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Hiver2008 - Vol.11. No. 01

Influences de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé sur les pratiques professionnelles

Tiffany Lernout
Interne en Santé publique, Espace éthique Assistance publique-Hôpitaux de Paris et du Département de recherche en éthique Paris sud/AP-HP Marc GUERRIER
Adjoint du directeur, Espace éthique Assistance publique-Hôpitaux de Paris et du Département de recherche en éthique Paris sud/AP-HP Eytan ELLENBERG
Chargé de recherche, Espace éthique Assistance publique-Hôpitaux de Paris et du Département de recherche en éthique Paris sud/AP-HP Emmanuel Hirsch
Directeur, Espace éthique Assistance publique-Hôpitaux de Paris et du Département de recherche en éthique Paris sud/AP-HP Marie-Claire Almeida
Juriste, stagiaire, Espace éthique Assistance publique-Hôpitaux de Paris.

 

 

Influences de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades

et à la qualité du système de santé sur les pratiques professionnelles

Résultats intermédiaires d’une enquête nationale

menée auprès des professionnels de santé

Auteurs : Ellenberg Eytan1, Lernout Tiffany2 , Guerrier Marc3, Hirsch Emmanuel4, Almeida Marie-Claire5, Atlan-Boukhabza Ariella5, Benyayer Elise5, Blanchard Loïc5, Caron Kathleen5, Chapet Hélène5, Christin Stéphanie5, Daage Laetitia5, Daunay Marie-Aude5, De Wasseige Virginie5, Delaporte Maxime5, Garti Sonia5, Goeb Sophie5, Guest Mathilde5, Laubard Julie5, Laveau Emilie5, Leroy Aurélie5, Ollivier Florence5, Piard Loïc5, Richard Anne5, Ringenbach Anne-Fleur5, Saint-Drenant Claire5, Simhon David5, Weizman Avital5

ESPACE ÉTHIQUE – Servir les valeurs du soin

Observatoire éthique et soins hospitaliers

CHU Saint-Louis – 75475 Paris cedex 10

Tél. 01 44 84 17 57/Fax. 01 44 84 17 58

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www.espace-ethique.org

Introduction

La loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé fait évoluer de façon notable les conditions d’exercice des professionnels de santé. De nombreuses dispositions régissant les activités de soins modifient le droit antérieurement en vigueur et suscitent de nouvelles obligations. Par l’ampleur de ses perspectives, cette loi ne laisse aucun domaine hors de son champ d’application. Elle concerne directement l’ensemble des catégories du personnel hospitalier dans la diversité de leurs missions et compétences au service de la personne malade et de ses proches.

L’Observatoire éthique et soins hospitaliers® de l’Espace éthique/AP-HP

(Assistance Publique des Hôpitaux de Paris) se propose, avec ses partenaires, d’analyser et d’évaluer les influences de la loi sur les activités de soin à l’hôpital. Identifier précisément ces problématiques contribuera à une meilleure compréhension des modifications et dispositions indispensables aux évolutions qui visent à une même exigence de dignité et de qualité des soins.

Cet article présente les principaux résultats des 655 premiers questionnaires analysés concernant l’information de la personne malade, la notion de " personne de confiance " et l’accès au dossier médical dans les établissements de santé.

 

Matériels et méthode

L’enquête nationale intitulée " Loi du 4 mars 2002 – titres II et IV : quelles influences sur les activités de soin à l’hôpital ? " a été diffusée durant l’été 2003 dans tous les hôpitaux publics et privés participant au service public hospitalier. Les partenaires de l’Espace éthique/AP-HP (Assistance Publique-Hôpitaux de Paris) de cette initiative sont : le Département de recherche en éthique Paris-Sud 11/AP-HP, la Fédération hospitalière de France, la Fédération des établissements hospitaliers et d’assistance privés à but non lucratif, l’Espace éthique méditerranéen/AP-HM (Assistance Publique-Hôpitaux de Marseille) et le Laboratoire d’éthique médicale, de droit de la santé et santé publique Necker. 7000 questionnaires ont été transmis aux directions des différents hôpitaux puis diffusés à l’intérieur de ces mêmes structures à différents services médicaux, médico-techniques et administratifs. De façon générale, les directions ont choisi de diffuser ces questionnaires aux représentants des divers corps professionnels concernés.

3000 réponses ont été reçues à l’Espace éthique/AP-HP. Nous présentons ici les résultats d’analyse intermédiaire concernant 655 questionnaires. Rien ne laisse présager que ces premiers résultats seront conformes à ceux que nous obtiendrons à la fin du dépouillement. Cependant, des tendances statistiques, parfois significatives pour l’échantillon étudié (significativité éventuellement soulignée dans le texte), sont assez intéressantes pour évaluer l’influence sur les pratiques de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, plusieurs années après son adoption par le Parlement.

Le projet de cette enquête avait également une visée pédagogique en ce sens où nous avons repris, pour les items principaux, les extraits des articles de lois concernés. Par ailleurs, l’intitulé des questions posées sur chaque thème a permis également à de nombreuses structures de mettre en place des réflexions sur des sujets qu’elles n’avaient pas encore abordés.

L’équipe d’analyse est multidisciplinaire regroupant médecins, philosophes et juristes. La saisie des questionnaires s’est effectuée sous Epi Info. Un double traitement, quantitatif et qualitatif, a été réalisé au moyen d’une saisie codifiée et d’une analyse textuelle et conceptuelle des réponses.

Premiers résultats

à Population étudiée

Les professionnels de santé ayant répondu à ce questionnaire sont, pour 49.1 % d’entre eux, des médecins. 30.7 % sont des cadres infirmiers ou cadres de santé, tandis que 5.9 % des professionnels de santé appartenant à l’administration. La variété des activités professionnelles concourt à l’expression de diverses représentations de cette loi du 4 mars 2002. Ont répondu également : 3.8 % de chirurgiens, 2.3 % d’infirmier(e)s, 2.3 % de sages-femmes, 1.1 % de juristes et enfin des aides soignants, des associatifs, des cadres pédagogiques, des assistantes sociales, des ergothérapeutes, des pharmaciens, des psychologues, des techniciens de laboratoire, etc.

Tableau 1 : activité professionnelle des répondants

 

Activité professionnelle

Pourcentage %

médecins

49.1

cadres infirmiers ou cadres de santé

30.7

administratifs

5.9

Les 655 questionnaires étudiés sont composés de 55.9 % de professionnels appartenant au corps médical et 37.7 % au corps paramédical. 49.2 % des personnes exercent une activité clinique. 39.5 % disent exercer une activité administrative, exclusive ou non d’une activité clinique. 17.4 % des personnes ayant répondu à ce questionnaire disent également être membres d’une association intervenante à l’hôpital.

Parmi les professionnels appartenant au corps médial, 35.2 % exercent également une activité administrative, 72.4 % ont une activité clinique et 21 % d’entre eux sont membres d’une association.

Parmi les professionnels appartenant au corps paramédical, 40.1 % exercent une activité administrative, 23.5 % ont une activité clinique et 13.8 % d’entre eux sont membres d’une association.

De façon générale, on peut admettre que 84.6 % des enquêtés sont des professionnels de l’hôpital.

Tableau 2 : services de travail des répondants

 

Service de travail

Pourcentage %

psychiatrie

11.3

service administratif

7.6 

anatomopathologie

5.9

gériatrie

5.9

service de médecine

5.6

rééducation fonctionnelle

5

urgences

pédiatrie

4.3

gynécologie

4.3

chirurgie

4

Divers : radiologie, cardiologie, chirurgie digestive, orthopédique, hépato-gastro-entérologie, médecine interne et neurologie

En ce qui concerne la loi du 4 mars 2002, 2.7 % des enquêtés affirment ne pas du tout connaître son contenu, 42.3 % déclarent la connaître mais sans en avoir lu précisément son contenu. Enfin, 55.1 % disent, en revanche, avoir lu le texte de la loi.

 

à 1. L’information de la personne malade

1.1. - L’information par le soignant

Pour 60% des enquêtés, l’attention qu’ils portent à l’information de la personne malade n’a pas changé du fait de la loi du 4 mars 2002. En revanche, 31% d’entre eux disent porter une attention différente à l’information de la personne malade du fait, précisément, de la loi du 4 mars 2002. Enfin, 9% des enquêtés disent avoir évolué dans l’attention qu’ils portaient à l’information, cela pour d’autres raisons. Parmi celles-ci, notons l’instauration d’une démarche personnelle ou institutionnelle (ayant précédé la loi du 4 mars 2002) respectivement pour 19.3 % et pour 22.8 % (d’entre les professionnels ayant porté une attention différente à l’information pour une autre raison que la loi du 4 mars 2002), la réponse à une demande de plus en plus importante émanant des personnes malades pour 15.8 %, une attention surtout portée sur l’écrit pour 7 %, le constat d’une certaine " judiciarisation " des pratiques pour 3.5 % des enquêtés.

La loi du 4 mars 2002 précisant, comme indiqué dans l’article L.1111-2 du Code de santé publique, que " l’information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences ", nous avons demandé à ces mêmes professionnels de santé si, au sein de leur équipe, le rôle de chacun concernant l’information de la personne malade était établi de manière explicite.

51.3 % des personnes nous ont répondu positivement, tandis que 36 % ont répondu négativement. Sur notre échantillon, la différence apparaît de façon significative. Notons, parmi les précisions apportées par les enquêtés, les éléments suivants : le rôle de chacun est formalisé — soit par écrit (11.6 %), soit par oral (4.6 %). Ce n’est pas le cas par écrit pour 24.1 % des enquêtés. Il existe par ailleurs un rappel régulier des rôles de chacun pour 4.5 % des personnes interrogées. D’autres nous indiquent que le rôle d’information de la personne malade incomberait au médecin seul (17.4 %) ou que le rôle de chacun n’est pas formalisé mais qu’il s’adapte en fonction des compétences de chacun des membres de l’équipe de soin (50.2 %), enfin que cette complémentarité est parfaitement revendiquée pour 2.5 % des enquêtés ou même que le rôle est formalisé sur quelques sujets (3.3 %).

L’obligation d’information avant tout acte ou investigation suppose de prendre en compte de nombreux éléments comme l’information sur les risques, les éventuels bénéfices, les conséquences prévisibles en cas de refus ou les alternatives. Les deux principales modalités d’information — orale et écrite — sont utilisées de façon diverse par les professionnels.

Les données recueillies sont présentées dans les tableaux 3 et 4 suivants.

Tableau 3 : modalités de l’obligation d’information avant toute investigation

 

Type d’information

Par oral

Par écrit

Utilité dans la démarche

77.1 % toujours

7.1 % toujours

42 % jamais

Conséquences prévisibles en cas de refus

75.5 % toujours

15.5 % toujours

36.6 % jamais

Risques que comporte l’investigation

58.4 % toujours

8.8 % toujours

39.4 % jamais

Conséquences prévisibles de sa réalisation

64.5 % toujours

7.6 % toujours

42.7 % jamais

Alternatives

61.3 % toujours

5.2 % toujours

49.5 % jamais

Degré d’urgence de sa réalisation,

78.1 % toujours

6.6 % toujours

49.2 % jamais

Précisions : tentatives de notification écrite ou de " fiche de consentement éclairé " ; l’information incomberait au médecin seul ; l’information dépend de la nature même de l’examen ; obligation bien instituée dans certaines spécialités comme la génétique ou la recherche ; le courrier au médecin traitant participe à cette obligation ; la capacité de discernement ou de compréhension varie suivant les personnes malades ; des essais sont pratiqués dans les services sur les diverses modalités de l’écrit ; informations disponibles sur Internet.

 

Tableau 4 : modalités de l’obligation d’information avant tout acte ou prescription des professionnels

 

Type d’information

Par oral

Par écrit

Bénéfices escomptés

71.3 % toujours

5.7 % toujours

48.9 % jamais

Risques éventuels

55.1% toujours

8.4 % toujours

43.7 % jamais

Conséquences de la réalisation

63.5 % toujours

6.9 % toujours

45.4 % jamais

Autres solutions possibles

52.5% toujours

5.7 % toujours

44.4 % jamais

Degré d’urgence

90.1 % toujours

6.2 % toujours

41.8 % jamais

Conséquences en cas de refus

80.1% toujours

23.3 % toujours 35.2 % jamais

Précisions : les informations de ce type incombent uniquement au médecin ; l’état de conscience a un impact important sur la manière d’informer et la quantité d’informations ; la capacité de discernement varie suivant les personnes malades ; existence de notification écrite, de " fiche de consentement éclairé " ; essais sur l‘écrit ; obligation déjà instituée dans les domaines de la génétique et de la recherche ; invitation à se renseigner sur Internet.

 

Cette " obligation d’information " avant tout acte ou toute investigation n’est pas sans entraîner des difficultés dans sa mise en œuvre.

Parmi ces difficultés, notons de façon prédominante : le manque de temps et de moyens pour 31.4 % des professionnels interrogés, l’incertitude quant à la compréhension du patient pour 28.1 %, certains états de santé (vulnérabilités) qui constitueraient des barrières effectives à la communication (11.1 %), l’obligation d’information qui renforcerait l’anxiété des patients (10.1 %), l’information pourrait être plus nuisible que bénéfique pour la personne malade (6.3 %), la nature même de la pathologie pour laquelle il est nécessaire d’adapter l’information (4.6 %), l’absence de protocoles d’information écrits (3.8 %), certains professionnels (3.8 %) répondent à l’obligation d’information par le fait qu’il est proprement impossible de tout dire, la multiplicité des interlocuteurs parmi les professionnels de santé pose problème pour 3.5 % de ces mêmes professionnels — à savoir qui doit informer et comment—, certains questionnent l’aptitude des soignants à informer (3.2 %), la difficulté exprimée de trouver ce que l’on pourrait qualifier de " juste milieu " pour ce qui concerne le contenu de l’information (3.1 %,) et, entre autres précisions, le constat d’une certaine réticence des patients à être informés, des facultés intellectuelles constituant parfois des barrières à la communication, tout comme la langue ; enfin, les professionnels notent des difficultés s’agissant de la traçabilité de l’information.

Au-delà de la loi de 4 mars 2002, nous avons souhaité questionner les professionnels de santé sur d’autres types de " contraintes " dans leur pratique quotidienne et, notamment, si, de la part des personnes malades et de leur entourage, des demandes d’information sont de plus en plus perceptibles. On peut constater que pour 46.3 % des personnes interrogées n’ont pas été notées de différences de demande d’information de la part des personnes malades, tandis que 44.0 % des enquêtés constatent plutôt une augmentation des demandes. Nous observons, en revanche, qu’uniquement 0.2% des personnes interrogées ont évoqué une diminution des demandes. Plus précisément, 9.2 % des enquêtés constatent un phénomène de curiosité soulevée par la loi (phénomène d’induction) du fait d’une importante médiatisation, 4.3 % précisent que l’augmentation concerne la qualité des informations plutôt que la quantité, 2.6 % pensent que cette demande d’information reflète un besoin de participation à la décision de soin de la part des personnes malades, enfin 2.3 % constatent une demande plus importante sur l’accès au dossier médical. Pour 83 % des personnes ayant constaté une augmentation des demandes d’information de la part des personnes malades, celle-ci serait principalement due à l’inquiétude des personnes malades. Concernant l’inquiétude des personnes malades, 5 % des enquêtés considèrent qu’en réponse à l’inquiétude ainsi exprimée, le fait de savoir tend à rassurer, 2.7 % précisent que cette inquiétude s’apparente en fait à une peur des complications.

En ce qui concerne l’entourage, 35.4 % des enquêtés notent une relative stabilité quant à leurs demandes d’information. En revanche, 53.4 % des personnes interrogées constatent une augmentation de la demande d’information de la part de l'entourage. D’autres éléments viennent préciser ces données : 5.9 % considèrent que cette demande d’information procède en fait de l’exercice d’un droit absolu de savoir dont se prévalent certaines familles ; 5.2 % des enquêtés précisent ici la relative médiatisation de la loi et un phénomène inducteur qu’il faut prendre en compte dans l’analyse ; 4.1 % constatent une méfiance des familles à leur égard ; 2.1 % précisent que cette demande se concentre plutôt sur les traitements ou les alternatives thérapeutiques, 1.7 % plutôt pour le diagnostic ou le pronostic ; enfin 1.8 % constatent une demande plus importante dans les services de gériatrie ou de pédiatrie. 85.1 % des personnes interrogées attribuent cette augmentation à l’inquiétude de l’entourage. À l’instar des personnes malades, uniquement 0.3 % des enquêtés notent une diminution de la demande d’information de la part de l’entourage. Sur le plan de l’inquiétude, 3.9 % relient celle-ci au pronostic d’un diagnostic grave, 2.3 % attribuent cette inquiétude à la revendication d’un droit absolu à l’information, 1.4 % ressentent plutôt une culpabilité de la famille, comme par exemple lors des hospitalisations sous contraintes.

85.5 % des personnes interrogées disent s’assurer de la compréhension par la personne malade de l’information qu’elles leur délivrent. Ainsi, 63.9 % des enquêtés demandent à la personne malade si elle a bien compris, 44.1 % reformulent leurs propos et 28.7 % recourent aux deux approches. Plus précisément, 28.5 % reformulent, 22.3 % font répéter, 17.5 % posent des questions, 16.1 % argumentent par le dialogue, la parole (réflexions d’ordre général), 12 % en demandant à la personne malade si elle a bien compris, 9.3 % en répétant, enfin 6.2 % en simplifiant et ce en recourant, par exemple, à des schémas.

Sur un plan pratique, 56.9 % des enquêtés font état d’une augmentation de la durée des consultations, 28.2 % notent une augmentation de la fréquence de la demande d’un deuxième avis et 33.4 % constatent un plus grand nombre d’appels téléphoniques émanant des personnes malades.

Si la loi du 4 mars 2002 parle de " risques fréquents ou graves normalement prévisibles ", les enquêtés disent informer des risques " fréquents " (9.8 %), " mortels" (10.9 %), " iatrogènes " (13.7 %), " liés aux refus de soin " (7.6 %), parfois de " tous les risques "(7.8 %), ou simplement des effets secondaires des médicaments(14.6 %), des infections nosocomiales (3.5 %), de l’évolution de la maladie (4.1 %). Enfin le plus grand nombre informent d’un risque spécifique lié à un acte ou une pathologie (24.3 %).

Tableau 5 : Sources dont disposaient les enquêtés pour informer sur les risques

 

sources d'informations 

pourcentage

Littérature médicale 

44.3

Expérience professionnelle 

24.7

Sollicitation d'avis spécialisés d'autres médecins

13.1

VIDAL®

10.7

Conférences de consensus et autres colloques ou conférences

10.2

Formation médicale continue 

8.8

Protocoles ou fiches des services 

7.1

Informations délivrées par les laboratoires pharmaceutiques

4.1

Organismes consultatifs type ANAES ou AFSSAPS

3.2

Internet 

2.6

Jurisprudence ou Législation

1.7

ANAES : Agence Nationale d’Accréditation et d’Evaluation en Santé

AFSSAPS : Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé

12.7 % des personnes interrogées constatent qu’informer la personne malade des risques avant un acte n’a généralement pas d’effet directement observable sur la personne malade, 46.4 % pensent au contraire que cela l’inquiète, tandis que 42.3 % des enquêtés notent qu’informer des risques avant un acte a plutôt tendance à rassurer la personne malade.

23.1 % nous indiquent que, parfois, cette information peut entraîner des refus de soin. De fait, 12.1 % des enquêtés considèrent que pour chaque patient la réaction est spécifique, son approche étant toujours singulière.

Pour 3.5 % des enquêtés, l’information améliore la confiance de la personne malade envers son médecin, 3.3 % soulignent la nécessité d’une information adaptée.

2.9 % considèrent qu’informer des risques constitue un travail de pédagogie, 2.6 % pensent, qu’en fait, l’information relative aux risques ne rassure que lorsque les risques sont minimaux ; 2.1 % des enquêtés font état de la difficulté, pour les personnes malades, de percevoir ce qu’exprime précisément la balance entre les bénéfices et les risques ; enfin, pour 1.7 % d’entre eux, l’information des personnes malades s’avère favorable à sa guérison et contribue à la compliance au traitement.

L’information relative aux risques représente sans aucun doute un des éléments les plus complexes de ce processus d’obligation d’information. L’analyse des réponses à la question suivante " Pour moi, informer des risques c’est … (compléter la phrase) " est très intéressante.

En effet, 47.8 % des enquêtés la complètent en utilisant un verbe à l’infinitif pour " construire " alors deux grands types de relation avec leurs patients : une relation plutôt paternaliste et une relation plutôt de partenariat.

34.3 % des enquêtés instaurent plutôt une relation du premier type en employant les verbes " prévenir ", " respecter ", " rassurer ", " expliquer ", etc.

En revanche, 14.5 % des enquêtés emploient des verbes qui évoquent une relation de partenariat comme " rendre le patient acteur du soin ou responsable des actes ", " permettre au patient d’exercer un libre choix ", etc.

Par ailleurs, en utilisant un adjectif pour compléter, 4.9 % des enquêtés font état de leur propre appréciation sur l’information des risques : " nécessaire ", " essentielle ", " indispensable ", etc. De même, 4.3 % des enquêtés utilisent des infinitifs pour expliciter ce que constitue en réalité cette procédure d’information : " caractériser l’information la plus complète ", " mesurer le rapport bénéfices / risques ", etc.

Enfin, ils sont 12.7 % à caractériser leur relation de soin comme contractuelle et donc soumise à la confiance d’un des " contractants " à l’autre ou à l’obligation légale de ce type d’informations : " relation de confiance ", " éviter les problèmes médico-légaux ", " se conformer à la législation en vigueur ", " sincérité, honnêteté, transparence ", " une obligation médicale ", " un droit des patients ", etc. Parmi les mots les plus employés, notons que " patient (s) " est cité 131 fois. Notons qu’ " avec " est cité 29 fois, " pour " 33. Quant aux verbes employés : " permettre " : 22 fois, " expliquer " 21, " prévenir " : 19, " choisir " (choix) : 19, " respecter " : 17, " participer " : 11, et " rassurer " :11.

1.2. - La preuve de l’information

La preuve de l’information semble aujourd’hui représenter, pour 59.5 % des professionnels de santé, une véritable préoccupation. Pour 21.5 % des enquêtés, ce n’est pas le cas. Plus précisément, 7.3 % des enquêtés considèrent que la preuve constitue une protection juridique ce qui expliquerait une partie de leurs préoccupations la concernant ; 4.3 % signalent la problématique déjà évoquée de la traçabilité des informations ; 3.3 % considèrent que le devoir d’information relève d’une responsabilité professionnelle indépendante de toute prérogative extérieure ; 2 % des enquêtés soulignent que certaines spécificités — notamment pédiatriques, psychiatriques ou gériatriques — influent sur cette preuve et la rendent parfois plus difficile à élaborer, constituant donc une préoccupation en soi. Enfin 1.5 % soulignent que, parfois, la constitution de la preuve est difficilement réalisable.

66.9 % des personnes interrogées envisagent de prouver par une mention écrite qu’elles ont bien informé la personne malade. Dans ce cas, 89.6 % apposent une mention dans le dossier médical ou infirmier, 13.9 % apposent une mention écrite par la personne malade dans son dossier médical, 44.3 % disposent d’une fiche standardisée signée par la personne, 47.6 % rédigent un courrier au médecin traitant, enfin 8.1 % recourent à d’autres solutions. Cela indique la difficulté ressentie par les professionnels devant cette obligation de preuve de l’information. Ils recourent aussi à l’information orale en présence d’un tiers (pour 37.1 %), au courrier dicté en présence de ce tiers (5.7 %) et à la remise d’un schéma opératoire explicatif (2.8 %).

La loi du 4 mars 2002 fixe que, en cas de dommage imputable à une activité de diagnostic, de soin ou de prévention, le professionnel prenne contact avec la personne malade qui en est victime pour l’informer des circonstances à l’origine de ce dommage. Remarquons qu’ils sont 45.8 % à y satisfaire systématiquement et 14.5 % seulement quelquefois.

1.3. - Refus et limitation de l’information

25.6 % des enquêtés affirment avoir été confrontés à des refus émis par des personnes malades d’être informées. À cet égard, les personnes interrogées notent que cela tient parfois au déni de la pathologie (17.9 %) ou révèle une confiance absolue conférée au soignant (10.1 %). D’autres précisions soulignent l’importance, en ces circonstances, de la famille (qui refuse parfois que l’on informe la personne malade pour 1.2 % des enquêtés) et la nécessité de prendre en compte les capacités de discernement (5.3 % notamment en psychiatrie) ou simplement de compréhension des malades (3.6 %). Notons également que l’angoisse peut être à l’origine d’un refus (4.8 %) ou certaines situations complexes comme la fin de la vie (2.4 %).

Dans certains cas, 69.9 % des enquêtés disent avoir limité spontanément l’information, notamment pour ce qui concerne des diagnostics graves (44.5 %), du fait de l’inquiétude de la personne malade (52.6 %) ressentie parfois en raison d’une stratégie d’évitement de la personne malade (41.5 %), parfois émanant d’une demande de la famille (49.3 %). Notons que cette limitation est souvent consécutive à une évaluation de l’aptitude de la personne malade à comprendre (10 %) ou de l’état de santé considéré comme incompatible avec l’annonce d’une information parfois traumatisante (6.5 %). Aussi certains enquêtés ressentent parfois la nécessité de différer l’information, de l’étaler dans le temps plutôt que de procéder à annonce brutale (7.2 %), ou considèrent que cette information sera plus nuisible que bénéfique pour la personne malade (5.2 %). 3.5 % des enquêtés limitent parfois l’information à la demande même des personnes malades ; 2.2 % s’en remettent plutôt aux proches pour délivrer certaines informations. 1.7 % des professionnels de santé reconnaissent que cette limitation de la mise à disposition de l’information est parfois consécutive à une décision d’équipe. Enfin, 1.5 % des enquêtés limitent leur information uniquement s’agissant du pronostic.

1.4. - Partage de la décision, refus de soin et responsabilité

Pour 87.2 % des personnes interrogées, le patient est un partenaire de la décision de soins. Elles ne sont que 1.8 % à penser le contraire. Cette revendication de partenariat dans le soin situe le patient non plus comme un objet passif du soin mais plutôt comme un acteur du soin et de la décision. Les enquêtés soulignent que ce dernier doit " adhérer " au processus de soin (2.1 %), qu’interviennent des périodes de " négociations " avec la personne malade pour 7.9 %. Considérer la personne malade comme un partenaire dans le soin constitue l’expression d’un respect à son égard selon 4.3 % des enquêtés. Plus encore, pour 3.1 % des enquêtés — et cela dans la logique du texte de loi — la personne malade est reconnue dans sa faculté de prendre la décision finale. 2.6 % des professionnels de santé constatent que le partenariat dans le soin contribue au processus de soin et même à la guérison. Enfin, 2.1 % des enquêtés soulignent la nécessité de recourir parfois à des tiers médiateurs. C’est tout particulièrement le cas en psychiatrie, en pédiatrie ou dans les situations dites palliatives.

79.4 % des personnes interrogées affirment avoir été confrontées à des refus de soin, principalement lorsque la personne malade ressent un " acharnement thérapeutique " (31.6 %) ou du fait de ses convictions ou croyances (36.1 %). D’autres motifs de refus de soin sont opposés aux professionnels de santé : altération de la qualité de vie (13.3 %) ; mauvaise compréhension des informations (11.9 %) ; un risque considéré comme excessif (9.2 %) ; un refus de s’alimenter (7.5 %) ; une douleur (7.1 %) ; un déni de la pathologie (4 %) ; une intolérance au traitement (2.5 %) ; enfin la peur peut être à l’origine d’un refus de soin (1.3 %). Dans 1.7 % des réponses, le refus de soin exprime le besoin d’une fin de vie plus " digne ". À noter que des spécificités d’ordre psychiatrique entraîneraient des altérations importantes du discernement à l’origine de refus de soin (7.5 %). Pour 8.3 % des enquêtés le motif n’a pas été cerné.

Pour 74 % des personnes interrogées, ces refus ne sont pas en augmentation depuis la loi. En revanche, ils sont 6.1 % à constater le contraire. Dans le cas d’un refus de soin, 71.3 % des enquêtés tentent toujours ou le plus souvent de convaincre la personne malade, et ce même en l’absence de danger pour sa vie. Plus précisément, 5 % des enquêtés essaient toujours de convaincre lorsqu’ils considèrent qu’existe un réel bénéfice pour la personne malade ; 3.7 % considèrent, au contraire, que si l’information est comprise, il est inutile de persévérer.

Plus généralement, 62.6 % (différence significative) des personnes interrogées considèrent la personne malade comme responsable à part entière dans la prise de décision. Pour certaines personnes, cela relève de la faculté de compréhension de la personne malade. D’autres craignent qu’une telle position puisse conduire à une déresponsabilisation des médecins. Parmi les 20.9 % des professionnels qui s’opposent à la prise en compte de la seule décision de la personne malade, il revient au médecin d’assumer de manière exclusive cette responsabilité (2.9 %). De même, le rôle non négligeable joué ici par les familles est souligné (3 %). 12.2 % des enquêtés constatent que la responsabilité à part entière de la personne malade dans la décision de soin ne peut que difficilement s’envisager si l’état de santé n’est pas compatible avec la compréhension des informations, notamment en psychiatrie ou en pédiatrie. 9.9 % soulignent justement que cette responsabilité dépend de la compréhension — au sens large du terme — qu’a acquise la personne malade de la nature de sa pathologie et de l’enjeu de la prise de décision. 7.6 % des enquêtés signalent des difficultés à assumer ce type de responsabilité pour des considérations d’ordre familial, social ou religieux. 6.1 % s’interrogent s’agissant de la responsabilité susceptible d’être assumée par une personne hospitalisée sous contrainte. 4.5 % considèrent que cette responsabilité constitue une aide dans la démarche de soins. 3.3 % estiment, au contraire, que la personne malade ne possède tout simplement pas les compétences nécessaires pour effectuer un choix dit " éclairé ".

 

à 2. La personne de confiance

2.1. - La désignation de la personne de confiance

Pour 51 % des enquêtés, la désignation de la personne de confiance peut être envisagée lors de l’admission, tandis que 50.4 % d’entre elles indiquent que la désignation de la personne de confiance peut (également) être faite en cours d’hospitalisation. Un peu moins de la moitié des enquêtés (47.8 %) affirment que les personnes malades ne sont pas informées de la possibilité de désigner une personne de confiance.

20.3 % des personnes interrogées indiquent que la possibilité de désigner une personne de confiance est évoquée systématiquement pour toute personne hospitalisée, tandis qu’elles sont 33.1 % à indiquer que cette possibilité n’est offerte que pour certaines personnes. Dans ce dernier cas, 73.7 % si l’on constate l’absence de proche, 74.7 % en cas de perte d’autonomie envisagée. Lorsque la possibilité de désigner une personne de confiance est proposée, dans 10.1 % des cas c’est le service des admissions qui la présente, dans 39.5 % des cas le service d’hospitalisation et, enfin, dans 10.8 % des cas le médecin en consultation. 6.6 % des enquêtés conçoivent d’autres possibilités : 34.1 % évoquent le médecin lors de visites ou contre-visites, 47.7 % l’entretien d’accueil infirmier, 9.1% la secrétaire à l’occasion de la consultation, 9.1% l’unité de lutte contre la douleur ou les professionnels du secteur médico-psychologique ; enfin, pour 4.5% une association.

Pour 46.3 % des personnes interrogées, la désignation de la personne de confiance est consignée par écrit ; 18.2 % des enquêtés déclarent toutefois que ce n’est pas le cas dans leur établissement. Dans le cas où la désignation de la personne de confiance serait faite par écrit, cela est le cas pour 58.4 % des enquêtés qui la mentionnent sur le dossier médical, 37.3 % sur un document spécifique et pour 8.6 % des enquêtés en utilisant les deux supports. Plus précisément, 25.1 % des enquêtés indiquent que cette consignation apparaît sur le dossier infirmier, 0.9 % sur le dossier administratif, 0.9 % sur le livret d’accueil, 0.6 % sur le courrier au médecin traitant.

49.9 % des enquêtés indiquent que la désignation de la personne de confiance ne fait pas l’objet, dans leur établissement, d’une procédure spécifique.

En cas de désignation, 53.0 % des personnes interrogées indiquent que la personne désignée est un membre de la famille, 16.3 % un proche non-membre de la famille et 13.9 % un médecin. 2.1 % évoquent d’autres personnes : 73.9% des tuteurs pour les incapables majeurs, 21.7 % un ami. 8.7 % posent la question de la différence entre personne de confiance et personne à prévenir. Enfin quelques psychiatres ont constaté la désignation… d’un autre patient.

La qualité de proche semble constituer l’aspect le plus important qui intervient dans cette désignation (55 %). Suivent l’éventuelle position de professionnels de santé (13.1 %) et l’activité associative dans le domaine de la santé (2.9 %). 30.1 % des enquêtés indiquent, par ailleurs, que parfois une personne hospitalisée ne sait pas qui désigner comme personne de confiance.

2.2. - Le rôle de la personne de confiance

La personne de confiance est intervenue, pour 23.7 % des enquêtés, pendant les consultations ; pour 42 % des enquêtés, cette dernière est intervenue lors de l’hospitalisation, et de façon prioritaire lors des échanges avec les soignants (91.6 %). Notons que, pour 25.8 % des enquêtés, la personne de confiance est intervenue au cours de procédures administratives. Dans ces cas-là, 18.9 % concernent les admissions ou les sorties ; 7.1 % sont intervenues dans la recherche d’établissements de moyen ou long séjour ; 7.1 % lors des discussions concernant les protections juridiques ; enfin 2.4 % en cas de perte d’autonomie. Pour 16.2 % des enquêtés, la personne de confiance est intervenue lors de plaintes (administratives ou judiciaires).

2.3. - Difficultés observées avec la personne de confiance

20.8 % des enquêtés ont été témoins de situations conflictuelles impliquant une personne de confiance. La plupart de ces conflits opposaient la personne de confiance et le personnel soignant (82.4 %), la personne de confiance et l’administration (33.8 %), la personne de confiance et une autre personne (par exemple, autre membre de la famille, etc.) (34.6%) et, dans une moindre mesure, la personne de confiance et la personne malade (2.2 %).

2.4. - La présence d’un nouveau tiers

Si pour 10.7 % des enquêtés, l’intervention de la personne de confiance n’a jamais posé de problèmes, la présence de ce tiers dans l’exercice de l’activité de soin n’est pas sans poser quelques difficultés : certains professionnels évoquent une intrusion inutile au minimum, voire parfois une source de complications (3.9 %). Notons cependant des remarques plutôt positives : aide précieuse notamment en cas de vulnérabilités (7.5 %), tiers aidant dans la reformulation de l’information (3.2 %), soutien pour une meilleure adhésion au soin (2.9 %), parfois médiateur face à des situations conflictuelles (2.3 %). Certains considèrent même cette innovation comme indispensable. D’autres n’arrivent pas à déceler la réelle évolution que constitue cette personne de confiance (10.3 %) et, notamment, la différence avec la famille ou les proches. Enfin, certains (2.4 %) évoquent l’absence de recul pour évaluer son impact véritable.

à 3. Le dossier médical

3.1. - Le support

Pour 93.9 % des personnes interrogées, le support du dossier médical se présente, aujourd’hui encore, sous forme papier avec, dans 21.4 % des cas un début d’informatisation, complémentaire à la version papier. Pour 34.6 % des personnes, le support du dossier médical a changé (ou est en projet de modification) du fait de la loi du 4 mars 2002. 22.7 % précisent que ces changements font partie d’une démarche qualité plus vaste ; 36.4 % évoquent la mise en place d’un dossier unique.

En ce qui concerne le dossier infirmier, 92.7 % des enquêtés nous indiquent que son support est toujours papier avec un début d’information, mais de façon plus faible que le dossier médical : 9.8 %. Pour 30.7 % des enquêtés, le support du dossier infirmier a changé (ou est en projet de modification) du fait de la loi du 4 mars 2002.

3.2. - Le contenu

60.0 % des personnes interrogées nous indiquent que le contenu du dossier médical, dans leur établissement, est standardisé. Cette formalisation fait l’objet d'une fiche technique dans 26.6 % des cas. Certains documents sont séparés du dossier pour 32.7 % des enquêtés. Cela concerne principalement les examens complémentaires (53.7 %), les notes personnelles (32.2 %), les informations recueillies auprès de tiers ou concernant des tiers (21.5 %), et, enfin, les observations des étudiants hospitaliers (7.5 %). 19.1 % des enquêtés disent limiter ce qu’ils écrivent dans le dossier médical toujours ou souvent. Parmi les précisions apportées, notons que 25.6 % des enquêtés limitent ce qu’ils écrivent par soucis de lisibilité et d’objectivité du dossier, 24.8 % mettent à part du dossier médical leurs notes personnelles, 19.2 % limitent certaines données confidentielles à la demande des patients ou de la famille, 18.4 % limitent ce qu’ils écrivent dans le dossier médical en raison précisément de la possibilité d’accès direct par le malade, 16.8 % en viennent à limiter ce qu’ils écrivent pour ne pas susciter des difficultés avec les patients ou les ayant droits, 16 % souhaitent se protéger d’éventuelles plaintes par ce biais, 15.2 % pour les informations recueillies auprès de tiers ou concernant des tiers, 6.4 % en psychiatrie, 5.6 % en raison d’un manque de temps, enfin 2.4 % des enquêtés ne souhaitent pas mentionner des problèmes sociaux et familiaux dans le dossier médical. 73.9 % des personnes interrogées nous indiquent que le dossier infirmier est standardisé. Cette formalisation fait l’objet, pour 42.6 % des enquêtés, d’une fiche technique.

3.3. - La communication au patient

65.8 % des personnes interrogées ont été confrontées à des demandes de communication directe et 45.6 % par l’intermédiaire du médecin traitant. Pour 47.8 % des enquêtés, la communication du dossier médical s’effectue sur place, 45.4 % par envoi postal. Parmi les précisions apportées, 55.9 % des enquêtés font état de l’existence d’un protocole formalisé, 23.8 % de l’organisation d’un rendez-vous entre le directeur et la personne concernée, et 20.2 % l’établissement photocopie les éléments demandés et les remet directement à la personne.

Les enquêtés constatent, pour 9.6 % d’entre eux, que, toujours ou souvent, la nécessité d’une formulation par écrit de la demande pose problème à la personne malade. 29.8 % des enquêtés nous indiquent que lorsqu’elle prend connaissance de son dossier, la personne hospitalisée est accompagnée. Dans ce cas, il s’agit d’une personne du service pour 31.3 % des personnes interrogées (en majorité un médecin 84.9 % voire le chef de service 41 %), et, dans une moindre mesure, du conciliateur médical 8.9 %, un(e) infirmièr(e) (14.6 %), ou exceptionnellement le directeur de l’hôpital (2.6 %) ou un étudiant en médecine (1 %).

55.1 % des personnes interrogées font état de la mise en place d’une organisation spécifique destinée à cette communication. Parmi les précisions apportées sur cette organisation, 76.7 % nous indiquent que celle-ci est mise en place au niveau de la direction de l’hôpital, 25.4 % au service des archives, 10.3 % à la commission de conciliation, 8.8 % au département d’information médicale, 3.8 % au secrétariat médical de chaque chefferie de service.

Les motivations principales des personnes hospitalisées à accéder à leur dossier sont, par ordre décroissant selon le nombre de réponses positives obtenues :

 

  • la volonté de lire les informations les concernant (55.4 % de réponses positives à cet item) ;
  • la demande d’un autre avis médical (33.7 %) ;
  • parce qu’un autre médecin en a besoin (33.6 %) ;
  • pour le conserver chez soi (33.6 %) ;
  • la demande d’une compagnie d’assurance (23.8 %). Précisions apportées : rassure les ayant droits ; en cas rupture dans la relation de confiance voire menace de procès ; pour bénéficier d’une meilleure compréhension) ;
  • un contentieux (23.1 %) ;
  • un changement de domicile (16.9 %) ;
  • un autre interlocuteur (8.9 %) : autre médecin traitant, un expert médical ou un autre établissement de soins ;
  • la médecine du travail (7 %) ;
  • une banque (3.2 %) ;
  • un employeur (1.2 %).

23.7 % des personnes interrogées affirment que certaines personnes malades font l’objet de pressions qui les contraignent à demander leur dossier. Parmi les précisions apportées par les personnes interrogées, 52 % évoquent la famille ou l’entourage, 29.6 % les assurances, 20 % une certaine judiciarisation des pratiques et 5.6 % un autre médecin traitant.

3.4. - La perception de la communication du dossier médical par les professionnels de santé

57.4 % des enquêtés considèrent que la communication du dossier médical, au titre de la loi du 4 mars 2002, s’avère représenter une activité nouvelle. Parmi les précisions apportées, notons principalement : une augmentation de la charge de travail ; une activité nouvelle dans la mesure où les modalités ont changé : cette nouvelle activité oblige, dans un certain sens, à plus de rigueur professionnelle ; le dossier médical est devenu ainsi une entité complète, exhaustive.

33.1 % des professionnels interrogés considèrent que cette communication a une influence — positive ou négative (respectivement 12.9 et 23 %) — sur le climat de confiance. Parmi les précisions apportées, notons de la part des professionnels de santé un sentiment de suspicion, de culpabilisation de la famille avec une véritable détérioration de la relation de confiance. Certains considèrent même que cet accès direct est significatif d’un manque de confiance ; d’autres, au contraire, qu’il reflète une évolution favorable du rapport de confiance.

45.3 % des personnes interrogées font état d’une tâche de travail accentuée du fait des procédures de communication. 25.3 % des enquêtés indiquent également avoir été confrontés à des problèmes à cette transmission. Parmi les précisions apportées : 29.5 % insistent sur le manque de moyens humains et financiers, 11.4 % s’interrogent sur le contenu à transmettre, 8.4 % évoquent le problème de la conservation des documents, 5.4 % éprouvent des difficultés liées au respect du délai légal de communication.

27.0 % des enquêtés considèrent que le secret médical peut être toujours préservé lors de la communication médicale. 30.1 % pensent, au contraire, que cela n’est pas toujours possible. Parmi les précisions apportées, les enquêtés évoquent le risque d’utilisation par des tiers du contenu du dossier, la multiplication des intervenants, etc.

Enfin, 31.6 % des enquêtés mentionnent le respect du délai légal de communication du dossier dans leur établissement.

Discussion

La diffusion spécifique de cette enquête explique sans aucun doute les caractéristiques de la population étudiée et des réponses obtenues puisque les questionnaires ont été principalement diffusés auprès des chefs de service et cadres de santé des différents services de chaque hôpital. La moitié sont des médecins, souvent chefs de service, 30 % sont des cadres de santé — en effet, 40 % des enquêtés disent exercer une activité administrative en complément ou non de leur activité clinique — et les autres enquêtés sont représentatifs de différents secteurs d’activités professionnelles.

La proportion de professionnels ayant lu (au moins en partie) la loi du 4 mars 2002 (55 %) n’est évidemment pas transposable à l’ensemble de professionnels hospitaliers, ce qui constitue ici un biais de sélection de notre enquête : ne répondent le plus souvent à ce type d’enquête non systématique que les personnes déjà sensibilisées au champ d’investigation concerné. Cette donnée sera prise en compte dans l’analyse exhaustive des questionnaires et la présentation des résultats.

À l’analyse, on constate la part déterminante que prennent désormais les notions de partenariat, de négociation, de responsabilité partagée dans le soin. Il s’agit là d’une évolution au regard d’une conception traditionnelle du paternalisme médical contestée par une exigence d’autonomie progressivement reconnue à la personne malade. Les professionnels de santé considèrent toutefois que la responsabilisation procède nécessairement de la qualité de l’accueil, de la disponibilité, de l’écoute, de l’information, de la communication mais aussi de la prise en compte des difficultés auxquelles sont confrontées les personnes malades. Les attentes toujours singulières de la personne tout comme les situations de vulnérabilité individuelle justifient des approches qui ne peuvent pas en toutes circonstances se satisfaire de règles générales.

L’accès à l’information dans le cadre d’une communication favorisant l’échange de savoirs doit tenir compte de nombre de variables, comme, par exemple, la volonté et la faculté de s’approprier une information en l’occurrence jamais anodine ou indifférenciée dès lors qu’elle porte à conséquences.

Les professionnels doivent acquérir une culture de la concertation et de la délibération à hauteur des exigences auxquelles ils sont confrontés, de telle sorte que les évolutions législatives ne soient pas considérées seulement comme des contraintes mais comme l’opportunité d’une nouvelle approche de la relation de confiance avec la personne malade et ses proches. De ce point de vue, la personne de confiance est susceptible, si nécessaire, de contribuer à une médiation. C’est tout particulièrement le cas dans les circonstances les plus délicates.

La responsabilité de décider ensemble d’une option thérapeutique, voire d’une limitation des traitements, engage à la détermination de procédures envisagées de manière collégiale. On constate que la décision relève de la responsabilité dont les médecins s’estiment investis et qu’ils sont prêts à assumer en dépit de certaines évolutions jurisprudentielles.

C’est dire que les professionnels de santé partagent, plus qu’on ne le pense parfois, des valeurs et un sens résolu de leurs missions, et qu’il conviendrait donc d’éviter que la loi du 4 mars 2002 soit considérée comme le seul énoncé de droits imposant des devoirs incitant à renoncer à l’exigence de discernement, voire à un désinvestissement.

L’accès direct aux informations détenues par les professionnels de santé relève d’une pratique qui s’impose. Encore semble-t-il nécessaire de favoriser l’exercice de cette faculté proposée à la personne malade par la mise en place de dispositifs adaptés aux conditions de l’exercice professionnel.

La loi du 4 mars 2002 rassemble dans un texte de loi des éléments très variés qui renvoient aux bonnes pratiques professionnelles, à l’éthique et la déontologie. De ce point de vue, sa mise en œuvre constitue un indicateur de l’évolution qui intervient dans le champ du soin.

Les résultats que permettra de présenter fin 2004 l’analyse exhaustive de cette enquête nationale pourront contribuer à l’identification des avancées constatées et des difficultés à surmonter. Un suivi est prévu dans les prochaines années de manière à ce que la transposition de cette législation dans les pratiques hospitalières et du soin constitue un mode d’observation des évolutions intervenant dans le cadre de la relation de soin mais aussi du point de vue de la qualité même du système de santé.

 

Annexe

La loi du 4mars 2002 relative aux droits du malade et à la qualité de prise en charge marque une évolution dans la relation patient-professionnel de santé :

- le patient est un partenaire incontournable dans la décision médicale, son consentement éclairé doit être obtenu,

- il doit bénéficier d’une information de qualité,

- il a droit à l’accès au dossier médical,

- respect du secret professionnel.

Les autres points développés par cette loi sont :

- La solidarité envers les personnes handicapées

- L’amélioration du système de santé,

- La réparation des conséquences des risques sanitaires.