Volume 29 numéro 8 - 1er mai 1997

de retour vers le sommaire

La formation des étudiants à l'École du Barreau

Qu'en est-il au juste?

Deux étudiants de l'École du Barreau du Québec, présidents des associations étudiantes de Montréal et de Québec, concluaient dans votre édition du 15 avril dernier (Journal du Barreau, Volume 29, numéro 7, page 10), par un procédé intellectuel parfois douteux, à la mauvaise foi de l'École du Barreau: les taux d'échecs y étant plus élevés que par les années passées, cela constituerait, selon eux, une forme de contingentement déguisé. Rien n'est plus loin de la vérité.

Parlons tout d'abord du contingentement. Tous les finissants des facultés de droit dont les baccalauréats sont reconnus par le Règlement sur la formation professionnelle des avocats ont accès à l'École du Barreau. Une fois admis, ces étudiants doivent réussir avec succès les cinq examens qui s'échelonnent au fil de l'année scolaire.

En 1995-1996, lorsqu'est entré en vigueur le nouveau programme, 22 % des étudiants n'ont pu se présenter au stage faute d'avoir réussi l'un ou l'autre des cinq examens. Il faut cependant préciser que ces étudiants n'auront à reprendre que les examens qu'ils ont échoués, bénéficiant d'une période de trois ans pour réussir l'ensemble. Pendant ces trois années, les étudiants ont six occasions de se présenter à chacun des examens.

Peut-on affirmer sérieusement que le Barreau fait du contingentement lorsqu'il offre aux étudiants six possibilités de réussir chaque examen? Ajoutons pour compléter que le Conseil général du Barreau du Québec s'est prononcé en juin 1996 contre le contingentement à l'École du Barreau.

Parlons maintenant de la qualité de la formation universitaire. Bien que l'École du Barreau ne puisse évaluer la qualité de la formation dispensée dans chaque université, elle peut toutefois évaluer la qualité des candidats provenant des facultés de droit, compte tenu de leur préparation. Après la lecture des résultats de 1995-1996, force nous est de constater que tous les candidats qui obtiennent un baccalauréat en droit ne sont pas de qualité égale. Celle-ci varie d'une faculté à l'autre.

Ainsi, en 1995-1996, 93 % des candidats de l'Université de Sherbrooke avaient réussi tous leurs examens du Barreau, alors que les finissants de l'Université du Québec à Montréal avaient réussi dans une proportion de 50 %. Les candidats des autres facultés ont réussi dans une proportion variant entre 75 % et 85 %. Cet exemple illustre bien l'écart important qui peut exister entre des bacheliers provenant de facultés différentes.

Une étude effectuée récemment par l'École du Barreau, portant sur la préparation des candidats admis à l'École pour l'année 1995-1996, nous confirme qu'ils n'ont pas tous les mêmes connaissances de base en droit; de plus, plusieurs d'entre eux ont de la difficulté à faire la synthèse des connaissances juridiques acquises de même qu'à rédiger. Nos examens n'ont d'autre but que de sanctionner le niveau de connaissances et d'habiletés des candidats admissibles à la profession, tel que l'exige le mandat de protection du public du Barreau du Québec.

Qu'en est-il de ces fameux examens? Environ 1 000 étudiants se présentent chaque année à chacune des cinq séances d'examen de l'École du Barreau. Dans ces circonstances, la préparation et la correction doivent suivre un processus extrêmement rigoureux, dont les quatorze étapes sont décrites dans un protocole remis à chaque étudiant en début d'année. Nos examens sont préparés avec une très grande rigueur par des spécialistes reconnus dans leurs domaines. Les problèmes et questions qui y sont posés appellent des réponses précises sur des sujets peu controversés du droit afin d'éviter les débats propres aux zones grises du droit.

Compte tenu du très grand nombre de copies à corriger, la correction de nos examens s'effectue avec un souci constant d'uniformité afin de s'assurer de l'homogénéité de la correction. Toute réponse jugée valable en regard de notre corrigé se voit accorder les points prévus au barème de correction. Toutefois, il nous est apparu que plusieurs étudiants éprouvent de la difficulté à déterminer les faits pertinents lorsque requis et à motiver leur réponse avec les articles de loi appropriés. Bien souvent, plusieurs étudiants ne réussissent pas à obtenir des points parce qu'ils ont éludé les questions posées.

Par ailleurs, nous sommes conscients que notre programme, par les matières qui y sont abordées, a un certain effet structurant sur les cours offerts à l'université. Comment pourrait-il en être autrement? Il est tout à fait normal que les étudiants qui se destinent à la profession d'avocat s'y préparent et l'École de formation professionnelle en est la porte d'entrée. C'est pourquoi nous avons élaboré un profil indicatif ayant pour but de les aider à s'y préparer en leur indiquant quelles sont les matières qui sont présumées acquises lorsqu'ils se présentent à l'École. Celles-ci correspondent à une quinzaine de cours enseignés lors des deux premières années du baccalauréat universitaire.

Certains imputent au profil indicatif du Barreau la responsabilité de la diminution du nombre de cours offerts dans les facultés de droit: c'est oublier que ce phénomène qui existe dans plusieurs disciplines universitaires est principalement dû aux importantes coupures budgétaires imposées aux universités. Elles se voient forcées de diminuer le nombre de cours offerts et d'augmenter en conséquen-
ce le nombre d'étudiants par cours.

Parlons enfin de la réussite des étudiants. L'École du Barreau est soucieuse de voir réussir ses étudiants. C'est pour cette raison qu'elle a institué un programme diversifié d'une durée de huit mois suivi d'un stage de six mois s'appuyant sur un matériel pédagogique et d'encadrement dont la qualité est reconnue au sein de la profession.

Depuis l'automne 1995, notre programme a été enrichi considérablement, à la suite des demandes pressantes des étudiants, des avocats et de l'Office des profession. Il comporte donc l'enseignement des habiletés, hérité du précédent programme, soit, la consultation et la recherche, la rédaction, la négociation et la représentation de même que l'enseignement du droit substantiel, portant sur le Barreau et la pratique professionnelle, la Preuve et la procédure, le Droit civil, le Droit public et administratif, le Droit des affaires et le Droit pénal.

L'enrichissement de notre programme a comme corollaire l'augmentation de la difficulté de nos examens. Les étudiants pour qui cette orientation pose problème auraient sûrement un examen de conscience à faire quant à leur niveau de préparation, car être confronté à l'échec représente certainement une épreuve difficile. Toutefois, la solution ne peut résider dans la facilité.

Jacques Lemay, avocat

Président du Comité de la formation Professionnelle École du Barreau du Québec