Volume 29 numéro 2 - 1er février 1997

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Le Code civil du Québec

Les inscriptions informatisées

Véronique Meunier


Le Code civil du Québec prévoit un nouveau moyen de preuve à ses articles 2837, 2838 et 2939 C.c.Q. Selon ces dispositions, il est possible, dans certaines circonstances et à certaines conditions, de faire une preuve au moyen d'une inscription informatisée. «Le Code civil du Bas-Canada rendait pratiquement impossible l'utilisation en preuve d'informations émanant d'un ordinateur. Le législateur a jugé utile de remédier à la situation en modifiant les règles de preuve de façon à tenir compte de la réalité moderne qu'est l'utilisation quotidienne de l'ordinateur. Les principaux obstacles ont été éliminés par l'adoption de dispositions spécifiques concernant la recevabilité d'une inscription informatisée pour faire la preuve d'un acte juridique et de dispositions permettant l'utilisation d'un ordinateur comme moyen d'archivage. De plus, le législateur a prévu la possibilité de faire la preuve d'un fait matériel à l'aide d'une inscription informatisée en assouplissant la règle de la prohibition du ouï-dire», expose Me Francine Champigny de la Régie du logement. Lors d'une journée de formation tenue le 15 novembre 1996 par le Service de la formation permanente du Barreau du Québec et animée par l'honorable Pierre Bergeron, Me Champigny a instruit l'auditoire sur l'inscription informatisée en droit de la preuve québécois.

La recevabilité de l'inscription informatisée

L'article 2837 C.c.Q. offre un nouveau moyen de preuve, de la nature d'un écrit instrumentaire, pour les actes juridiques dont les données sont inscrites sur support informatique. Lors de transactions conclues directement par ordinateur, sans support papier, le document qui reproduit ces données, s'il est intelligible et s'il présente des garanties suffisamment sérieuses pour qu'on puisse s'y fier, fait preuve du contenu de l'acte. Selon l'article 2838 C.c.Q., il y a une présomption non absolue de fiabilité du document si l'inscription est faite de façon systématique et sans lacunes et si les données inscrites sont protégées contre les altérations. Les tiers bénéficient d'une présomption de fiabilité du seul fait que l'inscription provient d'une entreprise.

Par ailleurs, pour apprécier la qualité du document, le juge doit, suivant l'article 2837 (2), prendre en considération les circonstances dans lesquelles les données ont été inscrites et le document a été reproduit.

De l'avis de Me Champigny, le législateur a créé un nouveau moyen de preuve en adoptant les articles 2837 et 2838 C.c.Q., «[...] éliminant ainsi les difficultés posées par l'exigence de faire la preuve d'un acte juridique au moyen d'un écrit portant la signature des parties. De même, l'adoption d'une disposition spécifique concernant les écrits non signés utilisés dans le cours des activités d'une entreprise pour faire la preuve d'un acte juridique favorise l'admission en preuve d'inscriptions informatisées. Le législateur fait preuve de plus de souplesse au niveau de la recevabilité de ce genre de preuve, préférant plutôt la réglementer au niveau de la force probante, ce qui nous paraît une approche plus conforme à la réalité économique moderne.»

L'inscription qui rapporte un fait matériel peut également être admissible
en preuve à titre de témoignage ou à titre d'aveu contre son auteur si elle remplit les conditions d'admissibilité prévues pour les déclarations extrajudiciaires.

Une approche libérale

Le législateur a opté pour une approche libérale dans l'élaboration des nouvelles règles de preuve favorisant la recevabilité de la preuve et laissant au juge l'appréciation de la force probante, constate Me Champigny. «Cette approche a le mérite de permettre aux parties de faire une preuve parfois plus complète, les éléments de preuve présentés n'étant pas limités par des règles qui souvent n'avaient plus leur raison d'être», conclut-elle.