VertigO - La revue en sciences de l'environnement sur le WEB, Vol 2 No 1, Avril 2001

J'AI LU

Le bien commun, ,
Éloge de la solidarité
R. Petrella, Éditions Labor, 93p., 1996

Dans ce court ouvrage, Riccardo Petrella (Président du Groupe de Lisbonne) propose une réflexion sur les fondements et le fonctionnement des sociétés contemporaines, débouchant sur des propositions pour l'action. Avec une vision réconfortante de l'avenir, l'auteur explique le bien fondé du bien commun et son importance dans la structure sociale mondiale. Les principes du bien commun, seraient inclut dans le droit au travail pour tous, le plein emploi, un revenu décent pour tout travailleur et la sécurité sociale pour tous. Des principes considérés pendant de siècles comme des utopies irréalistes. Selon cet auteur, la mondialisation du libéralisme économique dont la locomotive file à vive allure doit être contrôlée et aiguillée sur une voie menant à une solidarité mondiale. Tout du moins on doit permettre au "contrôleur" social de faire contrepoids.

Il est évident que les principes fondateurs des sociétés modernes occidentales et occidentalisées s'effritent et disparaissent avec les principes de base que sont la sécurité d'existence et la garantie des droits sur la base du respect de la réciprocité entre tous les membres d'une communauté humaine. Dans tous les pays développés, les classes dirigeantes en sont venues à considérer l'état "Welfare" (l'état qui fait bien, qui promeut le bien-être) comme un boulet aux pieds des entreprises et un frein à leur compétitivité. Les entreprises demandent la privatisation et la déréglementation au nom du développement de services essentiels tels que l'alimentation, à la distribution de l'eau, à celle de l'énergie, etc.. Tout en démontrant la destruction progressive du bien commun par les tenants du néolibéralisme l'auteur illustre, l'importance du bien commun dans l'épanouissement des sociétés occidentales. Cette démonstation est particulièrement révélatrice du malaise moderne.Connaître l'importance du bien commun n'est cependant pas suffisant pour R. Petrella puisque durant ces vingt dernières années la mosaïque du bien commun a été remplacée par les lois du marché; les nouvelles Tables de la loi que sont la mondialisation, l'innovation technologique, la libéralisation, la déréglementation, la privatisation et la compétitivité. Afin d'endiguer cette hémorragie et de (re)construire le bien commun, nous devons nous donner les principes, les règles, les institutions,la culture et les moyens qui nous permettrons d'avancer sur le chemin de la gouvernance mondiale.

La gouvernance coopérative mondiale proposée dans cet ouvrage fait appel au développement d'un contrat social mondial. Ce processus à long terme et instrument évolutif doit, tout en s'articulant entre existence de l'autre et coexistence, être axé sur un contrat de l'avoir, un contrat culturel, un contrat démocratique et un contrat de la terre.

Est-ce un tel mouvement évolutif que nous observons avec la tenue des sommets parallèles, tels le sommet de Porto Alegre ou le sommet des peuples de Québec? Il y a fort à parier que le président du Groupe de Lisbonne l'espère.

É. Duchemin

La globalisation du monde,
laisser faire ou faire?
J. B. Gélinas, Les éditions Écosociété, 340p., 2000

Depuis Le piège de la mondialisation de H.-P. Martin et H. Schumann (Actes Sud, 1997), les essais sur la mondialisation ont été peu nombreux. En revanche, 2001 s'annonce une année prolifique. L'un des ouvrages publiés cette année sur ce sujet est La globalisation du monde de J. B. Gélinas. En plus de constituer une analyse approfondie du phénomène de la mondialisation, cet essai à l'avantage d'être ancré dans la réalité américaine. Le piège de la mondialisation et la majorité des autres ouvrages portent un regard sur les phénomènes européens.

Ici, l'auteur entraîne son lecteur dans les méandres de la globalisation de la mondialisation. En effet, par une analyse historique et systématique du phénomène il identifie les acteurs et les impacts de l'évolution du néolibéralisme à un niveau planétaire. En portant un regard critique sur la naissance du libéralisme et sa construction sociale, il met en contexte les actions actuelles des militants "anti-mondialisation". Auteur de Et si le Tiers monde s'autofinançait (Éditions Écosociété) et spécialiste des questions internationales, celui-ci analyse avec un intérêt particulier l'accroissement du sous-développement dans les pays du Tiers Monde; un sous-développement cararactérisé par la création de "bidon ville" dans le village global.

 Grâce à une analyse rigoureuse, J.B. Gélinas oriente notre réflexion vers la recherche d'une solution ou tout du moins d'actions à entreprendre. Selon lui, ces actions doivent préviligier le recours à des alternatives conduisant à une réappropriation du processus économique. Cette économie alternative s'appuie sur la création de mouvements associatifs, d'une société civile mondiale. La solidarité en est la clef de voûte. Cette alternative se voulant un changement radical dans l'ordre social, politique, économique et moral appelle à la révolution. En revanche, loin de la conception moderne de révolution, J.B. Gélinas fait appel à la pensée d'Edgard Morin qui croit qu'il nous faut repenser et complexifier l'idée de révolution, qui est devenue réactionnaire et camoufle le plus souvent domination et oppression. Il faut lier l'idée nouvelle de révolution à l'idée de conservation, qu'il nous faut elle-même purifier et complexifier. Nous devons conserver la nature, conserver les cultures qui veulent vivre, conserver le patrimoine humain du passé parce qu'il détient les germes du futur. Et il faut en même temps révolutionner ce monde pour le conserver. Il nous faut conserver l'idée de révolution en révolutionnant l'idée de conservation.

 
On ressort de la lecture de cet essai avec un espoir renouvelé dans les instruments sociaux disponibles, non afin de contrer la mondialisation, mais afin d'éviter une globalisation outrancière. Seule une solidarité mondiale pourra faire contrepoids à l'extension mondiale du néolibéralisme.

É. D.

L'écologie Politique,
D.I. Roussopoulos, Les éditions Écosociété
144p., 1994

 
L'écologie sociale se définit comme un appel à une société libérée de la hiérarchie et des modes de pensée hiéarchiques, laissant le champ libre à une éthique. Cette éthique devant faire une place à l'être humain dans le monde naturel en tant qu'acteur ayant pour rôle de rendre l'évolution – aussi bien sociale que naturelle – pleinement consciente et aussi libre que possible. Par cette définition, l'école de pensée de l'écologie sociale se démarque des mouvements environnementalistes actuels qui s'imbriquent dans le schéma politique traditionnel. Afin de démontrer le bien fondé de l'écologie sociale comme fondement social structurant, D.I. Roussopolos analyse l'évolution de la relation des sociétés occidentales avec les problématiques environnementales. L'analyse qu'il fait de cette évolution, basée sur la théorie des mouvements sociaux, peut en offusquer plusieurs, mais à l'avantage de rendre le discours de l'auteur limpide. Découpant l'évolution de la relation moderne société-environnement il identifie trois grandes périodes soit; le développement d'une gestion étatique, la réponse des citoyens à cette gestion et enfin un engagement des écologistes-environnementalistes dans l'état. Les deux premières parties de ce livre fournissent des informations pertinentes sur l'évolution de la relation société et nature, tandis que la dernière partie nous livre le déchirement auquel
est confronté la société civile lorsqu'elle doit défendre des valeurs environnementales. La question que l'on se pose en lisant ce livre est: l'inclusion des valeurs environnementales dans la gestion étatique est-elle un moyen suffisant pour répondre aux pressions exercées par le développement humain sur l'environnement naturel?

Ce livre constitue une défense de l'écologie sociale, mouvement porteur d'un changement social positif. Malheureusement le comment n'est nullement abordé, D.I. Roussopolos rejoint ainsi la pensée de Noam Chomsky pour qui il est inutile, incertain voire nuisible de construire, dans un aujourd'hui aliéné et opprimé, des modèles destinés à préciser comment fonctionneront nos institutions dans un avenir libéré.

É. D


OGM, le vrai débat,
G.-É. Seralini, Flammarion,
128p., 2000

Depuis quelques années le débat entourant les organismes génétiquement modifiés s'est amplifié. L'ouvrage de Gilles-Éric Séralini se situe au coeur de ce débat, qui oppose les tenants de la commercialisation des OGM et les militants environnementalistes. Les OGM pour un scientifique, c'est un outil de travail pour comprendre les gènes. Ce n'est pas ce que le public remet en cause. Il remet en cause la commercialisation hâtive des OGM sans qu'il le sache. Et ça les scientifiques des biotechnologies le comprennent peu. Les militants demandent que la démocratie soit respectée et que des débats aient lieu sur la place publique sur les risques des OGM. Pour l'auteur, abondant dans le sens des militants environnementalistes, une grande partie du risque associé aux OGM tient au fait que l'on ne veut pas attendre les retours d'expérimentation.

Tout au long de cet ouvrage, l'auteur explique les différentes facettes scientifiques de la production des OGM, leur risques (directs et indirects) ainsi que leur avantages. Bien que les applications existantes des OGM dans la recherche, l'agriculture, la médecine, l'industrie textile, l'armée et l'environnement soient abordées rapidement (aléa inhérent à un ouvrage de vulgarisation), ils le sont avec précision. Pour chacune des facettes abordées G.-É. Séralini émaille son texte de doutes fort à propos. Ainsi lorsqu'il aborde la question des OGM comme nettoyeurs de

l'environnement, il se demande en évoquant des laitues et des pommes de terre transgéniques absorbant les nitrates du sol pour les transformer en nitrites, si c'est une ruse […] qui sert la recherche sur la physiologie des plantes ou la dépollution les (sic) jardins?

Toutefois, ce professeur et chercheur en biologie moléculaire à l'Université de Caen (France) et reconnu comme expert dans des commissions gouvernementales sur les OGM ne rejete pas entièrement cette technologie. Selon lui, il serait irrationel de penser qu'une technique aussi puissante que la transgenèse ne présente aucun avantage ou au contraire aucun risque. Ce qui ne l'empêche pas de demander un étiquetage précis, une traçabilité exemplaire, une mise sur le marché prudente et contrôlée (..), une biovigilance sanitaire au même titre qu'il existe une biovigilance environnementale. Mais pourquoi les compagnies fabriquant ne prennent-elles pas de telles mesures? À ce sujet l'auteur explique que les compagnies brevetent et commercialisent à grand frais de recherche et de stratégies commerciales des produits ayant peu de valeur ajoutée pour les consommateurs, et que de ce fait ils ne seraient pas rentable avec un étiquettage. Qui voudrait acheter un produit modifié plus cher que son équivalent naturel? Une étrange figure s'impose, celle d'un mammouth OGM (monopole du vivant) non rentable.

Bien conçu et agréable à lire cet ouvrage apporte son lot d'informations permettant à tous d'avoir une idée plus juste de la problématique représentée par les organismes génétiquement modifiés. Comme le dit si bien G.-É. Séralini dans son ouvrage… réfléchissons avant de crier au miracle, car ce que nous observons actuellement est une grande entreprise de commercialisation du besoin le plus primodial de l'humanité, l'alimentation.

É. D.


Les aliments trafiqués,
les dessous de la biotechnologie
B. Kneen, Les éditions Écosociété,
251p., 2000

 
Dès les permières lignes de l'ouvrage, Brewster Kneen se démarque des experts environnementaux habituels, majoritairement universitaires. Il se rattache explicitement à la terre en se présentant comme un agriculteur. Cette identification est omniprésente dans chacune des pages de l'ouvrage et permet à l'auteur d'amener le lecteur dans un univers tout autre que celui des livres traditionnels de vulgarisation scientifique. B. Kneen fait parler les acteurs au centre de la problématique de l'utilisation des biotechnologies, soit les fabriquants et les utilisateurs (les agriculteurs). Étant lui-même un agriculteur, B. Kneen a une connaissance approfondie de la relation qui existe entre ces acteurs et les instruments de commercialisation utilisés par les fabriquants. Effectuée à l'aide de trois cas différents, l'hormone de croissance bovine, la tomate FlavSavr et la pomme de terre Bt, l'auteur démontre que les biotechnologies sont loin d'être porteuses du progrès annoncé à grand frais de publicité par les fabriquants. B. Kneen, sans avoir comme objectif premier de détruire scientifiquement les mythes rattachés aux biotechnologies (nourrir et sauver la planète), éclaire les effets pervers et les limites rattachées à cette volonté d'aider.
En voulant sauver le monde de la faim grâce aux biotechnologies, on exporte notre façon de concevoir et de connaître le monde (anthropocentrisme) au détriment de conceptions alternatives tout aussi valables. Ainsi, tel que le souligne Ivan Illitch, en prétendant [ou en supposant] que nous sommes responsables du monde, nous laissons également entendre que nous avons quelque pouvoir sur lui et, dans cette conviction consistant à croire que nous devons poursuivre notre effort censément scientifique en vue de le reconstruire nous augmentons notre besoin de croire que nous en sommes responsables – une boucle sans fin rendant toute société dépendante de la technologie. Ainsi quelques soient les véritables statistiques démographiques, l'industrie de la biotechnologie n'a pas du tout l'intention de nourrir quiconque ne peut payer. Les affamés et les démunis peuvent cependant servir à entretenir le sentiment de culpabilité des biens nantis et aider ainsi les méga-entreprises à obtenir ce qu'elles veulent de la part des politiciens et des organismes de réglementation, à mettre leurs nouveaux produits sur le marché et s'assurer que les agriculteurs du Nord prennent bien le virage technologique et à satisfaire leurs actionnaires. Par ailleurs, les biotechnologies, en rupture avec les pratiques agricoles traditionnelles misant sur une diversité maximale tout en favorisant une constante évolution, entraînent une certaine uniformité des plantes et des animaux découlant d'une uniformité génétique qu'on ne retrouve pas dans la nature. Cette uniformité menace la biodiversité et risque de rendre les sociétés dépendantes, à moyen ou long-terme, aux biotechnologies. Par Les aliments trafiqués, les dessous de la biotechnologie, B. Kneen nous amène à une prise de conscience des enjeux éthiques et politiques constituant la base du débat entourant les organismes génétiquement modifiés et l'utilisation de la biotechnologie dans le domaine de l'alimentation. Ce soucis éthique l'amène lui-même à rejeter en bloc les OGM car […] peut-être y a t'-il des brides de la biotechnologie que je pourrais trouver acceptable, socialement et moralement, mais je ne peux pas prendre les morceaux qui me plaisent et laisser les autres de côté […].

É. D


Découverte: Le tout nouveau site internet de l'Association Nature–Science-Société dialogues – Sur ma table de chevet: La montagne de l'âme, Gao Xingjian. Un voyage humain et environnemental dans la Chine moderne, une intégration dans la littérature des problématiques environnementales. Sur mon bureau: Institutions for the earth de P.Haas, R.O. Keohane et M.A. Levy, Éditions - MIT Press. Un ouvrage illustrant les réalisations des institutions modernes en charge de la gestion mondiale de l'environnement. Il aborde la contribution potentielle de celles-ci et suggére des voies de développement prometteuses.

VertigO no 2, vol 1