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Production de biogaz et de compost a partir de la jacinthe d’eau pour un développement durable en Afrique sahélienne

Oumarou Almoustapha, Jeanne Millogo-Rasolodimby et Siméon Kenfack

Résumés

Dans le parc urbain Bangr-Wéoogo de la commune de Ouagadougou (Burkina Faso) la prolifération de la jacinthe d’eau menace la conservation de la biodiversité. L’application de la lutte intégrée, n’a pas permis l’éradiquer. L’objectif de l’étude, est de contribuer à la mise en place d’un protocole de gestion de Eichornia crassipes qui associe à la lutte mécanique la valorisation par la production de biogaz et de compost. Les résultats montrent une importante production de biomasse avec une proportion de matière sèche (MS) de 6,12%. Les expérimentations, menées avec des digesteurs de type discontinu de 200 litres de capacité avec pour substrat 60 kg de la jacinthe d’eau ensemencée avec 20 litres de purin de bactéries méthanogènes indique une production moyenne de bio gaz de 1440 litres de bio gaz pour 3,67 kg de matières sèche de jacinthe soit 392,37 litres /kg/MS. Les composts issus de ces expérimentations contiennent en moyenne 0,75 kg de composés azotés, 10,6 kg de composés phosphatés et 1,1 kg de carbone organique. L’application de cette technologique dans les zones humides infestées par E. crassipes présente plusieurs avantages : production d’énergie, de compost et contrôle de la prolifération de la jacinthe d’eau.

In the urban park Bangr-Wéoogo of the commune of Ouagadougou (Burkina Faso) the proliferation of the water hyacinth threatens the conservation of the biodiversity. The application of the integrated fight did not permit the eradication. The aim of the study is to contribute to the installation of a protocol of management of Eichornia crassipes which associates the mechanical fight with valorization by the production of biogas and compost. The results show a significant production of biomass with a proportion of dry weight (MS) of 6.12%. The experiment, carry out with some discontinuous digesters of 200 liters using 60 kg of water hyacinth as substrate mixed with 20 liters of liquid manure bacterium méthanogènes, indicate a average of bio gas production of 1440 liters for 3,67 kg of dry matter of water hyacinth witch means 392,37 liters /kg/ MS. The composts resulting from these experiments contain average 0,75 kg of nitrogene compounds, 10,6 kg of phosphoric compounds and 1,1 kg of organic carbon. The application of this technology in the wetlands infested by E crassipes has several advantages: energy production, compost and control of the proliferation of the water hyacinth.

Texte intégral

Introduction

1La jacinthe d’eau (Eichhornia crassipes) est une plante aquatique envahissante originaire de l’Amazonie, et répandue par l’homme par le biais de l’horticulture dans les régions tropicales et subtropicales (Holm et al. 1977, Gopal, 1987). Elle aurait été introduite en Afrique au début du 20e siècle, dans le bassin du Congo comme plante ornementale des étangs par les colons belges, mais ce n’est qu’au cours des vingt dernières années que ses populations ont explosé (Guillaumet et Morat,1990).

2Un des désagréments généralement évoqués, lorsque l’on aborde la question de la prolifération de E. crassipes, est sa propension à recouvrir totalement la surface de l’eau qu’elle colonise, d’où son impact négatif sur la navigation, l’irrigation, la pêche, la production d’électricité et sur la conservation diversité biologique car elle provoque la disparition de nombreuses espèces de flore et de faune (Holm et al., 1977; Jianking et al., 1995). La convention sur la diversité biologique, en son article 8 (h) recommande aux parties contractantes de prévenir l’introduction des espèces envahissantes et lutter contre leur prolifération.

3La présence de la jacinthe d’eau est signalée dans tous les pays de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) qui, devant l’ampleur de cette invasion et de ces conséquences économiques, décide en 1988 l’élaboration d’un plan intégré visant au contrôle efficace et (ou) une éventuelle valorisation (CEDEAO, 1994).

4Au Burkina Faso, où elle a envahi la plupart des plans d’eau du pays, l’application de la lutte intégrée, qui combine la lutte mécanique et chimique à la lutte biologique (lâchers d’insectes prédateurs : Neochetina bruchi et Neochetina eichhorniae, Curculionidae) n’a malheureusement pas permis d’éradiquer la jacinthe d’eau dans les différents sites d’infestation (Ouedraogo, 2003), dont le parc urbain Bangr-Weoogo où elle continue à proliférer (Almoustapha, 2004).

5L’objectif de cette étude, est de contribuer à la mise en place d’un protocole de gestion de la biomasse de Eichornia crassipes dans le parc urbain Bangr-Wéoogo. Il s’agit d’associer à la lutte mécanique la conversion microbiologique en anaérobiose. Cependant, un des préalables à la mise au point d’un tel protocole nécessite l’évaluation de la biomasse disponible, la détermination du taux d’accroissement, et la conduite d’expériences de terrain de production de biogaz et de compost permettant d’envisager des applications dans le cadre d’un projet grandeur nature, pour la satisfaction de besoins collectifs en énergie domestique.

Matériel et méthodes

Le site de l’étude

6Les prélèvements sont effectués par focardage manuel sur un site monospécifique situé à l’intérieur du parc urbain Bangr-Wéoogo (Longitude, 1°29’30’’O.; Latitude, 12°23’47’’ N.; Alt. 294 m). Ce parc urbain se trouve au cœur de la ville de Ouagadougou et couvre une superficie d’environ 240 hectares. De forme triangulaire, il repose sur un plateau granitique à pente faible, de direction Ouest/ Est avec par endroit, des affleurements cuirassés de nature ferrugineuse. Il est traversé par une vallée d’érosion, qui reçoit dans sa partie Ouest les eaux usées et pluviales drainées par plusieurs canaux dont la jonction se fait à l’entrée ouest du Parc. Il en résulte une zone marécageuse transversale (environ 50 ha) jalonnée d’une série de mares et d’étangs abritant une abondante végétation aquatique dont E. crassipes (Figure 1).

7Les variations annuelles de l’hygrométrie et de la température entraînent la subdivision du climat en : Saison fraîche et sèche (mi-octobre à février), une saison chaude et sèche de mars à juin ; une saison chaude et humide dite « saison des pluies » qui s’étale de la mi-juin à la mi-septembre avec des valeurs maximales en août.

Figure 1. Situation du site de l’étude dans le parc urbain Bangr-Wéoogo.

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Evaluation de la biomasse disponible et de la densité

8Une échelle métallique qui délimite 10 quadras de 1m², est déposée de façon aléatoire à la surface l’eau. Toutes les jacinthes d’eau se trouvant dans chacun des quadras sont ramassées, comptées, égouttées et pesées. La moyenne des poids frais, nous donne la mesure de la biomasse totale au m² et le décompte nous fourni les densités. La détermination de la teneur en matière sèche (MS) des pieds de jacinthe a été faite à partir d’échantillons de E. crassipes préalablement pesés avant d’être placé à l’étuve à 70°C pendant quarante huit heures. Après avoir laissé refroidir dans un dessiccateur, on pèse pour obtenir la mesure de la matière sèche et de l’eau de constitution.

La productivité de E. crassipes dans le parc urbain Bangr-Wéoogo

Le taux d’accroissement absolu (TDA)

9Le taux d’accroissement absolu (TDA), qui traduit l’augmentation du nombre d’individu et/ou de la quantité de biomasse fraîche en fonction du temps, peut être envisagé sous l’angle de la reproduction végétative et/ou sexuel. La présente étude prend en compte la multiplication végétative pour évaluer le taux d’accroissement quantitatif et démographique de la jacinthe d’eau. Pour évaluer ce taux, il faut d’abord déterminer expérimentalement la vitesse de multiplication puis, à partir des résultats expérimentaux, appliquer la relation décrite par Radford (1967):

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10Avec :

11W1 = nombre de pieds (ou biomasse) au début de l’expérience au temps t1

12W2 = nombre de pieds (ou biomasse) à la fin de l’expérience au temps t2

L’évaluation de la vitesse de multiplication

13Pour mesurer la vitesse de multiplication de Eichhornia. crassipes nous avons installé des quadras de 1m² de surface matérialisée par des piquets de bois fixés dans la vase et entourés d’une jupe de grillage de poulailler dans lesquels nous avons mis cinq pieds de jacinthe préalablement pesés et les dates t1 et t2 relevées. Les jacinthes d’eau sont sorties de l’eau à des intervalles réguliers, comptées, égouttées, pesées et remise à l’eau. Les mesures ont été effectuées en saison sèche et froide et en saison chaude et pluvieuse.

La production de biogaz et compost

Le dispositif expérimental

14Nos expérimentations ont été conduites avec un digesteur de type discontinu constitué d’un fût de 200 litres entouré d’une jupe en tôle en fer galvanisée de qui forme autour du fût un joint hydraulique dans lequel coulisse un couvercle en tôle galvanisée où s’accumule le biogaz (gazomètre). Le couvercle est muni de deux vannes : l’une commande de la sortie du biogaz vers le compteur et le brûleur, l’autre est connectée au manomètre à eau (Figures 2, 3 et 4).

15Une autre vanne, montée à en base du fût permet d’effectuer des prélèvements d’effluents liquide et/ou solides pour les différentes mensurations en cours de fermentation sans avoir à ouvrir le digesteur. Un système de guidage externe permet de maintenir vertical le mouvement du gazomètre.

Figure 2. Digesteurs expérimentaux de type discontinu.

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Le Protocole expérimental

16Le mélange pour la fermentation est composé de 60 kg de jacinthe d’eau fraîche, finement découpés (granulométrie : environ 7cm) est introduit dans le digesteur en même temps que 20l de purin de bactéries méthanogènes (ensemencement) obtenu à partir de résidus de panse de bovin fraîchement prélever à l’abattoir frigorifique de Ouagadougou. Nous avons ajouté 30 litres d’eau pour remplir le digesteur avant de le refermer avec le gazomètre. Ensuite, le joint hydraulique est rempli d’eau pour assurer l’étanchéité. Le dispositif est déposé à l’air libre à température ambiante.

17Les paramètres suivants mesurés sont : le volume du biogaz mesuré tous les trois jours avec un compteur, le temps de séjour du substrat dans le digesteur. Les quantités d’azote et de phosphate contenues dans le compost sont dosées par spectrophotométrie d'absorption moléculaire suivant les protocoles qui accompagnent les appareillages de marque HACH DR 2400.

Figure 3. Evolution quantitative de E. crassipes en saison sèche et froide.

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Résultats et discussions

Evaluation de la biomasse disponible et de la densité

18L’évaluation de la biomasse et de la densité a été faite pendant le mois d’août 2005, période au cours de laquelle le site est monospécifique et la jacinthe d’eau recouvre totalement le plan d’eau. La densité moyenne est de 168 pieds de jacinthe d’eau au mètre carré avec un poids moyen de 0,34 kg de biomasse fraîche par unité (Tableau 1). Le passage à l’étuve révèle une proportion de matière sèche (MS) de 6,12% et une teneur en eau de 93,88% ; Ganesh et al. (2005) situe la teneur en eau entre 94 et 95%. Cette teneur en eau élevée fait de E. crassipes un matériel biologique de choix pour la biométhanisation, dans la mesure où, le milieu anaérobie est obtenu par saturation du milieu réactionnel en eau, qui par ailleurs est, une denrée rare au Sahel.

La productivité de E. crassipes dans le parc urbain Bangr-wéeogo

Les facteurs abiotiques

19La productivité de E. crassipes est tributaire de plusieurs facteurs dont la disponibilité en nutriments (Xie et al., 2004) et les facteurs climatiques. Au Sahel, la répartition annuelle des précipitations constitue le facteur écologique de différenciation climatique le plus marquant qui régule les activités biologiques notamment au niveau des écosystèmes limniques tels les mares et les étangs, soumis à des périodes d’assèchement et même les cours d’eau temporaires. Au niveau du site de l’étude, nous distinguons : une saison fraîche et sèche (mi-octobre à février), une saison chaude et sèche (mars à juin) pendant laquelle le plan d’eau s’assèche complètement. La « saison des pluies », chaude et humide s’étale de la mi-juin à la mi-septembre avec des valeurs maximales en août.

20Les mesures effectuées pendant la saison sèche et froide montre un taux d’accroissement démographique absolu 0,083/pieds/jour, il faut donc, environ douze jours pour que un pied de jacinthe donne un autre pied. L’augmentation de la phytomasse est 0,34 g/MS/jour et par pied. Pendant la période de l’expérimentation, la jacinthe d’eau n’a pas recouvert les quadras de 1m². En examinant le rythme de la multiplication pendant la saison sèche et froide, nous constatons que les courbes qui traduisent l’augmentation démographique et de la biomasse (figure 3) ne sont pas régulières, elles présentent des paliers à peu près toutes les trois semaines.

Tableau 1. Phytomasse (kg/m²) et densité de E. crassipes dans le parc urbain Bangr-Wéoogo.

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Figure 4. Evolution quantitative de E. crassipes en saison chaude et pluvieuse.

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Figure 5. Evolution du poids moyen des plants de E. crassipes en fonction de l’augmentation nombre de pieds.

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Figure 6. Evolution de la production de biogaz.

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21Pendant la période chaude et humide dite « saison des pluies », nous observons un rythme d’accroissement de la biomasse et du nombre de pieds de type exponentielle (figure 4) avec un taux d’augmentation de la biomasse de 0,044 kg/MS par pieds et par jour. Le recouvrement du quadra de 1m² est intervenu entre le 75eme et le 80eme jour. Ces observations nous indique que le rythme de multiplication végétatif de la jacinthe d’eau est soumis aux variations saisonnières des conditions et climatiques comme l’ont déjà souligné plusieurs auteurs (Wilson et al., 2005, Debusk et al., 1981).

22Le processus de recouvrement du plan d’eau dépend du nombre de plantes introduites, de la multiplicité des introductions et des conditions climatiques. Nous avons relevé pendant la saison chaude et pluvieuse.une corrélation négative entre le poids, la taille de plants de E. crassipes et la de la densité (Figure 5) : plus la population est dense plus le poids moyen des plantes à tendance à baisser.

23Selon Mabberley (1993) deux parents peuvent donner 30 descendants en 23 jours par multiplication végétative et 1 200 en 4 mois. Fischesser et Marie-France (1996) indiquent que « Si rien ne les contrarie, et en admettant que chaque descendant puisse, lui-même, procréer : un pied de jacinthe d’eau donne naissance en deux semaines à un autre pied. En 8 mois de belle saison, 10 pieds de jacinthe d’eau donneraient naissance à 655 360 autres jacinthes ».

24La productivité de la jacinthe d’eau a suscité l’intérêt de plusieurs chercheurs : d’aucun la considère comme la plante la plus nuisible du monde (Holm et al., 1977) à cause de ses effets nuisibles sur les écosystèmes, les habitats et les espèces tandis que d’autres y voient une ressource pour l’agriculture et l’élevage (Abdelhamid et Gabar, 1991, Dada, 2002), pour la production de biogaz (Singhla et Rai, 2003; Chanakya et al., 1993) et l’épuration biologique des eaux usées (Zhu et al., 1999; Jabanesan, 1997).

La production de biogaz et de compost

La production de biogaz et son évolution

25Les valeurs moyennes enregistrées après un an d’expérimentation indiquent une production de 1440 litres de bio gaz pour 3,67 kg de matières sèche de jacinthe soit 392,37 litres/kg/MS. En général, les résidus les résidus agricoles permettent de produire en moyenne 0,450 m3 par kilogramme de biomasse sèche (Goma et Yameogo, 1981).

26Le temps de séjour du substrat dans le digesteur, est paramètre utile à connaître mais dont la limite est difficile à situer dans la mesure ou la production peut se poursuivre pendant plusieurs mois mais en petite quantité. Elle peut même reprendre de façon significative après agitation. Au cours de nos différentes expérimentations, nous avons arrêté la fermentation dès que la production journalière est inférieure à 5 litres par jour pour un fût de 200 litres. Sur cette base le temps de rétention observé est d’environ 54 jours.

27La figure 6 présentant les valeurs moyennes de production de biogaz relevées tous les trois jours fait apparaître trois phases successives : 1ere phase : après une période de latence d’environ trois jours, on observe un dégagement de gaz non combustible qui persiste jusqu’au 11eme jours. 2eme phase : à partir du 12eme jour le gaz devient combustible et sa production augmente régulièrement jusqu’à atteindre 44,30 litres par jour entre le 33eme et le 36eme jour, 3e phase) le débit du bio gaz amorce une baisse régulière à partie du 39eme jour jusqu’au 54eme jour où la production journalière n’est que de 4 litres.

28Sur la base des résultats expérimentaux, nous pouvons supposer qu’un digesteur de type discontinu de 6 m3 de capacité produit en moyenne 800 litres de biogaz par jour soit 2,4 m3 pour une installation de six digesteurs. Le biogaz est un combustible de bonne qualité qui se prête à une large gamme d’utilisation : cuisson des aliments, réfrigération, alimentation de moteurs stationnaires pour le pompage de l’eau, la production décentralisée d’énergie électrique. Selon Ganesh et al. (2005), il est possible d’améliorer les rendements de production de biogaz en procédant à l’extraction des acides gras volatils par fermentation aérobie et injecter la solution dans le digesteur contenant du fumier de bovin. Dans le contexte actuel, où les prix de plus en plus élevés des combustibles liquides et gazeux dérivés du pétrole, il apparaît que l’alternative biogaz est fiable et viable surtout pour la satisfaction de besoins collectifs (maternités, dispensaires etc.).

Le compost

29Le compost est le produit obtenu lors du compostage qui est une technique de dégradation contrôlée de la biomasse. L’objectif visé est de recycler les éléments constitutifs de la biomasse afin d’avoir une matière organique transformée, riche en composés humiques dont les effets sur la fertilité du sol et sur les rendements soient maximaux. L’application d’un compost au sol améliore la fertilité en apportant aux plantes des éléments nutritifs, en modifiant les conditions physiques du sol et en accroissant l’activité microbiologique par un apport d’énergie (A.D.A.S., 1983)

30Les systèmes de cultures Ouest-africains sont caractérisés par une agriculture céréalière extensive, que Stooevogel et Ema (1990) ont qualifié « d’agriculture minière », pour exprimer le prélèvement continuel et inexorable des éléments nutritifs du sol par les cultures sans compensation par les engrais. Ils constatent que les bilans en éléments nutritifs sont négatifs et la situation de l’agriculture en Afrique sub-saharienne est alarmante puisqu’elle prélève jusqu’à 22 kg de N, 6kg de P2O5, et 18 kg de K2O par hectare en l’an 2000 avec une perte nette de 49 kg / ha.

31La productivité des terres au Sahel est souvent limitée par la disponibilité en éléments nutritifs. La carence en phosphore (P) représente une contrainte majeure pour la production agricole et la réponse aux engrais azotés ne devient effective que lorsque l’eau et le phosphore ne sont plus des facteurs limitants. Plus de 80% des sols de l’Afrique sub-saharienne ont des carences en phosphore (Bationo et al., 1998 ; Traore, 1974)

32Ces propos confortent notre de choix de valoriser la biomasse de E. crassipes par fermentation anaérobie puisqu’à la fin de la méthanisation, nous avons obtenu 49 kilogrammes de compost frais dont des échantillons, analysés en laboratoire ont montré, que le compost obtenu contient environ au 0,75 kg de composés azotés, 10,6 kg de composés phosphatés et 1,1 kg de carbone organique (Tableau 4).

Tableau 4. Teneur en composés azotés et phosphorés (mg/kg/MS) des composts de jacinthe d’eau par fermentation anaérobie

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33Dans ces conditions, il est tout à fait envisageable et bénéfique d’appliquer les propositions de certains auteurs (National academy of science, 1981; Piermont, 1982) qui préconisent la mise en place d’un système d’épuration des eaux usées qui consiste à les refouler dans des étangs artificiels peu profonds dans lesquelles on introduit des plants de jacinthe d’eau qui seront récoltés lorsque la plante s’est suffisamment développée, ne laissant subsister qu’un petit nombre de sujets pour la reproduction. Cette opération se répète régulièrement de manière à obtenir un processus continuel et régulier de purification des eaux, de production de biomasse.

34Par ailleurs, la fraction de biomasse foliaire présente dans les déchets urbains constitue un tonnage important qui pourrait être utilisée comme matière première. Les collectivités y gagneraient sur les plans sanitaires et environnementaux, à procéder au tri et au traitement biologique par fermentation anaérobie de cette matière organique. Cela pourrait se traduire par la mise en place de circuits de collecte, de transformation et de distribution des différentes biomasses commercialisables pour lutter contre la pauvreté.

Conclusion

35La question de la conversion microbiologique de la biomasse foliaire pour la production de bio gaz et de compost doit être situer dans un cadre général les économies des pays du Sahel qui sont à la recherche d’une alternative écologique à l’utilisation abusive du bois de chauffe et à la restauration de la fertilité des sols.

36Dans le parc urbain Bangr-Wéoogo, la production de biomasse par E. crassipes est intéressante et le rythme renouvellement, bien que soumis aux variations climatiques peut assurer la régularité de l’approvisionnement d’une installation de trois digesteurs de 6 m3 de capacité. En effet, l’étude démontre qu’un digesteur de type discontinu de 6 m3 de volume utilisant la jacinthe d’eau, produit en moyenne 800 litres de biogaz par jour soit 2,4 m3 pour une installation de six digesteurs. Une tonne de compost issu de cette méthanisation contient environ au 0,75 kg de composés azotés, 10,6 kg de composés phosphatés et 1,1 kg de carbone organique.

37L’application de cette technologique dans les zones humides infestées par E. crassipes présenterait plusieurs avantages dont la production d’énergie calorifique et de compost de façon totalement décentralisée, et le contrôle de la prolifération de la jacinthe d’eau qui, en plus de la menace sur la conservation de la biodiversité à des effets nuisibles sur certaines activités économiques.

38La mise en valeur de la biomasse foliaire par digestion anaérobie constituerait une modification de la structure actuelle de production et de consommation d’énergie domestique et contribuerait à instaurer un rapport plus équilibré entre l’activité humaine et l’écosystème.

Nous exprimons nos remerciements et notre gratitude au Centre Régional pour l’Eau Potable et l’Assainissement (CREPA), au Laboratoire National d’Analyse des Eaux (LNAE) et à Monsieur Moustapha SARR directeur du parc urbain Bangr-Wéoogo pour leur soutien et leur constante disponibilité.

Bibliographie

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Pour citer cet article

Référence électronique

Oumarou Almoustapha, Jeanne Millogo-Rasolodimby et Siméon Kenfack, « Production de biogaz et de compost a partir de la jacinthe d’eau pour un développement durable en Afrique sahélienne », VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement, Volume 8 Numéro 1 | avril 2008, [En ligne], mis en ligne le 12 avril 2008. URL : http://vertigo.revues.org/index1227.html. Consulté le 10 novembre 2009.

Auteurs

Oumarou Almoustapha

Université de Ouagadougou, Unite de Formation et de Recherche en Sciences de la Vie et de la Terre (UFR/SVT), Laboratoire de biologie et d’écologie végétales, 03 BP 7021 Ouagadougou 03, Burkina Faso, almoustapha1@yahoo.fr

Articles du même auteur

Jeanne Millogo-Rasolodimby

Université de Ouagadougou, Unite de Formation et de Recherche en Sciences de la Vie et de la Terre (UFR/SVT), Laboratoire de biologie et d’écologie végétales, 03 BP 7021 Ouagadougou 03, Burkina Faso

Articles du même auteur

Siméon Kenfack

Centre Régional pour l’Eau Potable et l’Assainissement (CREPA), 03 BP 7112 Ouagadougou 03, Burkina Faso

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