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Des objets changeants : paradigmes et postures des scientifiques

Silure et PCB : deux intrus dans l’espace fluvial pour penser l’ordre naturel.

Gilles Armani

Abstracts

In this contribution, our purpose is to compare two exogenous elements of the Rhone (France). After being introduced into the river environment, these elements passed to be a subject of media interest, questions, and anguish, and to a construction of an speech with similar cognitive processes. Even thought they are two very different things - a fish (wels catfish) and micro-pollution (PCBs), and are related to other issues, our approach aims to understand the construction of symbolic representations. Following interrogations that they raises, catfish and PCBs are considered as useful vectors for society analysis. Besides they reveal the concerns on the relationship of man to nature.

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Full text

1L’introduction et l’adaptation du silure (Silurus Glanis L.), un poisson originaire des pays de l’Est, dans le bassin Rhône-Saône est, dès les années 1980-1990, la source de nombreuses controverses. Le manque de connaissance sur cet animal et sur son habitat subaquatique, ainsi que ses caractéristiques peu communes – notamment sa grande taille (il peut mesurer plus deux mètres et dépasser les 80 kilogrammes) et sa peau sans écailles – font de lui un poisson extraordinaire. Ici, un chien aurait été dévoré, là un enfant attaqué : on incrimine le « requin d’eau douce ».

2La redécouverte d’un produit toxique dans les sédiments du Rhône, le PCB (Polychlorobiphényle), au cours des années 2000, conduit les autorités compétentes à interdire la consommation des poissons. La presse lance le débat dans l’espace public, lequel inquiète les pêcheurs. L’absence d’information ouvre la porte à diverses interprétations sur les dangers de la consommation des poissons, la provenance des pollutions, leurs enjeux économiques, écologiques, politiques et se traduit sous forme de représentations approximatives et alimente peurs, inquiétudes, suspicions, rumeurs et thèse du complot.

3Dans cette contribution, nous nous prêterons au jeu de la comparaison entre deux éléments exogènes au Rhône qui, suite à leur intrusion dans l’espace fluvial, sont devenus objets d’intérêt médiatique, d’interrogations, d’angoisse puis d’élaboration de discours, relevant de processus cognitifs similaires. Portant sur deux objets très différents – un poisson et un micropolluant – liés à des enjeux inégaux, notre démarche vise à comprendre la construction de représentations symboliques.

  • 1 Une trentaine d'entretiens ont été effectués dans le cadre de l'enquête concernant le silure sur (...)

4Notre posture est d’affirmer que dans les deux cas, les individus qui s’expriment à propos d’un élément inconnu construisent un discours cohérent, à partir d’un système de référence personnel qui leur permet de penser l’ordre naturel et les rapports de l’homme avec son environnement. Nous traitons le sujet à l’aide de quelques exemples significatifs tirés de deux enquêtes distinctes (Armani 1995, 1999 et 2005) basées essentiellement sur des entretiens qualitatifs semi-directifs1 dont nous reproduisons des extraits pour illustrer les propos de nos interlocuteurs. Il s’agit donc d’éclairer un phénomène récent à partir d’une expérience plus ancienne et d’en déduire in fine quelques réflexions plus générales sur les représentations de l’eau. Silure et PCB nous invitent en effet à une immersion intellectuelle dans la troisième dimension du fleuve, sa profondeur. Cette part inconnue du fleuve, mystérieuse, peu visible et pourtant accessible demeure une porte ouverte à l’imagination créatrice de l’être humain.

Poisson de mer, poisson-chat mutant ou poisson nettoyeur ?

  • 2   On commence à écrire sur le silure dans la presse locale quand son apparition dans la Seille (aff (...)

5Un homme apprend l’existence du silure par une « rumeur » répercutée dans la presse 2, celle du « chien qui s’est fait happer par un poisson sur le bord de la Saône ». La présence de cette espèce dans notre bassin fluvial lui paraît incongrue et il tente d’élucider cette situation mystérieuse. Une caractéristique de l’animal retient son attention. En effet, sa corpulence est, aux yeux de cet homme, d’autant plus intéressante que le silure ressemble à un énorme poisson-chat. Aussi, s’efforce-t-il d’expliquer cette singularité : « moi je suppose que c’est le poisson-chat géant qui aurait muté par le fait du sel, la mer, les grands espaces, comme d’autres animaux ont muté », puisque « c’est toujours plus gigantesque quand c’est dans la mer. »

6Une migration dans la mer serait donc à l’origine d’une transformation du poisson-chat en silure. Toutefois, sa présence dans nos rivières se révèle anormale et une pollution des fonds marins pourrait alors constituer une hypothèse plausible pour expliquer une telle situation.

7Une autre caractéristique du silure permet d’affermir cette argumentation : « Il n’a pas d’écailles. À mon avis, il doit avoir une température un peu particulière, il a de la peau, donc la température du corps doit être super importante, plus sa nourriture : il est coincé. Il est coincé dans une zone très faible et on a dû la polluer. »

8Cependant, notre interlocuteur estime son analyse encore un peu fragile car « ça suppose qu’il y a eu un degré de pollution quand même énorme. »

  • 3 Nous avons en effet rencontré et observé plusieurs pêcheurs en quête de prises exceptionnelles à (...)

9Aussi propose-t-il une seconde hypothèse : de nombreux silures fréquenteraient les zones d’évacuation des eaux chaudes des centrales nucléaires3 : il s’agirait donc d’un poisson-chat mutant car, selon lui, ce ne serait pas la première fois que le nucléaire provoquerait « des variations génétiques et du gigantisme. »

10Un autre individu anime une école de ski nautique sur la Saône et certains clients prétendent avoir peur du silure. Pour lui, le danger évoqué relève de l’imagination des personnes trop crédules. Ce n’est qu’une plaisanterie, un canular qui ne l’empêche nullement de pratiquer son activité.

11D’ailleurs, il pense que ce poisson a été introduit dans la Saône par les fédérations de pêche pour repeupler la rivière et lutter contre les pollutions. Le silure possèderait en effet des qualités qui justifieraient sa présence, car c’est un « charognard », nettoyant les fonds des cours d’eau et qui aurait la vertu de manger les rats : « C’est peut-être pour ça d’ailleurs qu’à Lyon maintenant, il y a beaucoup moins de rats. (...). Il y avait eu une dératisation (…) D’ailleurs, je sais même pas si c’est pas là qu’ils ont introduit le silure. Mais c’est vrai que maintenant, on n’en voit plus beaucoup des rats. »

12Pour comprendre comment nos interlocuteurs élaborent leurs arguments, il convient de noter que tous deux se préoccupent des questions environnementales. Le premier dénonce la trop grande exploitation des ressources naturelles par l’homme, laquelle entraînerait de « grandes métamorphoses du monde » et mènerait inexorablement vers une catastrophe. Dans ce contexte, l’introduction du silure résulterait des actions humaines non contrôlées qu’il déplore, dont le nucléaire, mode de production énergétique souvent contesté (Zonabend, 1989).

13Le second se montre sensible à un environnement agréable, à la sauvegarde et l’entretien de la Saône et de ses rivages, espace qu’il a choisi pour vivre sa passion. Il considère que la qualité de sa rivière s’améliore progressivement. La pratique du ski nautique doit être, à son opinion, l’occasion de découvrir les gens et la nature dans un respect mutuel. Aussi aimerait-il que son environnement soit entretenu, non dégradé par différentes formes de souillures et il interprète la présence du poisson au prisme de cette représentation. De ce point de vue, elle apparaît comme une « information souhaitable » (Kapferer, 1995 p102) dans la mesure où elle répond à une attente profonde de notre personnage.

Le PCB

14Pour construire des indicateurs de qualité de l’eau, le pêcheur se fie habituellement à ses cinq sens. Des indices visuels, olfactifs, auditifs, palpables et gustatifs interpellent le pêcheur. L’esthétique du « coin de pêche » demeure un critère fondamental pour une première évaluation qualitative et, dans cette perspective, toute altération est souvent considérée comme une entrave au plaisir. Les matières solides, les déchets encombrant l’environnement immédiat du pêcheur, sont autant de signes révélateurs d’une atteinte au milieu. Les taches d’huile, les mousses, les couleurs, manifestent une détérioration du système hydraulique. La transparence de l’eau reste un idéal, bien que le pêcheur considère la couleur brune comme étant consécutive et révélatrice d’orages en amont. Les odeurs nauséabondes attestent de la présence de produits chimiques ou d’un processus de putréfaction de végétaux subaquatiques. Le toucher, qu’il s’agisse de marcher dans l’eau, d’effleurer des algues ou de palper un poisson, rend compte d’éventuelles dégradations. Le goût de la chair cuisinée vient enfin confirmer les différentes appréciations, dernière preuve de la bonne santé de l’animal à l’image du milieu dont il est issu.

15En outre, la connaissance de la faune, de la flore et du fonctionnement des cours d’eau permet de percevoir des dysfonctionnements et de comprendre des évolutions apparentes telles que la diversité des espèces, la recrudescence d’algues ou la couleur de l’eau. Le pêcheur dispose d’un ensemble de savoirs et de savoir-faire, de repères tangibles, de différents modes d’appréciation de la qualité du milieu, tous acquis par observation et l’expérience personnelle.

16Or, c’est justement l’absence de signe sensible de la pollution par les PCB qui déroute nos interlocuteurs. Le micropolluant ne laisse aucune trace immédiatement perceptible et tout indice de cet ordre semble faire défaut. La surprise est entière puisque, visuellement, le cours d’eau semble parfaitement sain.

« Ben, oui, quand on voit la pureté de l’eau, on est loin de penser qu’il y a un polluant. L’aspect visuel, c’est vrai qu’elle est belle, elle a des reflets bleu-vert, elle est magnifique quoi, c’est un fleuve magnifique. Et le fait qu’elle soit polluée de Lyon jusqu’à la Méditerranée, c’est un gros problème. »

17Le phénomène est d’autant plus déconcertant que tous les indicateurs positifs habituels semblent de retour dans le Rhône. Ainsi, certains pêcheurs commençaient-ils à apprécier et profiter de la présence d’une grande diversité d’espèces dont parfois même, les plus fragiles, celles qui justement attestent, selon l’ordre des classifications halieutiques, de la bonne qualité de l’eau :

« Et bien disons qu’on était bien content de pêcher des vairons et des goujons. C’est valable depuis une petite dizaine d’années, on refaisait vairons, goujons, enfin, beaucoup d’ablettes, tous ces petits poissons, qui sont quand même fragiles et qui, normalement, quand l’eau est trop polluée, on n’en trouve plus. Enfin, c’est ce qui se passait à une certaine période, et on en refait depuis un certain nombre d’années. »

18Autre élément troublant : aucun signe n’engage le pêcheur à la méfiance : « J’ai jamais vu de poisson avec des problèmes qu’on pourrait dire génétique ». En effet, les poissons « se défendent bien », semblent en bonne santé et sont, par ailleurs, savoureux. On ne dénote pas de poisson mort ni d’algue particulièrement suspecte sur les eaux.

19De fait, faute d’indicateur classique, le pêcheur dépend d’un « tiers instruit », le scientifique, pour connaître la présence et les effets du produit.

« Je ne sais pas, je ne peux pas vous dire. Parce que vous voyez, quand on nous apprend qu’un fleuve, il est pollué, c’est du PCB. Vous allez au bord du fleuve, vous regardez, vous ne voyez rien, hein. On ne voit rien, nous, on ne sait pas. C’est les analyses qui déterminent la pollution. Nous, apparemment, là, si ça se trouve, la Saône, elle est polluée, on ne le sait pas. On nous le dira peut-être dans quelque temps. La Saône, arrêtez de pêcher, elle est polluée. »

20Le PCB interpelle. Comment reconnaître le produit, savoir qu’il est présent dans la vase et pourquoi cette dernière n’est-elle pas nettoyée par la force du courant ? Cette pollution remet en cause le pouvoir épurateur du fleuve.

« Il y a des rochers comme ça, le sédiment, il doit être là. S’il ne s’en va pas, puisqu’il ne s’en va pas, il se diluerait avec les crues, parce que le Rhône, quand il cavale à des milliers de mètres cube heure, on dirait, et bien, ça va laver, mais ils ont l’air de dire que cela ne lave pas les sédiments. Même en cas de crue. C’est là, que ça demande explication. »

21En outre, les pêcheurs ont de grandes difficultés à imaginer le PCB et à lui donner forme. Ils aimeraient acquérir les moyens de le repérer et partant, de s’en protéger : « J’aimerais bien qu’ils nous disent comment ils font leurs prélèvements et où ils le trouvent. Si c’est accumulé autour des pierres par exemple. »

  • 4 Des articles paraissent notamment dans les quotidiens régionaux, Le Progrès de Lyon ou le Dauphin (...)

22Dans ces conditions, le pêcheur perd son autonomie de jugement et s’en remet aux autorités compétentes. L’information médiatisée par voie de presse écrite et audio-visuelle4 ne satisfait pas nécessairement ses attentes. Le fleuve est habité par un corps étranger, une souillure informe, incolore, inodore, impalpable et qui ne transmet aucun goût particulier à la chair du poisson. Il s’agit d’une intrusion nuisible et invisible, à la fois présente partout – de l’Ain jusqu’à la mer – et nulle part, puisque indécelable. Cette pollution semble anéantir les significations symboliques de l’eau comme source de vie, moyen de purification ou de régénérescence (Chevalier, Gheerbrant, 1996). L’élément liquide devient inquiétant, l’immatérialité du mal pose question et on s’interroge sur la portée de ses méfaits. Peut-on encore se baigner dans le Rhône, qu’en est-il des fruits et légumes arrosés par l’eau fluviale, le gibier d’eau est-il contaminé, tous les poissons le sont-il à la même échelle ?

23L’accident écologique couve une crise sanitaire. Les autorités étatiques ont imposé, à titre de mesure préventive, l’interdiction de consommer le poisson. Du coup, les pêcheurs s’interrogent sur les effets induits par ces pollutions sur la santé humaine. Ce qu’ils savent, ils l’ont entendu ou lu dans la presse : la consommation du poisson exposerait celui qui s’y adonne avec régularité à des risques de cancer ou de perte de fertilité. Un de nos interlocuteurs, en quête de renseignements auprès de son médecin, en revient interloqué : « Ils ne disent trop rien. Ils n’ont pas envie de répondre. Ils doivent certainement savoir d’autres choses, mais ils n’ont pas envie de répondre. Moi, je pense en effet, qu’ils ont certaines informations qu’ils ne veulent pas divulguer. »

24Plusieurs d’entre eux s’inquiètent, arrêtent de pêcher dans le Rhône ou cessent, du moins, de manger le poisson capturé. Des amateurs suspendent leurs activités, les permis de pêche se vendent moins et les berges du Rhône sont en partie délaissées. Pourtant, d’autres personnes relativisent le danger. Ils supposent que parce qu’ils ont toujours mangé le poisson du Rhône et sont toujours vivants, une consommation modérée ne peut faire de mal.

25Malgré les différences de points de vue, tous s’étonnent qu’on ait pu déverser le produit pendant 25 ans dans le Rhône sans prendre conscience de ses dangers avant aujourd’hui. La plupart des personnes interrogées estime que l’information est déficiente. Ce qui étonne l’ensemble des pêcheurs, c’est le temps écoulé. Ils se demandent pourquoi on a attendu si longtemps avant d’annoncer la présence de PCB dans le Rhône ?

« D’abord, il n’y a pas d’information là-dessus. On nous a dit que c’était pollué aux PCB, au pyralène, mais s’en était resté là. À l’époque, on n’a pas parlé que c’était nocif, risque de cancer, de-ci, de-là. C’est pour ça que c’est marrant que ça n’aille pas plus loin. Des informations, quand même, pendant trente ans. On a toléré des tas de produits ».

Et aussi : « Je vous dis, ce n’est pas normal qu’on a mis 25 ans pour en parler, puisqu’on sait qu’il y a 25 ans que cette usine rejetait ce produit dans le Rhône. À ce moment-là, il y a quand même bien des gens de l’époque, des ingénieurs, ces gens-là, c’est des cerveaux, ils devaient bien savoir que le PCB n’est pas bon. »

26Le doute s’installe et l’on accueille les informations avec méfiance. La probité des journalistes est mise en cause, on s’interroge sur le rôle de la presse, et, comme souvent avec le phénomène de rumeur, la presse est prise à partie, désignée comme trop bavarde ou cachottière, ayant quelques intérêts partisans à défendre (Morin, 1982 ; Campion-Vincent et Renard, 2002) : « apparemment, bon, ils montent un petit peu en mayonnaise quelque chose qui, alors au lieu d’exposer le fait réel, il monte en mayonnaise, puisque leur but à eux, c’est de vendre de la feuille comme ils disent. »

27La méfiance envers les médias est un sentiment partagé : « Et bien peut-être les médias, je n’en sais rien. On a monté en épingle. Et oui, on en a comme ça, on en met comme ça. On a vu la grippe aviaire, bon, d’un seul coup, on n’en a plus parlé. Ça a été quelques années avant, les moutons, la tremblade des moutons, c’était tout foutu, on brûlait tous les moutons, et puis d’un seul coup, pff… »

28En l’absence de tout moyen d’expérimentation personnelle, l’incertitude ouvre la porte à l’incompréhension, voire à la suspicion. En outre, certaines hésitations décisionnelles des autorités politiques intriguent les usagers du fleuve. Ainsi, l’interdiction de consommation du poisson est-elle appliquée progressivement sur le linéaire rhodanien. D’abord du barrage de Sault-Brénaz dans l’Ain, à l’aval d’une usine de traitement de Pyralène, jusqu’à celui de Vaugris au Sud de Vienne. Au cours des mois suivants, d’autres tronçons viendront successivement renforcer l’interdiction et ce, jusqu’à la mer.

« L’année 2006, on en a encore parlé un petit peu sur Lyon, on disait que ça arrivait juste vers le pont Raymond Point Carré à une période. C’était marrant, hein. Il y a des petits entrefilets sur le journal, je ne les ai pas tous découpés. Grand Large, pont Point Carré, on se disait, avant que ce soit là… L’année dernière, c’est au mois de, à l’automne, au mois de septembre, octobre, ah c’est au confluent, c’est stoppé au confluent ! Moi, ça m’a fait rigoler. Je veux bien admettre qu’il y a le barrage de Pierre-Bénite, on arrête beaucoup de choses, mais on n’arrête pas la pollution. Le PCB, il passe, et les poissons aussi. »

29Parfois, l’évocation de ces différentes temporalités appelle une comparaison avec l’accident de Tchernobyl et « le nuage atomique qui s’arrêtait à nos frontières » considéré comme un mensonge d’État qui pourrait en générer d’autres. En effet, un interlocuteur avance que : « La pollution, s’arrête au barrage de Vaugris, ils nous prennent vraiment pour des imbéciles. » Cette référence au terme « d’accident écologique » est d’ailleurs parfois relayée par la presse (Laimé, 2007), ce qui contribue à l’installer dans les esprits.

30Pour les interlocuteurs, l’absence de clarté dans le discours officiel doit cacher quelque chose : il y a nécessairement des enjeux supérieurs, une force irréductible contre laquelle le simple pêcheur serait impuissant. Une certaine vision du monde permet de formuler des hypothèses : le pouvoir - économique des grosses entreprises, politique des décideurs - prime sur la santé des gens : « c’est écœurant ». Une forme de fatalisme s’impose : « on ne peut rien faire » ; et le Rhône n’est finalement qu’un exemple parmi d’autres : « de toute façon, tout est pollué ».

31Nos interlocuteurs posent alors la question de la responsabilité. Leur discours renvoie souvent à un « ils » désincarné, représentant des responsables difficilement identifiables. Les pêcheurs souhaiteraient être mieux informés et sont en attente de nouvelles rassurantes mais personne ne semble à même de leur répondre. Ils se sentent d’autant plus écartés que leurs observations restent lettres mortes. Faute de dialogue, la colère monte. Le permis est trop cher et l’on menace de ne plus le payer. Les médias, les politiques, les scientifiques sont critiqués et la méfiance s’installe. C’est un discrédit pour les autorités. Une impression de censure et d’impunité laisse entendre que des enjeux supérieurs commandent la gestion de la crise.

32Une profonde méfiance habite nos interlocuteurs, certains pêcheurs développent une théorie du complot et affirment qu’on cherche à les extraire de l’espace fluvial pour favoriser le développement d’activités plus lucratives : la pêche pourrait être sacrifiée aux bénéfices de l’économie. Le bruit monte et circule dans un cercle restreint du milieu halieutique.

« Alors, le but de tout ça, il y a quand même, enfin, je ne suis pas la seule à me poser la question quand même. Il faut dire les choses comme elles sont, on est tous en train de se demander quel est le but d’avoir laissé faire ça. Je ne suis pas la seule à me dire : mais pourquoi ont-ils laissé faire ça ? (…) De toute façon, nous on voit bien depuis des années, on se bat parce qu’ils n’arrêtent pas de nous mettre des barrières de partout pour éviter d’accéder au Rhône pour pêcher et tout. On ne peut pas s’empêcher de penser que, ils n’ont pas réussi à faire un canal il y a quelques années, mais que leur but, c’est certainement de transformer le Rhône en canal. Le seul moyen de transformer le Rhône en canal, c’est qu’il n’y ait plus de pêcheurs. C’est qu’il n’y ait plus de gens qui fassent des activités sportives dessus de façon qu’ils puissent faire un canal à grande navigation. Ils n’ont pas réussi à le faire quelques années en arrière, rappelez-vous. Le but, c’est quoi ? C’est de dégoûter les gens d’aller à la pêche, c’est de dégoûter les gens d’aller faire aucun sport de loisir sur le Rhône de façon à pouvoir dire, de toute façon, il n’y a plus personne qui y va, il est pollué, on va faire notre canal à grande navigation, et terminé, et puis plus personne ne se battra pour qu’il ne soit pas fait. »

Processus d’élaboration de la représentation

33Les discours sur le silure et le PCB relèvent de processus cognitifs similaires. Une information nouvelle - la présence d’un poisson inconnu ou d’un poison invisible– sont à l’origine d’étonnements et d’interrogations. Il s’agit alors de leur assigner une place dans un système de classification déjà établi. Ceci dans une démarche qui s’inscrit dans le champ de ce que Lévi-Strauss nomme la pensée mythique ou la pensée sauvage, c’est-à-dire une pensée non soumise à un protocole prédéterminé visant à optimiser sa production intellectuelle (Lévi-Strauss, 1962).

34Cette approche du monde sensible, constitue en effet selon lui, un mode de connaissance, une sorte de science du concret que l’anthropologue retrouve dans la société contemporaine occidentale dans la figure du bricoleur. Ce dernier est un collectionneur, un conservateur d’objets disparates capable de réaliser des œuvres singulières à partir d’assemblages souvent inédits d’éléments choisis dans son trésor caché. Il s’arrange toujours avec les « moyens du bord ». Le bricoleur procède donc par la ré-actualisation d’éléments du passé, il fait du neuf avec du vieux, c’est un improvisateur, un travailleur manuel qui, inventoriant les différents matériaux de seconde main dont il dispose parce que « ça peut toujours servir », tente de comprendre la signification de chacun d’eux dans la définition d’un ensemble cohérent mais encore improbable et qu’il s’efforce néanmoins de réaliser.

« Or, remarque Lévi-Strauss, le propre de la pensée mythique est de s’exprimer à l’aide d’un répertoire dont la composition est hétéroclite et qui, bien qu’étendu, reste tout de même limité ; pourtant, il faut qu’elle s’en serve, quelle que soit la tâche qu’elle s’assigne, car elle n’a rien d’autre sous la main. Elle apparaît ainsi comme une sorte de bricolage intellectuel... » (Lévi-Strauss, 1962 p30).

35Ainsi, dans ce processus d’interprétation du réel, les anomalies observables servent-elles de point d’appui pour élaborer un discours cohérent. Concernant le silure, comme le laisse entendre ce même auteur à propos des animaux, un rapport semble être établi entre une valeur esthétique et la valeur pratique d’une espèce. Il souligne :

« il est probable que des espèces dotées de quelque caractère remarquable : forme, couleur ou odeur, ouvrent à l’observateur ce qu’on pourrait appeler "un droit de suite" : celui de postuler que ces caractères visibles sont le signe de propriétés également singulières, mais cachées. Admettre que le rapport entre les deux soit lui-même sensible (qu’une graine en forme de dent préserve contre les morsures de serpent, qu’un suc jaune soit un spécifique des troubles biliaires, etc...) vaut à titre provisoire, mieux que l’indifférence à toute connexion ; car le classement même hétéroclite et arbitraire, sauvegarde la richesse et la diversité de l’inventaire ; en décidant qu’il faut tenir compte de tout, il facilite la constitution d’une « mémoire ». » (Lévi-Strauss, 1962 p29).

36Aussi, dans le dispositif cognitif que nous entendons analyser présentement, cette mémoire est-elle mise à contribution. Elle constitue un réservoir de références idiosyncrasiques à partir desquelles un cheminement réflexif peut s’amorcer en réaction aux intrigues et aux questionnements. Une sorte de va-et-vient sous forme de questions-réponses s’établit entre une observation interrogative du réel et des repères mnémoniques s’offrant comme unique ressource en termes de perspectives d’explications logiques et crédibles.

37À cet égard, l’attention portée sur la taille hors norme du silure invite à poursuivre l’investigation personnelle sur d’autres caractéristiques du poisson. Cet indice convoque les souvenirs, il évoque nécessairement une connaissance acquise et stockée dans la mémoire du sujet. Dès lors peut s’initier un processus séquentiel de traitement symbolique de l’information tel que décrit par Dan Sperber (1974).

38Cet auteur dégage deux phases successives et complémentaires qui conduisent de la réception d’un message à son interprétation. La première phase consiste au déplacement de l’attention sur le renseignement nouveau à la focalisation sur cet élément stimulateur pour la réflexion. La seconde phase, l’évocation, correspond à une recherche, dans la mémoire, d’une réponse intelligible, d’un chaînon manquant au dispositif de connaissance temporairement incomplet. Et si, au regard de cette investigation dans les réserves mnémoniques du sujet, l’information nouvelle demeure non pertinente, elle « reste donc une représentation conceptuelle inassimilable, qui est mise entre guillemets pour faire l’objet d’une seconde représentation, symbolique cette fois. » (Sperber, 1974 p133).

39Cette nouvelle construction de l’intellect vient donc au secours d’une démarche cognitive brusquement prise en défaut. Elle propose une nouvelle grille de lecture du réel, « un savoir sur le savoir ». Ce sont bien les représentations conceptuelles qui sont symboliques et non pas ce dont elles sont l’expression.

40Ainsi, « l’évocation symbolique a toujours, par hypothèse, comme but initial de reconstituer par le souvenir ou par l’imagination, l’arrière-plan d’information qui, s’il avait été disponible dans la mémoire active, aurait permis de compléter l’analyse et d’établir la pertinence de la représentation conceptuelle défectueuse. » (Sperber, 1974 p139).

41Ordre et pertinence sont donc les moteurs de cette dynamique réflexive dans la perspective de restaurer une cohérence momentanément remise en cause.

42S’intéressant également au traitement symbolique des animaux, Sperber remarque que celui-ci entre en scène « lorsque leur identification taxinomique est remise en cause, voit sa portée amplifiée ou amoindrie à partir d’un jugement de normalité [...] comme le jugement de normalité présuppose l’identification taxinomique, la représentation paradoxale qui résulte d’une telle remise en cause ne peut être retenue qu’entre guillemets. » (Sperber, 1975 p31).

43Face au silure, nos interlocuteurs tentent vainement d’agréger l’animal dans la taxinomie ichtyologique usuelle du bassin rhodanien. Cependant, au regard de sa corpulence, sa caractéristique la plus spectaculaire, il apparaît comme un phénomène étrange. La focalisation sur sa corpulence extraordinaire conduit à un échec de classification. La phase d’évocation mémorielle rend compte en effet d’une anormalité : il est décidément trop gros pour nos cours d’eau ! Le processus cognitif passe donc par d’autres focalisations sur des informations tirées de la mémoire (poisson-chat, la mer, les centrales nucléaires, la dératisation) en s’appuyant sur des informations nouvelles concernant le poisson (sa peau sans écailles ou son régime alimentaire). La séquence focalisation/évocation se poursuit ainsi jusqu’à l’aboutissement d’une explication crédible et cohérente. Une fois la représentation établie ou provisoirement stabilisée, la suite du discours consiste à ajouter des arguments, le poisson étant perçu négativement ou positivement, des associations d’idées de mêmes signes sont mobilisées pour confirmer les propos.

44Dans le cas du PCB, la pollution non perceptible remet en cause les constructions symboliques classiques de l’eau : la limpidité ou la vivacité du cours d’eau ne garantissent pas la pureté de l’élément. Ce bouleversement des valeurs présente un caractère anxiogène puisque que c’est un élément symbolique de la pureté qui est souillé. Bachelard n’affirme-t-il pas en effet que « L’eau s’offre donc comme un symbole naturel pour la pureté ; elle donne des sens précis à une psychologie prolixe de la purification » (1964 p181) ?

45Et il précise avec insistance : « L’eau claire est une tentation constante pour le symbolisme facile de la pureté. Chaque homme trouve sans guide, sans convention sociale, cette image naturelle » (Ibid. p182). C’est donc une sorte d’invariant culturel qui est bousculé.

46Les micropolluants sortant du champ de la perception, les pêcheurs s’en remettent aux connaissances des scientifiques et des médias. Aussi, la focalisation se déporte-t-elle d’abord du produit incriminé aux informations puis aux sources d’informations. Les communiqués apparaissant contradictoires et insuffisants, une représentation prend corps dans le milieu de la pêche : l’absence de renseignements satisfaisants indique une supercherie. Aussi les scientifiques, les politiques et les médias doivent-ils nécessairement connaître la vérité mais ils refusent de la divulguer. Dans cette configuration, le désir de comprendre incite donc les pêcheurs à utiliser des procédés de substitution (Aldrin, 2005), un modèle cognitif alternatif qui s’oriente vers une construction symbolique des représentations.

47Le flou communicationnel évoque alors dans la mémoire d’autres affaires environnementales. La phase d’évocation ravive le très médiatique accident de Tchernobyl. Des similitudes observées dans le mode de diffusion de l’information attisent le sentiment de méfiance vis-à-vis des responsables politiques. Des enjeux supérieurs justifient la censure des messages. L’activité halieutique est sacrifiée au profit de l’industrie et de l’économie comme on a déjà sacrifié une bonne partie de l’environnement. En fin de compte, l’accident écologique n’est qu’une phase d’action dans un programme d’aménagement du fleuve qu’il s’agirait de parachever. Les médias, scientifiques et responsables politiques sont perçus avec méfiance car ils incarnent, chacun à leur manière, les valeurs économiques en opposition à celles plus écologiques des pêcheurs.

Des intrus pour penser la société

48L’intrusion de deux éléments exogènes dans le fleuve oblige à penser notre rapport à l’environnement. Bousculer les systèmes de classification établis engage une remise en cause de l’ordre naturel (Balandier, 1988). L’inconnu est une porte ouverte à l’imagination. Faute d’information, une démarche cognitive permet de décrypter l’énigme posée par la situation nouvelle. Des indices, des propriétés caractérisant le silure ou le PCB ainsi que leur cadre naturel et culturel, servent de jalons dans un parcours réflexif pour les inscrire dans un ensemble homogène de significations. Ainsi, la perception du monde est-elle convoquée pour expliquer les singularités du poisson ou du produit chimique. Chaque individu cherche dans sa mémoire, dans son univers, dans ses connaissances personnelles des éléments explicatifs cohérents pour combler le vide des informations.

49Dès lors, l’élaboration des représentations, apparaît-elle comme un processus de mise en ordre du monde. Le poisson hors norme dans le bassin du Rhône est un signe révélateur du chaos engendré par l’action humaine. L’homme bouleverse les données de la nature et lui impose un nouvel ordre, perçu comme un désordre par un interlocuteur. Il atteste au contraire, dans une vision plus optimiste, d’une prise de conscience politique d’une situation négative et des initiatives de restauration d’un ordre en devenir.

50Le PCB, au regard des pêcheurs, est un symptôme des rapports de l’homme contemporain avec son environnement. Il indique une hiérarchie imposée des valeurs. Cette hiérarchie non partagée est également problématique parce que dangereuse pour l’environnement et pour l’activité halieutique.

51À partir des interrogations qu’ils soulèvent, le silure et le PCB sont des vecteurs d’analyse de la société et révèlent des préoccupations liées aux rapports de l’homme à la nature. Les discours des interlocuteurs sont l’écho des valeurs et des opinions qu’ils soutiennent (Kapferer, 1995) et sont transcendés par leur vision du monde (Sperber, 1974). La dialectique entre l’ordre et le désordre, transversale aux différentes représentations, pose clairement la question de la responsabilité des hommes vis-à-vis de leur environnement naturel. Ces constructions symboliques expriment l’inquiétude, la crainte et le rejet de certaines formes d’organisation sociales (Campion-Vincent et Renard, 2002). Les réflexions incitent à penser les rapports entre humains et non humains et à la façon dont ces rapports peuvent mettre en jeu l’ordre des choses.

52Enfin, l'apparition des deux intrus interroge le milieu aquatique qui les accueille. Or, comme l’écrit Alain Corbin, les eaux, qu’elles soient douces ou salées, sont « devenues, principalement, objets de science, d’analyse, de gestion. Mais cela n’a pas imposé un total désenchantement. L’eau douce, notamment, demeure un riche support de croyances, de fantasmes et, surtout, de rêves ». (2005 p 119) En effet, le mode de pensée rationnelle et utilitariste dominant laisse encore place aux mystères, aux songes, aux projections, à la contemplation et à la poésie : un imaginaire fluvial est toujours actif. En outre, une large et intrigante part d’inconnu issue des profondeurs des fleuves et rivières subsiste. Ajoutons que les crues, les pollutions, l’émergence de plantes ou d’animaux invasifs sont autant de remises en questions des prétentions de domestication et de maîtrise de l’environnement. L’espace aquatique, à la fois ressource et danger, conserve sa force d’attractivité et de répulsion. L’eau maintient en effet sa capacité emblématique, tant à titre d’élément matériel nécessaire à la vie qu’à titre d’élément spirituel comme référent idéel de purification. Aussi, affirmons-nous le caractère polysémique du fleuve contemporain : exploité et transformé par l’homme, il reste un objet de nature imposant sa propre temporalité et imprimant son cours dans l’espace. Il marque ainsi les limites de l'action et des connaissances de l'homme. C’est pourquoi il englobe une forte valeur symbolique qui incite à penser métonymiquement nos rapports à notre environnement.

53Biographie : ethnologue, l'auteur mène des recherches et des études qui contribuent à la mise en œuvre d'une anthropologie du fleuve. Thématiques de recherche : culture fluviale, représentations sociales et symboliques de la nature, patrimoine, construction territoriale et gouvernance.

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Bibliography

Aldrin, Ph, 2005, Sociologie politique des rumeurs, PUF, Paris, 290 p.

Armani, G., 1995, Le silure : une légende en construction, in Rapport final de la recherche « Par delà le Rhône, étude d’une culture de fleuve », Volume de données ethnographiques, Maison du Rhône, pp. 252 à 270.

Armani, G.,1999, « Les dents de la Saône » : le silure en question, in Le monde alpin et rhodanien, Le Rhône. Un fleuve et des hommes, 1-3, pp. 127 à 140.

Armani, G., 2007, Observation sociale : plus-value sociale et représentations des milieux aquatiques, « Perception des micro-polluants toxiques par les pêcheurs amateurs et professionnels », Agence de l’Eau, Maison du fleuve Rhône, 53 p.

Bachelard, G., 1964, (1942), L’eau et les rêves, Essai sur l’imaginaire de la matière, Librairie José Corti, 268 p.

Balandier, G., 1988, Le désordre, Eloge du mouvement, Fayard, Paris, 252 p.

Campion-Vincent, V. et J.B. Renard, 2002, Légendes urbaines, Rumeurs d’aujourd’hui, Petite bibliothèque Payot, Paris, 436 p.

Chevalier, J. et A. Gheerbrant, 1996, Dictionnaire des symboles, Robert Lafont / Jupiter, Paris, 1060 p.

Corbin, A., 2005, Le ciel et la mer, Bayard, Paris, 118 p.

Kapferer, J.N., 1995, (1987), Rumeurs, le plus vieux média du monde, Editions du Seuil, Paris, 362 p.

Laimé, M., Le Rhône pollué par les PCB : un Tchernobyl français ?, Le monde diplomatique, mardi 14 août.

Lévi-Strauss, C., 1962, La pensée sauvage, Plon, Agora, Paris, 351p.

Morin, E., 1982, (1969), La rumeur d’Orléans, Editions du Seuil, 256 p.

Sperber, D., 1974, Le symbolisme en général, Ed Herman, Coll Savoir, Paris, 164 p.

Sperber, D, 1975, Pourquoi les animaux parfaits, les hybrides et les monstres sont-ils bons à penser symboliquement ?, L’homme, avril/juin XV (2), pp. 5 à 34.

Zonabend, F., 1989, La presqu’île au nucléaire, Editions Odile Jacob, Paris, 190 p.

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Notes

1 Une trentaine d'entretiens ont été effectués dans le cadre de l'enquête concernant le silure sur le Rhône et la Saône (pêcheurs amateurs et professionnels dont certains spécialistes de ce poisson, pratiquants de sports nautiques, riverains, etc.) et une vingtaine d'entretiens pour l'enquête sur les micropolluants auprès d'une population de pêcheurs amateurs sur le secteur limité entre Neuville-sur-Saône et Givors.

2   On commence à écrire sur le silure dans la presse locale quand son apparition dans la Seille (affluent de la Saône) puis dans la Saône est attestée par des prises de pêche de plus en plus fréquentes. Les articles du Courrier de Saône et Loire et du Progrès annoncent, photo à l'appui, les poids et longueurs des poissons. Ensuite, la presse nationale prend le relais. Un article de l'Express de septembre 1985 a pour titre "Les dents de la Saône" et on peut lire : "Le silure, un poisson presque inconnu en France, a semé la panique du côté de Mâcon et de Tournus. D'abord la psychose. On a cru à un monstre [..] Mais que viennent faire les silures dans nos paisibles cours d'eau ?" Les titres grandiloquents se succèdent : "Alerte : les silures arrivent" (Pêcheurs de France, janvier 1986), "Alerte aux poissons géants " (La Vie, n° 2127 du 4.06.86). Enfin, un chien berger allemand subit une blessure ouverte d'une manière incompréhensible lors d'une baignade dans la Saône près du camping de Villefranche. Le vétérinaire qui le soigne impute la faute à un silure. Nombreux articles relatent ce fait-divers dans la presse locale (Le Beaujolais Magazine : Alerte aux silures, les monstres de la Saône.) , (Le Progrès de l’Ain du 7 06 87 : Les dents de la Saône. Un chien mordu par un silure ?) et nationale (VSD : Moby Dick dans la Saône ! Les dents du silure). Plusieurs articles viendront ensuite alimenter la polémique dans la presse locale jusque dans les années 1990.

3 Nous avons en effet rencontré et observé plusieurs pêcheurs en quête de prises exceptionnelles à l’aval de la centrale nucléaire de Saint-Alban, l’eau chaude favorisant la croissance des poissons qui s’y installent. Cependant, cela concerne diverses espèces de poissons.

4 Des articles paraissent notamment dans les quotidiens régionaux, Le Progrès de Lyon ou le Dauphiné Libéré, quelques informations éparses sont diffusées au cours du journal télévisé de FR3 Rhône-Alpes. Par ailleurs nombre de nos interlocuteurs lisent des magasines spécialisés dans lesquels ils prétendent trouver peu d'informations. Alors que certains cherchent sur Internet, la grande majorité d'entre eux téléphonent à la Fédération de pêche ou glanent des informations auprès de leur magasin de pêche habituel.

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References

Electronic reference

Gilles Armani, « Silure et PCB : deux intrus dans l’espace fluvial pour penser l’ordre naturel. Â», VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement [Online], Hors-série 10 | Décembre 2011, Online since 30 November 2011, connection on 22 May 2013. URL : http://vertigo.revues.org/11305 ; DOI : 10.4000/vertigo.11305

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Gilles Armani

Ethnologue, Responsable de projets, Maison du Fleuve Rhône, 1 place de la Liberté, 69700 Givors, Courriel : gilles.armani@maisondufleuverhone.org

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