1Ouagadougou, à l’instar des capitales des pays en voie de développement connait une forte croissance démographique (Ouattara et Somé 2009) conjuguée à un développement spatial anarchique de son territoire. Elle renferme plus de 10 % de la population totale du Burkina et près de 60 % de sa population urbaine (INDS, 2006). Cette situation rend complexe la gestion des ressources, la mise en œuvre des activités de développement et fait croître la demande alimentaire d’où l’importance de mener l’agriculture à proximité de la ville en l’absence d’infrastructures de communication adéquates pour assurer le transport des vivres (denrées périssables) depuis le rural
2L’analyse du cadre humain et socio économique indique que l’agriculture dans cette ville contribue à l’insertion des groupes sociaux, à la sécurité alimentaire et à l’assainissement collectif, ce qui rejoint le diagnostic scientifique international (Moustier, 1996 ; FAO, 1999, Koc et al., 2000 ; Smith et al., 2004 ; Mougeot, 2006 ; Parrot, 2008a ; Parrot, 2008b ; Gueye et al., 2009) sur l’édification des villes agricoles (Mougeot, 2006 ; RUAF 2005) notamment dans les pays en voie de développement.
3Et pourtant, la caractérisation faite à partir des données de terrain indique que l’activité est marginalisée dans cette entité administrative du Burkina et qu’elle dérange parce qu’elle s’installe là où la ville se développe (Kêdowidé, 2010). Elle est demandeuse de terres sujettes à des hautes spéculations financières et de la ressource en eau rare dans le contexte sahélien du Burkina. Ceci explique son caractère précaire et pendant longtemps sa non prise en compte dans les projets de planification urbaine (Compaoré, 2008 ; N’Diaye 2008).
4Convaincu de ses fonctions vitales, le politique affiche actuellement une volonté quant à la mise en œuvre de cette activité. Ainsi, à travers l’adoption du décret N° 99-270/PRES/PM/MIHU/MATS/MEE/MEF du 28 juillet 1999, relatif au schéma directeur d’aménagement du « Grand Ouaga » (SDAGO), le gouvernement a accepté de donner une place à l’agriculture dans le paysage périurbain de sa capitale.
5Dès lors, toute question relative à un aménagement spatial quelconque situé dans la zone du Grand Ouaga devra prendre en compte les recommandations du SDAGO. La commune de Ouagadougou se trouve au cœur de l’espace du Grand Ouaga (figure 1) et force est de constater que l’espace qui y est alloué à l’activité agricole ne fait pas légion (AAPUI-ARDCADE, 2009). Pourtant l’agriculture urbaine est une réalité à Ouagadougou et il nous apparait important que les endroits où les efforts devraient être concentrés pour le développement prospère de cette activité soient identifiés. Le SDAGO a donné les grandes orientations des aménagements de cet espace. Pour l’élaboration de différents plans locaux d’urbanisation (PLU) ou des Schémas de Cohérence Territoriale (SCOT), il est important que tous les paramètres intervenant dans un type d’aménagement donné soient pris en compte pour des implantations effectives durables. C’est en cela que nos travaux viennent compléter les orientations du SDAGO pour ce qui concerne l’emplacement des sites agricoles.
6Il s’agit ici d’exploiter l’aspect multidisciplinaire à prendre en compte dans la mise en œuvre d’aménagements spécifiques, notamment l’implantation de sites agricoles urbains (Duchemin et al., 2008) et de ce fait proposer un outil d’aide d’allocation des terres dans le processus de gestion territoriale que connaissent les villes dans les pays en développement.
7Parmi les possibilités géomatiques pour la modélisation spatio-temporelle et l’aide à la décision, l’évaluation multicritères s’avère particulièrement être utile pour le paramétrage de scénarii en termes de prise de risque et de compensation (Paegelow, 2004 ; 2007 ; Paegelow et Camacho, 2005). Elle se base sur l’hypothèse qu’il existe, pour une date donnée, une série de critères spatialisés pouvant expliquer la variabilité de l’aptitude pour un usage spécifique qui est l’activité agricole pour le présent cas d’étude. L’article illustre la méthodologie et les résultats obtenus par une modélisation géomatique conduisant à l’identification des sites à potentiels élevés pour la mise en œuvre durable de l’agriculture urbaine à Ouagadougou.
8Le phénomène modélisé, l’agriculture urbaine (l’occupation du sol par l’agriculture urbaine), appelle un rapide commentaire. L’occupation du sol est un système complexe, ouvert et dynamique, révélateur de l’action de l’homme sur son milieu. En tant qu’indicateur des relations qu’entretiennent les sociétés avec le milieu, l’occupation du sol occupe une place privilégiée. Elle est directement visible dans le paysage et de ce fait, mémorisée depuis longtemps sous forme cartographique (Paegelow, 2004). Les présents travaux s’intéressent à l’occupation du sol par l’agriculture sur un territoire urbain.
9Nous retenons d’une façon générale que l’agriculture est l’ensemble des travaux qui s’appliquent au sol pour faire produire des végétaux intéressant l’être humain. L’agriculture urbaine se distingue de l’agriculture rurale par sa présence dans le système économique et écologique urbain ; ce n’est pas son emplacement qui la différencie, mais le fait qu’elle est incorporée dans la ville et agit en interaction. Elle est une forme d’agriculture effectuée dans ou aux faubourgs d’une ville (Moustier, 1996). Elle comprend les produits provenant de l’agriculture, de l’élevage, de la pêche et de la sylviculture ainsi que leurs fonctions écologiques.
10L’agriculture urbaine à Ouagadougou regroupe le maraîchage et l’horticulture urbains en plus des cultures pluviales (céréalières) qui se substituent au maraîchage en saison hivernale. Ces cultures satisfont les besoins de la population urbaine et se pratiquent sur des unités agricoles de taille variable : depuis les petites surfaces (terrains vagues, bord des routes et des cours d’eaux et des plans d’eau, réserves administratives), aux exploitations intensives commerciales ou semi commerciales. La modélisation géomatique s’est donc intéressée à tous ces espaces pouvant recevoir une production agricole dans la ville et dans son environnement le plus proche.
11Les spéculations cultivées par les maraichers sont en général des légumes comme la salade (laitue), le chou, l’épinard (amarante), les feuilles d’oseille, les haricots verts, le céleri, le piment, la carotte, l’oignon, le gombo mais aussi des fruits tels que les fraises. Les horticulteurs quant à eux produisent des fleurs pour l’embellissement (roses, fleurs pour jardins), des arbres fruitiers (manguiers, bananiers etc.) et des espèces destinés essentiellement au reboisement (jatropha, acacia etc.). Les cultures céréalières de substitut sont : le maïs, le mil, le sorgho, le riz.
12L’objectif de la présente étude est d’étudier les paramètres œuvrant pour une agriculture urbaine prospère et durable et les intégrer pour identifier les parcelles à potentiel élevé qui pourraient recevoir cette activité dans la Commune de Ouagadougou. Il sera obtenu comme résultat une carte décisionnelle classifiant sur une échelle de 0 (aptitude nulle) à 255 (aptitude maximale) le degré d’aptitude de chaque parcelle (de dimension 10mx10m) localisée sur notre zone d’étude ; une approche qui pourrait être appliquée sur d’autres sites à contexte similaire.
Figure 1. Situation de la zone d’étude : la Commune de Ouagadougou
13La commune d’Ouagadougou compte 30 secteurs et 17 villages périurbains administrés par cinq arrondissements (cf figure). Elle couvre une superficie totale de 519,66 km² pour une population moyenne estimée à 1 596 657habitants en 2010 (AAPUI-ARCADE, 2009). Elle est dominée à plus de 75 % par l’habitat qui exerce toujours une forte pression foncière sur une autre nature d’occupation notamment l’agriculture. C’est tout l’enjeu de cette étude qui essaie de trouver une place à cette activité dans cet espace aux enchères très élevées
14Dans le cadre de notre recherche, nous nous sommes basés sur l’intégration des systèmes d’informations géographiques (SIG) et de l’évaluation multicritère (EMC) pour mettre en évidence les recompositions spatiales et, notamment, les zones potentielles pour la mise en culture agricole (figure 2).
Figure 2. Approche méthodologique pour la modélisation pour la prospection des sites agricoles potentiels
15Une telle analyse a pour but de produire une cartographie décisionnelle sur les zones potentielles agricoles en vue de leur intégration dans le plan d’aménagement de la ville de Ouagadougou. Elle s’intègre dans un concept communément appelé SADRS (système d’aide à la décision à référence spatiale) (Bensaid et al, 2007). L'agriculture urbaine à Ouagadougou étant essentiellement une activité de subsistance, il est souhaitable que les efforts pour sa prospérité soient regroupés sur des sites potentiels identifiés en vue d’une meilleure efficacité (FAO, 1999).
16Les SIG sont des outils de gestion, de traitement et d’analyse des données, mais limités en tant que de véritables outils d’aide à la décision, notamment lorsque plusieurs critères et objectifs parfois contradictoires se trouvent en jeu. Selon Laaribi (2000), ils n’étaient qu’à leur première « balbutiements » en matière de véritables outils d’aide à la décision et nous pouvons dire que même si depuis une dizaine d’années, beaucoup d’efforts ont été fournis par les concepteurs des logiciels de SIG pour les faire évoluer, il n’en demeure pas moins que des améliorations restent à faire. Aujourd’hui, les problèmes décisionnels à référence spatiale présentent toutes les caractéristiques des problèmes multicritères ce qui veut dire que le traitement par l’évaluation multicritère devient incontournable
17L’évaluation multicritère (EMC) est conduite dans la démarche d’une analyse multicritère (AMC) et selon Chakar (2006), il a existé des AMC spatiales sans utilisation des SIG : cas d’une localisation (Khalil et al., 2003), aménagement et utilisation du sol (Koo et O’Connell, 2006), implantation d’infrastructures, calcul du plus court chemin, planification urbaine et régionale, zonage, environnement (Lahdelma et al., 2000 ; Kiker et al., 2005), agriculture (Janssen et Rietveld, 1990), gestion et conservation des ressources en eau (Raju et Pillai, 1999a), planification du transport (Jankowski, 1995).
18Cependant, les méthodes d’AMC toutes seules sont incapables de tenir compte de tous les aspects des problèmes de décision à référence spatiale. En effet les logiciels d’AMC ne disposent pas de capacités nécessaires pour la gestion des données à référence spatiale et ils manquent d’outils nécessaires à la représentation cartographique des résultats qui peuvent améliorer leur compréhension et à arriver à une meilleure maîtrise du processus décisionnel.
19En revanche, le SIG est bien adapté pour répondre à ces deux insuffisances de l’approche classique de l’analyse multicritère spatiale. L’intégration du SIG et l’AMC semble donc être la meilleure solution pour combler leurs lacunes respectives. Elle constitue une voie privilégiée et incontournable pour faire évoluer les SIG vers de véritables systèmes d'aide à la décision (Laaribi 2000 ; Joerin 1997 ; Paegelow, 2004 ; Chakhar 2006). Notre choix d’intégrer le SIG et l’AMC nous a conduit vers le logiciel IDRISI qui est l’un des rares logiciels intégrant complètement d’un point de vue architecture informatique du logiciel les SIG et les AMC, une approche bien récente et innovante qui continue de faire ses preuves au sein de la communauté scientifique ce qui dénote de notre intérêt à cet outil pour l’objet de nos travaux.
20L’EMC est utilisé sous Idrisi dans le sens d’Eastman (1993, 2001) et de Yager (1988) ; l’objectif est de fournir des cartes d’aide à la décision pour un usage unique, soit l’agriculture urbaine pour notre cas d’étude. Pour cet usage de l’espace la procédure générera une carte d’aptitude ou de probabilité que l’on peut qualifier de carte décisionnelle. Les principales étapes de l’EMC que nous avons suivies sont la catégorisation des couches critères en facteurs et contraintes, la standardisation des facteurs (transformation des unités d’origine en indice d’aptitude) par recours à des fonctions d’appartenance de la logique floue (Fuzzy) et la pondération des facteurs (par la matrice dite de Saaty) et leur agrégation pour obtenir la carte d’aptitude.
21L’implémentation de cette technique d’aide à la décision sous Idrisi distingue entre trois approches ; approches booléenne, CLP (Combinaison linéaire pondérée) et OWA (Ordered weighted Averaging). Dans le cas de cette étude, nous nous sommes limités à l’approche CLP qui prend en compte la notion de poids et de compensation de risque entre les différents critères.
22La prospection et la simulation par évaluation multicritère (EMC) suppose des paramètres et des critères bien identifiés et élaborés de façon pertinentes. Plusieurs disciplines s’interfèrent en agriculture urbaine, les principaux sont : le cadastre, l’hydrologie, l’agronomie, l’économie, le social, l’environnement. Pour l’usage agricole, nous avons recensé des critères influents identifiés sur la base de l’analyse des données collectées sur le terrain (dynamique spatiale et temporelle, caractérisation et de diagnostic de l’activité), des échanges avec les spécialistes des domaines cités ci-dessus, des contraintes fournies par le Schéma Directeur d’Aménagement du Grand Ouaga (AAPUI-ARDCADE, 2009) issu d’une approche participative qui a impliqué tous les acteurs de l’aménagement du territoire burkinabé.
23Le critère est l’élément de base d'une décision. Il peut être évalué ou mesuré. Il est implémenté sous deux types de variables sous Idrisi : les facteurs et les contraintes.
24La couche "contrainte" indique que l’usage de l’espace pour l’utilisation en question est possible ou non. Il en résulte une carte booléenne qui masque (donc exclut de l’analyse) les parcelles (représentées par des pixels) déclarés « impossibles » à une mise en culture dans notre cas d’étude. La couche "facteurs" indique le degré d’aptitude de chaque unité de l’espace pour l’utilisation en question ; plusieurs facteurs varient dans l’espace et confèrent à chaque unité de l’espace une aptitude variable : état de l’usage en cours du sol, proximité des cours d’eau, proximité des marchés d’écoulement, état des routes etc. Le facteur agit de façon progressive sur l’aptitude alors que la contrainte est un facteur limitant. Pour chacun des critères identifiés, la procédure calcule une carte critère qui mesure pour le critère spécifié le niveau d’aptitude ou d’inaptitude de l’unité d’espace à l’activité agricole. Ceci aboutit à une série de cartes qui seront agrégées par combinaison linéaire pondérée (CLP) afin d’établir la carte décisionnelle.
25Dans l’application, sur la base des informations que nous avons pu rendre disponibles, la hiérarchisation et la catégorisation nous ont conduit à identifier 8 paramètres analysés selon les indicateurs en contraintes ou facteurs comme défini dans le tableau 1.
Tableau 1. Catégorisation des critères en contraintes et facteurs
Paramètres
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Type de critère
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Contraintes à l’AU
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« couche contrainte » ; masque sur les emplacements lotis ou construits, sur tous les emplacements réservés à l’implantation d’infrastructures par le SDAGO, sur les agglomérations, sur l’emplacement même des plans d’eau et du réseau de la voirie
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SDAGO horizon 2025
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« couche facteur », facteurs favorable sur les zones vertes réservées par le SDAGO (ceinture verte, zone d’écotourisme et dans une très moindre mesure le parc Bangréwogo qui lui est une aire protégée et classée)
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Occupation actuelle du sol
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« couche facteur » ; facteurs favorables ou très peu favorables définis selon l’évolution probable l’occupation actuelle du sol
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Hydrographie
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« couche facteur » ; aptitude définie selon la nature de la ressource en eau et de la distance la séparant d’un site potentiel ; trois couches facteurs ont été distinguées dans cette catégorie : les plans d’eau permanents, temporaires et les cours d’eau temporaires
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Fertilité du sol
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« couche facteur » ; aptitude définie selon la nature morpho pédologique du sol
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Marchés
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« couches facteurs » ; aptitude définie selon la distance séparant le site potentiel au marché ; deux couches facteurs ont été distinguées dans cette catégorie : les marchés principaux de vente en produits provenant de l’AU et ceux secondaires
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Routes
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« couche facteur » ; aptitude définie selon l’accès et la praticabilité des routes pour le transport des produits vers les marchés d’écoulement
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Relief
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« couche facteur » ; aptitude définie selon la pente
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26La conduite de l’EMC impose la disponibilité d’une base de connaissance de référence de ces paramètres sur laquelle s’appuie la vérification des critères et indicateurs. L’une des difficultés relative à l’analyse de phénomènes spatialisés dans les pays en voie de développement est l’indisponibilité de l’information géographique à jour ; il a donc fallu la compléter ou la reproduire selon les paramètres identifiés au tableau 1. Nous nous sommes basés sur les techniques de la télédétection et des systèmes d’informations géographiques pour mettre en place cette base de données géographiques de référence. Les données de base sont issues de nos travaux de terrain (enquêtes, inventaires et relevés de points GPS) et la documentation cartographie existante qui a été collectée auprès d’institutions impliquées dans la mise en place de l’information géographique.
27Les données primaires géographiques et descriptives collectées (cartes, plans, images, levés GPS) ont été traitées et analysées grâce aux fonctionnalités du logiciel SIG ArcGIS (acquisition, gestion, analyse spatiale, analyse thématique) pour l’élaboration de la base de connaissance géographique de référence.
28Afin de pouvoir intégrer plusieurs facteurs (qualitatif et quantitatif) dans le modèle (calcul de l’aptitude résultante de l’occupation du sol), il convient de les rendre comparables – autrement dit d’exprimer l’aptitude des différents facteurs sur une échelle commune. Dans le cas de la Combinaison Linéaire Pondérée (CLP) ou WLC (weighted linear combination), les facteurs sont standardisés sur une échelle continue d’aptitude allant de 0 (le moins apte) à 255 (le plus apte) en passant par 128 (moyennement apte). Une fois standardisés, il sera possible de comparer et de combiner les facteurs ; et au lieu de recourir à une décision tranchante, binaire, divisant l’espace en zones où l’usage en question est possible ou impossible, la combinaison linéaire pondérée (CLP) utilise un concept plus flexible, pour délimiter les zones aptes ou non aptes.
29L’affectation d’un indice d’aptitude peut être manuelle (estimation d’aptitude de plusieurs natures de sol par exemple) ou modélisée (aptitude à construire sur la base du coût de parcours sur une distance par exemple) par recours à une fonction d'appartenance. Le logiciel Idrisi 32 que nous avons utilisé propose la fonction « Fuzzy » (logique floue) pour modéliser le degré d’aptitude. Cet outil prévoit quatre fonctions d’appartenance : sigmoïde, j-shaped, linéaire ou une fonction définie par l’utilisateur. Les contraintes, par contre, gardent leur caractère binaire : emplacement possible ou impossible.
30Un des avantages de la combinaison linéaire pondérée est la possibilité de pondérer chacun des facteurs entrant dans l’agrégation des critères (Eastman 2001). Le poids des facteurs indique leur importance relative par rapport à tous les autres. Avec la CLP, la compensation est totale. Un facteur d’aptitude faible pour une zone donnée peut être compensé par un autre ayant un degré d’aptitude élevée car l’importance de chacun des facteurs est déterminée par le poids que l'on lui affecte
31Si le nombre de facteurs est élevé, il est souvent difficile d’estimer le poids relatif de chacun d’eux. Une solution consiste à comparer chaque facteur avec chaque autre, une comparaison par paires (cf. tableau2) et de déduire ensuite leur poids total résultant par calcul statistique. C’est ce que préconise l’approche de Saaty (1977) que nous avons adoptée dans le cas de cette étude car le nombre de facteurs que nous prenons en compte dans la conduite de l’EMC est de 9.Le poids calculé de chaque facteur est son vecteur propre.
Tableau 2. Echelle de Saaty (1977) pour la pondération des facteurs par paires.
Expression d’un critère par rapport à un autre
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Expression d’un critère par rapport à un autre
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Echelle numérique
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Echelle numérique
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Même importance que
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1
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Modérément moins important que
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1/3
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Modérément plus important que
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3
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Fortement moins important que
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1/5
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Fortement plus important que
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5
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Très moins important que
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1/7
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Très important que
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7
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Extrêmement moins important que
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1/9
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Extrêmement plus important que
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9
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32La dernière étape de l’EMC est l’agrégation des critères pour classer par ordre croissant les alternatives, et dégager ainsi les meilleurs emplacements pour les sites agricoles dans la ville de Ouagadougou. La Combinaison Linéaire Pondérée nous permet une agrégation complète et génère une carte d’aptitude agricole sur laquelle chaque maille représente la somme pondérée de tous les critères pris en compte. Le résultat final sera la carte décisionnelle qui servira de référence pour les évaluations, les validations et les recommandations à formuler pour une implantation effective de sites agricoles prospères et durables.
33Les métadonnées contenues de cette base de données géographiques de référence concernent :
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Plan de la ville d’Ouagadougou (espace construit ou non)
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Carte d’occupation des terres (organisation de l’espace, activités et ressources naturelles)
-
Carte d'aménagement horizon 2025 de l'espace du « Grand Ouaga »
-
Réseau hydrographique : Cours d’eau, plan d’eau (lacs, barrages), points d’eau, canaux de conduite d’eaux usées, zones inondables ou marais
-
Réseaux routiers (Voies de communication et leur classification)
-
Localisation des marchés (principaux et secondaires selon leur niveau de vente des produits de l’AU)
-
Localisation des sites agricoles actuelle et leur dynamique spatiale
-
Carte sur l’aptitude morpho-pédologique du sol
-
Informations liées au relief : Courbes de niveau, points côtés et pentes
-
Information sur le découpage administratif de la commune d’Ouagadougou¸
Figure 3. Les couches de la base de données géographiques de référence
34Les sources de données géographiques ayant servi de référence pour l’élaboration de cette base de données sont : Base nationale de données topographiques éditée par l'Institut géographique du Burkina Faso en 2002 ; Base de données d’occupation des terres éditée par l'Institut géographique du Burkina Faso en 1995 ; Image google Earth (2008 et 2009) ; Image satellitaire Quickbird d’Ouagadougou (2005) ; Plan d’aménagement du Grand Ouaga horizon 2025 (AAPUI-ARDADE, 2009) ; Plan guide de la ville d’Ouagadougou (IGB, 1992) ; Carte topographique au 1/50000 (2002) ; Carte morpho pédologique de la commune d’Ouagadougou (AAPUI-ARDADE, 2009) ; Relevés terrains réalisés au Global Positioning System : GPS (2008, 2009).
35Les données élaborées sous ArcGIS ont été importées sous IDRISI (version 32) puis converties en format raster (taille du pixel fixée à 10 mètres) et catégorisées en couches de facteurs ou de contraintes selon les critères choisis pour l’obtention d’un meilleur rendement de la mise en culture de la variable étudiée qui est l’occupation des terres.
36Les emplacements interdits à l’activité agricole dans la commune d’Ouagadougou concernent dans un premier temps les espaces construits ou déjà occupés (les zones loties et urbanisées, l’emplacement occupé par les voies de communications, les réseaux, les plans d’eau, les infrastructures socio communautaires ou tout construit ayant une fonctionnalité bien définie). Dans un second temps, les zones réservées par le Schéma Directeur horizon 2025 d’Aménagement du Grand Ouaga pour l’implantation d’infrastructures de voirie, administratives, socio communautaires, économiques etc. sont aussi des espaces interdits à l'activité agricole. Finalement, on retrouve les zones de protection qui sont déterminées par un rayon de 100 mètres autour des plans d’eau, des lignes de hautes tension, de chemin de fer).
37La prise en compte de ces différentes contraintes a conduit à l’obtention de la carte booléenne qui masque les emplacements où il est impossible que l’activité agricole soit implantée (figure 3).
Figure 4. Carte masquant les zones "interdites" à l'activité agricole
38Comme décrit au tableau 1 les facteurs étudiés sont : le type d’occupation future du sol prévu par le SDAGO horizon 2025 et celui existant actuellement, la proximité d’une ressource en eau, la localisation des marchés potentiels d’écoulement, le coût induit pour le déplacement par les routes vers les marchés et les lieux de résidences des agriculteurs, l’aptitude par rapport aux caractéristiques pédologiques et la valeur de la pente.
39L’occupation actuelle du sol est très déterminante dans l’implantation des futurs sites agricoles ; elle exprime le premier paramètre incontournable dans la tenue de l’agriculture en ville (disponibilité des terres) et traduit la pression foncière qui contraint fortement l’activité. Selon l’existant sur une parcelle, ce paragraphe analyse son aptitude ou sa disponibilité probable à être convertie en site agricole potentiel. L’affectation de l’indice d’aptitude sur ce facteur tire sa justification de nos échanges avec les services de la Mairie chargés de l’aménagement du territoire et des exigences du SDAGO. Elle s’est faite manuellement et le tableau 3 résume les indicateurs considérés pour ce critère ainsi et sa standardisation pour exprimer son aptitude sur une échelle commune : degré d’aptitude variant ente 0 (inapte) et 255 (aptitude maximale).
Tableau 3. Aptitude et standardisation du facteur relatif à l’occupation du sol
Nature de l’occupation
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Définition de l’aptitude et standardisation
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Aéroport, Chantiers et espace en construction
Décharges, Equipements sportifs et de loisirs
Habitat rural, Réseaux routiers, ferroviaires et espaces associés, Tissu urbain continu, Tissu urbain discontinu, Zones industrielle, commerciales et socio collectives, Cours et voies d’eau temporaire, Plan d’eau artificiel, Plan d’eau naturel
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Valeur = 0 (impossible) car espace occupé par l’urbain , les infrastructures socio communautaires ou la ressource en eau elle même ; Ces espaces font partie de la zone masquée dans les couches contraintes
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Sols nus (érodés, dénudés, cuirasses)
Extraction de matériaux
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Valeur neutre = 128, sols nu, pas très favorable à priori compte tenu de la nature pédologique du sol (érodée, sur cuirasse, matériaux).
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Espaces verts urbains
|
Valeur = 192, ce sont les espaces occupés par les jardins (maquis) et l’aire protégée de Bangrewogo. Bien que ce soit des espaces verts classés, on pourra penser à y implanter dans une certaine proportion des végétaux consommables ; d’où la valeur moyennent favorable affectée à ces espaces
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Cultures pluviales, Systèmes culturaux et parcellaires complexes, Territoire agroforestier
Territoires agricoles + espaces naturels imposés
Savane arbustive
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Valeur favorable = 224(des zones déjà acquise à l’agriculture) mais certaines parties sont prévues par le SDAGO pour évoluer en espaces constructibles
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Prairies marécageuses, Forêt galerie
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Valeur très favorable = 255 (les zones les plus propices au maraîchage compte tenu de la présence de l’eau et du fait qu’on ne peut y mettre du construit)
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40Il s’agit ici de la prise en compte des directives imposées par le schéma directeur d’aménagement horizon 2025 du grand Ouaga (AAPUI-ARCADE, 2009) et qui militent particulièrement en faveur de l’existence d’espaces verts dans la Commune de Ouagadougou. L’affectation de l’indice d’aptitude sur ce facteur tire donc sa justification de l’organisation de l’espace du SDAGO tout comme le facteur lié à l’occupation actuelle du sol, sa standardisation s’est faite manuellement comme résumé dans le tableau 4.
Tableau 4. Aptitudes selon les projections 2025 de l’organisation de l’espace
Aménagement SDAGO
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Définition de l’aptitude et Observations
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Ceinture verte
Zone d’écotourisme
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Valeur très favorable 255 car définit par le SDAGO adopté au niveau politique et administratif
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Parc Bangrewogo
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Valeur moyennement favorable = 192, comme définit au tableau 3
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Zone non classée
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Valeur neutre = 128, elle ne fait pas l’objet d’une classification dans cette catégorie.
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41La ville de Ouagadougou repose sur des sols peu profonds et pauvres en éléments nutritifs. Ils ont une faible teneur en azote (< 0,06 %) et en potassium (Sanon et al, 2007). Mieux, ils sont caractérisés par une faible capacité d’infiltration et de conservation de l’eau.
42La tenue prospère de l’activité agricole en un lieu est fortement liée à la richesse du sol ; plusieurs sites y sont conditionnés à Ouagadougou même si des solutions palliatives telles que l’apport des engrais sont adoptées sur le terrain. Mais force est de constater que si le sol ne dispose pas d’un minimum de nutriments, il lui serait impossible de fournir un minimum de rendement acceptable quelque soit la quantité d’engrais qui lui aura été administré (exemple des périmètres de Kossodo par Sou (2009)).
43Aussi, les risques de contamination des cultures et du sol dans le cas d’utilisation des engrais chimiques dissuadent de cette approche dans une politique de développement durable. La tendance agricole urbaine durable devra adopter un sol à caractéristiques pédologiques aptes pour une prospérité de l’activité. L’affectation de l’indice d’aptitude sur ce facteur tire sa justification de nos échanges avec les spécialistes et de l’étude pédologique de l’espace du Grand Ouaga (Sanon et al, 2007). La standardisation (aptitude variant entre 0 et 255) s’est aussi faite par regroupement manuel en classes telle que résumé dans le tableau 5.
Tableau 5. Aptitude liée à la caractéristique morpho-pédologique du sol.
Nomenclature (Dominants)
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Aptitude maraîchage
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Degré d’aptitude
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Lithosols sur cuirasse ou sur roches
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Inapte
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60
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Sols ferrugineux tropicaux lessivés indurés de moins de 40 cm de profondeur
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Neutre
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128
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Sols ferrugineux tropicaux lessivés indurés d'au moins 40 cm de profondeur
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Moyennement apte
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180
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Sols ferrugineux tropicaux lessivés à tâches et à concrétions
Sols peu évolués d'apport alluvial hydromorphes
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Apte
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200
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Sols hydromorphes peu humifères à pseudo-gley d'ensemble
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Très Apte
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224
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44La disponibilité de la ressource hydrique est l’un des paramètres clés pour l’agriculture en générale et pour l’agriculture urbaine en particulier. En effet aucune activité agricole n’est envisageable en l’absence d’eau ; et pour l’agriculture urbaine le critère de la proximité de cette ressource en eau est fondamental. A Ouagadougou, les exploitants utilisent entre 0,7 et 10 m3/jour suivant la taille de leur périmètre (Sawadogo, 2008). L’agriculture urbaine étant caractérisée par des cycles courts et de la polyculture sur toute l’année, la ressource d’eau proche des sites potentiels doit être permanente. Les principales ressources en eau de l’agriculture à Ouagadougou sont : les barrages ou retenues d’eau, les marais, les puits ou forages, les eaux usées situées le long des canaux de drainage, la pluie pour les sites céréaliers. L’intégration de ce paramètre fondamental dans la conduite de l’EMC a été effectuée selon la nature et le type de la ressource. Ainsi, nous y avons distingué trois types de facteurs.
45Aptitude selon la proximité des eaux surfaciques permanentes : plus le site est plus proche de la ressource en eau, plus elle voit son aptitude à conduire de façon durable l’activité agricole augmentée. Contrairement aux points d’eau et aux réseaux linéaires temporaires d’eau, cette proximité peut être relativisée (aptitude acceptée jusqu’à une distance de 300 m selon nos enquêtes sur le terrain) car de façon générale une petite irrigation ou un drainage de l’eau (par rigole) sur le site est mis en place sur le terrain. L’aptitude restera donc constante pour ce type de ressources jusqu’à 300m et va décroitre selon une fonction linéaire et s’annuler au-delà de 600 mètres.
46Le facteur distance aux plans et cours d’eau temporaires
47Les plans d’eau temporaires ont un poids moindre que ceux permanents et les agriculteurs n’y installent en général pas de petites irrigations pour le drainage des eaux ; dans de rares cas, on y observe des rigoles. Ces ressources en eau doivent donc être le plus proche possible d’un site potentiel. L’aptitude restera constante pour ce type de ressources jusqu’à 100 mètres et va décroitre selon une fonction linéaire et s’annuler au-delà de 300 mètres.
48L’aptitude est calculée en fonction de la proximité aux marchés principaux situés au centre ville et très attractifs en termes de vente des fruits et légumes, d’une part, et selon la proximité des marchés secondaires situés dans les localités autour du centre ville et peu attractifs en terme de vente des fruits et légumes (car la plupart des produits sont convoyés vers le centre ville où la demande est plus forte) d’autre part. Nous introduisons donc pour le thème marché ces deux types de couches facteurs. L’obtention des données sur les marchés (localisation, niveau d’importance etc.) a fait l’objet d’une enquête sur le terrain.
49La valeur de distance calculée varie entre 0 et 15 666 unités pour les marchés principaux et entre 0 et 12 821 unités pour les marchés secondaires. Une normalisation a été aussi appliquée sur ces couches afin qu’elles soient ramenées sur la même échelle d’aptitude (0 à 255) que les autres couches. La normalisation s’est faite avec une fonction décroissante linéaire de l’aptitude au fur et à mesure que le site potentiel s’éloigne d’un lieu d’écoulement.
50L’intégration du facteur « infrastructures routières » dans cette modélisation vient du fait qu’elles interviennent dans le cadre de l’écoulement des produits lors de leur transports depuis les sites agricoles vers les marchés. La prise en compte de ce facteur est relative au « coût » engendré par le parcours d’un circuit « site agricole –marché » qui est fonction de l’état et de la praticabilité des voies de communication empruntées. Une telle modélisation s’implémente dans Idrisi par sa fonction COAST (Distance-Coût) qui intègre les données relatives à la classification du réseau routier à travers une friction qu’elle génère.
51La distance coût aux infrastructures routières à Ouagadougou a été calculée sur la base de la classification routière (issue de l’occupation actuelle du sol et du SDAGO 2009) selon la surface calculée avec la friction définie au tableau 6.
Tableau 6. Friction pour le calcul de la distance-coût aux infrastructures routières.
52La valeur de distance-coût calculée varie entre 0 et 85 718 unités. La normalisation a été modélisée par recours à la fonction linéaire décroissante de l’aptitude au fur et à mesure que la distance coût augmente ; ce qui justifie bien de l’importance de l’emplacement des routes et de leur qualité relativement à la localisation d’un site agricole potentiel.
53Le maintien de l’activité agricole en ville étant assujetti à la présence d’une ressource en eau, cette condition lui impose une localisation en bas-fonds ou en plaine. La pente du terrain est un paramètre important à prendre en compte dans la modélisation pour l’identification de sites agricoles. Les zones accidentées sont moins propices. La variable « pente » sur la Commune de Ouagadougou est dérivée directement du MNT (Modèle Numérique de Terrain). Ce dernier a été calculé sous Idrisi à partir des courbes de niveaux obtenues par numérisation de la carte topographique au 1/50000.
54Située sur la vaste pénéplaine centrale du Burkina Faso, la ville de Ouagadougou se caractérise par un ensemble de terrains plats qui descendent en pente douce du sud vers le nord et par une absence de points élevés. La couche des pentes obtenue indique des valeurs faibles et variant moyennement entre 0,5 et 3 %. Cette zone fait partie du vieil ensemble cristallophyllien d’âge antécambrien, aplani et recouvert d’un manteau assez continu, mais d’épaisseurs irrégulières d’altérités, de cuirasses et de dépôts détritiques (Aapui et Arcade, 2009). Ces valeurs faibles de la pente nous ont conduits à ne plus intégrer ce facteur (moins pertinent donc dans le cas d’étude de Ouagadougou) dans la conduite de l’EMC pour ne pas l’alourdir.
55Chaque facteur étudié ci-dessus aboutit à une carte critère ce qui a conduit à l’obtention de 9 cartes critères devant être pondérées et agrégées en vue de l’obtention de la carte décisionnelle (figure 5).
Figure 5. Quelques cartes critères établies dans le cadre de cette recherche.
56L’étape de la pondération est très délicate et exige l’intervention des acteurs ainsi que des spécialistes dans les domaines concernés par la mise en pratique de l’agriculture urbaine. Pour chaque paire de facteurs possibles, nous avons déterminé le coefficient de comparaison sur la base de nos échanges avec les acteurs et spécialistes lors d’un atelier qui les a tous réuni. L’analyse des facteurs par paire a conduit à la matrice de pondération illustrée au tableau 7.
Tableau 7. Pondération des facteurs par paire selon l’échelle de Saaty avec les poids des facteurs résultants
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SDAGO
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Occupation du sol
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Pédologie
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Cours d’eau temporaire
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Plan d’eau permanent
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Plan d’eau temporaire
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Marchés principaux
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Marchés secondaires
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Voirie
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SDAGO
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1
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Occupation du sol
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1
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1
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Pédologie
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1/5
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1/3
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1
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Cours d’eau temporaire
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1
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1
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1
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1
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Plan d’eau permanent
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1
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3
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3
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5
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1
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Plan d’eau temporaire
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1
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1
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1
|
3
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1/3
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1
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Marchés principaux
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1
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3
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3
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3
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1/3
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1
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1
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Marchés secondaires
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1/3
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1/3
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1/3
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1/3
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1/5
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1/3
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1/5
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1
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Voirie
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1/3
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1/3
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1/3
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1
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1/5
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1/3
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1/3
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1
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1
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Vecteur propre
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14.82 %
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10.51 %
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7.07 %
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7.02 %
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25.70 %
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11.56 %
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15.88 %
|
3.37 %
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4.07 %
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57La pondération finale (vecteur propre) des facteurs s’appuie sur des tests statistiques basés sur les coefficients de comparaison par paire. Il en ressort l’impact primordial des plans d’eau permanente (25,70 %), de la proximité des marchés d’écoulement (15,88 %) et des prévisions du schéma directeur d’aménagement horizon 2025 du Grand Ouaga (14,82 %). Les ressources en eau temporaires perdent relativement de leur importance compte tenu de leur caractère éphémère. Un autre facteur influent se trouve être l’état de l’occupation actuelle du sol (10.51 %). Les caractéristiques pédologiques ont un poids relativement faible compte tenu des possibilités de « préparation du sol » (différents éléments nutritifs qu’on peut lui fournir) qui existent et qui sont adoptés par tous les agriculteurs ; il en est de même de la voirie dont la densification actuelle dans la ville répond aux besoins de transport des produits maraîchers vers les marchés locaux.
58L’agrégation sous le module d’évaluation multicritère d’IDRISI représente la procédure de combinaison de critères prenant la forme :
59C = Wi X i * Cj
60où C est l’indice composite, X i est la valeur du facteur i normalisée, W i est le poids de chaque facteur et C j est la valeur de la contrainte j. Dans le cas de cette étude, i =9 et j =1 (toutes les contraintes agrégées en une seule couche). L’agrégation des facteurs pondérés établit la carte d’aptitude (figure 6).
Figure 6. Carte d'aptitude agricole dans l’espace de la Commune de Ouagadougou.
61Le résultat final obtenu pour la carte d’aptitude révèle que les sites aptes sont concentrés autour des points d’eau permanents et bas-fonds et proches des marchés centraux à l’intérieur de la ville. Il existe en centre ville loti une forte aptitude qui se dégage dans certains quartiers compte tenu de la présence des paramètres « Eaux » et « Marchés ». Mais force est de reconnaitre qu’il ne s’agit pas là de sites durables compte tenu de la très forte spéculation foncière qui s’observe sur ces espaces.
62L’aptitude se dégage en périphérique mais avec un niveau favorable moindre compte tenu de l’inexistence d’une ressource en eau même temporaire proche et de l’absence des marchés d’écoulement qui sont pour la plupart concentrés vers le centre ville. La projection d’aménagement du SDAGO n’y est pas favorable non plus et le poids affecté à l’occupation actuelle du sol (bien que très favorable pour ce critère) n’a pu compenser l’inaptitude affectée par la majorité du reste des critères.
63La ceinture verte à réhabiliter dans le cadre du SDAO se trouve être très favorable par endroits et défavorable à d’autres (presque 50 % de cet espace). Ces espaces ne disposent pas d’une ressource en eau proche et ne se trouvent pas forcément à proximité des marchés principaux de vente de fruits et légumes. Il s’avèrerait donc important que la réflexion soit menée dans une approche intégrée sur la nature du « vert » qui devra être implantée dans le cadre de la restauration de cette ceinture.
64L’étude sur le diagnostic et la caractérisation de l’agriculture urbaine a permis de recenser plus d’une centaine de sites répartis sur une cinquantaine de zones agricoles dans la commune d’Ouagadougou (Kedowidé, 2010). On observe en 2009 une dizaine de sites maraîchers importants dont notamment Boulmiougou, Bika, Tampouy, Kilwin ,Kossodo, Tanghin, Wayalghin, Paspanga, Bogtoega Ouidtenga qui couvrent presque 70 % des superficies cultivées (Kedowidé et al. 2010). Ces sites agricoles existants ont été superposés à la carte d’aptitude (vectorisée et classifiée en zones d’aptitudes – cf figure 6) en vue d’une analyse de leur localisation.
Figure 7. Aptitude agricole et localisation des sites existants
65Plusieurs sites existants (Tanghin, Tampouye, Nonsin) se retrouvent le long des zones interdites des plans d’eau surfaciques permanents (barrages, lacs, canaux), ce qui explique leur déguerpissement permanent par la mairie ou les arrondissements. Mais on observe à proximité de ces plans d’eau, une aptitude maximale générée non seulement par la présence de l’eau permanente mais aussi par la prévision du SDAGO d’y implanter des cultures horticoles. Il s’en suit que si autour des barrages, la zone de protection de 100 mètres est respectée, le reste des superficies marécageuses pourraient être mise en culture de façon durable que ce soit la spéculation horticole ou maraîchère qui soit adoptée.
66Les sites les mieux placés (aptitude maximale) sont ceux de Boulmiougou, Bika, kamboinsè, certains de Tampouy et Nonsin, Wayalghin, Ouaga 2000, Ouidtenga. La plupart de ces sites sont favorisés par la caractéristique marécageuse du sol qui ne peut recevoir du construit malgré la forte spéculation foncière qui existe. Certains sites bien moins favorables tels que Cissin, Macoussi, Kossodo sont aussi mise en culture. On peut observer que la non aptitude de Cissin et Macoussi provient principalement de l’inexistence d’une ressource en eau permanente proche, ce qui explique la spéculation céréalière (cultures pluvieuses) adoptée sur ces espaces qui y sont bien propices compte tenu de leur localisation sur la ceinture verte. Ces expériences pourraient donc être répétées sur une bonne partie de l’espace de cette ceinture verte à restaurer mais qui reste défavorable au maraîchage par plusieurs endroits. Par contre, le site de Kossodo s’avérait inapte avant la construction de la STEP (Station d’Epuration d’eau usée) compte tenu de l’inexistence de plans d’eau proches et de marchés d’écoulement. L’aptitude de ce site est encore plus défavorable aujourd’hui compte tenu de la qualité non appropriée au maraîchage de l’eau usée traitée et de son action néfaste sur la caractéristique pédologique du sol (Sou, 2009).
67Enfin, la carte de synthèse révèle des emplacements potentiels qui à ce jour ne sont pas encore mis en culture ; il s’agit notamment de zones situées vers les villages périphériques de Silmiougou, Zagtouli, Boassa qui sont des espaces marécageuses propices à l’activité agricole mais qui connaissent néanmoins des contraintes liées à la pérennité de la ressource eau et à l’éloignement des marchés potentiels.
68Dans une démarche de modélisation pour l’aide à la décision, la question la plus intéressante porte toujours sur ce qui « échappe » au modèle, autrement dit quels sont les critères pertinents qui n’ont pas été pris en compte et quels sont les territoires et les dynamiques auxquels le modèle n'apporte pas de réponse et pourquoi. Ce recul par rapport à l’EMC mise en œuvre a permis d’identifier certains paramètres à prendre en compte dans un tel cas d’étude et qui n’ont pu être considérés dans le contexte de la commune de Ouagadougou compte tenu soit de la non disponibilité de l’information, soit de la non pertinence du paramètre dans le présent cas d’étude. Au nombre de ces paramètres, nous citons l’insécurité foncière, le poids de la contribution au système d’assainissement de la ville.
69D’autres paramètres pourraient êtres pris en compte selon les spécificités et contexte des zones d’études : paramètres liés à la pollution par les nitrates ou autres polluants etc. L’essentiel est d’établir qu’il s’agit de paramètres pertinents à l’échelle de travail qui devraient être intégrés au modèle sans pour autant chercher à le complexifier au risque de le rendre inefficace et non transposable.
70Les aspects fonciers définissent la pression foncière, l’insécurité foncière, les risques de déguerpissement auxquels sont soumis les agriculteurs urbains. Le foncier et l’eau sont les deux ressources fondamentales qui définissent notamment l’agriculture urbaine. La disponibilité sans contrainte de la ressource « terre » intégrée dans l’EMC devrait se voir affecter un poids aussi élevé que celui des plans d’eau permanents. Il nous est apparu difficile dans notre cas d’étude de pouvoir déterminer pour chaque parcelle (pixel) son niveau de sécurité foncière car ne pouvant avoir accès à son propriétaire (Etat ou Privé) et aux intentions de ce dernier quant à sa mise en valeur à court, moyen et long termes.
71Néanmoins, au Burkina, toutes les terres appartiennent à l’Etat et la modélisation effectuée dans ce cas d’étude prend en compte cet aspect dans le respect des orientations d’aménagement prévues par le SDAGO que nous avons intégrées en facteur et contrainte dans la conduite de l’EMC.
72L’un des aspects fondamentaux de l’agriculture dans le contexte urbain est sa participation au processus d’assainissement des villes : utilisation sous forme de compost des déchets recyclés, réutilisation des eaux usées traités (Wéthé et al. 2001). Ces deux types de déchets sont sources de fertilisant pour l’agriculture urbaine. Il revient donc d’identifier l’emplacement des sites de traitement des déchets liquides et solides et d’intégrer leur poids dans la conduite de l’EMC à travers la distance les séparant d’un site supposé potentiel. Plus la distance entre le site de traitement et le site agricole serait minimale voire nulle, et plus élevée serait l’aptitude du site.
73Dans le cas d’étude de Ouagadougou, cet aspect n’a pu être intégré car les emplacements de recyclage d’eaux usées ou de déchets ne font pas légion. En dehors du Centre d’Enfouissement Technique (dont la finalité principale n’est pas de produire des engrais organiques aux agriculteurs) et de la STEP de Kossodo (problématique de la qualité de l’eau), les emplacements existants sont ceux expérimentaux mis en place par le CREPA (Programme ECOSAN) pour l’hygiénisation des fèces humains en vue de leur utilisation en agriculture urbaine comme engrais organique. Ainsi, ce paramètre bien important dans la thématique que nous traitons ne s’est pas avéré pertinent dans l’EMC que nous avons conduite sur Ouagadougou compte tenu de la place qu’il occupe aujourd’hui dans la filière et de la non disponibilité de données relatives au futur plan d’assainissement de la ville.
74Le poids des facteurs indique leur importance relative et met en lumière la compensation mutuelle qui s’effectue entre eux. La carte d’aptitude obtenue à l’issue de l’EMC sur Ouagadougou reflète la pondération utilisée qui privilégie des ressources en eau permanentes, la disponibilité de l’espace, la proximité d’un marché d’écoulement. Le diagnostic international confirme ces poids relatifs que nous avons donnés principalement à ces trois facteurs mais il peut apparaître que sur des terrains à contexte spécifique, la pondération évolue en faveur de facteurs différents.
75Aussi, il est important de souligner que la traduction chiffrée relative à la pondération et la standardisation des facteurs sous Idrisi ne peut se justifier à l'unité ou au dixième près - faute de données et de recul dans la littérature. Cette approche apparait donc un peu empirique et pourrait faire évoluer l’aptitude de certains pixels à l’échelle microscopique.
76L’agriculture urbaine à Ouagadougou concerne plusieurs types d’acteurs ce qui rend sa gestion difficile et pas toujours objective. Une planification durable de ce secteur d’activités devrait implémenter l’interrelation entre les différents types d’acteurs. L’identification de la terre agricole urbaine à potentiel élevé dans la Commune de Ouagadougou devrait donc prendre en compte deux dimensions :
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La dimension « territoire » devant identifier la terre possédant les meilleures propriétés agro-pédologiques et hydrologiques pour un rendement meilleur de sa mise en culture.
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La dimension « acteurs » faisant appel à une utilisation conflictuelle des ressources (terre et eau) et dont la recherche de solution passe par une méthode participative donc une modélisation d’accompagnement
77Ces deux types de modélisation et leur intégration résume la démarche méthodologique qui devra être mise en œuvre dans le cas d’une telle étude. Il va s’en dire que seul le premier aspect lié à la dimension spatiale a été mise en exergue dans le présent article même si la dimension « acteur » soutient l’élaboration des paramètres et critères élaborés. Il s’agit ici de souligner pour tout cas d’étude, l’approche participative à adopter pour l’affinement et la validation des critères de sélection à retenir vu que l’on se place dans une démarche de planification durable de l’activité.
78De nos jours, la gestion du territoire doit se faire de façon systémique en intégrant tous les paramètres relatifs à son aménagement durable. Les SIG combinés à l’analyse multicritère offrent ces possibilités. Cette démarche a été appliquée à la commune d’Ouagadougou pour spatialiser les espaces optimums à une mise en culture. La carte d’aptitude ou de probabilité obtenue est destinée à éclairer les décideurs et les aménageurs sur les zones potentielles devant recevoir l’agriculture urbaine pour qu’ils en tiennent compte dans la mise en œuvre effective des orientations du SDAGO.
79La coordination des actions sur des sites potentiels identifiés va ainsi faciliter l’acquisition d’une sécurisation foncière, l'investissement dans l'équipement, le renforcement des capacités des exploitants, la mise en place des filières agricoles commerciales … autant d’aspects qui justifient la conduite de ce cas d’étude qui met ainsi en lumière l’apport des technologies de l’information géographique et de la démarche multicritère pour l’amélioration de la productivité agricole et de la protection des ressources naturelles.
80La robustesse et la fiabilité de la méthodologie reposent aussi sur la pertinence des critères d’aptitudes qui ont été choisis pour chaque paramètre, de la pondération adoptée, mais aussi de la qualité de l’information spatiale qui a été exploitée. Dans l’un ou l’autre des cas, les sources de nos données, les traitements que nous avons effectués et les échanges que nous avons eus avec les acteurs témoignent de la tendance spatiale critique de cette activité à l’intérieur de la ville.