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Eté2010 - Vol.13. No. 01

ANNEXE 4 : Essai d'analyse socio-historique de la formation d'EPS en Algérie durant la colonisation française (1900-1962)

Abdelaziz DADI
Dadi Abdelaziz est maître de conférences à l’université Mentouri, Constantine (Algérie)

 Résumé :

L’étude historique montre que depuis l’antiquité jusqu'au XIXe siècle, la pratique corporelle et compétitive faisait partie du mode de vie de la société algérienne. La chasse, l’équitation l’escrime, le tir a l’arc ou à l’arme à feu, la nage, le lancer du javelot, la marche, la course, le saut… étaient autant d’exercices physiques préparatoires à la vie du citoyen, jeune comme adulte. Certes, ces exercices avaient une finalité guerrière ou utilitaire, néanmoins ils étaient régulièrement utilisés dans la vie quotidienne. Cette étude à une double porte : établir un constat et une analyse socio-historique de la situation des pratiques corporelles (physiques et sportives) telles que la danse, les jeux traditionnels etc., pour comprendre l’état des formations d’EPS en Algérie durant la colonisation française (1900-1962) ; et, sur cette base, tenter de définir quelques orientations pour son futur développement.
 

Mots clés : Pratique corporelle, jeux traditionnels, culture physique, formation d’EPS



 

Abstract: A socio-historical of the formation of Physical Education in Algeria during the French colonization (1900-1962)

The historical study shows that since ancient times until the 19th century, the practice and competitive body formed part of the lifestyle of Algerian society. Hunting, horse fencing, shooting al'arc or the firearm, swimming, javelin, walking, running, jumping… Were all exercises in preparation for the life of citizens, young adults. While these exercises have a warrior or utilitarian purpose, but they were regularly used in everyday life. In this study we make a double door to: establish a fact and a socio-historical situation of the practice of corporal (physical and sporting activities) such as dance traditional games etc. To understand the state of formation of EPS in Algeria during the French colonization (1900-1962) and then on that basis, tried to set some guidelines for its future development


Key words: Practice body traditional games, Physical culture, Training of EPS

 

 

 

Essai d’analyse socio-historique de la formation d’EPS en Algérie durant la colonisation française (1900-1962)

 

 

 

Quatre ans après la promulgation de la nouvelle loi sur l'éducation physique et sportive, et même pas vingt-deux ans que la première promotion de licenciés en EPS à l'université soit sortie... que déjà on pense à la refonte générale du système de formation !

Ce fait, aussi paradoxal soit-il, peut avoir trois raisons essentielles :

- la première est, dirions-nous, liée à la philosophie même de la vie ou rien n'est éternel, n'est immuable. Tout s'use, dépérit et se renouvelle.

- La seconde, qui découle de la première, est que tout développement nécessite une perpétuelle remise en cause due à ce que les scientifiques appellent le « doute méthodologique », moteur de l'amélioration constante et du perfectionnement.

- Enfin, la troisième, plus visible dans ce contexte, est liée à l'actuelle crise socio-économique que traversent plusieurs pays, particulièrement l’Algérie. L’unipolarité de la tendance à la mondialisation nous oblige à nous restructurer dans tous les domaines ; l'université n'échappe pas a cette mouvance et doit revoir de plus près la formation qu'elle dispense.

L'EPS, discipline universitaire et éducative par excellence, est aussi touchée par ce renouveau. Cette tâche difficile et grandiose à la fois nécessite une recherche minutieuse et profonde que cet article n'a nullement l'ambition d'accomplir. Son objectif est plutôt d'essayer de déterminer quelques voies et moyens pour améliorer la formation dans ce secteur.

Deux grands thèmes retiendront notre attention:

Le premier thème est d’établir une analyse du contexte sociopolitique général en Algérie durant la période 1900-1962. Les productions (articles, ouvrages, actes de colloques) fourniront l’essentiel du matériau de travail.

Le deuxième tentera de positionner la formation en EPS en milieu universitaire ; d’où les questions sous-jacentes : quelle en est l'origine et quel en a été le cheminement ? Une analyse de certaines revues historiques, journaux et quotidiens généralistes et plus spécialisés permettra d’apporter des réponses à ces questions.

 

 

 

Le contexte sociopolitique gÉnÉral durant la colonisation française (1900-1962)

 

Le contexte sociopolitique de 1900 à 1930 

 

« L’Algérie, c’est la France ! » La phrase prononcée le 12 novembre 1954 à l’Assemblée nationale par le président du Conseil Pierre Mendès-France est restée célèbre. Et pourtant, la justice française en Algérie de 1830 à 1962 n’a jamais été rendue exactement comme en France métropolitaine, parce que la grande majorité des habitants de ce pays n’ont jamais été considérés comme de véritables Français (Pervillé, 1997). L’assimilation, objectif officiel de la politique algérienne de la France, est restée un but lointain, un idéal, un dogme républicain, mais elle n’a jamais été une réalité. A peine commençait-elle à entrer dans les lois qu’elle fut officiellement désavouée.

La politique d’assimilation de l’Algérie à la France fut improvisée entre 1830 et 1848, par suite d’un enchaînement de circonstances qu’il serait trop long de rappeler ici (voir Pervillé, 1991, p.36-37). Elle visa d’abord l’assimilation du territoire algérien au territoire français. Celle-ci fut décidée pour la première fois par l’ordonnance du 22 juillet 1834, édictée après quatre ans d’occupation provisoire et partielle, et appliquée à l’Algérie entière quand fut décidée la conquête totale à partir de 1841. La constitution républicaine de 1848 consacra l’appartenance de l’Algérie au territoire national, en lui accordant une administration civile et une représentation politique à l’Assemblée nationale.

En effet, le choix de l’annexion impliquait celui du peuplement de l’Algérie par une « grande invasion » de colons français qui devaient s’approprier la majeure partie du sol et former la majorité de la population du pays. La colonisation devait être à la fois le moyen d’assurer la pérennité de la conquête, de la justifier en lui donnant un but utile à la grandeur nationale, et de résoudre la question sociale en métropole. Pourtant, dès les années 1850, l’essor économique et l’affaiblissement démographique de la France avaient démontré que celle-ci n’avait pas les moyens et n’avait pas davantage besoin de peupler l’Algérie. Napoléon III essaya vainement, à partir de 1860, d’infléchir sa politique algérienne vers la reconnaissance d’un « royaume arabe » associé à la France. Tous les opposants au Second Empire soutinrent contre lui les « colonistes ». En 1870, la victoire des républicains consacra durablement la politique d’assimilation comme un « dogme » républicain et patriotique (Pervillé, 1991, p.159-161).

En 1920, la question politique indigène est posée publiquement lors de la visite du président de la République française, accompagnée de marques d’allégeance des assimilationnistes à la mère patrie ; « la revendication est toujours modérée et soutenue dans un cadre de souveraineté de la France »[1].

L’action de l’Emir KHALED qui entame sa carrière électorale, domine jusqu’en 1925 à Alger. Ce défenseur de l’Islam place cette expérience première de son combat contre l’assimilation, pour battre le rappel des énergies dans la sensibilisation des masses musulmanes qui le soutiennent.

De nouvelles conjonctures économiques et démographiques apparaissent et la misère est visible dans « les rues encombrées de mendiants et d’enfants abandonnés » (Kaddache, 1970) ce qui gêne beaucoup les conseillers municipaux européens à l’approche des fêtes du centenaire de l’occupation française.

Les bidonvilles qui poussent sont la marque du surpeuplement et de la crise de logement qui sévit. Cependant, si la période 1919-1925 fut marquée par les difficultés d’ordre économique, la période 1926-1931 voit le profit des entreprises sans amélioration du sort des ouvriers[2]. Les grèves sont fréquentes « celle des éboueurs provoquera une situation d’hygiène catastrophique à Alger et surtout à la casbah » (Kaddache, 1970).

La crise mondiale se répercute en Algérie et dès 1930, les licenciements massifs, l’élévation du coût de la vie entraînent de grandes privations chez le peuple algérien déjà très démuni.

L’Algérien a combattu pendant quatre ans dans des horizons autres que les siens. Il a légué un lourd tribut moral et physique[3]. Il a été aussi au contact de langues, de pratiques, d’expériences nouvelles. Les notions d’égalité, de progrès, de nations de droits, de liberté le touchent de près et ébranlent toute une conception de sa vie antérieure. De retour chez lui, son sens critique est en perpétuel éveil et s’aiguise. Souvent issu de la classe ouvrière, il a acquis ou s’est perfectionné dans un quelconque métier, grossissant la masse des prolétaires. Parfois il ne rentre pas au pays et continue de vivre en France au sein de la communauté émigrée. Empruntant les méthodes d’action des militants des partis politiques français (exemple le parti communiste), il s’organise et crée des structures autonomes : l’Etoile Nord Africaine naît de l’action militante de l’Emir Khaled en exil à Paris dès 1926[4].

Le visage de l’Algérie confrontée aux événements mondiaux se transforme malgré de pénibles conditions d’existence qui ne permettent guère de s’occuper de l’esprit ; une forme de vie culturelle s’ébauche non plus réservée à quelques privilégiés, intelligentsia d’avant guerre ; la culture populaire se manifeste partout (cafés, théâtre, musique…). Quant aux intellectuels, la presse en lutte faces aux tracasseries et censures de l’administration française, « ne compte pas moins de 26 périodiques dans les deux langues et à travers le territoires national » (Ihddadene, 1983) durant la décennie 1919-1930.

Évidemment, les colons et certains immigrés français purent dominer la société algérienne et imposer leur langue qui devint quasi exclusive dans l'Administration, l'enseignement et l'affichage. En 1930, le gouvernement colonial pouvait célébrer avec faste le « Centenaire de l’Algérie française ». Une loi française de 1938 déclara même l'arabe comme « langue étrangère en Algérie ». Pendant que les Français et autres Européens d'Algérie occupaient les villes et les meilleures terres, disposaient d'écoles, de routes et de services publics efficaces, l’Algérie musulmane habitait les bidonvilles et prenait les petits champs séchés, le tout sans soins, sans instruction et sans administration.

Un premier appel « aux lettrés réformistes » se manifeste par la voix de Cheikh Abdel Hamid IBN-BADIS qui dès 1925, « constitue l’acte de naissance de l’association des ULAM »[5]. Il s’agit d’une formation religieuse et culturelle qui préconise le réformisme (Islah) par le retour au purisme des pratiques et la condamnation des superstitions introduites par les confréries (voir Sarri, 1998, p.87), suivi par la création du cercle de Progrès à Alger en 1927.

 

« Ce cercle est en même temps un café, et un salon littéraire. Il est devenu un cercle de diffusion des idées réformistes » (Taleb Bendiab, 1983).

 

La création du club sportif « MCA » est également un élément essentiel du mouvement socio-culturel dans l’époque qu’il convient de citer.

La décennie 1920-1930 constitue une période de gestation du mouvement social d’expression multiforme : éducatif, politique, culturel.

Qu’en est-il de la période de 1931-1962 ?

 

 

Le contexte sociopolitique de 1931 à 1962

 

Cette trentaine d’années va contenir des bouleversements économiques et sociaux sans précédents. La démographie, ralentie par la crise économique mondiale n’empêche pas le surpeuplement de la Casbah et la constante misère du peuple ; le même spectacle désolant se présente aux yeux.

 

« Les rues sont envahies par les vaouleds, les mendiants, les infirmes, les enfants bondonnés, sans moyens d’existence » (Kaddache, 1970).

 

Le chômage sévit toujours et l’indigène est le dernier à être recruté, qui plus est pour un salaire inférieur à celui de l’Européen. Cette discrimination est étayée par la thèse des colons « sur les besoin limités des indigènes » (Kaddache, 1970).

Face aux gros exploitants, qu’ils soient Français ou musulmans, une action sociale s’amorce, c’est le début des grèves corporatives et des grèves politiques souvent animées d’une même rancœur à l’égard des droits ignorés. En 1931, Abdelhamid Ben Badis fonda l'Association des oulémas réformistes (juristes qui interprètent généralement l'islam de façon légaliste)[6] d'Algérie avec pour devise :

« L'arabe est ma langue, l’Algérie est mon pays, l'islam est ma religion ».

 

C'est dans un contexte de contestation que les nationalistes arabisants trouvèrent une argumentation de choix. Dans un ouvrage de Tewfiq al-Madani paru en 1932 et intitulé Le livre de l’Algérie, l’auteur écrivait encore en exergue :

 

« L'islam est notre religion, l’Algérie notre patrie, la langue arabe est notre langue »

 

Les nationalistes ne devaient plus l'oublier. Toutefois, toutes les factions du mouvement national algérien revendiquèrent l'arabe coranique, pas l'arabe algérien. C'est aussi l'arabe coranique, cette illustre langue de culture, qui était perçue par les autorités coloniales comme un concurrent au français. Pourtant, en 1954, seulement 300 000 Algériens sur une population de dix millions sauront lire et écrire l'arabe classique. Les écoles coloniales françaises, pour leur part, compteront le même nombre d'élèves.

La démarcation vis-à-vis des mouvements Français s’effectue en direction du Parti du Peuple Algérien (PPA)[7], successeur de l’Etoile Nord Africaine. Dans ce programme, la référence à l’indépendance disparaît pour démarquer le PPA de l’ENA.

 

« L’entée du prolétariat musulman algérois sur la scène politique caractérise la période 1930-1939 et plus particulièrement celle postérieure à 1936. Le nationalisme utilise cette force populaire » (Kaddache, 1970).

 

Le phénomène de réappropriation des moyens d’action et de lutte sociopolitique par les Algériens est démontré par l’initiative d’organiser leurs propres manifestations associées à celles des partis et mouvements européens.

Les années 1954-1962 marquent une étape importante de l’histoire, la guerre d'Algérie aboutit à l'indépendance du pays. L'origine de cette guerre se retrouve dans de nombreuses inégalités entre les Français et les Algériens notamment à propos des droits politiques, dans les problèmes économiques et sociaux que connait l’Algérie, ainsi que dans la différence de statut entre les départements français et ceux d'Algérie, mais aussi et surtout face à la volonté d'indépendance de certains Algériens. Cette guerre est menée du côté algérien, principalement par le FLN (Front de Libération Nationale) et plus précisément par son armée, l'ALN. L'organisation n'est d'abord soutenue que par une infime part de la population algérienne et par quelques hommes politiques français d'extrême gauche (les « porteurs de valise »)[8]. Durant l’année 1960, il explicita sa préférence pour la troisième option, qu’il nomma « Algérie algérienne », puis « République algérienne » alors que la Communauté se disloquait. Ce revirement lui aliéna les Français d’Algérie et les partisans de l’intégration, sans lui rallier le FLN qu’il refusait de reconnaître comme « Gouvernement provisoire de la République algérienne ».

 

Pour mettre fin à la guerre, de Gaulle se résolut à changer sa conception de l’autodétermination[9] : il accepta de négocier sans préalable l’avenir de l’Algérie et des relations franco-algériennes avec le FLN comme seul interlocuteur de fait (sans le reconnaître comme gouvernement algérien). La France conserva la souveraineté sur l’Algérie jusqu’à la proclamation de la ratification des accords d’Évian par le référendum du 1er juillet 1962, acte de naissance du nouvel État. Les accords signés à Évian le 18 mars avaient maintenu pour une période transitoire de trois ans une double nationalité aux citoyens français « de statut civil de droit commun » vivant en Algérie, mais non pour les « citoyens de statut civil de droit local », qui devaient perdre leur nationalité française à partir du 1er juillet 1962.

 

L’activité sportive est au cœur des débats des conseillers municipaux mais, fait nouveau, elle n’est pas la seule préoccupation des Européens (engagés dans la lutte contre le fascisme et le réarmement). Elle est aussi sujette de réflexion des musulmans.

La liste d’Union et de défense des intérêts du peuple propose parmi les questions d’ordre social (assistance sociale, enseignement, hygiène) un programme ambitieux :

 

« Sport, aide aux sociétés sportives indigènes, construction de stades et de piscines » (Kaddache, 1970).

 

D’autres faits nouveaux marqueront la vie algéroise en cette période : la fin de la suprématie des notables supplantés par les intellectuels sur la scène politique et sociale, l’émergence d’un prolétariat vigoureux, une plus grande activité culturelle reflétant l’ordre nouveau que se veut être la Nahda.

Il est évident que cette conjoncture va influencer l’évolution du mouvement associatif sportif amorcé timidement avant le premier conflit et dans la première décennie de l’après guerre.

 

Dans la cette période 1931-1962, nous verrons l’éclosion de plusieurs clubs sur l’ensemble du territoire[10].

On voit alors naître une volonté d’affirmation dont le résultat détermine les premières caractéristiques du mouvement associatif sportif musulman.

 

 

Culture physique, sport et formation durant la colonisation française

 

Selon plusieurs auteurs, cette époque est marquée par une déstructuration et une déculturation de la société algérienne[11].

Dans le domaine de l'activité motrice, la colonisation s'accompagna directement ou indirectement d'une destruction des habitudes corporelles existantes (divers interdits ont été promulgués durant cette période, parmi lesquels l’armement, la libre circulation, l’instruction, etc.)[12].

Ainsi, l'Algérie subissait une répression et une destruction de sa culture motrice.

Peu à peu, des pratiques issues d'Europe feront leur apparition graduellement dans les principales villes d'Algérie. Elles combleront petit à petit le vide laissé durant l'étape précédente.

L'essor graduel de ces nouvelles activités jusqu'en 1962 corres­pond à :

- l'essor de l'éducation physique en Europe au XIXe siècle en tant que facteur de préparation physique de la jeunesse pour une finalité guerrière de la jeunesse[13]. Sous l'impulsion de pédagogues, différents systèmes nationaux d'éducation physique et en particulier le système français d'Amoros, Hebert et Demeny, naîtront.

- le développement graduel - et souvent au détriment de l'éducation physique - du sport anglo-saxon à partir de la seconde moitié du XIXe siècle avec la création des fédérations nationales et internationales,

- l’apparition des jeux olympiques modernes en 1896 et leur organisation par la France en 1900 et 1924.

- le développement du spectacle sportif et du « business » dans ce domaine… (Gillet, 1975) ;

- la création du scoutisme au début du XXe siècle pour des fins édu­catives et guerrières, et l'organisation par la France de grandes manifestations internationales à Alger à l'occasion du centenaire de la colonisation en 1930 (voir Bellabad et Nane, 1990 ; Legrand et Ladegaillerie, 1970 ; Koun, 1982...).

 

Juridiquement, la loi de 1901 réglementant les associations sportives et l'introduction de l'EPS dans la sphère éducative associeront définitive­ment l'institutionnalisation de ces pratiques. Mais, qu'en est-il exactement pour les autochtones ?

 

Si, au départ - et pour des raisons multiples citées plus haut - les pratiques étaient réservées à de rares algériens, en particulier les fils de notables[14], ce n'est que vers les années vingt que les premiers clubs sportifs musulmans naîtront. Ce mouvement culminera vers les années trente et la première décennie après la seconde guerre mondiale[15].

Cependant, malgré cet engouement, les pratiques corporelles et spor­tives restèrent un « luxe » accessible uniquement à une infime minorité de la population citadine autochtone. A cet égard, la référence au bilan sta­tistique le plus optimiste de Sigala (1986) nous donne un aperçu sur les réa­lisations et le niveau de la pratique physique durant cette période.

 

 

En sport

 

Faisant l'éloge de l’œuvre française en Algérie, cet auteur avance que vers la fin des années cinquante, il y avait 33 disciplines sportives pratiquées par près de 100 000 adhérents, et 1 900 associations sportives utilisant 516 installations diverses (Sigala, 1986).

Une analyse plus détaillée des données montre que ces chiffres, quand bien même seraient-ils exacts, ne touchaient en réalité que la mino­rité européenne qui vivait en Algérie... :

- Tout le palmarès cité par l'auteur - hormis trois disciplines dont l'impact populaire était certain - ne contient, à de rares exceptions près, que des noms d'étrangers. Même dans ces trois disciplines (football, boxe et athlétisme), l'étude historique montre qu'elles ne prendront leur essor qu'à partir des années trente, pour cesser après le déclenchement de la lutte armée en 1954.

- Les chiffres cités concernent les centres urbains à forte densité de population européenne (Alger, Oran, Constantine et Annaba). Quand on sait que 80 % au moins de la population autochtone était rurale (Sayad et Bourdieu, 1964), on comprend mieux la destination de ces infrastructures.

- Le chiffre de 10 000 pratiquants sportifs (toutes disciplines confondues) n'est nullement une référence pour une pratique de masse. Ce chiffre ne représentait que 1 % environ de la population totale de cette époque (Annuaire statistique de l’Algérie, 1979).

- Enfin, sur 516 installations, la moitié n’est que des aires de jeu[16] - et de l'avis même de l'auteur, la plus grande partie a été aména­gée à partir de 1957, c'est-à-dire en pleine guerre quand l'algérien avait cessé toute activité sportive.

 

 

En éducation physique

 

Selon le même auteur, au 1er octobre 1958, il y avait 72 salles d'EPS et 204 plateaux d'EPS aménagés avec leurs annexes. Il ajoute que l'enseignement était assuré par des maîtres et professeurs formés à partir de 1958 au CREPS (Tableau 1).

 

 

Type d'établissement

Nbre

Type d'installation

Nbre

Observation

-Etablissement du 1er degré

(école normale)

06

Salle d’EPS

Plateau d’EPS avec annexes (douche, vestiaire, local pour le matériel…)

07

13

Construites ou en cours de construction

 

-Etablissement du 2e degré

(collège et lycée)

48

Salle d’EPS

Plateau d’EPS avec annexes (douche, vestiaire, local pour le matériel…)

 

58

128

 

 

-Etablissement d’enseignement technique et école nationale

09

Salle d’EPS

Plateau d’EPS avec annexes (douche, vestiaire, local pour le matériel…)

07

63

Tab1- installations sportives dans les établissements d’éducation

 

L'analyse de ces données nous permet de faire trois remarques essentielles :

- Toutes les installations se trouvaient dans les établissements des sec­teurs appelés aujourd'hui « moyen et secondaire ou lycée », qui, par ailleurs, se situaient dans les principaux centres urbains à forte densité de population euro­péenne. Aucun chiffre explicite n'a été mentionné pour le secteur « primaire » ;

- de l'avis même de l'auteur, ces installations étaient en 1958 «construites ou en cours de construction ». Ce qui laisse supposer qu'elles pouvaient être inachevées ou à l'état embryonnaire (du moins en partie). Ceci dénote le caractère politique de l'action de construction menée en plei­ne guerre de libération ;

- Enfin, la référence aux données de la scolarisation des jeunes autoch­tones en rapport à celles de la population (tableau 2 ci-dessous) nous permettront de déterminer la fréquentation de ces installations – qui est essentiellement le fait des européens.

 

Cycles

Années

Musulmans

Européens

Total

Primaire

1954

306.215

134.848

441.063

1960

714.744

125.305

840.079

Moyen

et secondaire

1954

9.810

38.918

43.728

1960

22.745

52.040

74.785

Technique

et professionnel

1954

5.854

6.812

12.666

1960

15.408

9.922

25.330

TOTAL

1954

321.879

180.578

502.457

1960

752.897

187.267

940.164

Tab.2 : Les effectifs scolaires en Algérie

Source : Revue algérienne des sciences juridiques, économiques, sociales et politiques vol 5, n°2, juin 1968 p. 415.

 

 
 

Année

Population

Année

Population

Année

Population

1856

2.300 400

1896

3.781098

1936

6. 201 144

1866

2.656 072

1906

4.477 788

1948

7.679 078

1876

2.478 936

1916

-

1954

8.449 332

1886

2.287 217

1926

150 7 756

1966

12.102000

Tab. 3 Effectifs de la population algérienne autochtone

Source : Annuaire statistique de l'Algérie, MPAT, 1979.

 

Un bref aperçu sur ces données nous permet de constater qu'en 1960, sur une population d'environ 10 millions d'habitants, même pas un demi pour cent (= 0,4 %) atteignait le cycle moyen, technique ou profession­nel[17], ce qui dénote le caractère dérisoire de la pratique physique et spor­tive dans le monde de l'éducation de la jeunesse autochtone algérienne.

 

 

 

L'université et la formation en EPS durant la colonisation française

 

Selon MELIA J. (1950), le processus qui a conduit à la création de l'université algérienne sous domination coloniale prend sa naissance au début des années trente. En 1832, on commence à donner des cours d'arabe à Alger, et en 1846 à Constantine et Oran. L'académie d'Alger fut fondée en 1848, deux années plus tard, les médersas d'Alger, Constantine et Tlemcen furent réorganisées pour permettre l'ouverture d'écoles plus modernes de droit Musulman. Enfin, pour l'enseignement Islamique, la médersa de Constantine fut fondée en 1895.

Dans le domaine des autres sciences, à la suite d'initiatives privées, l'école préparatoire de médecine et de pharmacie fut créée en 1855. En 1879 l'enseignement supérieur d'Alger s'élargit pour créer trois nouvelles écoles : droit, lettres et sciences économiques. Le développement de ces écoles permettra de recouvrer en 1909 le titre de facultés (Mélia, 1950).

Enfin, avec le développement des besoins économiques et sociaux de la métropole française et l'accroissement de sa population en Algérie, d'autres facultés et instituts verront progressivement le jour, principalement ceux qui répondent aux besoins des richesses algériennes, tels que l'institut de recherches sahariennes, l'institut d'études nucléaires, etc. (Mélia, 1950).

 

Ainsi, il existait pratiquement deux enseignements supérieurs parallèles: un enseignement coranique et de droit musulman en arabe fré­quenté par la population autochtone ; et un autre, destiné aux colons dans un but d'exploitation économique de l'Algérie. Comme le souligne Wardeburg (1966) par son organisation, ses formations et ses conditions d'ac­cès, cette université était une université française qui obéissait à une logique coloniale qui faisait d'elle un instrument supplémentaire de domination politique, économique et administrative.

A titre d'exemple, le nombre d'étudiants musulmans admis à l'université jusque dans les années cinquante ne représentait qu'environ le 1/10e de celui des européens (tableau 4).

 

Années

Musulmans

Européens

Total

Années

Musulmans

Européens

Total

1954

589

4583

5172

1959

814

5739

6553

1956

267

4433

4700

1960

1317

5931

7248

1957

421

4394

4815

1961

1372

5937

7309

Tabl. 4 : Les effectifs de la population universitaire en Algérie

Source : Revue algérienne des sciences juridiques, économiques, sociales et politiques vol 5, n°2, juin 1968.

 

Ajoutons à ces chiffres qu'en 1962, sur une population d'environ 10 millions d'habitants autochtones, il n'y avait que 8 diplômés dans le domaine technologique et agricoles (Wardeburg, 1966).

 

Dans le domaine des activités corporelles, l'institut d'EPS de l'uni­versité d'Alger a été créé en 1944, en remplacement du centre d'études supérieures d'EP qui existait à l'université depuis 1932. L'institut avait son siège à la faculté de médecine, et plus précisément depuis 1949 au laboratoire de physiologie de cette faculté. L'objectif de cet unique insti­tut en Afrique du nord était de constituer en premier lieu une équipe de recherches appliquées à l'EPS, et en second lieu d’en faire un centre d'enseignement destiné à la formation des futurs professeurs d'EPS[18].

 

Parallèlement, il existait une formation extra-universitaire destinée à encadrer les élèves des collèges et lycées aux séances d'EPS. Selon Sigala (1986), au 1er octobre 1958, il existait deux centres de formation : celui des maîtres et celui des professeurs d'EPS créé en 1958 (tableau 5).

 

CENTRES

Type de

formation

Admission

Lieu

Nombre

Capacité

Nbre. formé

Observation

 

 

 

 

 

(0957)

 

 

CREPS

Maîtrise

d'EPS

 

Alger centre

Groupes

laïques

01

?

196

 

 

Construite

en 1958 et

détruite par

incendie en

1962

 

CREPS

Professorat d'EPS

 

Alger BenAknoun

01

226

-

 


 Tab. 5 La formation des cadres en EPS

 

Il faut ajouter à ces types de formation, celles :

- des maîtres nageurs: sauveteurs (une session par an) ;

- des stages pour instituteurs à partir de 1957 ;

- des stages pour la formation extrascolaire (sport), (Sigala, 1986).

 

L'analyse de ces données permet les remarques essentielles suivantes :

- La formation n'était domiciliée que dans une seule ville (Alger) à très forte densité de population européenne ;

- Cette formation était très sélective et, à l'image de la formation en général, trop peu d'autochtones y accédaient[19].

- Enfin, le nombre insignifiant de cadres en EPS (maîtres), comparé à celui de la population scolaire cité plus haut (là où le jeune autochtone était censé recevoir une éducation physique), permet de déduire que le secteur primaire était complètement délaissé, ce qui confirme le caractère sélectif de cette pratique.

 

 

Conclusion

 

Ce bref aperçu historique sur la culture physique et sportive en Algérie avant et durant la colonisation française nous permet de tirer les conclusions suivantes :

 

- Avant la colonisation française : la pratique corporelle et compétitive a de tout temps existé en Algérie. Elle avait certes sa spécificité guerrière, mais elle répondait aussi à un besoin quotidien dans la vie du peuple, et à des déterminants politiques, économiques et sociaux. Quelles que soient ses finalités - hygiénique et de santé, rituelle ou de loisir, prépara­tion guerrière ou de « travail » - elle faisait partie intégrante du mode de vie des populations rurale et citadine. L'exercice physique était un « habi­tus social » et ses valeurs étaient transmises au sein des tribus et de génération en génération par les maîtres d'armes ou les membres de la famille.

 

- Devant la colonisation française : en un peu plus d'un siècle, on vit tout le potentiel des exercices physiques, jeux... des autochtones dis­paraître. Le peu qui en restera sera recouvert du terme péjoratif de « folklo­re ». « L'habitus social corporel » est presque effacé au détriment de nou­veaux exercices inaccessibles à l'écrasante majorité du peuple.

Même dans le monde de l'éducation où l'enfant est censé recevoir une activité physique et sportive, l'école primaire en est dépourvue et l'accès sélectif à cette institution en général la rend dérisoire en rapport à la masse d'analphabètes.

Dans le domaine de la formation, il n'y a pratiquement qu'un seul centre qui forme un nombre intime de maîtres d'EPS, et où le système de sélection est tel qu’il se profile plutôt comme un instrument supplémentaire de domination au pro­fit du colonialisme.

 

 

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[1] A l’opposé des élus, les partis qui osaient poser la question algérienne porte parole des masses… étaient « le parti nationaliste de l’étoile Nord Africaine et le parti communiste » (KADDACHE, 1970).

[2] « La loi des 8 H n’est pas respectée et varient de 13 a 15 h par jour. La femme est la plus exploitée » (Kaddache, 1970).

[3] 177000 combattants et 56 000 morts tel est le bilan de sa participation (Kaddache, 1970)

[4] « Première réunion de l’Etoile Nord Africaine en 1926 (Mars) réunion sous la présidence d’honneur de l’Emir KHALED en 1926 (7 octobre) ». (Taleb BENDIAB, 1983).

[5] L’Association des Ulama fut créée à Alger en Mai 1931. Son président fut BEN BADIS de 1931 a 1940, et Bachir Ibrahim de 1940-a 1956.

[6] Précisons que tous les oulémas ne sont pas obligatoirement des juristes, car il en existe diverses catégories: l'autorité religieuse peut être exercée par les shaykhs soufis, par les muftis, par les qadis (juges dans les tribunaux), par les enseignants (dans les madrasas), par les khatibs (lors des sermons du vendredi dans les mosquées), par les muhtasibs (sur les marchés pour la moralité publique), par les imams (qui dirigent la prière des croyants dans les mosquées).

[7] Constitué le 11 Mars 1937 a Partis et transféré en Juin par MESSALI HADJ, à Alger. (Taleb BENDIAB, 1983).

[8] Voir http://www.oboulo.com/guerre-algerie-france-1954-1962-23264.html.

[9] Conformément aux propositions des colloques juridiques réunis en 1960 et 1961 à Royaumont, Aix-en-Provence et Grenoble par l’Association pour la sauvegarde des institutions judiciaires et la défense des libertés individuelles.

[10] Le MC Alger a joué aussi quelques matchs amicaux contre notamment le Lokomotiv Moscou, le Rapide de Vienne, OGC Nice... Durant la saison 1939-1940, le championnat français avait connu un retard en raison de l'éclatement de la 2e guerre mondiale, ainsi que le partage de la Division d'Honneur en Algérie en 3 groupes. Le MC Alger avait dominé dans son groupe, puis a battu les leaders des groupes A et B pour se retrouver champion de « la saison de la guerre » ce qui mit ses nombreux supporters dans un état euphorique dans les ruelles d'Alger. Si le titre qu'avait remporté le MC Alger en 1939-1940 n'était que symbolique (tournoi amical), il put, au terme de la saison 1943-1944, terminer à la première place et remporter le titre de champion de la ligue d'Algérie devançant l'AS St-Etienne en exil. Ce titre fut le dernier avant la libération nationale, avant l'arrêt de tout club algérien et l'abstention à toute participation aux différentes compétitions, répondant ainsi à l'appel du FLN en 1956.

[11] A cette époque, il n'existait pas vraiment de centres spécialisés en EPS même en Europe. Pour plus de détails, voir notamment les travaux de Koun (1982), Degenst (1947), Legrand et Ladegaillerie (1970).

[12] Plusieurs travaux ont été publiés sur cette période riche en événements. On peut se référer notamment à ceux de Keddache (1981), Julien (1975), Ageron (1968), Alleg et Douzon (1981), (Fanon, 1966 ; 1974), Ibrahhim (1981)…

[13] Notons que du Ve siècle (prise du pouvoir à Rome par l'aristocratie et le clergé) au XVIIIe siècle (révolution française de 1789), les pratiques corporelles étaient limitées principalement à la préparation guerrière et à l'amusement de l'aristocratie, et ce, malgré l'influence à partir du XIVe et XVe siècles (époque de la renaissance) de savants, pédagogues, écrivains tels que MERCURTALIS J., RABELAIS F., MONTAIGNE M., ROUSSEAU J.J., LOCKE J., etc. L'éducation corporelle était réservée à une classe infime d'aristocrates ; ce n'est qu'au XIXe siècle, après les guerres napoléoniennes, que la préparation physique sera incluse et systématisée comme moyen d'éducation de la jeunesse populaire (pour plus de détails se conférer aux travaux déjà cités de Hamdi, Ladegaillerie, Koun). 

[14] Il faut noter que l'un des objectifs politiques de cette époque était l'assimilation d'une cer­taine catégorie de la population autochtone (Sergent, 1937, p.3).
[15] Il faut noter aussi que chez les autochtones, ce mouvement sportif ne s'est pas répandu spontanément. La conjugaison de plu­sieurs facteurs politiques (prise de conscience nationale), économique et social (crises successives), culturel (nationalisme arabo islamique) y ont contribué.

[16] Sont délibérément pris en considération les terrains et piscines réglementaires avec les surfaces ou aires de jeu, bassin exigus d'apprentissage, etc.

[17] Notons qu'à l'indépendance, sur environ 10 millions d'habitants, plus de la moitié avait moins de 20 ans (population scolarisable). Nous n'avons pas jugé utile de comparer ces chiffres à celui de la population scolarisée, pour la simple raison que ce qui nous intéresse ici, c'est 1e nombre de pratiquants d'une activité physique réglementée au sein de la population autochtone.

[18] Voir Bellabad et Nane (1990) « Séance académique du 4 décembre 1959 à propos du cinquantenaire de l'université ». Notons que l'on connaît aujourd'hui la véritable mission de recherche de tels instituts d'EPS affiliés aux facultés médicales universitaires. Comme le souligne Jackson (1978), il s'agissait en fait d'essayer d'expli­quer et banaliser, à l'aide d'une « pseudo science biologique », les résultats sportifs de certains champions africains colonisés (boxe et athlétisme principalement). En fin de compte, un tel insti­tut n'était qu'un instrument de plus du système discriminatoire colonialiste (Jackson, 1978).

[19] En 1962, il n’y avait aucun autochtone professeur d'EPS diplômé.