Volume I, No. 1 Septembre
1999
Societas criticus
Revue de critique sociale et politique
Pensée du mois
La démocratie substitue l'élection du grand nombre des
incompétents à la désignation par le petit nombre des corrompus. B.
Shaw
(Roland Jacquard, Dictionnaire du parfait cynique, Livre
de poche, biblio essais)
Societas criticus
Volume I, No. 1 Septembre
1999
Cette
revue est éditée pour le plaisir à compte d'auteur. Si vous désirez nous
appuyer nous accepterons des dons minimes (genre $1.). Nos coordonnées
sont:
www.homestead.com/societascriticus
Michel Handfield, éditeur
Societas Criticus
C.P. 182
Succ. Saint-Michel
Montréal (Québec)
Canada H2A 3L9
Co-direction
Michel Handfield, M.Sc. Sociologie, Délinquant Intellectuel
Gaétan Chênevert, M.Sc. Adm. (productivité humaine), Diogénien
Ce mois-ci:
Page 4: Présentation
ou De l'évolution!
Page 6: Qui
commande nos sociétés démocratiques?
Page 11: La dénatalité: un phénomène d'adaptation?
Page 20: Critique Livre
Page 22: Communiqués :
Appel aux lecteurs
Chers lecteurs, il nous fait plaisir de vous convier à
participer à nos états d'âme. Comme cette revue vise à débattre d'idées pour
mieux comprendre et interpréter le monde qui nous entoure et que nous ne
pouvons le faire seul, il vous est possible de nous soumettre vos textes par
courrier électronique.
Naturellement, nous nous réservons le droit de les
réduire et les opinions des auteurs n'engagent qu'eux.
Comme tous les concepts nous influencent et nous
entraînent, qu'on le veuille ou non, dans des chemins divergents, il se peut
aussi que l'on prenne la liberté de publier votre texte et d'y répondre pour le
plaisir de débattre et d'élargir les horizons. Car c'est de la confrontation
des idées que naît la force motrice qui fait évoluer les sociétés. Pour bien
saisir le réel, il faut apprendre à s'élever au-dessus de la mêlée, développer
son sens d'observation, d'analyse et de critique. Il faut s'habituer à faire fi des préjugées,
des théories et des idéologies qui déforment la réalité et nous empêchent de
penser autrement. Il ne faut pas
craindre de remettre en cause les idées reçues. Ce journal se veut un lieu
d'expression et les lecteurs peuvent exprimer leurs pensées sur un sujet ou un
article paru. Bienvenue à tous.
Les éditeurs
____________________________________________________________
Magasin de peiture St-Michel
3649,
Bélair, Montréal (Québec) H2A 2B4,
Tél:
(1-514) 728-3182
Wilfrid
Rochon, prop.
Présentation ou De l'évolution!
Quand on écoute nos élites discourir, que ce soit nos élites d'affaires,
politiques, scientifiques et techniques, toutes les annonces vont dans le sens
de l'évolution. Mais quelle évolution? S'est-on posé la question? Et si oui, se
la repose-t-on assez souvent?
Oui, il y a évolution indéniable au niveau des sciences et des
techniques. Pensons à la médecine, à l'ingénierie, à la science. Pensons aux
techniques de guerre. Mais, au niveau des comportements humains, y-a-t-il eu la
même évolution? On dit être sur une petite planète, de plus en plus dépendant
les uns des autres… mais la coopération n'a jamais eu et n'a pas encore autant
de ressources que les ministères de la guerre. Un ministre de la coopération
est moins important qu'un ministre de la Défense dans la plupart des pays.
C'est dire où sont nos valeurs.
D'ailleurs, actuellement, dans
bien des pays du globe, il y aurait encore beaucoup de chemin à faire pour en
venir à la conception démocratique des anciens grecs. Mais, techniquement, et
surtout militairement, ces pays sont bien équipés pour maintenir leurs
populations sous leur joug.
Même nos pays démocratiques le sont-ils vraiment? Quand la presse, la
radio et la télévision, grands moyens de diffusion des idées s'il en est, sont
contrôlés par des magnas ou des États, les idées nouvelles ont peu de chance
d'être diffusées à moins d'aller dans le sens voulu par ceux qui contrôlent ces
moyens de communication.
Par contre, de nouveaux moyens émergent et le principal d'entre eux est
l'internet. En effet, tous peuvent diffuser dessus, que ce soit des
groupuscules ou des grands groupes de presse. Il n'est pas dit non plus que les
groupuscules ne sont pas eux-aussi idéologiquement orientés. Loin de là s'en
faut. Pensons aux sectes et à certains groupuscules politiques, où l'idéologie
est plus importante que les faits. (1)
Nous avons pensé utiliser l'internet pour diffuser. Notre but n'est pas
tant de diffuser des idées ou des évènements que de les diffuser différemment,
c'est-à-dire que nous ne diffuserons pas
nécessairement une nouvelle ou un événement qui vient d'arriver. Si nous le
faisons cependant, c'est parce-qu'on peut l'inscrire dans une suite d'évènements
marquants dont on peut tirer une analyse ou une critique.
Comme tout est social ou politique, nous pourrons tout regarder sous cet
angle, que ce soit les sports ou les arts, la politique ou la science, la
technique ou la philosophie. Pourquoi se limiter. En fait, ce sont les
gouvernements et les élites qui veulent limiter le peuple avec leur
vocabulaire hermétique que seul les
spécialistes comprennent. Ainsi il est beaucoup plus facile de ne pas élargir
le débat à tous, sous prétexte d'un manque de connaissance. Et en limitant
l'entrée dans le débat, on limite aussi l'accès aux connaissances nécessaires
pour en faire partie. On crée donc un cercle vicieux où le citoyen est toujours
laissé de côté avec un bon prétexte: il
n'a pas la connaissance pour débattre et, comme il ne peut débattre, il ne peut
jamais l'acquérir. On lui parle de démocratie lorsqu'il est temps de choisir un
Gouvernement; lorsqu'il est temps de décider de ce qui est bon ou mauvais pour
lui, on lui parle des spécialistes. Il n'a pas mot dire.
Michel Handfield, M.Sc.
sociologie
Notes:
(1)
A ce sujet nous recommandons la lecture des essais de
John Ralston Saul qui dénonce l'idéologie, le conformisme et le corporatisme
comme étant des maux qui rongent la démocratie. Voir: Voltaire's bastards, The
Doubter's companion, the Unconscious civilisation, et, pour ceux qui
s'intéressent à la question du Québec et du Canada, Reflections of a siamese
twin. Ce ne sont cependant pas des ouvrages facile à lire.
QUI COMMANDE DANS NOS SOCIÉTÉS DÉMOCRATIQUES ?
Gaétan Chênevert
Je lisais récemment un texte qui disait : "Ainsi
que l'a résumé M. Dostaler (professeur d'économie à l'UQAM), pour le dernier
Nobel d'économie comme pour Keynes, «le rôle de l'économie consiste à indiquer
quels sont les moyens techniques qu'il faut employer pour atteindre des
objectifs fixés par la sphère politique qui, elle, est du ressort des
citoyens». Donc de la démocratie". Alors voilà, y a beaucoup à dire
là-dessus. C'est un sujet vaste et dense
qui ne manquera pas de soulever des discussions.
Qui devrait dicter la marche à suivre en
économie? Les spécialistes? Les
affairistes? Les entreprises? Les gouvernements? Le Peuple? Quand un pays décide de ce qui est économiquement
bon pour lui, qui le fait ? Que ça soit
au niveau local, national, mondial, quelles sont les personnes qui décident de
ce qui est bon pour les pays et les peuples ?
Pourquoi toutes ces questions? Parce qu'il est toujours bon de faire
travailler notre cervelle; c'est un excellent exercice. Voyez-vous, il ne faut pas que notre caboche
abandonne une des facultés les plus précieuses qui lui ait été donnée, celle de
penser. Même si on cherche à l'aveugler,
la détourner ou l'intoxiquer, restez vigilant, doutez et, surtout, questionnez
toujours. Tous ces beaux discours économiques et politiques que l'on nous vend
me laisse malheureusement perplexe sur notre capacité à penser le vrai et le
faux.
On dit que la démocratie c'est le gouvernement par et
pour le peuple. Ne pouvant être
tous présents en chambre pour gouverner,
on se choisit des représentants (administrateurs, conseillers, députés selon
les régimes politiques). Ils ont pour
mandat de nous représenter. Dans nos
démocraties occidentales, ce n'est plus une personne (roi, tyran, dictateur)
qui gouverne seul avec sa clique un pays ou un état, ce sont nos élus qui nous
représentent, qui gouvernent et voient à la bonne marche de l'État. Le pouvoir
nous appartient donc, il s'agit de l'exercer. (a)
La démocratie n'est pas facile à obtenir, on n'a qu'à
regarder partout dans le monde les peuples qui se battent pour la
conquérir. Elle se bâtit au fil des ans
et même des siècles. On se bute au pouvoir en place, on fait des guerres, on
s'affronte, on fait des référendums, mais, à force de persévérance et de
combats on y parvient, non sans de douloureux sacrifices. Une fois qu'on l'a gagnée, elle s'infiltre
partout, surtout au gouvernement et dans ses institutions, à travers les
organismes et dans la population. Ça
devient une façon de vivre. Après
l'avoir goûtée on ne veut plus s'en départir.
Ses effets sont bénéfiques et salutaires. Le pouvoir est mieux
équilibré. On peut contester,
s'impliquer, s'organiser, se faire entendre pour influencer nos élus sur les
orientations majeures touchant les principaux domaines de notre société. S'ils ne font pas l'affaire, on les remplace
aux prochaines élections ou on démarre un nouveau parti, on monte aux
barricades, on conteste, on persuade la population qu'on est meilleur. On veut
acquérir le pouvoir, on veut gouverner pour changer les choses. La démocratie le permet, on se sent donc plus
libre, plus sûr et mieux protégé. Par
contre, pour la défendre et la conserver bien vivante, il faut l'exercer et là,
le citoyen a un rôle primordial à jouer à part voter lors d'une élection. (b)
Notre démocratie est-elle bien vivante ? Chez nous au Québec, lorsqu'on veut
déterminer les grands enjeux de notre société, comment procédons-nous ? Un des
mécanismes consiste à tenir des sommets (économiques, jeunesse,
éducation…). Prenons l'exemple du sommet
économique. On y retrouve bien sûr nos
dirigeants politiques, quelques hommes d'affaires, les principaux représentants
syndicaux et quelques groupes communautaires reconnus. A première vue, tous les éléments de notre
société y sont représentés (gouvernement, affaires, syndicats, chômeurs,
assistés sociaux, handicapés…). La
démocratie s'exerce à travers nos représentants, donc nos décideurs. On y discute les grandes orientations
économiques dont les décisions auront un impact majeur sur la vie de millions
de gens. Chacun des groupes arrive avec
sa liste d'épicerie et tente d'en gagner le plus possible. On négocie, on échange, on gagne, on perd, on
fait des jeux de coulisse, on lave son linge sale, on use des médias pour faire
valoir son point de vue, on dénonce …et tout le tralala. Cette arène, où chacun défend ses idées, est
démocratique, il faut en convenir, la plupart des gens dans la population y
étant représentés. On cherche le
consensus afin de satisfaire tout le monde. (c )
Il semble bien que la démocratie soit vivante et
s'exerce correctement chez nous. Alors
pourquoi certaines personnes prétendent qu'elle soit menacée? Qui la menace? Quand on observe notre société depuis
quelques années, on constate un accroissement de la pauvreté, du chômage et des déficits gouvernementaux.
On réclame l'État minimal, le désinvestissement dans les programmes sociaux, la
déréglementation; on glorifie la rentabilité, la productivité, la
compétitivité, la concurrence, la performance. On déménage la production vers
les endroits où les coûts sont les plus bas. On exige des compensations et des
subsides de la part des gouvernements sous peine de ne pas investir chez
eux. Dans les marchés financiers on se
réjouit des fusions à outrance, des mises à pied qui réconfortent les
actionnaires en augmentant le prix de leurs actions; on autorise la concentration des capitaux et
leurs flux etc. Mais, d'où nous viennent
tous ces commandements? D'où proviennent
toutes ces notions qu'on nous force à appliquer? Qui ordonne ces actions? Toutes ces
prescriptions ont des répercussions majeures sur notre vie et sont commandées
non par les élus mais par les mandarins de l'idéologie néo-libérale, les gardes
du temple et leurs prédicateurs. Il n'ont rien à foutre de la démocratie, car
elle est en contradiction totale avec leur idéologie. (d)
Toutes ces notions dites néo-libérales sont très bien
enracinées dans nos sociétés. À preuve, lors du dernier sommet économique du
Québec, même si les participants connaissaient les ravages des politiques
néo-libérales - ayant été expérimentées dans d'autres pays - elles ont quand
même été adoptées. Le consensus
Québécois. L'idéologie nous est imposée
de l'extérieur et, malheureusement, on retrouve à l'intérieur du gouvernement
plusieurs défenseurs des idées néo-libérales qui, avec l'appui des affairistes,
imposent facilement leur vision aux autres groupes sans que les syndicats. à
part quelques offuscations, n'y changent grand-chose étant eux même pris au
piège. Quant aux dégâts, on n'a qu'à lire les journaux, ils en sont remplis.
(e)
À vrai dire, c'est la sphère économique pensée et
dirigée de l'extérieur qui fixe ses objectifs et indique à la sphère politique
les moyens techniques et stratégiques qu'il faut employer pour atteindre ses
objectifs, qui eux ne sont pas du ressort des citoyens. Donc une oligarchie d'affaires. La démocratie en prend pour son rhume. Ce sont des non élus affairistes et
spécialistes qui dictent de la marche à suivre de l'économie. (e)
Que pouvons-nous faire ? Investir
dans la base, c'est-à-dire former et éduquer les gens. Apprendre à penser,
questionner, partager; se regrouper et discuter; interpeller nos élus et nos décideurs; se
battre. Informer ses amis et jouer son
rôle de citoyen. Pourquoi ne pas
globaliser ou mondialiser nos revendications en jouant le même jeu. Les moyens techniques existent pour nous
aussi. Pourquoi ne pas mobiliser la planète?
Le gouvernement, c'est nous. Exerçons notre rôle et prenons notre place.
Seul, on ne peut rien faire, ensemble on peut aller loin. Comme le dit
Benjamin Disraeli:
"Nul gouvernement ne peut être
longtemps solide sans une redoutable opposition." [No government can be long secure without a formidable opposition.] (in Coningsby, I, 1.1)
La pire chose est de se taire et de rester endormi. Ils y
rêvent.
QUELQUES PISTES DE
RÉFLEXIONS
A ) Pour susciter le débat, on pourrait s'interroger sur certaines
questions : Quel serait le meilleur mode
de représentation? Se peut-il, en démocratie, qu'une clique gouverne un
État? Les députés nous représentent-ils
vraiment? Nos députés ont-ils du
pouvoir? La ligne de parti les
empêche-t-elle de se prononcer librement?
En tant que responsable, veillons-nous vraiment auprès de nos élus à ce
que la démocratie soit bien respectée?
B) Nous battons-nous encore pour la
garder? Sommes-nous écoutés? Aujourd'hui, le pouvoir est-il mieux
équilibré? Sommes-nous plus libre dans
notre démocratie? Nos grandes
institutions sont-elles vraiment démocratiques?
L'individu, exerce-t-il son rôle de citoyen? Réagissons-nous lorsqu'elle n'est pas
appliquée?
C) Qui commande et dirige dans ces sommets?
Ces rencontres ne sont-elles pas déjà biaisées, c'est-à-dire enfermées
dans un cadre donné par le gouvernement sous la pression de l'idéologie
dominante? Quels sont le poids et
l'importance de chacun des groupes représentés?
Qui sont les plus forts? Quels
sont les groupes les plus influents et pourquoi? Pour quels intérêts travaillent-ils?
Qui commande?
Comment réagissent nos élus? Comment réagissent les citoyens? Qui
s'oppose et critique?
D) Existe-t-ils d'autres choix?
Réplique du co-éditeur:
Gaétan, la citation de Benjamin Disraeli me tracasse. "Nul gouvernement ne peut être
longtemps solide sans une redoutable opposition."
(in Coningsby, I,
1.1)
Il faudrait voir le contexte de cette citation, car la réalité semble
s'y opposer, du moins au premier sens. Quand un Gouvernement fait face à une
opposition forte, il est souvent renversé. Pensons à l'Italie où les coalitions
tombent comme des mouches. Inversement, les Dictatures qui écrasent
l'opposition durent. Même en occident on connaît certaines oligarchie
politique. Un Gouvernement - au sens de Parti ou Groupe au Pouvoir - peut être
longtemps solide sans opposition selon moi.
Il est vrai que l'on peut y trouver un second sens. Si par Gouvernement
on parle de l'Assemblée Législative, du Parlementarisme, bref de l'institution,
tout change. Car le Gouvernement du Peuple, voir la Démocratie, se maintien
dans le passage du Pouvoir d'un groupe (ou Parti) à l'autre. Les gouvernements
font le succès du Gouvernement! Voir de l'État. Il est vrai qu'il peut
substituer une dictature parlementaire entre les élections, le Gouvernement élu
pouvant faire ce qu'il veut jusqu'au prochain mandat. C'est souvent le cas du
parlementarisme bipartite tel qu'on le
connaît.
Par contre si l'on dépasse le bipartisme (avec le régime proportionnel)
et que du débat entre les forces en présences naît une forme de Gouvernement et
de direction de l'État par coalition (qui n'est alors plus le fruit du seul
parti au Pouvoir), là on ne sait plus quoi vient de qui. C'est une macédoine
d'idées. Des compromis et des alliances se font et se défont pour représenter l'électorat
le plus large. On peut alors dire comme
Disraeli. Il faudrait donc avoir une
idée plus large de ce texte de Disraeli. Si un lecteur peut nous éclairer
là-dessus… ce serait bienvenu.
Michel Handfield, co-éditeur.
La dénatalité: un phénomène d'adaptation?
Michel Handfield
La
plupart des pays industrialisés sont aux prises avec un problème de dénatalité
et de vieillissement de la population - naturellement pour certains le problème
est plus grave, mais tel n'est pas notre propos. Tous en cherchent les causes.
Et si ce n'était qu'un phénomène d'adaptation?
Telle est la question que nous posons ici. Comme vous allez le voir,
ceci nous amènera à poser un diagnostic beaucoup plus large de la civilisation
moderne occidentale.
1. Les
facteurs sociaux:
Autrefois,
la famille nombreuse était nécessaire, car il fallait des bras pour produire.
Pensons aux cultivateurs dont tous les membres de la famille participaient au
travail de la ferme. Pensons aux usines
qui embauchaient "à tour de bras" comme le dit l'expression. L'humain
était la force motrice des entreprises. Mais avec la technologie, l'humain est
de moins en moins nécessaire, du moins dans les pays occidentaux. (1)
Avec le
développement des technologies, l'humain est devenu un coût (plutôt qu'un
actif) que l'on cherche à éliminer pour rendre les entreprises plus
compétitives. Signe des temps: les actions boursières prennent de la valeur
quand les entreprises débauchent du personnel. Autrefois les entreprises
avaient un "Service du Personnel",
la personne étant facteur de plus-value. Aujourd'hui le "Service du
Personnel" a été remplacé par les "Ressources Humaines". Ce
n'est pas un hasard. Le propre d'une ressource c'est d'être exploitée. Après on
passe à autre chose. On se retrouve avec des ressources humaines jetables (du
personnel au besoin) au même titre que toutes autres ressources servant à
produire. D'ailleurs les ressources
humaines gèrent de plus en plus de personnel
temporaire.
Le même
phénomène se voit dans l'agriculture, un secteur pourtant qualifié de primaire. Autrefois, il fallait
des bras pour faire le travail; aujourd'hui il faut du Capital, car la plupart des opérations sont automatisées. Et pour suivre les
développements technologiques, il ne faut pas embaucher plus de personnel que
nécessaire. Gérer une ferme, une PME ou une succursale bancaire relève des
mêmes opérations comptables. On ne gère plus du personnel mais des ressources…
et l'objectif est de les aménager pour avoir le rendement le plus élevé à
moindre coût. Les considérations humaines ne sont plus de mises. Si un
équipement peut remplacer quelques travailleurs et accroître la rentabilité, il
sera acheté. Que cela soit sur une
ferme, dans une PME ou dans une multinationale n'a pas d'importance.
Les considérations
sociales n'étant pas l'affaire de l'entreprise, elles sont transférées à la
communauté. Si fermer une usine fait économiser 200 000$ à une entreprise elle
le fera même si, socialement, cela coûte plusieurs millions à la communauté.
Elle n'a que faire de ces considérations. D'ailleurs ce n'est pas elle qui les
assumera, mais l'État.
Et
conséquence, comme le travail est de moins en moins certain et de plus en plus
rare, bref précaire, il est de moins en
moins facile d'avoir une famille nombreuse - et même d'avoir une famille. Il se
produit une autorégulation: les
conditions sociales demandant de moins en moins de personnel, il devient de
plus en plus difficile d'avoir les moyens d'élever une famille. Autrefois les
enfants étaient un support nécessaire tant à l'entreprise qu'à la famille (le
travail des enfants accroissaient en même temps les revenus familiaux et de
l'entreprise). Aujourd'hui, au contraire,
la technologie est plus profitable à l'entreprise. Et le surplus de
revenus familial (lorsqu'il y en a) doit être investit dans la formation
continue des personnes pour assurer leur employabilité avant de penser
l'investir dans une famille. Les enfants
sont ainsi passés d'une nécessité à un luxe. Telle est la fatalité de notre
temps.
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Le Jardin de l'Orchidée
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Sylvie Liboiron, prop.
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2. Le
décalage humain:
Un autre
problème est le décalage humain. Quand l'économie va et que l'avenir semble
prometteur, il est tentant de vouloir des enfants. Ce fut le cas de
l'après-guerre qui nous a donné le "baby boom"! Cependant, entre le
temps où naissent ces enfants et le temps où ils sont prêts à entrer sur le
marché du travail (entre 16 et 25 ans), les conditions peuvent changer. Des emplois sont disparus et
d'autres apparus. Des emplois qui existaient il y a 10 ans n'existent plus ou
sont rares aujourd'hui - comme une
sténo-dactylo - et d'autres dont on ne connaissait même pas le nom il y a 15 ans (comme créateur de multimédia)
sont en pénurie de personnel qualifié.
Ainsi si
l'humain subit peu de menace d'un environnement
naturel qu'il a maîtrisé, il en subit de grandes de l'environnement
social qu'il a créé - c'est-à-dire technologique et économique. Et comme il ne
peut s'adapter à court terme, il est toujours en décalage par rapport à cet
environnement artificiel.
Dans la
nature, s'il manque de nourriture une année, la population peut se stabiliser
en quelques mois. S'il y a davantage de nourriture une autre année, la
population croît en conséquence. On ne peut jouer avec les populations humaines
de cette façon. (2) On se trouve ainsi
aux prise avec des gens sans emplois d'un côté et des pénuries de mains-d'œuvre
de l'autre. On ne peut planifier les progrès et ses conséquences sur l'homme.
Il y a donc continuellement décalage entre l'offre de main-d'œuvre et les
besoins des entreprises, vu les progrès technologiques. (3)
On ne peut alors regarder les politiques
familiales sans regarder la notion de revenu,
sinon ces politiques seront
inefficaces. On ne peut soutenir les enfants (comme certaines politiques le
font) sans considérer la condition des parents.
Et il ne faut surtout pas s'arrêter à court terme (4 ou 5 ans
d'interventions), car ce problème d'inadaptation entre population et emplois
est perpétuel, l'environnement économique et technologique n'arrêtant pas
d'évoluer. Il faut donc créer de nouveaux mécanismes régulateurs… pour le bien
des citoyens.
3. Du
besoins de mécanismes régulateurs:
La
richesse se crée avec de moins en moins de travailleurs, parfois même sans
travailleur comme dans la spéculation. Il faut donc penser à sa redistribution.
Cela ne peut être laissé aux entreprises comme le croient trop souvent les
Gouvernements. La tendance actuelle, qui consiste à croire que si les
entreprises font davantage de profits toute la société s'enrichira, est fausse.
Au contraire. D'ailleurs, les entreprises s'enrichissent et rationalisent leur
personnel. Emploi et enrichissement ne vont pas nécessairement de paire et sont
parfois contraire. Il n'est pas rare
qu'après des coupes massives dans le personnel, les actions montent en flèche
et les dirigeants voient leurs bonis croître!
Dans l'entreprise moderne, l'emploi est
souvent un coût qu'il faut réduire, sinon éliminer. La grande entreprise
poursuit un but de profit, non de redistribution de la richesse. (4) Ce dernier
but est politique. Trop souvent nos politiciens semblent l'oublier et agissent
comme s'ils n'étaient que des administrateurs du budget national.
Le rôle
de l'État est de mettre en place des mécanismes régulateurs pour contrer les
effets pervers du marché et de la technique. Il ne faut jamais oublier que
l'objectif de l'entreprise n'est pas nécessairement compatible avec le bien
être des Citoyens. C'est au Politique d'y voir en mettant en place des
mécanismes de régulation économique.
Préalablement
à la mise en place de ces mécanismes, l'État doit s'assurer des revenus.
Malheureusement, tous s'accordent à dire que le travailleur paie trop d'impôt.
Nous sommes tout à fait d'accord avec eux sur ce point. Sauf que, contrairement
à d'autres, nous croyons que réduire les impôts des travailleurs ne veut pas
dire réduire les revenus et les services de l'État. Il faut trouver de
nouvelles sources de revenus. Si l'apport du travail humain diminue comme
facteur de création de la richesse, on ne peut le taxer davantage. Cependant on
se doit de taxer les nouvelles formes de création de la richesse. C'est ainsi
que les équipements qui remplacent les humains pourraient être taxés, tout
comme les profits spéculatifs et les échanges électroniques de capitaux. L'État
a des services à assurer. C'est son rôle d'adapter ses outils de taxation aux
méthodes modernes. Pourquoi l'État continuerait à taxer les outils de
production du siècle précédent, soit les travailleurs, si ces outils sont de
plus en plus délaissés au profit de nouveaux moyens de production?
Une fois
que l'État s'assure de revenus, il doit répondre aux besoins de ses
citoyens. On peut alors parler d'un revenu de citoyenneté, car si l'humain est de moins en moins nécessaire
comme producteur dans la société moderne, il l'est de plus en plus comme
consommateur. Éliminer la consommation et vous éliminerez les entreprises, même
celles qui plaident pour le désengagement de l'État! L'humain est le carburant
de la société capitaliste! Il ne faut pas l'oublier.
La qualité
de vie est un autre objectif à
atteindre. Si on a besoin de moins d'humains pour produire, on peut, avec
l'aide d'outils comme le revenu de citoyen, penser à la réduction du temps de
travail et au partage de l'emploi. Ainsi, le citoyen aura du temps pour
étudier, faire des arts, inventer de nouveaux produits, faire du sport ou
dormir si cela l'enchante! La productivité n'est pas nécessairement un objectif
de vie. Quant à ceux pour qui elle l'est, cela ne passe pas nécessairement par
le travail organisé en usine. Cela peut aussi passer par la créativité.
Il est
temps de regarder l'économique autrement que comme une sphère privée. Il faut
redonner ses lettres de noblesse à l'économie politique! Le Citoyen n'est pas
un client et l'État n'est pas un "centre de profit"! Peut être qu'en faisant un retour sur nos
valeurs… on résoudrait davantage le
problème de la dénatalité qu'en faisant des programmes d'aide à la famille.
D'ailleurs, si d'un côté on met sur pied des programmes d'aide à la famille et
que de l'autre on rationalise les emplois, pense-t-on vraiment favoriser l'émergence de familles?
Si l'on cherche à améliorer la natalité tout comme à sauvegarder la dignité des
personnes âgées, à donner des soins de qualité aux malades, à diminuer la criminalité,
etc., il n'y a qu'une solution: améliorer les services à la population et
favoriser une redistribution de la richesse. Cela est le rôle de l'État, pas de
l'entreprise. (5) Que l'État joue son rôle. Car un État qui ne questionne plus
et qui suit uniquement les diktats économiques, s'il n'est pas une dictature
militaire, l'est néanmoins au plan des idéaux. Car c'est l'absence de choix qui
caractérise d'abord la dictature.
Note:
1. Dans les pays en voie de développement, l'humain
est toujours la force motrice du développement. Les taux de natalité y sont
aussi plus élevés. Naturellement d'autres facteurs (comme la culture, la
religion, etc.) sont aussi des facteurs explicatifs.
2. Certains régimes politiques peuvent avoir tenté de
le faire. Pensons au nazisme, aux génocides et autres violences ethniques. Les
rébellions peuvent aussi avoir des origines économiques. Après il faut
reconstruire la société civile, économique et politique, donc du travail pour
les gens et les élites. C'est peut être cynique comme réflexion, mais cette
possibilité n'en est pas moins tristement possible.
3. En fait la technique a toujours évolué plus
rapidement que le social et le politique. A preuve, Platon parlait de
démocratie il y a 2,300 ans et bien des
pays ne connaissent pas encore ce qu'est une démocratie. Combien de pays, en
comparaison, ne connaissent pas les armes modernes?
4. Il faut faire cette distinction, car les très
petites entreprises (ou commerces) sont souvent de l'auto-emploi. Les petites entreprises étant souvent
imbriquées dans leur milieu, elles considèrent davantage le milieu dans leur
décision tout comme elles sollicitent son appui. Les grandes entreprises étant
souvent dirigées par des technocrates, elles sont moins portées à accorder du poids
à ces facteurs sociaux, d'autant plus qu'elles sont dirigées d'ailleurs. C'est
ainsi qu'une filiale rentable d'une multinationale peut être fermée pour des
considérations inconnues du milieu - des considérations politiques ou de
globalisation par exemple. Les moyennes entreprises naviguent entre ces deux
pôles que sont les petites et les grandes entreprises.
5. A ce sujet je vous suggère la réflexion d'un
auteur libéral, David Hume (1711-1776) qui dit que:
“Tout État est affaibli par une trop grande
disproportion entre les citoyens. Chacun, si c’est possible, devrait jouir des
fruits de son travail, par la pleine possession de tout ce qui est nécessaire à
la vie, et de plusieurs des choses qui la rendent agréable. Nul ne peut douter
qu’une telle égalité soit ce qui s’accorde le mieux avec la nature humaine et
qu’elle ôte bien moins au bonheur du riche qu’elle n’ajoute à celui du pauvre.
Elle augmente aussi le pouvoir de l’État, et elle est cause que les taxes ou
impositions extraordinaires seront payées de meilleur gré. Là où les riches
s’engraissent sur le dos d’un petit nombre, il faut que leur contribution aux
nécessités publiques soit très large; mais dès lors que les richesses sont
répandues sur une multitude, le fardeau semble léger à chaque épaule, et les
taxes n’apportent pas de différence bien sensible dans la façon de vivre de
chacun.” (La liberté comme nécessité historique, in Le libéralisme,
1998, Paris: GF Flammarion, coll. Corpus, p. 63)
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Critique de Livre
Diderot
Jacques le fataliste et son maître
(Préface d'Yvon Belaval)
Folio classique
Un livre comme on en voit rarement. Il faut lire.
Un livre savoureux, plein
d'humour, imprévisible, intelligent et qui laisse à penser. Selon Diderot lui-même, ce n'est pas un
roman. Il détestait les romans à ce qu'il paraît. C'est un livre qu'on disait
inclassable en son temps. En est-il de même aujourd'hui? Si ce n'est pas un roman, qu'est-ce que
c'est?
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Denis Recyclage
http://www3.sympatico.ca/denis.coriveau
Tél: (1-514) 729-3438 Fax: (1-514) 729-3424
Il existe chez Jacques le fataliste et son maître une
série d'histoires ou de contes de différentes longueurs entre coupés de
dialogues avec le lecteur. Vous
commencez une histoire et voilà qu'une autre apparaît sans que la première ne
soit terminée. Vous retrouvez la suite un peu plus loin à l'endroit où il
l'avait laissée et de poursuivre sans nécessairement les terminer et voilà
qu'il en débute une troisième jusqu'à ce qu'elle soit coupée de nouveau et
ainsi de suite jusqu'à la fin. Toutes
les histoires sont en plus entremêlées de dialogues avec le lecteur. Mais, ne vous en faites pas, elles vous
seront toutes racontées.
Ne vous attendez pas à une histoire où l'on file du
début à la fin comme dans les romans habituels, ce n'est pas le cas. C'est ce que j'ai aimé, une nouvelle façon
d'écrire. Selon Milan Kundera tout y est
humour et jeux. Jacques et son maître soulèvent des questions chez le lecteur.
Le maître est-il le maître? Le valet est-il le valet? Tout le long du livre, on
a souvent l'impression que Diderot se parle à lui-même. Alors Jacques et son
Maître sont-ils deux personnages ou, comme pour chacun de nous, les deux côté
d'une même personne? Ainsi, selon l'optique ont peut dire que Diderot ou les
personnages se parle(nt), se répond(ent), se questionne(nt) et soulève(nt) des
idées et propos tous plus intéressants les uns que les autres. À conseiller à ceux qui aiment sortir de
l'ordinaire et apprendre l'extraordinaire.
Gaétan
Chênevert
Communiqués
AVANT-GARDE
& CONTRE-CULTURE
Exposition du 1er
septembre au 3 octobre 1999
Le groupe Intercités s'est donné comme objectif
d'inviter chaque année un centre de diffusion de l'extérieur à venir exposer à
la ville de Repentigny. Comme premier
invité, nous avons choisi le Centre Copie-Art (fondé en 1982) à présenter une
partie de sa collection permanente, une collection d'envergure
internationale. Cette collection, unique
en son genre au Québec, a été rassemblée au fil des années par l'artiste
fondateur du Centre, Jacques Charbonneau.
Celle-ci illustre l'histoire du médium photocopie au Québec et ses liens
avec des artistes étrangers.
Dès sa commercialisation, le photocopieur a intéressé
des artistes de l'avant-garde. La
contre-culture (terme apparu en 1972), avec sa volonté de créer un art moins
élitiste a vu en la photocopie un outil d'avenir pour la démocratisation de
l'expression artistique. Source :
François Renaud (Groupe Intercités)
Salle d'exposition de la Ville de Repentigny (Bibliothèque municipale)
1, place d'Évry
informations : (450) 654-2330
heures d'ouverture : lundi et mardi fermé, mercredi et
jeudi de 18h à 21h, vendredi, samedi et dimanche de 13h à 17h
transport en commun : départ de Montréal, métro
Radisson puis autobus de la Ville de Repentigny
informations : (450) 654-2315
CENTRE COPIE-ART
813, rue Ontario est
Montréal (Québec) H2L 1P1
Téléphone : (514) 523-4830
Télécopieur : (514) 521-0226
Courriel : copieart@total.net