VertigO - La revue en sciences de l'environnement sur le WEB, Vol 3 No 2 , Octobre 2002

LE DÉVELOPPEMENT DE L’AGRICULTURE VIETNAMIENNE AU COURS DES 15 DERNIÈRES ANNÉES

Par BUI NGOC HUNG1 et NGUYEN DUC TINH2
1-Professeur au collège (Université) technique Ha Tay, courriel : hatay@fpt.vn
2-Chargé de Projet au Centre de Recherche et de développement de Communautés Rurales



    La superficie rurale du Vietnam est importante, représentant près de 95% de la superficie totale du pays. Répartie en 54 groupes ethniques, 79 % de la population du Vietnam habitent dans quelque 10 millions de foyers ruraux, représentant 65% de la main d’œuvre. Elle produit 50% du PIB et satisfait aux trois quarts de la consommation intérieure du pays. Tout ceci prouve sans équivoque que le développement agricole rural joue un rôle décisif dans le développement socio-économique et la stabilité du Vietnam.

Conscients de ce fait, le peuple et l’État vietnamien l’ont toujours pris en considération le rôle important des paysans, de l’agriculture et du développement rural. De nombreux documents légaux, décrets, résolutions, et politiques concernant l’agriculture et le développement rural, témoignent des différentes phases du développement agricole rural au Vietnam. L’article qui suit en trace brièvement les grandes lignes et débouche sur l’identification d’un nouveau modèle de gestion de la production.

* La politique sur les réductions d’impôts et la réforme des terres : la mise en oeuvre du plan « de territoire à terre agricole » au cours de la période 1953-1956 et la réforme socialiste dans le secteur de l’agriculture, suivant la voie de l’agriculture collective, furent achevées avec succès au début des années 1960. Grâce à la réforme des terres ainsi qu’à l’organisation de l’agriculture en coopératives, la production de riz augmenta de 13 quintaux/ha en 1939 à 22,7 quintaux/ha en 1959. En 1959, le volume de la production de nourriture atteignait 5,7 millions de tonnes et la quantité de nourriture par personne était de 303 kg en moyenne. On peut voir cette période comme l’âge d’or de l’agriculture vietnamienne : les paysans étaient affranchis de l’exploitation des propriétaires, les terres et les champs ainsi que les autres outils de production leurs appartenaient véritablement. En conséquence, leur niveau de vie augmenta et le processus de rénovation dans le domaine de l’agriculture s’en trouva bonifié.

Après 1960, l’action du parti communiste et de l’État vietnamien Transforma les petites coopératives de producteurs agricoles en des coopératives de plus grande envergure. Leur pourcentage atteignait seulement 33,8% en 1961, mais avait atteint 76,1% en 1965. Au cours de la même période, le capital de base investi dans l’agriculture fut multiplié par 5, l’électricité par 9, les tracteurs et machine laboureuses par 11. Par contre, le rendement du capital investi chuta de 13%, les revenus journaliers des paysans de 26% et d’autres indicateurs clés du développement agricole chutèrent également. Ceci mena à une pénurie alimentaire et à l’importation d’aliments jusqu’à 1 544 000 tonnes en 1974, alors que ce chiffre n’était que de 338 000 tonnes en 1966.

Œuvre de NGOC1

Il y a maintes raisons pour expliquer cette dégradation. Néanmoins, la raison principale est le fait que les terres, les champs et les autres moyens de production n’appartenaient pas aux paysans, mais au coopératives. Les paysans n’avaient donc aucune incitation à travailler : ils se fiaient passivement aux coopératives, qui elles, attendaient les instructions des autorités. Le mode de gestion de l’agriculture et le modèle des coopératives de producteurs agricoles à grande échelle du début des années 1960 étaient empreints de beaucoup de faiblesses. Malgré cela, le système fut appliqué dans le sud après l’unification du pays en 1975. Le résultat fut une dégradation continue de l’agriculture vietnamienne. La quantité de nourriture produite en « équivalent- paddy » décrût de 13,4 millions de tonnes en 1975 à 13,3 millions de tonnes en 1980. Comme la croissance de la population durant cette période avoisina 3%, la quantité de nourriture disponible par personne diminua nettement, la vie devint dure et plusieurs régions souffrirent de sous-alimentation chronique. Ceci eut un impact négatif sur d’autres secteurs économiques et ralentit la croissance économique du pays. Face à ces problèmes de production et de survie, les paysans et les habitants cherchèrent à remédier à cette situation par leur propre initiative.

Photo de Gérard Goll

Prenant en compte ce fait, le gouvernement vietnamien promulgua en janvier 1981 le décret No. 100 qui autorise les membres de coopératives à investir leur capital et leur travail dans les terres et les champs de la coopérative et de retirer tous les bénéfices des contrats. Le décret No. 100 fut perçu comme un grand pas en avant pour enrayer la chute économique et relancer la production agricole. La production de nourriture (en équivalent riz) augmenta de 15 millions de tonnes en 1981 à 18,5 millions de tonnes en 1985. Le taux de croissance pendant cette période était de 5%, tandis que le taux de croissance de la population n’était que de 2,3% en moyenne, de sorte que la quantité de nourriture par personne augmenta de 281 à 305 kg. En revanche, quatre années plus tard, cette croissance s’était considérablement affaiblie. Les résolutions du décret No 100 n’avaient pu tenir face au test de la réalité. Les paysans avaient partiellement arrêté de travailler sur les terres et les champs contractuels, de sorte que la production de nourriture baissa. La quantité de nourriture (en équivalent riz) augmenta de 0,98% à 18,4 millions de tonnes entre 1985 et 1986, mais décrût de 4,4% (3,5 %) par rapport à 1986 (1985) à 17,6 millions de tonnes en 1987. La quantité moyenne de nourriture par personne décrût à 301 kg en 1986 et 289 kg en 1987 causant de graves famines de mars 1987 et mars 1988, qui affectèrent des millions de personnes.

Pour faire face à cette situation, le Bureau Politique promulgua en avril 1988 la résolution No. 10 sur la restructuration de la gestion économique, changeant fondamentalement la manière de penser économique sur les sujets tels que : les droits de propriété, le rôle des paysans, l’échange des biens. Suite à la promulgation du décret No. 10, la quantité de nourriture par personne ainsi que le volume des exportations de riz augmentèrent à un rythme élevé. Entraînée par le développement agricole, la qualité de vie de la population s’améliora, ce qui créa des conditions favorables pour le développement de l’industrie et des services ainsi que l’établissement d’une structure économique raisonnable exploitant le potentiel économique.

La résolution No. 10, promulguée par le 10ème Congrès National du Parti (avril 1988), initia une nouvelle phase du développement de produits basés sur la production agricole. Jusqu’à maintenant, l’agriculture vietnamienne a accompli des améliorations notables par rapport aux situations précédentes.

1. Une production alimentaire croissante

Selon les chiffres officiels du gouvernement, la production alimentaire est passé de 18,4 millions de tonnes en 1986 à 21,5 millions de tonnes en 1990 et de 31,8 millions de tonnes en 1998 à 33,8 millions de tonnes en 1999, ce qui correspond à une augmentation annuelle de 1,2 millions de tonnes en moyenne. Au cours des 15 dernières années grâce à la prédominance de la croissance de la production alimentaire par rapport à la croissance de la population (5% par rapport à 1,8%), la quantité de nourriture par personne a augmenté continuellement (figure 1)

 

Figure 1. Quantité de nourriture per capita. Vietnam, 1986-1999 (en kg/personne)

Parmi les aliments, la production de riz a augmenté rapidement et continuellement, aussi bien en termes de superficie que de volume. En 1986, 5,76 millions d’hectares étaient dédiés à la riziculture au Vietnam, tandis que 7,6 millions l’étaient en 1999 particulièrement grâce au défrichement de nouvelles terres et à la multiplication des récoltes. En 15 ans, la structure des récoltes a été optimisée en augmentant la superficie du riz d’hiver-printemps (de 1,8 à 2,88 millions d’hectares) et celle du riz d’été-automne (de 914 000 à 2,38 millions d’hectares) et en réduisant la superficie du riz d’automne à faible rendement (de 2,94 à 2,38 millions d’hectares). Ceci a créé des conditions favorables pour augmenter le rendement de chaque récolte et le rendement annuel en entier. La superficie rizicole dans le delta du Mekong a augmenté de 1,68 millions d’hectares en 1986 à 3,97 millions d’hectares en 1999, une augmentation de 73%, par le biais de défrichement et de la multiplication des récoltes à Dong Thap Muoi, Tu Giac Long Xuyen et sur la rive Ouest de la rivière Hau (voir figure 2). Après 10 ans de défrichement et d’améliorations à Dong Thap Muoi (1987-1997), la surface rizicole des trois provinces de Long An, Dong Thap et Tien Giang, a augmenté de 603 000 à 1 103 000 hectares à l’aide d’investissements gouvernementaux et privés de plusieurs milliards de Dôngs. Grâce à l’aménagement hydraulique de Quang Lo-Phung Hiep, créant de nouvelles terres à Ca Mau, et des endiguements comme à Soc Trang, la surface rizicole des trois provinces de Soc Trang, Bac Lieu et Ca Mau s’est agrandie de plusieurs centaines de milliers d’hectares. En 1990, cette surface était de 536 000 hectares, en 1998 de 748 000 hectares et en 1999 de 795 700 hectares. En même temps que de développer la surface rizicole, le Vietnam a fait des progrès dans la production de riz, spécialement dans le domaine de la culture intensive, augmentant la productivité et la qualité du riz.

La science et la technique jouent un rôle actif dans l’approfondissement des connaissances des fermiers dans le domaine de la culture intensive. Notamment, de nouvelles variétés de riz ont permis une croissance soutenue de la production de riz : elle atteignait en moyenne 39 quintaux/hectare en 1998 et 40,8 quintaux/hectare en 1999. L’augmentation sur la période de quinze ans a été de 0,8 quintaux/hectare par an en moyenne et de 1 quintal/hectare au cours de la période 1990-1999. Ainsi, l’amélioration du rendement par hectare a été un facteur important dans l’augmentation de la production de 16,0 millions de tonnes en 1986 à 19,2 millions de tonnes en 1990 et 24,9 millions de tonnes en 1995. Malgré la sécheresse de 1998, la production totale pour cette année était de 29,1 millions de tonnes, une augmentation de 1,5 millions de tonnes par rapport à 1997. En 1999, la production a atteint 31 millions de tonnes.

Parallèlement à ces développements, certaines provinces du delta du Mekong, nommément An Giang, Dong Thap, Vinh Long, Long An, Soc Trang. Can Tho et Tien Giang , se sont spécialisées dans la production de riz de haute qualité pour l’exportation. Selon les estimations, entre 100 000 et 200 000 hectares sont dévoués à la culture de riz spécialisé de différentes sortes, toutes de qualité supérieure répondant aux critères du marché, dans chacune de ces provinces. Dans la province de An Giang, une co-entrepirse a été mis en place pour la production de riz à l’aide de technologie japonaise à fins d’exportation de ce riz vers le marché japonais. Dans le delta du fleuve Rouge (Nord), un grand nombre de localités ont redécouvert des variétés de riz spécialisées de haute qualité destinées au marché local, par exemple des variétés de riz délicieusement parfumées, riz « Tam Thom » ou le riz « Du Huong » (un riz collant de large taille).

Figure 2. Carte administrative du Viêt-Nam

La qualité et la quantité de riz produits ont augmenté au cours des 15 dernières années, permettant de garantir la sécurité alimentaire nationale en cas de conditions climatiques défavorable, d’augmenter le stockage de riz dans les provinces du Nord ainsi que d’augmenter le volume d’exportation. Au cours de la décennie 1989-1999, le Vietnam a exporté 26,7 millions de tonnes de riz, ce qui correspond à une moyenne annuelle de 2,4 millions. En 1989, le volume d’exportation était de 1,42 millions de tonnes, en 1998 de 3,8 millions de tonnes et en 1999 de 4,4 millions de tonnes. D’avoir été capable de franchir la barre des 4 millions de tonnes d’exportations de riz, d’une valeur de plus de 1 milliard de $, en 1999, représente une grande réussite dans le domaine de la production de riz pour l’exportation. En 1998, le Vietnam est devenu le 2ème plus important exportateur de riz après la Thaïlande et devant les États-Unis, le Pakistan et l’Inde.

En 1998, le Vietnam a exporté 3,8 millions de tonnes de riz, une augmentation modeste de 5%, mais à un prix plus élevé : le prix moyen du riz exporté était de $260 par tonne en 1998, plus que les $245 en 1997 et les $204 en 1999. Au cours des dernières années, le prix du riz d’exportation du Vietnam a augmenté grâce à la hausse des prix sur les marchés mondiaux, générée par une recrudescence de la demande en Asie et en Amérique Latine, mais également grâce à la qualité de son riz, amélioré en comparaison aux années précédentes. La raison pour ce regain de qualité réside dans les changements apportés au système d’exportation. Simultanément, la proportion de riz de haute qualité a augmenté d’initialement 20% à maintenant 50-60%. Avant 1995, la différence de prix entre les riz vietnamien et thaïlandais était de $40-50 par tonne; maintenant elle n’est plus que de $15-20. En 1998, le riz vietnamien a rejoint les prix thaïlandais en raisons de la chute du Baht (devise Thaïlandaise). Selon le FOB, à la fin juillet, 1998, le prix du riz vietnamien avec 25% de grains cassés était de $265-275 par tonnes, celui de la Thaïlande $310-320. Le prix du riz vietnamien avec 5% de grains cassés était de $310 par tonne, $10 de moins que celui de son homologue thaïlandais. Il apparaît donc que le riz vietnamien à acquis une importante position sur le marché mondial au cours des dernières années et il n’est qu’une question de temps qu’il rattrape la Thaïlande. En 1999, le prix à l’exportation était inférieur aux années précédentes en raison des fluctuations du marché. Néanmoins, en décembre, les prix avaient augmenté de $15-20 par rapport aux mois précédents.

Au cours de 15 dernières années, d’autres produits agricoles ont connu une croissance similaire. Le volume de produits agricoles a atteint 3 millions de tonne équivalent-paddy par an en moyenne. En 1986, 569 800 tonnes de maïs étaient produites sur 400 000 hectares, équivalent à une productivité de 14 quintaux par hectare. Elle est maintenant de 1,8 millions de tonnes sur 680 000 hectares avec une productivité de 27 quintaux par hectare. Le maïs est considéré par les autorités comme un des produits agricoles majeurs dans le futur. En outre l’élargissement du territoire dédié à la culture du maïs, les avancées de la biotechnologie, notamment l’utilisation d’espèces de haut rendement et qualité à grande échelle, ont permis ces progrès dans la productivité et dans la quantité totale de maïs. De larges étendues productrices de maïs ont été établies dans le sud-est (300 000 tonnes) et le centre-nord (500 000 tonnes). Le maïs est devenu un produit d’exportation avec un volume de 100 000 tonnes par an, avec une tendance à la hausse.

2. La diversification des espèces cultivées.

Suivant la devise « choisissons la bonne plante pour le bon sol », ont été progressivement remplacé le riz ou d’autres espèces à faible productivité et valeur économique par des arbres fruitiers ou de valeur commerciale. Entre 1986 et 1999, la superficie occupée par des plantes pérennes a augmenté d’un 1 million d’hectares, un facteur de 2,14, et celle occupée par des arbres de 2 614 hectares (+33%). La structure forestière a évolué positivement : la portion du territoire occupée par les arbres à valeur commerciale et les arbres fruitiers est passé de 8,37% à 14,79% entre 1989 et 1999. La devise « la bonne plante pour le bon sol » a été effectivement mise en pratique et a apporté une plus grande efficacité économique, particulièrement par rapport aux essences d’exportations. En 1986, le café n’était cultivé que sur 65 600 hectares dont seul 19 000 avaient amorcé leurs productions donnant une récolte de 18 500 tonnes. Les statistiques montrent une expansion rapide de la production: 119 000 tonnes en 1990, 268 000 en 1995, 320 000 en 1996, 420 000 en 1997, 409 000 en 1998 malgré la sécheresse sur le haut-plateau central et 470 000 en 1999. Ces dernières années, le café a été considéré comme le deuxième plus important produit d’exportation agricole après le riz. Pour la seule année 1997, le Vietnam a gagné 500 millions de $ par l’exportation de 390 000 tonnes de graines de café. En 1995, à cause du prix élevé du café, le Vietnam a obtenu plus de devises de la vente du café que de la vente du riz. En 1998 et 1999, le volume d‘exportation atteignait presque 400 000 tonnes générant des revenus de plus de 550 millions de $ par an, malgré les prix moins élevés que les années précédentes.

Un autre produit important est le caoutchouc qui provient de l’hévéa. La production de latex a triplé entre 1986 et 1998, passant de 50 000 tonnes à 199 000 tonnes et a atteint 250 000 tonnes en 1999, grâce à l’expansion territoriale des cultures. Le caoutchouc représente le troisième produit d’exportation agricole existe encore un potentiel de marché. En 1996, le volume exporté était de 194 000, en 1997 de 197 000, en 1998 de 195 000 et en 1999 d’environ 200 000 tonnes. Le Vietnam exporte son caoutchouc dans 30 pays à travers le monde, la Chine représentant le plus grand client accaparant 80% des exportations du Vietnam.

Au cours des 15 dernières années, la canne à sucre a eu une des plus fortes croissances de tous les projets d’industrialisation, particulièrement après la promulgation de la résolution No. 10. La superficie de culture de la canne à sucre atteignait 270 000 hectares en 1998, 5% de plus qu’en 1997 et 10% de plus qu’en 1995. En 1999, cette superficie s’élevait à 349 000 hectares, plus de 2 fois la superficie de 1990. La production de canne à sucre était de 13,8 millions de tonnes en 1998, 9% de plus qu’en 1997 et 3 millions de tonnes de plus qu’en 1990. Elle augmenta encore de 3,2 millions de tonnes jusqu’à presque 17 millions de tonnes en 1999. La demande, de 1 million de tonnes, créée par les usines pour la production du sucre en 2000 a mené à une croissance rapide de la production de canne à sucre.

La culture de fruits de haute qualité commerciale comme les raisins, les longans, les litchis, les prunes, les oranges, etc. a été développé dans plusieurs régions du sud et des régions montagneuses du nord. Les fermes des districts du lac Luc Ngan, dans la province de Bac Giang, ainsi que celles dans les provinces de Dong Trieu et de Quang Ninh (figure 2), ont amélioré la productivité des litchis. Le district de Luc Ngan comptait 2 600 hectares de plantations avec un chiffre d’affaire 40 milliards de dôngs (environ 2,7 millions US$), représentant 40% du revenu des paysans de ce district en 1996. Depuis, la superficie des plantations est passé à 10 200 hectares en 1998 et plus de 12 000 hectares en 1999. À l’échelle du pays, la superficie ainsi que le rendement de la production de longans, prunes, et litchis ont fortement augmenté, la superficie cultivée passant de 37 600 hectares en 1995 à 125 300 hectares en 1999. Dans la province de Ninh Thuan, la production de raisins atteignait 33 000 tonnes en 1998. La vigne est devenue un produit agronomique d’une valeur considérable dans ces régions semi-arides. La production de fruits frais, tels que l’orange, le pamplemousse et la sapotille s’est améliorée en quantité et en qualité.

3. Les progrès de l’élevage

Entre 1984 et 1999, les différents troupeaux ont augmneté leur effectifs respectifs de 5% (buffles), 10% (vaches), 20% (cochons) et 25% (volaille). La production de porc vivant a augmenté de 25% et celle d’œufs de 33%. Le nombre de vaches laitières a augmenté de 30 000 en 1990, dont 25 000 à Ho Chi Minh-ville. L’élevage de vaches laitières est devenu une nouvelle carrière pour les paysans habitant les banlieues de Ha Noi et Ho Chi Minh-ville. La demande accrue des citadins, dont le niveau de vie a augmenté, est à la base de ce développement. Malgré les fluctuations de prix, l’élevage de vaches laitières a été profitable pour un grand nombre de paysans. Grâce à de nouvelles technologies et connaissances scientifiques dans les domaines de la sélection des espèces, de l’hygiène et de la médecine animale, l’élevage d’animaux domestiques et de volaille s’est développée continuellement affichant un taux de croissance de 5% supérieur à celui de l’agriculture.

Conclusion

Les acquis de l’agriculture au cours des dernières 15 années représentent un succès remarquable, constituant un virage d’un état d’agriculture de subsistance vers la production de produits agricoles pour l’exportation. Le taux de croissance de 4,5% de l’agriculture au cours de cette période (et même 5,5% en 1999), est supérieure à celle des années précédentes. Ce succès a permis de garantir la sécurité alimentaire pour une plus grande partie de la population, mais aussi d’exporter des produits de grande qualité. Les devises rapportées par les exportations de produits agricoles représentent 45% à 47% des revenus totaux à l’exportation du pays. Ce sont les surplus alimentaires restants après avoir satisfait la demande intérieure et sous conditions climatiques défavorables qui acquièrent une signification particulière. La sécurité alimentaire des 15 dernières années a joué un rôle important en limitant les impacts négatifs de la crise économique régionale et mondiale sur l’économie du Vietnam.

Les grandes réalisations de 15 ans de rénovation a mis le Vietnam dans une position de force pour continuer de diriger l’agriculture du pays vers un développement soutenu avec une orientation de production de biens et pour accélérer l’industrialisation et modernisation du pays dans le nouveau millénaire.

Référence

1 Né à Hanoi en1953. Gradué de l’Université d’Hanoi en 1974 (University of Fine Arts). Professeur à cette même université.


COMMENTAIRES DU COMITÉ ÉDITORIAL SUR L’ARTICLE:
Le développement de l’agriculture vietnamienne
au cours des 15 dernières années,
Par Bui Ngoc Hung et Nguyen Duc Tinh,

 

L’AGRICULTURE AU VIETNAM DEPUIS 15 ANS :
des progrès certains, mais des problèmes qui ne peuvent être éludés

Par STEVE DÉRY, Ph.D,
Membre du comité de rédaction
Géographe, chercheur associé, Laboratoire Dynamiques Rurales, Université Toulouse II – Le Mirail,
correspondance : 850, 94e rue, Lac-à-la-tortue, QUÉBEC, G0X 1L0



L’article écrit par MM. Bui Ngoc Hung et Nguyen Duc Tinh constitue un portrait général de l’évolution de l’agriculture au Vietnam au cours des quelque 15 dernières années. Ce portrait s’approche de la position officielle du gouvernement vietnamien. De nombreuses questions fondamentales soulevées par les transformations apportées aux systèmes agraires vietnamiens sont cependant éludées par les auteurs. Trois thèmes sont présentés brièvement ici, en évoquant les principaux auteurs à consulter pour en savoir un peu plus : la question de l’autosuffisance alimentaire, les problèmes liés aux catastrophes « naturelles », ainsi que les problèmes environnementaux.

S’agissant de l’autosuffisance alimentaire, tant vantée par les autorités vietnamiennes et reprise par plusieurs scientifiques, elle paraît fort douteuse. Bien sûr, la production totale de denrées alimentaires de l’ensemble du Vietnam dépasse probablement le seuil d’autosuffisance, en hausse depuis le milieu des années 1980. Toutefois, la localisation de cette production, jumelée à des infrastructures de communication inefficaces pour la distribuer aux quatre coins du pays, empêchent d’une part que toutes les régions soient bien desservies. D’autre part, les surplus, qui proviennent surtout du Sud, nourrissent les exportations au lieu d’être utilisés pour satisfaire la demande intérieure : Kolko, dans un article du Monde Diplomatique, qualifiait cette situation de « fiasco d’une politique irresponsable », alors que, par exemple, en 1994, les chiffres de production fournis localement étaient de 10% à 13% supérieurs aux rendements réels (Kolko, 1996) (pour la situation dans les années 1980, voir aussi, Lam Thanh Liem, 1985 et 1991; sur les statistiques agricoles, voir De Vienne, 1994; et sur l’évolution de la disponibilité alimentaire, voir Molina, 1999).

Dans la région des Plateaux centraux, la prépondérance des cultures de rentes est écrasante. Les divers plans de développement agricole de l'État ont favorisé le développement des cultures commerciales, dont les produits ne se mangent pas, et cela s'est traduit, depuis le milieu des années 1980, par une régression importante et constante de la nourriture produite per capita, une tendance complètement inverse de l'évolution à l'échelle nationale. Dans la province de Lam Dong, la production de nourriture, en équivalent-paddy, a diminué de 251 kilogrammes par personne par an en 1985, à 172 kg/pers./an en 1995 (GSO, Department of Agriculture, Forestry and Fishery, 1996). Lorsque les prix du marché mondial pour les cultures commerciales sont élevés, la situation est stable et même parfois avantageuse; par contre, lors des périodes de cours faibles, comme au cours des dernières années, elle peut devenir dramatique. Évidemment, la fluctuation des prix des produits agricoles constitue un problème universel. Cela s'avère donc un choix politique irresponsable que de surspécialiser à ce point le développement économique d'une région telle que celle des Plateaux centraux.

Un deuxième point à considérer dans l’évolution de la production agricole du Vietnam, ce sont les problèmes d’origine plus ou moins naturelle qui ont touché durement le pays au cours de la dernière décennie. Par exemple, l’année 2002 est la troisième année consécutive où des inondations causent plusieurs centaines de décès et des pertes matérielles importantes, tant sur les Plateaux centraux que dans le delta du Mékong : Swissinfo (5 octobre 2002) parle plus de 100 000 habitations submergées dans le delta du Mékong au début du mois d’octobre 2002. En août dernier, The Associated Press rapportait aussi que plus de 80 000 hectares de rizières étaient touchés par la sécheresse dans le Centre du pays, dont 20 000 hectares totalement perdus (en appliquant un rendement moyen de 3900 kg à l’hectares – la moyenne de 1999 dans la région Centre, selon le Statistical Yearbook 2000 – on obtient 78 000 tonnes de paddy perdues pour cette seule région!). Ces informations ne transparaissent que rarement dans les statistiques officielles mais la diminution de la quantité de nourriture disponible est bien réelle.

Enfin, en troisième lieu, cette évolution de l’agriculture vietnamienne n’a pas été sans causer de graves problèmes environnementaux, en particulier la déforestation des forêts des régions montagneuses et des forêts de mangroves. En particulier, la colonisation agricole organisée par l’État ainsi que les mouvements migratoires spontanés ont permis de conquérir de vastes territoires des Plateaux centraux (dans les provinces de Lam Dong et Dak Lak en particulier) aux dépens des forêts (à ce sujet, pour des études plus détaillées, voir Evans, 1992; Rambo et al., 1995; De Koninck, 1996 et 1997; De Koninck et Déry, 1997; Déry, 1999, 2000, 2001, 2002a et 2003à venir). L’objectif ici n’était pas de nier certains développements positifs traversés par l’agriculture vietnamienne, mais bien de les remettre en perspective en considérant l’ensemble du contexte. Comme le soulignait déjà Kolko il y a quelques années (1996, p. 27) : le bureau politique se prive « des possibilités de mener une politique réaliste. Faute de contrôler la situation, il laisse s’accroître le danger d’une grave crise alimentaire ».

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VertigO no 2, vol 3