L'œuvre
de Sabine Schrader, intitulée Mon cas n'est
pas unique,
citation empruntée de l'autobiographie
de Violette Leduc, est une recherche approfondie sur le discours homosexuel
des autobiographies françaises du XXe siècle,
comme l'indique
le sous-titre. L'étude
envisage d'éclairer
les possibilités d'une
écriture autobiographique qui ose toucher à l'" inavouable"
(Philippe Lejeune) d'un tel projet, en mettant en scène ce que Marcel
Proust à déconseillé à André Gide: "Vous
pouvez tout raconter,... mais à condition de ne jamais dire Je.
Or,
le travail de Sabine Schrader se lance dans un terrain vierge au niveau
de la critique littéraire française. Ainsi l'enjeu
propre est d'analyser
la manière dont les homosexuels s'écrivent.
Par-là il s'agit
de découvrir les stratégies de la représentation de
soi-même, les effets structurels et les ""topoi littéraires
sous la perspective de l'homosexualité.
En dégageant les facettes spécifiques d'un
discours "homoérotique l'étude
tente en s'intéressant
au contexte historique de montrer comment l'individu
aperçoit son identité et s'en
assure à une époque donnée. L'analyse
détaillée s'appuie
sur trois textes autobiographiques, archétypiques d'une
écriture gay et lesbienne du XXe siècle qui sont
dans la tradition de Jean-Jacques Rousseau. Le premier texte qui brise
le tabou postulé par Marcel Proust est justement celui d'André
Gide: Si le grain ne meurt (1926). S'ensu"ivent,
toujours sous le point de vue des archétypes, celui de Jean Genet
Journal du voleur (1949) et celui de Violette Leduc La Bâtarde
(1964).
Dans
une première partie théorique Sabine Schrader développe
une approche interdisciplinaire pour traiter d'un
point de vue critique de questions autour du genre autobiographique, du
canon littéraire, de la minor culture, de la culture of
minorities, des conceptions de la réalité et de l'identité
ainsi que du corps. À partir des idées de Philippe Lejeune
(le genre autobiographique), de Clifford Geertz (la culture, les symboles),
de Michel Foucault (l'analyse
du discours), de Paul Ricœur (la narratologie) et de Annegret Heitmann
(la réflexivité du genre) elle forge un outil de travail
qu'elle
noue aux approches du gender- et queer studies. L'identité
sexuelle qui est au cœur des autobiographies en question est l'alliance
discursive du sex (le corps), du gender (l'interprétation
des rôles du corps), des pratiques sexuelles et du désir.
L'axe
de l'analyse
au niveau du texte est la représentation du gender à
partir de laquelle les conceptions du corps et du désir sont déduites.