Lors du Congrès du Barreau, Me Raymonde Lasalle a adressé une allocution qui a sûrement suscité l'intérêt des plaideurs les plus audacieux. En effet, comme Me Lasalle l'indique, les conjoints de fait n'ont qu'une reconnaissance mitigée de leurs droits. Or, dans quelle mesure peuvent-ils réclamer le droit judiciaire d'usage de la résidence familiale? L'union de fait a été défini par les tribunaux et trois composantes principales en sont ressorties: l'absence du lien du mariage, le comportement conjugal et la cohabitation. En vertu du Code civil du Québec, le conjoint de fait ne bénéficie pas des règles de l'institution du mariage telles que, notamment, le recours alimentaire, le partage du patrimoine familiale et le partage du régime matrimonial légal. Toutefois, la conférencière estime, après étude des définitions opportunes (telles que la résidence familiale apparaissant à l'article 395 C.c.Q., de la filiation aux articles 522 à 584 C.c.Q., de l'obligation alimentaire aux articles 585 à 596 C.c.Q. et de l'autorité parentale aux article 598 à 612 C.c.Q. ainsi que la jurisprudence), que les conjoints de fait, avec enfants, constituent une famille et au surplus, leur résidence est une résidence familiale. Bien que la tâche puisse s'avérer difficile, les conjoints de fait, copropriétaires indivis et ceux gardiens d'enfants peuvent réclamer un droit judiciaire d'usage de la résidence familiale. Toutefois, il ne faut pas ignorer que sous l'ancien Code civil, des juges se sont prononcés à ce sujet et ont indiqué qu'il n'existait pas de disposition dans la loi permettant à un copropriétaire d'évincer l'autre copropriétaire, fut-il concubin et brutal.1Dans le même sens, sous le nouveau Code civil, dans le cadre d'une garde d'enfant et de pension alimentaire, une demande d'octroi d'usage exclusif de la résidence et d'expulsion de l'immeuble d'un conjoint est jugée irrecevable puisque les articles 410 et 500 C.c.Q. ne s'appliquent pas aux conjoints de fait malgré que les deux parties étaient copropriétaires indivis de la résidence familiale. Par contre, dans une autre affaire, la Cour d'appel2 a ordonné à la conjointe de fait, intérimairement, dans le cadre d'une action en partage et licitation, de délaisser l'immeuble pour une période d'un an. Cette attribution de l'usage, sur une base alternative, semble, selon Me Lasalle, une décision exclusive et se rattachant à aucune disposition légale. Par ailleurs, envisagé sous l'angle du conjoint de fait, gardien d'enfant, le droit d'usage de la résidence familiale est possible, soumet la conférencière, bien qu'il faille recourir à des dispositions de la Charte québécoise. Le Code civil a introduit en 1980, le principe fondamental de l'égalité entre tous les enfants (article 522 C.c.Q.). Or, ce principe s'applique, lors d'une rupture des parents, différemment selon que l'enfant est issu du mariage ou d'une union de fait quant à la possibilité de demeurer dans leur milieu familial. La conférencière considère que l'article 410 C.c.Q. crée une inégalité devant la loi selon que le parent est concubin ou marié et que, conséquemment, cette inégalité découlant de l'état matrimonial du parent se répercute sur l'enfant. Elle estime qu'un plaideur pourrait invoquer que «l'article 410 C.c.Q. est discriminatoire en vertu de l'article 15(1) de la Charte canadienne, du fait de l'exclusion des concubins parents du droit d'usage de la résidence familiale lorsqu'ils sont nommés gardiens des enfants par le tribunal.» Concurremment, Me Lasalle soumet qu'il serait souhaitable d'interpréter largement le droit de garde du concubin parent (articles 599, 604 et 605 C.c.Q.) et ce, en tenant compte de l'intérêt de l'enfant issu de cette union de fait et ainsi demander un droit d'usage de la résidence familiale. Me Lasalle croit pertinent de plaider l'intérêt de l'enfant puisque celui-ci est la pierre angulaire de l'exercice de l'autorité parentale et du droit de garde (articles 32 et 33 C.c.Q.). Au surplus, la conférencière indique que ces dernières dispositions devraient se lire conjointement avec les articles 39 et 53 de la Charte québécoise qui énonce les principes de la protection de l'enfant. D'ailleurs, dans l'affaire Boisvert c. Brien une requête pour garde d'enfants et pension alimentaire ainsi que le droit d'usage de la résidence familiale avec les trois enfants ont été accordés. Dans cette requête, l'on invoquait les deux chartes pour justifier le droit d'usage. Pensions alimentaires Des modifications importantes au système fiscal des pensions alimentaires au Canada, jumelées avec le nouveau système de pensions alimentaires pour enfants, encadrent désormais le monde des pensions alimentaires. Me Jean-Marie Fortin, à la suite de la conférence de Me Raymonde Lasalle, a examiné en détail les effets et les mécanismes de ces changements. Entrées en vigueur le 1er mai dernier, la défiscalisation des pensions alimentaires ainsi que les nouvelles règles de fixation de celles-ci ne s'appliquent pas à toutes les ordonnances, ni à tous les dossiers en matière matrimoniale. Tout jugement en matière de défiscalisation rendu après l'entrée en vigueur, le 1er mai 1997, est affecté par cette loi, malgré que les procédures aient été entamées avant le 1er mai. Toutefois, les ententes ou les ordonnances antérieures à cette date ne seront pas touchées par la défiscalisation et la fiscalisation continuera de s'appliquer. Pour ce qui est des lignes directrices fédérales, elles sont entrées en vigueur le 1er mai et s'appliquent quelque soit la date de début des procédures. Par contre, les normes provinciales entrées en vigueur au 1er mai, ne s'appliquent pas aux instances qui ont débutés avant cette date. Ces mesures visent toutes nouvelles ordonnances et nouvelles ententes ainsi que celles modifiant les ordonnances et ententes d'avant le 1er mai. Ainsi, sont exclues toutes ordonnances et ententes conclues avant le 1er mai ainsi que celles pour le bénéfice du conjoint ou de l'ex-conjoint. 1 Fortin c. Lapointe [1986] R.D.I. 308 (C.A.) 2 Gagnon c. Angers C.C. no 500-09-001972-976, le 10 octobre 1996.
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