance nous conduit à interroger sa pertinence d’un point de vue opératoire pour la formation et l’accompagnement des étudiants et des adultes en formation qui l’éprouvent.

Les stratégies actionnables de l’alternance interactivo-intégrative

 

L’organisation de la figure ci-dessus (figure 2) présente les huit stratégies actionnables qui émergent de notre modélisation. L'aspect linéaire de l'illustration n'indique pas de façon stricte la chronologie de leur avènement ou/et de leur mise en œuvre. En effet, comme le souligne P. Meirieu parlant de l’alternance en formation: "on s’aperçoit que la véritable efficacité (de l’apprentissage), c’est quand l’alternance fonctionne dans les deux sens: quand il y a à la fois découverte de l’obstacle en situation professionnelle et découverte aussi dans le système de formation d’un certain nombre de difficultés qui vont être levées par un travail en production sur le terrain et dans l’entreprise" (1992, p. 32). Cela revêt un caractère fondamental par rapport au sens que tout un chacun donne à la lecture de notre modèle. La formation par alternance interactivo-intégrative ou "interactive" dans l’acception de P. Meirieu (p.32), suppose l’enchevêtrement d'une variété d’approches guidées toutefois par deux grands courants qui émergent de notre modélisation. D’une part, le courant qui se fonde sur "le terreau expérienciel" et qui active les processus bio-socio-cognitifs appartenant à une culture phénoménologico-herméneutique que sont "l’abduction, la transduction, les heuristiques de problématisation" [8], tout en ne négligeant pas le recours à la déduction, c’est-à-dire à la procédure, à l’algorithme; d’autre part, le courant peut-être plus classique qui procède du "bagage conceptuel".

 

C’est dans ce double voyage interactif et hybride qu’il nous apparaît pertinent de lire le modèle qui émerge de notre singulière expérience, conceptualisée et modélisée, que nous avons décrite ci-avant. Cette lecture nous l'opérons dès ses origines épistémologiques et conceptuelles et, ici et maintenant, dans une perspective opératoire. De cet ultime point de vue, l’alternance interactivo-intégrative suppose, dans l’interaction du "Système humain (se) formant" au "Système de formation" et à son environnement, de ne pas négliger les stratégies actionnables que nous avons décrites à partir de la figure précédente ; celles-ci qui consistent à :

1 - fonder le projet d’action / formation / recherche [9] de l’humain (se) formant par la recherche,

 

2 - créer les conditions de l’exploration du terrain socioprofessionnel et culturel,

 

3 - inviter l’humain (se) formant à produire des savoirs sur son expérience et sa pratique,

 

4 - instaurer des temps d'échanges entre le formé et le formateur portant sur l’expérience, sur la pratique et sur la production de savoirs du (se) formant par la recherche,

 

5 - organiser des temps d’échanges et de production collectifs sur ses actions,

 

6 - gérer l’interface expérienciel/conceptuel en accompagnant l’action des sujets à se distancier,

 

7 - cadrer d’un point de vue conceptuel les apprentissages au travers d’apports théoriques,

 

8 - évaluer les productions et apprentissages des points de vue formatifs et certificatifs; et envisager un retour sur le terrain.

 

Ces stratégies actionnables revêtent un caractère très général. Il présente toutefois l'intérêt de mobiliser des équipes d'enseignements, de formateurs ou et d'accompagnateurs dans la modélisation de leur projet singulier. Cette modélisation recèle une fonction d'artefact. Elle rend compte d'une formalisation de notre expérience réfléchie, celle-ci que nous réinvestissons dans notre action, et récursivement. Les connaissances que nous actionnons mènent à trois axiomes qui valent autant pour l’apprenant accompagné que pour l’accompagnateur apprenant. Ainsi pour corroborer notre pensée, ici et maintenant, nous rendons compte de l'heuristique que nous actionnons comme "passeur" [10] afin de discuter ce que nous conjecturons. Elle procède de trois axiomes fondateurs, selon nous, de l'autonomie humaine:

 

- D’une part, l’axiome selon lequel l’action s’enracine dans les origines, dès "l’en-soi-même" des sujets apprenants et accompagnants. E. Husserl parlait d'"en-dedans" (1950) pour traduire l"en-soi-même" de l'humain aux origines duquel se fonde l'autoréflexion. Nos pratiques réflexives et autoréflexives et les références que nous faisons à F.-J. Varela (1989, 1993), à J. Piaget (1967, 1974 a, b), à G. Bachelard (1983), nous sont particulièrement nourricières, permettant de postuler le bien-fondé de l'autoréflexion comme pratique de formation.

 

- D’autre part, l’axiome selon lequel les actions de (se) former et de former procèdent du "principe dialogique" (E. Morin, 1999) qui s’exerce entre un sujet cherchant, un objet appréhendé et un trajet. Cet axiome se fonde sur l'intentionnalité humaine que nous relions à la finalité. Cette finalité qui est de comprendre le sens de l'action et d'actionner des "faires" pour comprendre. Ainsi, comme le rappelait G. Bachelard : "rien n'est donné, tout est construit !" (1983, p.15). Et cette construction intentionnelle (ici de l'humain (se) formant), ce projet porté sur des objets qui dévoilent récursivement un trajet, constitue l'origine fondatrice des processus autoformateurs. (Se) former n'est pas une vaine intention, mais repose sur l'intentionnalité de tout un chacun, et là le projet est de comprendre ce qui en constitue ses racines. Cela pourrait vouloir dire : finaliser, enraciner dans l'action, fonder sa réflexion, produire des savoirs, les communiquer, se relier à une action collective, autoréfléchir son parcours afin de le comprendre en s'en distanciant, etc. Voilà un ensemble de "faires" sur lesquels nous nous exerçons, au sens de Sisyphe qui (re)montait la pierre qui venait de dévaler le sommet. Se former et former supposent de remettre en permanence son fer au feu, car comme nous le rappelait Héraclite pour qui "le monde n'était pas, n'était jamais donné, on ne se baigne jamais deux fois dans l'eau du fleuve" (R. Munier, 1991, p.82).

 

- Enfin, l’axiome selon lequel les connaissances actionnables s’enracinent et se fondent sur l’action de modéliser, c’est-à-dire, d'une part, dans l’art d’inventer [11] des modèles afin que ces modèles (ré)interrogent la singulière expérience humaine, d'autre part, dans l'action de (ré)interroger sa singulière expérience humaine afin que ce processus nourrisse récursivement l'art d'inventer de nouveaux modèles. Et dans cette perspective de la modélisation que nous actionnons, au sens de "concevoir des modèles, c'est-à-dire de "dessiner à dessein" (J.-L. Le Moigne, 1990 ; J.-P. Boutinet, 1993), afin de se distancier de ses singulières emprises personnelles, se construit "chemin faisant" [12] l'autonomie humaine.

 

En conclusion de cette contribution, nous tenons à rappeler que cette modélisation émerge d’un projet en conception / construction depuis fort longtemps. Il a été là sans que nous puissions forcément en prendre conscience et l’exprimer. Paradoxalement, c’est dans sa forme la plus abstraite, la plus (dé)contextualisée, la plus extérieure de notre univers intellectuel familier, la plus éloignée de nos actions, que nous avons réussi à la décrire d’abord, et cela depuis le milieu des années quatre-vingt-dix. Notre parcours universitaire nous a conduit jusqu’à notre engagement dans l’Habilitation à Diriger des Recherches (HDR), en 2001, à réaliser des travaux de recherche parfois distants et "décontextualisés" de nos origines sensibles. Nous redécouvrons depuis "l'écriture de notre histoire professionnelle et intellectuelle" (C. Gérard, 2003) le sens de notre action. Ce sens, nous le situons aux origines de nos velléités de chercheur, à savoir un sens qui se nourrit d'"actions / recherches", et récursivement sur de "recherches / actions" où la prise en compte de "l’en-dedans" du sujet "auteur / acteur / chercheur" constitue "l'énergétique personnelle et sociale" (A. de Peretti, 1999) de l'humain (se) formant en formant et, dialogiquement, de l'humain formant en (se) formant. C'est en cet instant que l'interaction qui s'exerce entre formé et formant suppose de l'art, de la science et de l'expérience. Chemin faisant, notre présente contribution a le projet d'accompagner collectivement notre hypothèse de modélisation de l'alternance interactivo-cognitive en la soumettant à la réflexion d'autrui. Cette hypothèse se fonde (figure n° 1) sur le postulat selon lequel "l'autonomie humaine" (III) procède de l'action intentionnelle de (se) former en actionnant deux méta processus (I : enracinement ; II : fondement) qui s'autoréfléchissent" en (se)réfléchissant eux-mêmes dans leur rapport dialogique.

 

Références bibliographiques

 

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Notes

 

[1] Nous parlons d'intentionnalité depuis Franz Brentano (1838-1917) à laquelle E. Husserl (1859-1938) puis F.-J. Varela (1993) se sont référés. Pour Brentano, "l'intentionnalité est cette caractéristique de l'esprit humain qui lui permet de former des représentations" (Jacob, 2004, p. 49).

 

[2] Le mot complexité n’est pas un vain mot. Il n’est pas un «donné», il ne se réduit pas à la description d’un objet même compliqué; en revanche le mot complexité est là, pour traduire, pour nommer l’état d’une situation qui questionne, qui pose problème, qui n’est pas décomposable. C’est aussi pour nous l’action humaine délibérée à inventer, à concevoir un modèle (une situation, un objet, une organisation, etc.) qui n’existe pas et que pourtant notre imagination s’efforce de conjecturer. Elle nous invite et nous entraîne, non seulement à apprendre un savoir déjà là, mais aussi à comprendre dans l’incomplétude, dans l’incertitude…, comme par exemple quand nous sommes conduit à imaginer, c’est-à-dire à inventer un objet qui n’existe pas. R. Benkirane (2002), en introduction de son ouvrage "La Complexité, vertiges et promesses" nous fournit entre autres un aspect de la complexité. Il nous dit: "La complexité est une situation en"bordure" de deux états différents, voire contradictoires. Elle renvoie souvent à un seuil critique, à une frontière entre chaos et ordre" (2002, p. 10). En d’autres termes, le poète P. Valéry (1992), par une formulation enjouée, précise : "qu’entre ordre et désordre règne un moment délicieux". Serait-ce alors ré-habiliter aux origines d’un vécu, le "faire" dans son enchevêtrement au "dire", le véritable projet du mot complexité?

 

[3] C'est à partir des travaux de J. Legroux (1981) vulgarisés au travers de nombreuses recherches et particulièrement par G. Lerbet (1997, p. 76-86), que nous discriminons trois concepts majeurs contribuant à comprendre l'autonomie de l'humain (se) formant, par exemple : d'une part, la connaissance comme "savoir vécu et intégré par la totalité du sujet" (p. 82) ; d'autre part, le savoir comme entité "constituée d'informations mises en relation, organisées par l'activité intellectuelle du sujet" (p.80) ; enfin, l'information comme " à l'origine, une donnée extérieure au sujet, c'est un objet" (p. 78).

 

[4] De Michel Serres (1991), nous reprenons l'idée de "voyage". Une idée nourricière de notre position sur le "parcours" que R. Hess et C. Wulf (1999) ont particulièrement contribué à nous représenter par une conception de "l'action / formation / recherche" au travers de leur ouvrage "Parcours, Passages et paradoxes de l'interculturalité".

 

[5] Avec J.-L. Le Moigne (1990, p. 5), nous avançons que l'action de modéliser est une " action d'élaboration et de construction intentionnelle, par composition de symboles, de modèles susceptibles de rendre intelligible un phénomène perçu complexe, et d'amplifier le raisonnement de l'acteur projetant une intervention délibérée au sein du phénomène : raisonnement visant notamment à anticiper les conséquences de ces projets d'actions possibles".

 

[6] Cf. nos publications (C. Gérard, 1997, 1999, 2002, 2005)

 

[7] Nous entendons par niveau infra l'énoncé des stratégies actionnables repérées dans l'environnement pédagogique. Ce niveau infra habilite la complexité des pratiques de formations développées. Il se distingue du niveau méta représentatif des connaissances actionnées par le sujet humain se formant pour lesquelles celui-ci n'en possède qu'une relative conscience. En d'autres termes, le niveau infra serait actuel, le niveau méta potentiel.

 

[8] Un certain nombre d’auteurs ont été pour nous de véritables initiateurs, à savoir: C. Peirce (1839-1914), J. Dewey (1859-1952), H.-A. Simon (1916-2002), G. Polya (1957); plus près de nous, J.-L. Le Moigne (1990, 1995), P. Bourgine (1992), G. Lerbet (1995). Nous citons également D. Violet (1996), N. Denoyel (1999, P. 35-42), deux collègues enseignants à l’Université, pour qui les concepts d’abduction, de transduction, d’heuristique (de problématisation et de résolution) constituent, comme pour nous, un véritable engagement dans la recherche.

 

[9] Dans sa pratique professionnelle d’enseignant-chercheur, J. Clénet (2002) repère trois « types d’actions qui portent en elles des fondements et des principes qui ont "à voir" avec la "recherche". Ce sont: - "l’action-formation-recherche" qui est illustrée par l’accompagnement qu’il réalise auprès des étudiants de maîtrise à l’IUP (Institut universitaire professionnalisé), d’équipe de formateurs et de responsables de formations en alternance; - "la recherche-action (ou l’action-recherche) qui porte sur l’accompagnement de professionnels à modéliser leur pratique d’alternance; - "la recherche" dont l’illustration est fournie par l’accompagnement des étudiants en DEA, ou en thèse» (J. Clénet, 1999, p. 8-9).

 

[10] En référence à Michel Serres (1980), nous employons le mot "passage" pour traduire cette interface complexe sensible entre un "sujet" et un "objet".

 

[11] Pour M. Serres, " Le but de l'instruction est la fin de l'instruction, c'est-à-dire l'invention". Il ajoute : "L'invention est le seul acte intellectuel vrai, la seule action intelligente" (1991, p. 147).

 

[12] En référence à Antonio Machado : "Le chemin se construit en marchant !" (1917).

 

Notice bibliographique

 

Gérard, Christian, « Action-recherche / recherche-action en formation : Conjoindre l’expérience, l’art et la science afin de former à (se) former», Esprit critique, Hiver 2006 - Vol.08, No.01, ISSN 1705-1045, consulté sur Internet: http://www.espritcritique.fr


 

 

 

 

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