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Hiver2006 - Vol.08. No. 01

Les conditions d'une professionnalisation par la recherche en formation initiale

Françoise Cros
Professeur des Universités en sciences de l’éducation au Centre de recherche sur la Formation au CNAM (Conservatoire national des arts et métiers) de Paris. Françoise Cros a été successivement directeur adjoint à l’IUFM de Versailles, responsable de la formation des formateurs et de la recherche en formation, chercheur à l’Institut national de recherche pédagogique (INRP) et directeur de recherches à l’Université de Paris V. Ses objets de recherche sont : le projet d’établissement, l’innovation en éducation et en formation, la formation des enseignants, la professionnalisation par la recherche.

 

 

 Résumé de l’article La professionnalisation par la démarche de recherche est de plus en plus utilisée par les organismes de formation professionnelle aussi bien initiale que continue. Cet article tente d’analyser les composantes et les conditions d’existence d’une telle recherche. En quoi la recherche est-elle professionnalisante et quelles seraient les conditions pour qu’elle le soit ? Plusieurs dimensions sont à l’œuvre comme la formation en alternance, la pluralité des formateurs et le déroulement d’un tutorat, la production de savoirs qui ne sont ni théoriques ni d’action mais en relation avec des représentations nouvelles des possibilités offertes par la pratique et, enfin, le passage par une obligation d’écriture publique dont les caractéristiques se nichent dans le métissage. Cet article prend comme exemple la mise en place du mémoire professionnel en formation initiale des enseignants, la formation professionnelle initiale présentant des caractéristiques plus fragiles face à ce genre de formation.  Mots clés :  professionnalisation, recherche professionnelle, formation initiale, mémoire professionnel, recherche  Introduction Ces vingt dernières années, une manière de former les gens passe par la recherche, sans que l’on sache bien en quoi cela consiste. Il s’agit, le plus souvent, de formation professionnelle continue où le formé est mis en position de questionner sa pratique et de la revisiter à la lumière d’une instrumentation empruntée à la recherche. Le dispositif lui-même se compose d’une formation en alternance, où la personne continue à travailler sur son terrain professionnel tout en prenant de son temps pour rencontrer des formateurs et d’autres personnes en formation. Le formé a une expérience de son métier et en connaît les ficelles. La démarche de recherche, ou dite comme telle, consiste à interroger verbalement cette pratique en la passant au crible de la raison graphique et d’une prise de données objectivables voire parfois à l’aune des filets d’un processus proche de l’expérimentation sociale.  Est-on vraiment sûr qu’une telle formation améliorera la pratique du professionnel ? Qu’elle lui confère autorité pour s’exprimer (quelqu’un qui fait de la recherche est un être détaché d’un terrain jugé le plus souvent aveugle) pour se faire reconnaître (il a obtenu un diplôme certifiant une expérience de recherche) voire prétendre à une promotion professionnelle (il est au-dessus du « panier » puisqu’il est capable de juger voire de convoquer des savoirs théoriques parfois complètement abscons pour ses collègues…), est chose évidente, mais sur les performances de pratique, qu’en est-il ? Bref, une sorte de « mode » remplit progressivement les champs professionnels liés au social qui invite toute formation professionnelle à contenir une démarche de recherche. Comme toute mode, est-ce périssable ou bien y a t il derrière cette option une innovation solide et performante pour toute formation professionnelle ?  Une mode parfois appelée pompeusement un « paradigme » ? Trois grands courants portent cet engouement de la recherche comme outil de professionnalisation : -                     Le premier courant est celui de l’universitarisation de la formation professionnelle. Cela veut dire que l’université a changé ces vingt dernières années d’identité et de fonction sociale. Il n’est plus seulement question de produire et mettre à disposition des savoirs dits théoriques mais de remplir d’autres fonctions comme celles de conseils, d’expertise, de recherche–développement, de formation de formateurs, etc. Les activités pluridisciplinaires sont de ce fait plus apparentes. L’université intègre des licences et des masters professionnels, ce qui entraîne la présence en son sein d’autres personnes que les universitaires proprement dits. La référence dominante n’est donc plus la discipline mais un champ de pratiques. Jean Marie Barbier (voir Barbier et Galatanu, 1994) ajoute : « tout se passe comme si, à la place de la double compétence et de la double identité des enseignants-chercheurs, se mettait en place et se déclinait de multiple façon, souvent difficilement, une triple compétence ou une triple identité (enseignant/chercheur/professionnel du champ considéré) non pas au niveau de chacun des enseignants, mais globalement au niveau de l’ensemble des personnels recrutés en référence à une discipline ou à un champ de recherche précis ». Une telle affirmation est encore plus valable dans le champ des sciences sociales où la majorité des nouveaux universitaires recrutés, s’ils sont moins jeunes que dans les disciplines scientifiques comme les mathématiques ou la physique, possèdent une solide expérience professionnelle dans un champ de pratiques. -                     L’évolution des professions elles-mêmes qui s’adossent sur deux principes : celui de la flexibilité et celui du projet. Autrement dit, un professionnel n’exercera pas le même métier à l’identique toute sa vie. Quand bien même il resterait dans la même branche, cette dernière évoluera dans sa forme et dans les demandes sociales qui lui seront adressées. Il convient donc pour toute formation de développer ce qu’on appelle « l’intelligence des situations », c’est-à-dire des compétences transversales que le formé pourra solliciter dans d’autres situations professionnelles non encore visibles. Ajoutons à cette dimension celle, plus indirecte, de conception de l’individu, détachée des traditions culturelles, en liaison avec la modernité, dans l’exacerbation de l’intentionnalité et de la vision dominante d’un être « qui se tient de l’intérieur », libre, indépendant, se forgeant lui-même ses propres idées[1] et conséquemment sa propre vie. -                     Enfin, la découverte de la démarche métacognitive à propos de la pratique professionnelle. Cette découverte s’appuie sur des prédécesseurs comme Dewey (learning by doing) ou Lewin (recherche action). Elle met en évidence la réflexion dans/sur/à propos de l’action. Les théories de l’action et la psychologie ont joué un rôle important dans cette nouvelle conception. Piaget, plus connu jusque là pour le développement psychologique des enfants est actuellement sous les projecteurs dans le domaine de la réflexion, de la pensée réfléchissante, du pré réfléchi et, surtout, de la prise de conscience au niveau des adultes. Deux auteurs comme Argyris et Schön ont joué un rôle central en parlant de praticien-réflexif comme développement de la pratique. Dans ce courant, ensuite, se sont engouffrés de nombreux auteurs (Vermersch avec l’entretien d’explicitation, Altet et Perrenoud avec l’enseignant réflexif, de Saint Arnaud sur l’action recherche, etc.). D’autres se sont appuyés sur ce courant pour lutter contre l’inégalité de considération sociale entre les savoirs issus de la pratique et ceux théoriques (la fameuse coupure entre théorie pratique contestée par certains comme Latour) comme Desroches qui, avec le Collège coopératif défend une politique de réhabilitation dans la dignité des savoirs ouvriers ou des savoirs issus des métiers. La recherche serait, en quelque sorte, l’outil de mise en œuvre de cette métacognition, c'est-à-dire cette interrogation médiatisée des pratiques verbalisées et analysées pour une prise de conscience de ce que fait le praticien et donc de modification de son regard sur cette pratique, cette modification du regard étant fortement hypothéquée comme transformatrice de la pratique et donc d’augmentation de la performance du praticien. De plus, dans nos sociétés, la recherche est fortement investie d’images positives et c’est donc un moyen de réhabiliter des professions jusque là peu connues voire peu considérées. L’unique lieu où se produit la recherche étant les laboratoires auxquels sont inévitablement associées les universités reposant encore sur les représentations de ces dernières comme temples du savoir dit théorique… En d’autres termes, nous assistons à un véritable bouleversement de la formation professionnelle lorsqu’elle s’inscrit dans un processus de formation continue : la recherche paraît comme une démarche indispensable, non pour former des professionnels de la recherche, mais bien pour développer cette fameuse métacognition sur la pratique, métacognition génératrice de transformations et d’évolutions professionnelles. Chronologiquement, la formation initiale a pris le pli de la formation continue et nous voyons se multiplier dans les programmes de formation initiale des métiers d’intervention sur autrui la recherche, avec ses modules, ses travaux de groupes, le tutorat sous toutes ses formes.  Mais, peut-on raisonnablement penser que la démarche de recherche est pertinente également pour la formation professionnelle d’un jeune qui ne connaît encore rien de l’exercice de sa future profession et qui est même embué par les quelques représentations qu’il peut en avoir ? L’exemple de la formation initiale des enseignants fera comprendre les mécanismes à l’œuvre et leurs limites.  Un exemple, la formation professionnelle initiale des enseignants  Historiquement, la recherche comme outil de formation professionnelle pour les enseignants est née en même temps que la création des Instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM), c'est-à-dire en septembre 1991. Cette initiative s’appuyait sur les recommandations du rapport Bancel (1989). Ce dernier préconisait une formation laissant plus d’autonomie au formé et lui permettant de forger lui-même son esprit face à une profession en complète évolution. Une formation par imitation ou par imprégnation était radicalement rejetée au profit d’une formation où la personne se placerait en décalage par rapport à la réalité, refusant les schémas déjà là pour en construire de nouveaux liés à ses propres savoirs, eux-mêmes en relation avec un terrain professionnel mouvant. Parler recherche de manière diffuse comme un « esprit » qui soufflerait sur la formation professionnelle des enseignants paraissait irréaliste. Il a donc été proposé de condenser la recherche dans une partie du dispositif de formation, c'est-à-dire dans ce qu’on a appelé « Le mémoire professionnel » qui existait déjà dans quelques formations initiales professionnelles comme celles d’assistantes sociales ou d’éducateurs (sans que l’on y fasse référence dans les textes officiels de l’éducation). Les formateurs placés en IUFM et venant de différentes institutions antérieures (Ecoles normales d’instituteurs, Centres pédagogiques régionaux, Ecoles normales nationales d’apprentissage, etc.) se sont trouvés confrontés à « cet étrange objet de formation » (Etienne, 2003) sans avoir reçu une quelconque formation. Les textes officiels se sont contentés de dire ce que ce n’était pas (un compte rendu de pratique, un rapport de stage, une description, etc.) sans pour autant aider les formateurs dans la construction de l’identité de cet outil de professionnalisation. Alors chacun y est allé de ses propres références sur la recherche (ce qu’ont très bien démontré certains chercheurs qui constatent une nette différence, par exemple, entre les mémoires écrits issus des futurs enseignants de sciences de la vie et de la terre et ceux de lettres modernes. Les premiers produisent un mémoire où s’observe une démarche expérimentaliste avec comparaison entre classe témoin et classe expérimentale tandis que les seconds produisent un mémoire proche du commentaire composé (Nadot, 2001)). Chaque formateur a donc introduit, dans la mise en place du mémoire, ses propres expériences et représentations de la recherche en modulant selon le profil des étudiants et selon les demandes de l’IUFM de travailler sur le métier. Cependant, il s’est avéré difficile de faire travailler le mémoire professionnel indépendamment des autres dispositifs de formation professionnelle, comme les modules de culture générale (par exemple, les conférences sur la psychologie de l’enfant et de l’adolescent, sur la violence dans les sociétés occidentales, sur les approches de didactique générale, etc.) et le stage en responsabilité qui permet au futur enseignant d’apprendre sa pratique en prenant en responsabilité une classe d’élèves. Ajoutons que la formation professionnelle des enseignants se déroule en une seule année scolaire, juste après le concours de recrutement relativement académique. Le mémoire doit donc s’inscrire sur une année et entrer pour le tiers de l’évaluation finale de la formation entre la note des modules et celle du stage. Une polémique est née au sujet de la valeur à accorder au mémoire. Fallait-il faire la moyenne des trois notes pour avoir la moyenne générale ou bien séparait-on chaque épreuve et auquel cas le mémoire, n’ayant pas eu la moyenne, empêchait la validation de la formation ? Des ordres et contre-ordres sont arrivés du Ministère prouvant que les querelles allaient bon train entre ceux qui envisageaient la formation professionnelle à travers la recherche et les autres restés sur une idée plus habituelle du modèle de formation et disqualifiant le mémoire (à noter que, pendant toute une période, les jeunes agrégés ont été dispensés du mémoire !). En effet, l’idée que, dans la formation professionnelle initiale, le mémoire professionnel puisse avoir même valeur formatrice (attestée par le poids de la note dans la validation) que le stage était impensable ! Certains IUFM ont quelque peu transgressé cet aspect en accordant au stage seul cette validation. Nous avons là la preuve du bouleversement que représente l’arrivée de la recherche dans la formation professionnelle initiale des enseignants : c’est une révolution copernicienne ! De plus, les enjeux autour du mémoire vont bien au-delà de sa seule performance : né sous une politique de gauche, il devait être assumé par la droite revenue au pouvoir ; il s’appuie sur une conception de la formation loin d’être admise par la majorité des français. Comme innovation, il a perturbé plus de systèmes en équilibre fragile qu’on ne le pense (Cros, 2002). Le mémoire professionnel en formation des enseignants a maintenant plus de dix ans et il fait toujours couler autant d’encre (voir notamment le dernier ouvrage sur le mémoire professionnel : Gonin-Bolot et Benoît, 2004). Cependant, on peut dégager des conditions communes de son déroulement, à savoir : la formation en alternance, l’accompagnement et le tutorat, la soutenance publique et une production scripturale métissée.   La formation en alternance  Comme nous l’avons dit précédemment, il est inconcevable que ce genre de recherche se passe sans avoir un lien avec le terrain de la pratique. Le futur enseignant est donc placé, la majorité d’entre eux pour la première fois, dans des conditions de pratiques quotidiennes du métier. Il n’est pas seul : un tuteur/praticien est présent pour le conseiller, l’épauler. Un formateur du centre de formation vient le visiter, l’évaluer. Des regroupements en centre sont aussi prévus pour parler de ce qui se passe au niveau de cette pratique (dans beaucoup d’IUFM maintenant sont installés des groupes d’analyse de pratiques dont la forme est multiple pour ne pas dire protéiforme). Le mémoire professionnel part d’une question de la pratique : soit un obstacle rencontré, soit une curiosité surgie. Cette question relève du langage commun et est généraliste comme : « comment motiver mes élèves à la lecture ». Cette question, quoique posée en des termes généralistes, est directement reliée à la pratique : « c’est parce que je n’arrive pas à faire apprendre à lire ce que je considère comme correctement, les élèves que j’ai en face de moi actuellement, que je vais étudier cette question de manière à y remédier par une pratique différente ». Au départ, la pratique est première et à l’arrivée également. Il n’est pas question de dégager une théorie nouvelle sur les apprentissages en lecture mais plutôt de rendre plus efficace la pratique propre de ce stagiaire qui sera toujours différente de celle d’un autre stagiaire. Aucune prétention universaliste n’est à l’œuvre. Le terrain est donc pris comme point de départ, point central et point d’arrivée. Il est omniprésent puisque le stagiaire y fait référence et s’appuie sur lui quand il en parle et quand il le découvre au fur et à mesure du déploiement de son interrogation. Plus qu’une formation en alternance (centre de formation/terrain professionnel), c’est la recherche d’un équilibre entre ce qui est écrit sur la question que je me pose dans les livres de pédagogie et de recherches théoriques et ce qui se passe dans la classe. Ce va et vient devient parfois une trahison dans les deux sens : ne pas se noyer dans les textes de recherches, les théories et ne pas se noyer dans la pratique. Le tiraillement est double, l’alternance devient une alternative qui refuse toute radicalité. Le travail de professionnalisation se fait sur les représentations du monde du travail qui se modifient mais aussi qui s’éloignent du pragmatisme. La jouissance de compréhension risque de primer sur l’exécution des tâches professionnelles. L’alternance conçue initialement comme une ressource devient une gestion impossible, une injonction paradoxale contraignant le futur enseignant à s’éloigner de la découverte d’une pratique en cours d’élaboration pour plonger dans un univers livresque et méthodologique. Aucune routine n’est installée que déjà il faut construire un monde d’interrogation critique : comment poser une « bonne » question quand on a à peine quelques jours d’expérience professionnelle ? La responsabilité du terrain envahit le formé sans qu’il ait les compétences pour le mettre à distance dans un jeu des possibles innombrables que possède toute situation. Ces deux dernières remarques ont été récurrentes dans la bouche des détracteurs du mémoire. Cependant, il semble que le dispositif de formation, incluant le mémoire, qui prend en compte ces observations et les intègre dans ses modalités d’accompagnement, peut conduire à une formation professionnelle inscrite dans une perspective à plus long terme que l’on pourrait qualifier de formation tout au long de la vie. Les habitudes d’interrogation de la pratique s’installent dès le démarrage de la formation professionnelle ; et apprendre un processus de mise à distance, de détour et d’interrogation développe une structure psychique en rapport avec cette pratique.   Du côté des formateurs  Les constats précédents illustrent la multiplicité des formateurs pour cette professionnalisation et pour le mémoire professionnel : le futur enseignant a un animateur d’analyse de pratiques (dont la résonance au niveau du mémoire aura lieu à l’évidence même de la formalisation des pratiques en majorité autour des difficultés rencontrées), un conférencier de module (qui change selon les thèmes mais qui, en tant que chercheur, fournit les résultats récents de la recherche et invite à découvrir quelques ouvrages), un tuteur/praticien dans l’école dont les compétences relèvent de l’efficacité de la pratique, un formateur/visiteur de stage qui évalue de manière formative et, enfin, un tuteur, choisi en général pour ses connaissances sur le sujet concernant le mémoire professionnel du stagiaire. Le tuteur suit le trajet du stagiaire du début à la fin du mémoire et tente de l’aider à lier cet ensemble d’apports et de personnes aux représentations diverses. Ce fil rouge est un support autant qu’un guide : ses compétences de fédérateur sont sollicitées. L’expérience montre que le tuteur possède une identité encore mal définie - selon son statut, sa formation. Il tâtonne dans l’indécision, sans peu d’accompagnement pour lui-même.  Lorsque des formations de formateurs sont organisées, la mise en commun consiste à regrouper les questions et les expériences. Comment articuler les diverses sources de réflexion et d’apports de connaissances que reçoit le futur enseignant ? La question centrale reste de la formation des formateurs à l’accompagnement à un processus de recherche qui a pour finalités la professionnalisation dans un champ professionnel particulier. Est-ce à dire que les formateurs doivent être avant tout des praticiens qui ont eux-mêmes été formés par la recherche ? L’homomorphie d’une telle formation est-elle nécessaire ? Peu de recherches menées jusque là sur le mémoire professionnel soulèvent ce point. Si la recherche professionnalisante est considérée comme particulière, avec ses composantes, comment former des formateurs qui auront à accompagner de futurs professionnels ? Ou doit-on considérer que la richesse des formateurs dans leur diversité, dans leurs représentations différentes de la recherche voire épistémologiquement opposées, est un atout pour le formé qui prendra de chacun ce que bon lui semble, sans pour autant sacrifier à l’autel de l’évaluation du mémoire extrêmement normative ? La soutenance du mémoire, souvent oubliée dans les recherches actuelles menées sur le mémoire professionnel, est un bon révélateur de cet aspect de professionnalisation car le jury, composite, fait apparaître les contradictions, et le rite initiatique qu’elle représente auprès de pairs dont le questionnement et les errements sont parfois bien proches voire également dans les solutions trouvées. De quelle recherche s’agit-il alors ? Il y a maintenant vingt ans que la question de la recherche, lorsqu’elle intéresse les praticiens à des fins de formation et de développement de compétences professionnelles, est au cœur des débats, sans que l’on ne sache toutefois la quiddité d’une telle recherche. Un article, publié par Jean Marie Barbier (1985) faisait état de deux grandes façons d’envisager la recherche : d’une part, une démarche de recherche classique avec quatre caractéristiques (transformation de la demande sociale initiale, émission d’hypothèses, constitution d’informations et fonction de la démarche de recherche qui produit les savoirs) ; d’autre part, une démarche de recherche étroitement liée à l’action de celui qui mène la recherche ou qui y participe de façon indirecte, recherche qui se caractérise par un processus d’identification de l’objet sur lequel va porter la recherche, par l’élaboration d’hypothèses d’action avec constitution d’informations « congruentes » et par le produit non de la recherche proprement dite, mais de son processus qui autorise un changement possible dans les pratiques de celui qui a mené ou participé à la recherche. Barbier concluait par un tableau distinguant les deux types de recherches, sachant que toute typologie est caricaturale et imaginant, bien sûr, un continuum entre ces deux pôles : -                     D’un côté la démarche de recherche classique décrite comme encore quelques personnes n’ayant pas lu les travaux de Latour et Woolgar (1988) la perçoivent, c'est-à-dire composée d’étapes linéaires commençant par la définition très stricte d’un objet de recherche, des hypothèses de lecture possible du réel pour finir par la production de savoirs c'est-à-dire de « confirmation de l’existence des relations posées en hypothèses » pour respecter la notion de scientificité. Bref, une démarche parfaitement maîtrisée et déterministe.-                     De l’autre côté, la démarche de recherche finalisée ou liée à l’action, aux prises avec un engagement direct dans l’action de celui qui conduit ou est indirectement concerné par la recherche et dont la première tâche sera d’expliciter les objectifs de l’action, de délimiter, produire et analyser des informations ayant à voir avec ces objectifs pour, in fine, produire de nouvelles représentations « relatives à un ou plusieurs aspects de la conduite d’une action de transformation du réel ». Cette démarche repose sur la notion de rationalité. Barbier souligne à ce propos que ce deuxième type de recherche conduit celui qui l’a mené de manière plus ou moins directe, à changer ses représentations vis-à-vis du terrain professionnel. De ce fait, il ne peut plus agir comme il le faisait avant. Mais est-ce le propre de la recherche ou toute réflexion un peu poussée sur son métier ne peut-elle conduire à de tels effets de changements des représentations ? Pourquoi la recherche vient-elle maintenant remplir le tableau des formations professionnelles jusques et y compris la formation initiale ? Plusieurs remarques apparaissent à partir de ce tableau dichotomique : Le premier type de recherche est une reconstruction fantasmagorique d’une recherche qui n’a jamais existé. Aucun chercheur n’a concrètement procédé de cette façon, c'est-à-dire en ayant une vision claire, dès le démarrage de la recherche, de son objet et de ses hypothèses. Il suffit de lire le témoignage de François Jacob (1987), dans La statue intérieure pour s’en persuader. Le chercheur, aussi scientifique soit-il, tâtonne, opère des retours en arrière, conjugue avec les réalités de ses instruments d’observation. Jacob distingue deux aspects à toute recherche, ce qu’il appelle une « science de jour » et une « science de nuit ». Il écrit (1987, p340) : « La science de jour met en jeu des raisonnements qui s’articulent comme des engrenages, des résultats qui ont la force de certitude. On en admire la majestueuse ordonnance comme celle d’un tableau de Vinci ou d’une fugue de Bach… La science de nuit, au contraire, erre à l’aveugle. Elle hésite, trébuche, recule, transpire, se réveille en sursaut. Doutant de tout, elle se cherche, s’interroge, se reprend sans cesse. C’est une sorte d’atelier du possible où s’élabore ce qui deviendra le matériau de la science. Où les hypothèses restent sous forme de pressentiments vagues, de sensations brumeuses. Où les phénomènes ne sont encore qu’événements solitaires sans lien entre eux… Ce qui guide l’esprit alors, ce n’est pas la logique, c’est l’instinct, l’intuition… » De plus, les recherches actuelles sont souvent menées en équipe pluridisciplinaire, les disciplines telles qu’elles étaient envisagées il y a encore une dizaine d’années volant en éclats. La recherche anthropologique menée par Latour et Woolgar (1988) attestent des incertitudes et des volte-face que font les chercheurs des disciplines auréolées du qualificatif scientifique. On lit ainsi : « L’histoire des sciences se prête mieux à l’établissement d’un lien fin entre la pratique des chercheurs et les objets qu’ils produisent… Au lieu d’étudier des sciences sanctionnées, il faut étudier des sciences ouvertes et incertaines » (Latour et Woolgar, 1988, p211). Et de glorifier le bon usage de l’ignorance ! De même de souligner comment se fabrique un fait qui, de toute façon, subit une détermination sociale, etc. Et nous pourrions aussi revenir sur les fameux Thémata de Durand.  En d’autres termes, l’exposition de la première démarche a une fonction sociale : dire à ceux qui ne s’inscrivent pas dans ce paradigme illusoire, qu’ils ne sont pas de « vrais » chercheurs. C’est trier le bon grain de l’ivraie. Barbier (2004) ne s’y trompe pas quand il écrit, sous forme de dénégation, la chose suivante : « Qu’on ne s’y trompe pas : cette distinction entre deux grandes formes de recherche ne reproduit pas, à proprement parler, la distinction/hiérarchisation traditionnelle opérée entre recherche fondamentale et recherche appliquée ». Cette image artificielle de recherche « scientifique » est le paradis perdu par les chercheurs… De toute façon, personne ne suit cette démarche : c’est une construction de l’esprit. Cette assertion laisse alors un vide : que serait en vérité (et peu en réalité !) la recherche ? Nous pensons qu’actuellement ce schéma a vieilli et qu’il est de moins en moins montré comme épouvantail : cependant, il a laissé beaucoup de cicatrices parmi nombre de chercheurs en sciences humaines à la veille de la retraite… Le deuxième type de recherche est décrit en rapport avec le premier. Il ne possède d’identité qu’en fonction du modèle fantasmagorique. Il prend en compte l’action au cœur même de la recherche, qui plus est l’action humaine. Cette dernière est l’objet de la recherche et qui dit action dit auteur de l’action. Les deux sont indissociables. De plus, cette démarche de recherche prend pour objet le changement en train de se faire. Elle inclut celui qui mène la recherche et celui qui agit, sans présumer du rôle de chacun. L’époque de cette typologie était à la recherche action comme recherche menée sur une action pas forcément conduite par le chercheur, ce dernier faisant partie du dispositif. Autrement dit, l’action est vue comme objet isolable, qui aura des répercussions sur celui qui agit, soit directement, soit indirectement. La recherche va engendrer un changement dans l’action selon des objectifs voulus (finalisation). Ce travail de recherche réside dans l’explicitation des objectifs et des enjeux de l’action voulue, la recherche étant définie comme engagement du dispositif dans l’action, et les rôles des acteurs étant souvent complémentaires (chercheurs et auteurs originels de l’action). Une recherche où le chercheur et le praticien sont une même personne en apprentissage dans les deux univers Il semble que la recherche à des fins de professionnalisation relève d’un autre ordre de démarche. En effet, le chercheur n’est pas chercheur et le praticien n’est pas un expert dans la pratique (parfois même un novice). Ce ne sont pas deux identités affirmées qui s’affrontent ou se conjuguent mais un même individu qui se regarde apprenant à marcher tout en marchant avec des lunettes empruntées à la recherche. Le dispositif dans lequel il est installé joue un rôle capital. Deux mouvements conjoints sont à l’œuvre : le développement d’une professionnalité par confrontation avec le terrain et l’utilisation d’une médiation d’apprentissage qui est la démarche de recherche à partir du terrain. Ce que vise cette recherche, ce n’est pas de produire des savoirs théoriques universaux et globalisants, mais de garder ces savoirs au niveau de la pratique singulière exercée par l’apprenant, en lui ouvrant les possibles d’action pour une même situation. La démarche est plus importante que la production de savoirs pour la communauté de chercheurs. En effet, la composante formatrice de la démarche de recherche est dans l’ouverture à l’esprit du praticien de multiples possibilités du réel selon les interprétations (démarche herméneutique) à partir de questionnements qui jaillissent au cours de cette démarche (heuristique). Le choix pour le praticien s’avère alors plus large et lui donne une impression de plus grande liberté par rapport à sa pratique et l’ouverture à des actions pertinentes au regard des objectifs de l’action. La recherche requiert un arrêt de la pratique (d’où la nécessité de regroupements des futurs professionnels dans les centres de formation) pour prendre le temps, non de l’interroger, mais de questionner les représentations qui ont présidé à cette pratique représentée dans ses choix et ses orientations. Cette forme de questionnement donne à voir les représentations d’une autre façon et à prendre de la distance par rapport à ce qu’on fait dans l’action même. Je donne souvent un exemple humoristique : celui du barbu ! Un jour, un homme portant une longue barbe depuis plus de vingt ans est abordé par un autre homme qui lui pose la question suivante : « quand vous dormez, Monsieur, votre barbe, vous la placez au-dessus ou au dessous du drap ? ». Depuis cette question, l’homme ne dort plus sereinement et est sans cesse inquiété par la place de sa barbe qu’il change, ne sachant plus ce qu’il faisait avant…. Et tâchant de lui trouver une place convenable… jusqu’à ce qu’il mène une recherche lui ouvrant non seulement les possibles mais les sens et les représentations accordés à chacun de ces possibles… La démarche de recherche serait ainsi cet aiguillon qui empêche d’installer les choses dans l’automaticité tant qu’elles n’ont pas été envisagées dans leur pertinence. D’où la nécessité d’installer cette posture dès la formation initiale avec un accompagnement sans doute différent de la formation continue. Une telle attitude interrogative et soucieuse de s’appuyer sur des données factuelles ne conduit cependant pas à abandonner les routines, indispensables dans l’exercice de tout métier. Sans routine, il ne peut y avoir complexification de la tâche professionnelle et vie acceptable pour le praticien. Mais si nous en restions là, d’autres démarches que la recherche pourraient produire les mêmes effets d’interrogation sur la pratique : par exemple, les ateliers d’analyse verbale des pratiques, même si, comme nous l’avons dit, leurs référents théoriques et leurs formes sont multiples. Les objectifs de ces ateliers sont bien de développer une attitude réflexive, de mise à distance et de prise de conscience vis-à-vis de la pratique. Quelle différence ou plus value apporte la démarche de recherche ? Une production de savoirs La démarche de recherche professionnelle est singulière, surtout quand elle se fixe comme objet un questionnement sur la pratique. En effet, la recherche consiste à clarifier verbalement la question posée au terrain avant même toute description de l’événementiel. Il n’est pas question de travailler sur du vécu mais sur du problématique, sur les obstacles ou les leviers (ou considérés comme tels par les formés) et à les passer à la moulinette de leurs implicites. Pour reprendre l’exemple antérieur, le formé cherchera pourquoi précisément il fait porter son attention sur cette question de lecture par rapport à lui mais aussi par rapport aux normes de son métier, c'est-à-dire, ce que serait un élève qui serait motivé pour la lecture dans la classe précise qu’il a à gérer durant son stage. A partir de là, il fera des hypothèses sur ce qu’il pense comme expliquant l’absence de motivation pour la lecture de ces élèves. Parallèlement, il fera des lectures de recherches sur ce sujet aussi bien sur les plans psychologique, pédagogique que sociologique. Il découvrira alors la complexité de l’objet et ses ramifications. Lors de cette phase, il sera noyé par cet ensemble gigantesque et prendra conscience qu’un sujet qui lui paraissait au départ simple devient en définitive si complexe qu’il ne sait plus à quel saint se vouer.  Le tuteur intervient dans ce passage pour aider le formé à choisir parmi ces nombreuses approches celles qui lui paraissent pertinentes par rapport au public d’élèves. Ainsi, l’approche sociologique ou culturelle pourrait être intéressante si le stagiaire est dans un collège en zone d’éducation prioritaire (ZEP). En mêlant intimement observations et références théoriques, le stagiaire monte un dispositif méthodologique rigoureux de prélèvement d’informations sur son terrain, dispositif qui servira de médiation entre ses impressions et les données du terrain. Un décalage apparaît alors entre ses représentations initiales et les données, ce qui produit une prise de conscience et un désir d’aller plus loin dans l’interrogation de cette question. Des pans entiers de naïveté tombent et il prend alors conscience de la multiplicité des interprétations à propos d’une seule question pratique sur la motivation des élèves face à la lecture. A chaque interprétation est attachée une proposition d’action possible ; la recherche ouvre cet éventail en évitant de faire porter la responsabilité d’un dysfonctionnement sur le sujet lui-même. C’est la conjugaison d’un faisceau de critères qui engendre des difficultés dans le métier et le stagiaire aura appris à se décentrer par rapport à cela sans tomber dans l’attitude culpabilisante.  Ce type de recherche produit des savoirs d’action, c'est-à-dire « des énoncés associés à des représentations ou systèmes de représentations provisoirement stabilisés, relatifs à la génération de séquences actionnelles » (Barbier, 2004, p23-24). Ces énoncés permettent alors au formé de jouer sur l’ensemble de ses représentations pour engendrer des actions différentes, sans pour autant épuiser la production de ces énoncés venus des interprétations, elles-mêmes issues des résultats de la recherche. A la différence de l’analyse des pratiques, le formé utilise comme médiation les outils de la recherche et, s’il confronte des démarches avec des pairs, c’est toujours dans la perspective de travailler une problématique qui le désengage de la gangue pratico-pratique pour aller vers les travaux théoriques et retourner par des prélèvements rigoureux de données à la production de représentations nouvelles et nombreuses auprès desquelles il choisira pour agir et sur lesquelles il pourra jouer pour une palette d’actions. Mais le médiateur le plus puissant apparaît être l’écriture à des fins de communication des résultats de recherche. S’il y a de nombreuses analyses de pratiques qui n’utilisent pas l’écriture, la recherche ne peut exister sans l’écriture. De quoi s’agit-il ? Une communication des résultats de recherche à travers une écriture « métissée » Il n’y a de recherche que par restitution publique écrite des résultats de ses travaux. La singularité de cette écriture, dans la recherche professionnelle, réside dans la mise en évidence pour autrui du processus de recherche emprunté par le formé. Comme nous l’avons déjà dit, la recherche professionnelle part de la pratique, prend comme objet la pratique et retourne à la pratique ; pas La pratique au sens générique, avec un grand L, mais la pratique de celui qui a mené la recherche, autrement dit la singularité de sa pratique qui n’intéresse personne d’autre puisque par essence elle est particulière ! C’est bien le chemin qu’il a pris qui intéresse le public lecteur, dans ce qu’il peut avoir de généralisable et d’empathique. L’écriture, outil de communication différée, ne peut s’appuyer comme l’oral sur des indexations situationnelles ou des gestes. Soulignons qu’il s’agit d’une écriture d’un genre particulier, qui n’est ni descriptive, ni proprement narrative mais qui doit quand même comporter des éléments susceptibles de faire comprendre au lecteur sur quel objet de pratique porte la recherche.  Cette écriture comporte des parties d’exposition de la problématique fortement ancrée dans une réalité particulière, des parties d’apport théorique éclairant et enrichissant la clarification de la problématique en lui donnant un statut plus global, une exposition des choix des outils méthodologiques et de leur pertinence en fonction des hypothèses d’action découlant de la problématique, un travail à partir des données conduisant à leur exploitation raisonnée en lien avec la question de départ, des interprétations possibles d’une telle situation éclairée par la théorie et les données jusqu’à la justification du choix d’une pratique modifiée voire nouvelle, innovative.  L’écriture engage le formé dans ses choix pratiques et dans leur justification, elle expose celui qui écrit au regard et au jugement de l’autre et donc entraîne un travail plus ciblé et plus d’explicitation, d’argumentation et de recherche des implicites dans les choix d’orientation méthodologique et d’action. N’oublions pas que toute écriture, quelle que soit sa forme, a une fonction épistémique qui fait dire à Emmanuel Berl (1992, p27) : « J’écris non pas pour dire ce que je pense, mais pour le savoir ». C'est-à-dire que l’écriture, dans sa manifestation concrète, produit, pour l’écrivant, de la pensée nouvelle, une découverte de ce qu’il n’avait jusqu’à présent pas dévoilé, pas vu ; ou tout simplement l’organisation en traces des mots appelle des formes de pensée inédites. Il suffit de s’appuyer sur les expériences d’OULIPO, association à laquelle appartenait Georges Pérec, appelée Ouvroir de littérature potentielle et qui, par des jeux d’écriture engendrait des idées nouvelles. L’écriture, par sa matérialité, a un pouvoir producteur de pensée pour celui qui lit et encore plus quand il s’agit du premier lecteur, c’est-à-dire celui qui vient d’écrire ! Autrement dit, l’écriture des résultats de cette recherche, souvent moulée dans ce qu’on appelle un mémoire professionnel est composite, avec des rythmes différents, des formes d’expression qui ont des contenus hétérogènes qui se répondent et entrent en harmonie. Par exemple, les expositions plus théoriques prennent sens par rapport à la pratique questionnée. En elles-mêmes, elles seraient pure rhétorique ; en référence au terrain, elles prennent un sens différent et s’accommodent avec une méthodologie propre, tenant compte des contraintes locales et déontologiques (les élèves ne sont pas des cobayes) et poussant vers une production de représentations de la pratique différentes voire multiples qui ont ensuite à dialoguer pour aboutir à un choix temporairement unique. En conclusion, si la recherche professionnelle ou recherche à des fins de professionnalisation, vit actuellement une montée en puissance, y compris (et peut-être surtout) dans la formation professionnelle initiale, c’est parce qu’elle illustre fortement un autre paradigme du processus de formation professionnelle, refusant l’imitation, l’imprégnation au profit de la construction autonome d’une pensée interrogative de la pratique. Ce type de recherche requiert cependant des conditions particulières différentes de la recherche menée par et pour des chercheurs. Il constitue un outil de formation et comme tel, son processus est plus important que le produit, dans la mesure où il génère un rapport à la pratique professionnelle plus fluide, plus à distance. Il permet la production de représentations différentes du métier, d’une ouverture des possibles face à un terrain vu jusque là comme une fermeture où il fallait toujours faire de la même façon. La nouveauté de cet outil ne permet pas encore de tirer des conclusions sur la réalité même de ses effets ; seuls les témoignages de ceux qui sont passés par là permettent de dire que la recherche professionnelle possède une potentialité de formation forte. Une affaire à suivre…  Références bibliographiques Argyris, C et Schön, D (1989), Theory in Practice:Iincreasing Professional Effectiveness. San Francisco: Jossey-Bass Publ. Argyris, C et Schön, D (1996), Le praticien réflexif. Paris : Editions Logiques. Bancel, D (1989), Créer une nouvelle dynamique de la formation des maîtres. Ministère de l’Education nationale. Barbier, J. M. (2004), « Voies nouvelles de la professionnalisation » In Lenoir, Y (dir.), Savoirs professionnels et curriculum de formation. Laval : Presses de l’Université de Laval (Québec), p.23-46. Barbier, J.M ; Berton, F et Boru, J.J. (1996), Situations de travail et de formation. Paris : L’Harmattan. Barbier, J.M. (1985), « Analyser les démarches de recherche : enjeux et impasses de la recherche en formation », Education permanente, n°80, p. 103-123. Barbier, J.M. (2004), Les savoirs d’action : une mise en mot des compétences ? Paris : L’Harmattan. Barbier, J.M. et Galatanu, O (1994), Communication reprise d’une conférence donnée par les deux auteurs en janvier pour la Fédération des étudiants francophones de Belgique.  Barbier, J.M., éd. (1996), Savoirs théoriques et savoirs d’action. Paris : PUF. Berl, E (1992), Tant que vous penserez à moi. Paris : Grasset. Clot, Y (1999), La fonction psychologique du travail. Paris : PUF. Cros Françoise, (2002), « Une innovation en formation initiale : le mémoire professionnel » in Les réformes en éducation, leurs impacts sur l’école, Paris : L’Harmattan, p. 39 à 61. Cros, F, éd. (1999), Le mémoire professionnel en formation des enseignants. Un processus de construction identitaire. Paris : L’Harmattan. Etienne, R (2003), « Publier des mémoires professionnels : acte anodin, effet-vitrine ou valorisation de la formation ? », in Crinon, J (éd.), Le mémoire professionnel des enseignants : observatoire des pratiques et levier pour la formation. Paris : L’Harmattan. Gonin-Bolo, A et Benoit, J.P. (2004), Le mémoire professionnel en IUFM : bilan de recherches et questions vives. Lyon : INRP. Jacob, F (1987), La statue intérieure. Paris : Odile Jacob. Lahire, B (1998), L’homme pluriel : les ressorts de l’action. Paris : Nathan. Latour, B et Woolgar, S (1988), La vie de laboratoire. Paris : Editions La Découverte. Nadot, S (2001), « Le mémoire professionnel. Représentations de formateurs », Les Sciences de l’éducation pour l’ère nouvelle, 34 - 4°, p. 41-56. Piaget, J (1974), La prise de conscience. Paris : PUF. Saint Arnaud, Y (1992), Connaître par l’action .Sherbrooke : Presses de l’université de Montréal. Vermersch, P (1994), L’entretien d’explicitation en formation initiale et continue. Paris : ESF. Wittorski, R (2001), « La professionnalisation en questions ». INRP/Emergences, Questions de recherche en éducation, 2, p. 33-49. Notes [1] Soulignons qu’il s’agit d’une représentation majoritaire, certes contestée par des sociologues comme D. Martucelli (2002). Cet auteur écrit : « Le projet d’une société où chaque individu est tenu de l’intérieur n’a jamais été, dans la pratique, une réalité historique » (p.58).  Notice bibliographique 

Cros, Françoise, « Les conditions d’une professionnalisation par la recherche en formation initiale », Esprit critique, Hiver 2006 - Vol.08, No.01, ISSN 1705-1045, consulté sur Internet: http://www.espritcritique.fr

   

 

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