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Risque palustre : appréhender la vulnérabilité des individus à l'échelle locale (Sud du Bénin)

Charlotte Pierrat

Abstracts

Malaria still is today one of the most fatal pandemic disease of southern countries. The majority of populations at risk live in sub-Saharan Africa. It’s indeed a vector-borne disease deeply linked with a hot and wet climate. But the prediction models of malaria, mainly based on climate, fail to explain the spatial and temporal variability of transmission observed on the very fine scale of a rural village. Shortcomings of the main models based on climatic and entomological knowledge on a micro-scale are due to the difficulty of collecting sharp climatic data and other socio-economic variables that determine the vulnerability of populations – poorly taken into account so far in the prediction of malaria risk. Fieldwork in Tori Bossito, a rural district in southern Benin, has allowed analyzing the socio-eco-environmental factors of malaria on a local scale. Results confirm the great spatial heterogeneity of transmission on a very fine scale, and show that it is linked to factors of vulnerability identified at the household scale.

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Full text

Introduction

1Le paludisme représente aujourd’hui, avec le sida et la tuberculose, l’une des pandémies les plus meurtrières pour les pays du sud – environ 40 % de la population mondiale est estimée à risque de paludisme et il cause près d’un million de morts par an (OMS, 2009), principalement en Afrique (91 %) et surtout chez les enfants de moins de 5 ans (85 %). Le paludisme est en effet la quatrième cause de mortalité infantile en Afrique (après les infections néonatales, les pneumonies et les diarrhées (UNICEF, 2009), devant le sida. Parallèlement à la recherche sur les vaccins, dont une avancée importante vient d’être réalisée avec les résultats de la phase III du candidat vaccin RTS,S/AS01 (RTS, S.C.T.P., 2011), des recherches sont menées sur la compréhension du risque à l’échelle locale. Elles concernent les géographes qui pratiquent depuis toujours l’analyse spatiale. La réflexion géographique permet en effet d’analyser les questions épidémiologiques dans l’espace, c’est-à-dire à partir des localisations et des flux : apparition et disparités spatiales des faits de santé, leur localisation et distribution, modalités de diffusion des maladies (Cliff et al., 1981, Roudier-Daval et al., 2003, Cliff et Haggett, 2004). Les travaux fondateurs ont été faits par John Snow avec ses cartes de la propagation du choléra à Londres à la fin du XIXe siècle (Snow, 1855). Il a eu l’idée de les coupler avec la carte de la localisation des pompes à eau manuelles et a ainsi pu démontrer que ces dernières constituaient des foyers d’infection au choléra, les cas se concentrant autour. Ici, l’outil cartographique prend une valeur heuristique et démonstrative et la superposition entre eau stagnante, voire insalubre, et choléra fait lien. La carte est ainsi utilisée pour rechercher les causes d’une maladie.

2L’échelle locale est aussi un maillon essentiel dans la compréhension des déterminants du risque palustre. En effet, dans les zones endémiques, il peut y avoir d’importantes différences d’intensité de la transmission d’une maison à l’autre, d’un village à l’autre, c’est-à-dire mêmes, sur quelques dizaines de mètres (Ye et al., 2007a). L’étude menée à Tori-Bossito, une commune rurale du sud du Bénin, vise à comprendre les déterminants environnementaux du risque palustre à différentes échelles, du local (village) au micro-local (maison et ses alentours). Pour appréhender le risque dans sa dimension systémique et territorialisée, les seuls modèles climatiques sont insuffisants. C’est pourquoi cette recherche s’est attachée à analyser les déterminants de la vulnérabilité au paludisme, avec des données et méthodes spécifiques de la géographie des risques et du diagnostic territorial. La modélisation de ces données dans un SIG  – Système d’information géographique – a permis d’identifier des territoires du risque à fine échelle en lien avec des conditions socio-économiques et culturelles particulières.

Le cycle de la transmission : un risque construit à fine échelle dans la rencontre d’un aléa et d’une vulnérabilité

3Le modèle théorique de transmission du paludisme est basé sur des caractéristiques (entre autres entomologiques et climatiques) moyennes et qui ne sont donc associées à aucun territoire particulier. La figure 1 montre les acteurs intervenant dans le cycle épidémiologique : le vecteur du paludisme est un moustique du genre Anopheles, qui transmet le parasite Plasmodium à l’homme par la piqûre, s’il s’est lui-même infecté en piquant précédemment un autre homme infecté.

Figure 1. Cycle épidémiologique du paludisme – Epidemiologic cycle of malaria

Figure 1. Cycle épidémiologique du paludisme – Epidemiologic cycle of malaria

Source : inspiré de Mouchet et al., 2004.

4Mais la réalité de la transmission est modulée constamment en fonction du territoire et des caractéristiques des populations et de leurs modes d’habiter. L’échelle fine permet d’appréhender l’ensemble des facteurs socio-environnementaux du risque en s’attachant à analyser l’espace de vie d’un individu ou d’un groupe d’individus partageant les mêmes modes de vie. En zone rurale, des différences significatives de matériaux de construction et l’occupation du sol dans un périmètre d’une centaine de mètres autour d’une maison peuvent expliquer des différences de transmission du paludisme à l’échelle d’un village. Ces observations de terrain invalident bien en effet les modèles climatiques sur certains points et remettent en cause la pertinence de la définition d’aires vastes et uniformes d’endémicité.

Le risque palustre : un risque systémique pas seulement lié au climat ou à l’intensité vectorielle

5Les modèles de prédiction des zones à risque de paludisme ont jusqu’à présent été élaborés principalement en fonction de variables climatologiques : le volume et la saisonnalité des précipitations, les températures moyennes saisonnières ou mensuelles. Or, ces modèles ne rendent pas compte des réalités de terrain de l’épidémiologie du paludisme, et utilisent des mesures météorologiques trop grossières pour décrire les variations saisonnières particulières à chaque espace.

6Le climat est pourtant l’angle d’attaque privilégié de la géographie des maladies. C’est en effet le principal facteur influant sur leur développement, et c’est en particulier vrai pour le paludisme, une parasitose affectant l’homme et transmise par un moustique vecteur. C’est donc une maladie étroitement dépendante des conditions d’existence d’eau liquide dans l’environnement et de températures favorables au développement des anophèles vecteurs. En effet, les larves sont déposées dans des collections d’eau (qui peuvent avoir diverses caractéristiques selon les sous-espèces d’anophèles) ; une température en-dessous de 18OC empêche l’existence du cycle de reproduction des anophèles, mais les variations de température au-delà de ce seuil jouent ensuite sur le temps de développement des anophèles et donc sur le temps nécessaire aux vecteurs pour atteindre un stade épidémiologiquement dangereux (Dale et Knight, 2008). L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a ainsi construit des cartes de prévalence du paludisme en montrant qu’elles se superposent aux cartes climatiques, la ceinture tropicale correspondant aux zones de plus forte endémicité (OMS, 2009). Le climat est donc le principal élément du découpage des zones endémiques, celles-ci se limitant à une échelle nationale ou régionale tout au plus. L’aire des zones d’endémicité ainsi définie par les conditions climatiques peut se chiffrer en milliers de kilomètres carrés (Mac Donald, 1957). Or, au sein d’une zone endémique, on note bien une hétérogénéité spatiale des cas de paludisme à très fine échelle (Ye et al., 2007a), comme c’est le cas à Tori-Bossito.

7Ces modèles climatiques du paludisme ont été faits à partir de très peu de données. Les études étant tributaires du réseau OMM (Organisation météorologique mondiale) très lâche de stations météorologiques, les variations climatiques à très fine échelle ont très peu été étudiées, faute de mesures météo ad hoc. Par exemple, le programme d’étude de la mousson en Afrique, ARMA (Atlas du Risque de Malaria en Afrique) (ARMA, 1998), a élaboré des cartes climatiques montrant les zones de climat favorable au paludisme, zones définies par un seuil de pluviométrie à l’échelle régionale : les zones où il tombe une moyenne de 80 mm de pluie par mois pendant au moins 3 mois consécutifs sont définies comme favorables à un paludisme endémique (Rapport ARMA sur Internet : http://www.mara.org.za/​). Craig (Craig et al., 2004) a étudié l’impact du climat avec seulement deux stations météo autour d’une zone d’étude au KwaZulu Natal en Afrique du Sud. Il a montré que le climat détermine les variations interannuelles de l’incidence du paludisme, mais pas son niveau général (qui lui doit s’expliquer par d’autres facteurs, dont la résistance aux traitements anti-paludiques, la prévalence HIV…). Pour Mabaso (Mabaso et al., 2007), la saisonnalité des précipitations, la température minimum et l’irrigation sont importantes pour déterminer la saisonnalité de l’EIR (taux d’inoculation entomologique), mais seulement dans les régions où il n’y a qu’une seule saison des pluies. S’il est donc nécessaire d’affiner ces conclusions, pour prolonger la tentative de mesure fine des paramètres climatologiques à l’échelle locale (Ye et al., 2007b), ces analyses se cantonnent à l’explication de la variation saisonnière des précipitations. Des tentatives de mesure fine des paramètres climatiques ont bien été menées (Ye et al., 2009), montrant que la température est le meilleur facteur de prédiction de l’abondance des moustiques et de l’incidence des cas à l’échelle du village. Mais là encore, les prédictions se limitent à la mise en évidence de la recrudescence des cas et des vecteurs lors des deux mois de saison des pluies (en climat sahélien du nord du Burkina Faso), sans compréhension des conséquences locales possibles des variations interannuelles de la saisonnalité sur la transmission, ni des facteurs (possiblement d’ordre socioculturels) expliquant les différences de cas à l’échelle du village.

8Les liens entre santé humaine et climat, abordés jusqu’à présent à l’échelle planétaire ou régionale, ont ainsi sous-estimé ou surestimé le rôle des facteurs climatiques dans les interactions complexes entre environnement et sociétés qui déterminent la propagation, l’émergence, ou la persistance de risques sanitaires. Ces modèles climatiques n’expliquent pas l’hétérogénéité spatiale d’intensité de transmission observée d’un village à l’autre dans une même zone définie comme endémique ou très favorable au paludisme.

Des modèles d’écologie vectorielle qui ne prennent en compte que l’aléa « vecteurs »

9La prise en compte de l’intensité vectorielle dans les modèles de transmission est le deuxième champ exploré par la géographie, au travers notamment des travaux d’écologie vectorielle. En effet, on sait que la mesure de la prévalence du paludisme dans une population ne donne a priori pas une bonne image de l’intensité de la transmission dans un lieu donné (Pilkington, 2004). D’où la nécessité d’intégrer des données entomologiques qui seules peuvent informer sur l’abondance vectorielle et le niveau de transmission. Pilkington a montré cependant que l’agressivité anophélienne ne change pas le lien observé par les généticiens entre susceptibilité génétique et niveau d’infection.

10L’intensité de la transmission du paludisme est modulée par les interactions entre les humains, les moustiques et le parasite Plasmodium. L’une des possibilités pour évaluer l’importance de la transmission est donc d’essayer de prédire l’abondance vectorielle (Lindsay et al., 1998). L’importance des paramètres climatiques sur le développement des vecteurs est avérée. Swaroop (Swaroop, 1949) a montré le lien qui existait entre température, humidité, et précipitations et la durée du cycle de développement des anophèles vecteurs. De son côté, l’écologie des vecteurs a déjà bien étudié (Dale et Knight, 2008) les sous-espèces d’anophèles (Mutuku et al., 2006), en particulier pour Anopheles gambiae, principal vecteur du paludisme dans la plaine côtière du Sud du Bénin. Mouchet et al. (2004) ont notamment montré l’importance des gîtes anthropiques (surfaces irriguées, fosses d’emprunt de terre…) à proximité des lieux de vie des populations. On sait également qu’il existe une température moyenne (20-25°C) et une humidité moyenne de 60 % (Martens et al., 1995) qui assurent un temps de développement idéal compris entre 9 et 12 jours pour passer de la larve à l’anophèle adulte. Toutes les variations dans la disponibilité en eau du sol et la température jouent sur la durée des cycles de développement et donc au final sur la densité vectorielle sur un pas de temps donné. L’EIR (taux d’inoculation entomologique : nombre de piqûres infectantes par homme par an) serait corrélée avec le taux d’humidité du sol dans les 2 à 4 semaines précédentes et avec la densité de la végétation (Patz et al., 1998). Sogobaet al. (2007) ont montré que la variation de la transmission dans le temps et dans l’espace résulte de la variation du contact homme-vecteur à très fine échelle par exemple une parcelle agricole. Les moustiques sont attirés par des pièges sur de courtes distances, inférieures à 30 mètres (Service, 1993); d’où l’importance de la micro-échelle dans l’identification des gîtes et de leur proximité aux populations.

11Mais l’hétérogénéité des contacts entre hommes et vecteurs dépend de l’occupation du sol, elle-même reflet des activités et de l’organisation humaine. La télédétection a permis de construire des indices (Reiter et LaPointe, 2007) qui évaluent la proportion d’espaces agricoles d’une part, et d’autre part le niveau de fragmentation des formations forestières ou des savanes arbustives, comme signes de transformations humaines de l’occupation du sol et donc de proximité avec une occupation humaine. S’il y a bien une difficulté à prédire l’abondance vectorielle par rapport au milieu et au paysage (Kitron, 1998), la végétation, le type de culture, ne sont ainsi pas les seules variables explicatives des lieux à risque de paludisme.

12En tout état de cause, ces différents modèles ont visé à évaluer une intensité vectorielle, certes en relation avec la présence humaine sur un espace donné, mais limiter la recherche des causes des variations de la transmission à cet aléa vecteur, c’est nier la composante de la vulnérabilité dans l’étude des risques se rattachant à une population. Des études récentes ont bien montré que la corrélation entre le nombre de vecteurs identifiés sur un espace de vie et le niveau de transmission était souvent peu satisfaisante (Bousema et al., 2010). Pour que la transmission s’effectue, il y a un système complexe de transmission qui fait intervenir plusieurs échelles et plusieurs acteurs.

13Les modèles qui tentent d’incorporer une réflexion plus aboutie sur les facteurs sociaux pouvant déterminer le risque de transmission sont donc nécessairement déclinés à cette échelle du village ou de la maison.

14Ici, on s’est intéressé à ces facteurs expliquant la vulnérabilité des populations au paludisme. On laisse donc ici de côté le rapport entre densité anophélienne et intensité de la transmission (voir (Pierrat, 2010) et Cottrell et al 2011 pour une analyse complète à Tori-Bossito de l’aléa vecteur lié au climat et à la biogéographie).  

Le programme de recherche à Tori-Bossito (sud du Bénin)

Contexte épidémiologique et géographique 

15Un programme financé durant quatre ans par l’ANR, a permis à l’IRD (UMR 216 Paris-Descartes « Mères et enfants face aux infections tropicales »1) de mener une étude de cohorte pour tenter de comprendre les déterminants à la fois génétiques, biologiques et environnementaux de l’apparition du paludisme chez les nouveau-nés d’une commune rurale composée de neuf villages, dans la plaine côtière du sud du Bénin (figure 2). Ce programme s’est particulièrement penché sur les déterminants géographiques du paludisme, en bénéficiant de la connaissance récoltée par les épidémiologistes des cas avérés de paludisme observés entre 2007 et 2010 dans ces villages. La transmission du paludisme est très variable dans le temps et dans l’espace à très fine échelle, comme le montrent les résultats du suivi de cohorte. Les modèles de prédiction élaborés jusqu’à maintenant, basés principalement sur les aléas climatiques saisonniers, ne parviennent pas à expliquer entièrement cette variabilité. On a donc réfléchi à travers cette étude aux facteurs sociaux-environnementaux du risque à échelle fine, pour parvenir à définir des territoires du risque palustre.

Figure 2. La zone d’étude de Tori Bossito, dans la plaine côtière du sud du Bénin – The study area of Tori Bossito in Southern coastal plain of Benin

Figure 2. La zone d’étude de Tori Bossito, dans la plaine côtière du sud du Bénin – The study area of Tori Bossito in Southern coastal plain of Benin

Source : réalisation originale à partir de fond de carte libre

Faciès épidémiologique

16Tori-Bossito est située en zone de paludisme endémique stable. Les différents profils épidémiologiques du paludisme (paludisme stable et instable), ont été établis par Mac Donald (Mac Donald, 1957) puis affinés par la notion plus complète de faciès épidémiologique (Carnevale et al., 1984) pour mieux traduire la dynamique de la transmission en fonction des variations du biotope. Selon Carnevale et al., « un faciès est un ensemble de lieux dans lesquels le paludisme présente les mêmes caractéristiques de transmission, de développement de l’immunité et de manifestations pathologiques ». En effet, depuis 1992, à la Conférence d’Amsterdam, les chercheurs ont admis la diversité « locorégionale » de l’épidémie. La stratification en faciès épidémiologiques, selon l’OMS, prend en compte à la fois les caractéristiques épidémiologiques à l’échelle régionale, et les critères socio-économiques, opérationnels, voire politiques qui ont un impact sur les stratégies de lutte à l’échelle régionale ou locale. Au sein de la région afrotropicale, Tori-Bossito se situe dans le faciès équatorial. Avec son climat à quatre saisons, Tori connaît des pics épidémiques saisonniers caractéristiques d’une transmission stable lors de la grande et de la petite saison pluvieuse. La saison épidémique mord sur les débuts de la grande saison sèche. La petite saison sèche (aucun mois n’est réellement sec) ne connaît pas de baisse significative des cas de paludisme.

17Le suivi de la cohorte de Tori-Bossito a donné un taux d’incidence de 4 cas de paludisme pour 100 enfants-mois (Le Port, communication personnelle). Une publication sur la même région de Tori Bossito (Damien et al., 2010) donne le chiffre de 1.5 épisode/enfant/an.

Climat et végétation

18L’ensemble de la zone d’étude se situe dans le même sous-ensemble climatique du sud du Bénin (figure 3), c’est-à-dire un climat subéquatorial béninien, à quatre saisons, avec un total de précipitations d’en moyenne 1 200 mm/an.

Figure 3. Carte climatique du Bénin – Climate map of Benin

Figure 3. Carte climatique du Bénin – Climate map of Benin

Source : Adam, K. O. and Boko, M., 1983

19La végétation « climacique » est une savane arbustive plus ou moins clairsemée. Tori-Bossito reste encore relativement arborée. Toutefois, une dégradation accélérée du couvert végétal caractérise la période récente, à cause de la forte densité de la population. Les sous-territoires de la commune (villages) sont homogènes de ce point de vue (figure 4).

Figure 4. Le paysage de savane arbustive à Tori-Bossito – The landscape of shrubby savannah in Tori-Bossito

Figure 4. Le paysage de savane arbustive à Tori-Bossito – The landscape of shrubby savannah in Tori-Bossito

Source : C. Pierrat, 2009 ©

Le suivi d’une cohorte : définir la population étudiée dans son environnement et ses événements

20Le choix du suivi de 600 nouveau-nés sur 18 mois a répondu à un but épidémiologique. C’est dans les premiers mois de vie en effet que l’enfant construit ses réponses immunitaires suite aux piqûres infectantes reçues. Mais les mois suivants la naissance sont aussi ceux où le nourrisson bénéficie encore des anticorps maternels (Le Hesran et al., 1997, Mutabingwa et al., 2005, Schwarz et al., 2008). L’équipe des généticiens a donc cherché à comprendre comment les nouveau-nés construisent leur immunité sur ces 18 mois essentiels ; on a donc besoin de prendre aussi en compte les facteurs environnementaux qui induisent des différences d’exposition à la maladie. Pour la réflexion géographique, cette collaboration avec la recherche en épidémiologie permet de bénéficier des données sur les cas réels de paludisme observés sur la zone de Tori.

21Un accès palustre a été défini comme un TDR (test de diagnostic rapide) positif réalisé suite à un antécédent de fièvre –, par un suivi régulier hebdomadaire actif et un suivi passif. Le suivi actif, assuré par des infirmiers de l’équipe, a consisté en des visites hebdomadaires à domicile durant les 18 premiers mois de vie des nouveau-nés avec questionnaires et prise de température. Une température anormalement élevée (> 37.5 °C) était systématiquement suivie par la recherche de parasites (Plasmodium falciparum) dans le sang par la réalisation d’un Test de Diagnostic Rapide (TDR) et d’une Goutte Épaisse (GE) pour confirmer le résultat. Le suivi passif a été assuré par les visites faites à l’initiative des parents, sur recommandation des infirmiers lors de l’inclusion du nouveau-né dans l’enquête, dès qu’un problème ou une suspicion de problème de santé se posait, pour le nouveau-né comme pour la fratrie. La première étape du travail géographique a consisté à localiser les 600 nouveau-nés suivis (figure 5). L’appréhension géographique du lieu de vie des individus doit tenir compte de l’espace vécu (Frémont, 1999). Si dans le cas du paludisme, seul le lieu réel d’habitation compte, puisque la transmission se fait la nuit, par piqûre, à l’intérieur des maisons, cette question d’espace vécu est tout de même à introduire dans la réflexion puisque « l’espace vécu nocturne » d’un individu adulte mâle peut être multiple. La polygamie étant très répandue, les maris et pères Torri (ethnie majoritaire à Tori-Bossito) dorment successivement dans les maisons de leurs diverses épouses. Et cette variabilité est importante puisqu’elle va modifier selon les jours le taux d’occupation des foyers ; or, on sait que la densité de population à l’intérieur d’un même foyer peut moduler l’intensité de la transmission.

Figure 5. Répartition des nouveau-nés étudiés – Localisation of new-born of the study

Figure 5. Répartition des nouveau-nés étudiés – Localisation of new-born of the study

Source : Image SPOT 5, CNES, 2003, distribution Spot Image S.A.

22On a ensuite conduit des questionnaires auprès de chaque foyer de la cohorte en s’appuyant sur les paramètres pouvant probablement jouer sur la vulnérabilité des individus envers la transmission. Dans le diptyque aléa-vulnérabilité qui définit le risque en géographie, on se penche ici sur le volet « vulnérabilité ».  

Quelles données et méthodes pour une modélisation du risque palustre à l’échelle locale ?

23La seule présence d’anophèles ne suffit en effet pas pour constituer un risque en soi. La réalité du paludisme est le fait d’une certaine vulnérabilité, qui caractérise des individus ou des groupes d’individus, et qui s’intègre dans la réalité d’un territoire pour en faire un système pathogène. Ce sont certaines conditions socio-économiques et culturelles (éducation, occupation du sol, accès au soin, pratiques…) qui sont susceptibles de favoriser le risque palustre.

Les variables choisies

24La transmission s’effectuant principalement la nuit et à l’intérieur des maisons (An. gambiae est une espèce endophile), les modes d’habiter jouent un rôle dans la modulation du risque. On a cherché à savoir quelles caractéristiques de l’habitat étaient liées à une plus forte transmission : nature du toit et des murs (qui peuvent jouer sur l’attirance des anophèles car ceux-ci se reposent sur les parois après leur repas de sang - (Konradsen et al., 2003), nombre d’ouvertures (qui peuvent influer sur la capacité d’un vecteur à entrer dans la maison pour piquer).

25L’environnement proche de la maison a aussi son importance : certaines pratiques créent des micro-gîtes d’origine anthropique. On a donc observé un ensemble de variables que l’on a récoltées pour chacune des 600 maisons de la cohorte : proximité des foyers avec des parcelles cultivées, présence d’ustensiles creux abandonnés (qui peuvent servir de micro-gîtes temporaires), présence de zones de travaux à proximité de la maison (car les fosses d’emprunt de terre ainsi que les tôles et différents matériaux stockés à l’air libre peuvent aussi retenir des petites collections d’eau).

26Enfin, un ensemble de variables d’ordre socio-économique a été recherché : on sait en effet que le niveau d’éducation et de revenus joue sur l’accès aux soins et la réceptivité aux messages de prévention.

27Le tableau 1 récapitule les données récoltées par questionnaire auprès des foyers.

Tableau 1. Les variables choisies aux 3 échelles

Maison / individu

100 mètres autour de la maison

Village

Toit (paille / tôle)

Sols (ciment, terre battue)

Murs

Nombre d’ouvertures

Nombre de personnes

dormant dans le foyer

Possession moustiquaire 

Utilisation moustiquaire

Évacuation de l’eau et des ordures

Présence d’animaux dans lieux de vie

Scolarisation parents

Activité des parents

Possession d’objets courants

Distance aux dispensaires

Ethnie

Présence de zones de travaux

Présence de champs cultivés

Présence d’ustensiles creux abandonnés

Présence d’un cours d’eau

Activités liées à l’eau

Présence d’animaux

Pluie

Température

Humidité

Anophèles

L’analyse spatiale des données : construction et exploitation d’un Système d’information géographique et méthodologie d’analyse

28Puisqu’il y a un large éventail de variables, la conduite d’une analyse spatiale suppose l’utilisation d’un SIG. En effet, une fois qu’on a localisé toutes les variables, cet outil permet de faire des interprétations sur la distance ou la proximité des objets qui n’ont parfois pas de lien entre eux a priori. L’identification d’une corrélation spatiale est toujours porteuse de sens bien que celle-ci ne signifie pas obligatoirement et dans tous les cas qu’il y a un lien de causalité entre les éléments ou phénomènes observés. L’ensemble des données, possédant toutes un caractère spatial, a donc été implémenté dans un SIG.Le but a été d’observer la répartition spatiale de ces variables pour déterminer les régularités ou irrégularités de répartition, puis d’analyser la corrélation spatiale entre la répartition des cas de paludisme (cas de paludisme clinique, détectés activement er passivement au cours du suivi épidémiologique) et les variables a priori explicatives que nous venons de détailler.

29Les données ayant toutes un caractère ponctuel et non extrapolable, leur représentation s’est faite à 3 échelles différentes selon chaque donnée (cf. tableau 1).

30L’analyse spatiale a impliqué : i) des calculs de distances (évaluation de la distance de chaque maison aux trois dispensaires de la zone) et d’aires (évaluation de la superficie des zones bâties) avec les outils d’analyse spatiale d’ArcGis (suite ESRI) ; ii)des « hot spots analysis » ou analyses de concentration pour caractériser la répartition de la transmission et des différentes variables explicatives ;  et iii) une analyse basée sur l’étude de la répartition spatiale des facteurs étudiés.

31La « Hot Spot Analysis » ou « analyse de concentration » d’ArcGis est un outil de statistique spatiale qui calcule le degré de concentration des hautes et des basses valeurs d’une série statistique. Pour l’analyse de la transmission du paludisme, les cas (cas avérés, selon la définition donnée plus haut) ont été comptabilisés par enfant. La fourchette variait de 0 à 8 cas par enfant sur toute la durée du suivi élément voisins. Pour être défini comme un « hot spot » statistiquement significatif, un élément d’une série doit avoir une valeur élevée et être entouré d’éléments ayant une valeur élevée. Le Zscore résultant de l’analyse indique où les éléments avec de hautes ou de basses valeurs sont agrégés spatialement. Pour cela, la somme locale des valeurs d’un élément et de ses voisins est comparée à la somme de l’ensemble des éléments de la série statistique. Là où cette somme locale est très différente de la somme locale attendue et que cette différence est trop forte pour être le résultat de la chance, alors le Zscore est statistiquement significatif (Mitchell, 2005). Les résultats se présentent donc sous la forme de la cartographie des différentes valeurs du Zscore.

32Suite à cette Hot Spot Analysis, des cartes thématiques de répartition des différents facteurs et de la transmission du paludisme ont été réalisées à l’échelle du foyer. Mais l’échelle du village choisie pour l’interprétation a été celle du village et non pas du foyer. Dans cette étude des facteurs socio-environnementaux du risque palustre, c’est bien l’échelle du micro-territoire – en l’occurrence le village ou groupe de village – qui nous a intéressés parce qu’il permet de mettre en évidence des dynamiques/ caractéristiques sociales au sein de la commune de Tori-Bossito. Cette échelle du village a permis en outre une interprétation visuelle directement intelligible des disparités territoriales qui sont apparues clairement, ce que nous allons détailler à présent.

Résultats : des territoires du risque identifiés à Tori-Bossito

33L’ensemble de l’analyse spatiale effectuée a permis de réaliser des cartes thématiques pour chaque variable (dont seules quelques-unes sont présentées ici), qui montrent clairement une grande hétérogénéité de situations (épidémiologiques et socio-économiques) selon les différents villages. Avec tout d’abord, une concentration des cas de paludisme dans les villages du nord de Tori Bossito.

Une nette concentration des cas dans les villages du nord de Tori-Bossito

34La réalité de l’hétérogénéité spatiale de la transmission à très fine échelle a été montrée avec cette cohorte de Tori-Bossito. L’analyse de concentration réalisée avec le logiciel ArcGis a en effet montré (figure 6) une nette disparité des Zscores entre d’une part les villages du nord (cercles rouges) et d’autre part les villages du sud et du centre (cercle vert) de la commune de Tori-Bossito. Ainsi, dans certains foyers d’Anavié, Zébé, et Gbétaga, villages où l’on note le Zscore le plus élevé, on a compté jusqu’à 8 infections palustres par enfant pendant la durée du suivi. Ces trois villages ont un Zscore élevé (en rouge). Nous avons cherché à savoir quels facteurs de vulnérabilité pouvaient être identifiés en relation avec ces villages à forte transmission, par une analyse de la répartition des facteurs de vulnérabilité déterminés a priori. Il faut préciser qu’avec cette analyse spatiale, on ne détermine pas le lien causal ; ce lien est à rechercher ensuite, en interpellant les autres disciplines, une fois qu’on a « débroussaillé » avec le SIG les variables qui semblent intervenir dans le risque, parce qu’elles sont présentes là où il y a transmission.

Figure 6. Concentration des cas de paludisme au nord de Tori Bossito – Concentration of malaria cases at the North of Tori-Bossito.

Figure 6. Concentration des cas de paludisme au nord de Tori Bossito – Concentration of malaria cases at the North of Tori-Bossito.

Source : fond image SPOT 5, données de terrain, carte originale réalisée avec ArcGis

Des facteurs de vulnérabilité identifiés à l’échelle du foyer mettant en lumière des territoires du risque à l’échelle du village

35Parmi les différentes variables observées à l’échelle de la maison, les suivantes se sont révélées fortement corrélées spatialement avec les zones de plus forte transmission : l’ethnie, la non-utilisation de la moustiquaire, l’activité de cultivatrice des femmes, les maisons avec un toit en tôle plutôt qu’en paille, la présence d’animaux dans les lieux de vie, et enfin l’éloignement par rapport aux dispensaires.

36Les données sur les ethnies des individus ont été récoltées par questionnement à la mère lors de l’inclusion des nouveau-nés dans l’enquête. Trois groupes d’ethnies sont présents. Les Torri (parfois écrit « Tori »), les Fon et un groupe mêlant d’autres ethnies (Yoruba, Mina…). Ils sont assez bien répartis sur la zone, avec une nette prédominance des Torri. On note tout de même que l’ethnie Fon est légèrement plus présente dans la zone de Gbetaga au nord. L’auto-identification en tant que Torri pourrait ainsi probablement faire référence à la perception d’une plus grande ancienneté de vie de la famille à Tori. Au contraire, les Fon sont une ethnie allogène, ayant peuplé tout le sud du Bénin. Ils n’auraient pas d’identité spécifique attachée au pays Tori, où ils sont arrivés plus tardivement. Cela explique qu’ils se soient installés dans les endroits les moins peuplés pour y installer leurs cultures, alors que les Torri peuplent les villages les plus centraux par rapport aux axes de communication. Les ethnies allogènes, ici les Fon, parce que les dernières arrivées, seraient les plus vulnérables dans un territoire. Elles ont en effet pas toujours adopté les habitudes de la population présente depuis longtemps en matière de prévention contre les aléas pathogènes, et s’installent souvent dans les zones inhabitées jusque-là parce que moins accueillantes ou plus contraignantes.

37Les habitudes de prévention, liées aux représentations culturelles, font aussi apparaître des pratiques différentes selon les villages. La réalité de l’utilisation ou non de la moustiquaire est difficile à appréhender, en l’absence de vérification de visu. Pour augmenter la crédibilité des enquêtes sur cette question, on a relevé l’information à deux moments. D’abord lors de l’inclusion des nouveau-nés dans le suivi, cette période s’est étalée de juin 2007 à juillet 2008. Et ensuite lors d’une enquête spécifique réalisée fin 2008. L’augmentation de la couverture entre ces deux relevés  (figures 7 et 8) est due à une campagne de distribution de moustiquaires sur l’ensemble du Bénin par le Programme national de Lutte contre le Paludisme. Dans notre population, le taux de personnes déclarant en posséder une a augmenté de 30 % entre les deux enquêtes, alors que seulement 9 % n’en avaient pas au premier comme au deuxième passage.  Ces 9 % sont cependant concentrés sur les villages de Gbétaga, d’Anavié, et de Zébé au nord-ouest, zone qui semble avoir le moins profité de cette campagne censée couvrir l’ensemble du territoire.

Figure 7. Possession de moustiquaire au début du suivi (2007) – Ownership of bed net at the beginning of the study (2007)

Figure 7. Possession de moustiquaire au début du suivi (2007) – Ownership of bed net at the beginning of the study (2007)

Source : fond image SPOT 5, données de terrain, carte originale réalisée avec ArcGis

Figure 8. Possession de moustiquaire fin 2008 – Ownership of bed net at the end of 2008

Figure 8. Possession de moustiquaire fin 2008 – Ownership of bed net at the end of 2008

Source : fond image SPOT 5, données de terrain, carte originale réalisée avec ArcGis

38L’analyse des activités des femmes montre qu’il y a nettement une prédominance de cultivatrices au nord et de ménagères au sud. Les activités des hommes en revanche mettent en évidence une nette prédominance des agriculteurs, dans tous les villages. Dans beaucoup de pays d’Afrique sub-saharienne cependant, lorsque les maris se déclarent cultivateurs, c’est qu’ils travaillent à des cultures de rentes, sur des parcelles souvent grandes et qui peuvent être éloignées du lieu d’habitation. À l’inverse, les femmes s’occupent presque toujours de la culture vivrière, sur des petites parcelles proches ou à l’intérieur de la concession. À Tori, il semble pourtant que les femmes déclarant être ménagères ne vont effectivement jamais aux champs. C’est encore une fois toute la difficulté d’enquêtes de terrain où les questionnaires imposent le choix d’une réponse. En tout état de cause, l’activité des femmes est a priori un meilleur indicateur du niveau de vie.

39En ce qui concerne les caractéristiques du lieu de vie, plusieurs facteurs sont apparus comme liés à une plus grande transmission. D’abord, les matériaux utilisés pour la construction. Ce sont le ciment, la terre battue ou un mélange des deux pour les murs et les sols, et la paille et la tôle pour les toits. L’emploi de la tôle et du ciment serait un marqueur d’un niveau de vie un peu plus élevé. Si les deux types d’habitats (maisons à toit de paille et maisons à toit de tôle) sont présents dans tous les villages, la zone de Gbétaga et de Zoungoudo au nord comporte davantage de maisons avec un toit en tôle que les autres villages de Tori.

40Les foyers ou les groupes d’individus ayant une moins bonne hygiène de vie, qui est souvent liée à des pratiques spécifiques de soins et des habitudes de recours au soin, sont aussi les plus à risque. Les animaux sont en général très présents à proximité des lieux d’habitation, mais c’est dans la zone de Gbétaga que les animaux vont partout, même dans la chambre. Les animaux constituent un choix secondaire pour les repas de sang des anophèles gambiae. Leur présence pourrait donc attirer une plus grande quantité de moustiques, d’autant qu’ils sont attirés par le CO2 dégagé par les organismes vivants.

41Enfin, les pratiques de recours au soin dépendent aussi de critères de coût et de distance. Le calcul de la distance minimum de chaque foyer des nouveau-nés au dispensaire le plus proche fait apparaître trois zones définies comme éloignées (figure 9) : Zoungoudo, Gbétaga et Anavié au Nord, et la zone au centre des trois dispensaires correspondant au village de Dohinoko. Mais si l’on considère la notion de distance-temps, cette zone centrale de Dohinoko est bien desservie par la route principale, donc en réalité facile d’accès ; à la différence des trois autres villages qui sont réellement difficiles d’accès, en particulier en saison des pluies où les routes secondaires les desservant sont souvent inondées.

Figure 9. La distance aux dispensaires : des villages marginalisés – Distance from health facilities : some marginalised villages.

Figure 9. La distance aux dispensaires : des villages marginalisés – Distance from health facilities : some marginalised villages.

Source : Fond image SPOT 5, données de terrain, carte originale réalisée avec ArcGis

42Des territoires se dessinent donc, séparant globalement la commune entre le nord et le sud, caractérisés par une occupation ethnique légèrement différente spatialement, et correspondant à des modes d’habiter et des niveaux économiques différents. La zone de Gbétaga apparaît clairement comme la plus éloignée en termes de distance-temps des dispensaires, avec des signes d’une hygiène de vie moins bonne due à la présence d’animaux dans les lieux de vie. Cette zone correspond à une plus grande occupation par l’ethnie Fon, groupe ethnique allogène à Tori-Bossito. Les ethnies allogènes semblent souvent les plus vulnérables, ce sont souvent des ruraux, se déplaçant pour exercer leur activité de cultivateurs.

Importance de l'échelle du village

43L’intérêt de se replacer à l’échelle du village est fondamental pour pouvoir penser des messages de prévention, en les ciblant sur les villages où il y a la plus forte transmission. En effet, si on est descendu jusqu’à un niveau individuel pour comprendre finement les facteurs socio-économiques et culturels de la vulnérabilité, et si on a montré que la transmission pouvait être très différente d’une maison à l’autre, on a aussi montré qu’à l’échelle du village l’hétérogénéité de répartition apparaît et que les différentes variables socio-économiques dessinent des territoires distincts à cette échelle du village. L’observation de l’importance des modes de vie dans la vulnérabilité au paludisme permet en effet non pas seulement de cibler les habitations / les foyers les plus à risque pour leur fournir un traitement adapté, mais surtout de mener des politiques de prévention globales sur tous les foyers de manière à diminuer les comportements à risque. Car la notion de zones à risque est mouvante : avec des déplacements de population, des changements économiques, politiques, d’occupation du sol, etc., de nouveaux territoires de risque peuvent se créer par des changements de comportement. D’où la nécessité de se concentrer sur les modes de vie pour la prévention et non pas seulement sur le vecteur, d’autant que le milieu biogéographique lui-même change perpétuellement : une zone infestée de moustiques peut se déplacer, etc.

44L’identification de territoires à risque à une échelle bien définie par le SIG impose de réfléchir à la compatibilité avec les échelles d’intervention des pouvoirs publics. Cette question fait écho à celle des déterminants de la vulnérabilité. La prévention sanitaire doit s'appuyer sur des déterminants identifiés  l'échelle individuelle pour ensuite parvenir à généraliser un message à l'échelle d'une population. Comprendre les déterminants sociaux du paludisme, c’est identifier les déterminants d’une prévention efficace en les replaçant à l’échelle d’une population ou d’un groupe d’individus. Nous avons vu la particularité territoriale des Fons avec un mode de vie particulier et utilisant peu les moyens de prévention. Comment cibler un message de santé publique en direction d’un groupe ethnique particulier ? En effet, la généralisation du message semble indispensable, étant donné la manière dont le cycle épidémiologique s’entretient. S’il n’y a aucun individu piqué pendant suffisamment longtemps, le cycle de la transmission s’arrête. Est-ce donc contre-productif de réfléchir en terme de « zones à risque » ? Faut-il revenir à une conception déterministe du paludisme, où l’on délivrerait un message généralisé à toutes les populations vivant en climat tropical et où le cycle épidémiologique est déjà implanté ? Mais qu’en est-il alors de la question de la réémergence du paludisme dans des zones qui étaient jusqu’à peu épargnées ?

Conclusion 

45L’étude du terrain à échelle fine, celle du village et des maisons des individus à risque, montre qu’il existe des vulnérabilités individuelles (génétiques, nutritionnelles, etc.) et des vulnérabilités spatiales, qui sont collectives cette fois, attachées à des lieux spécifiques. Les paysages épidémiologiques du paludisme s’avèrent donc être, au vu des résultats préliminaires de cette étude, plutôt des micro-territoires très morcelés, aux caractéristiques diverses et qui ne peuvent s’appréhender que par une analyse multi-échelles du territoire, c’est-à-dire, outre les conditions biogéographiques (qui ont été analysées dans un autre volet), par les choix des acteurs en terme de modes de vie et d’occupation du sol, très variables d’un village à l’autre ou même d’un quartier à l’autre. Les différences de revenus d’un foyer à l’autre entrainent bien des différences en terme de choix de matériaux de construction, d’utilisation de moyens de protection contre les moustiques d’une maison à l’autre, même au sein d’un groupe ethnique très homogène comme c’est le cas à Tori-Bossito.

46Ce modèle de transmission du paludisme à l’échelle d’un quartier pourrait s’appliquer à d’autres maladies transmissibles en changeant les paramètres du SIG, et en reprenant les techniques d’analyse spatiale qui se seront avérées les plus pertinentes. Un outil tel que le SIG pourrait servir à la prévention, par le ciblage de la lutte anti-vectorielle (pour un moindre impact environnemental et plus d’efficacité) d’une part, et d’autre part par l’identification des populations les plus à risque. L’identification des facteurs de risque les plus pertinents pourrait ainsi avoir une utilité pour la prévention, avec l’élaboration de fascicules adaptés à la fois au risque et à l’univers socioculturel des populations concernées. La mise en place d’un SIG sur un territoire donné a donc vocation à être mis à disposition de gestionnaires locaux de santé publique, avec toutefois deux questions auxquelles il faudra nécessairement réfléchir : l’existence ou la formation de personnel qualifié pour gérer cet outil, ainsi que d’infrastructures et de moyens financiers adaptés, et la définition de l’échelon administratif le plus pertinent pour mettre en œuvre les mesures adéquates de prévention et de recours au soin pour la population.

Remerciements

47Ce travail a fait partie d’une thèse réalisée sous la direction de Martine Tabeaud au sein du laboratoire ENeC – UMR 8185 (Université Paris 1 Panthéon Sorbonne). Il a été financé par l’ANR et par une bourse doctorale du Ministère de la Recherche. Il a été réalisé en collaboration avec les Dr. André Garcia et Gilles Cottrell de l’IRD - UMR 216 Paris-Descartes « Mères et enfants face aux infections tropicales », programme dirigé par Philippe Deloron (et en particulier au sein de l’implantation à Cotonou). Nous avons aussi collaboré avec Agnès le Port et Célia Dechavanne, doctorantes en Épidémiologie à l’UMR 216; un merci particulier à elles pour le travail de terrain (suivi épidémiologique et aide à la récolte des données environnementales). Merci enfin aux partenaires béninois (Faculté des Sciences de la Santé – FSS – et Institut des Sciences Biomédicales Appliquées – ISBA – de Cotonou), aux  relais communautaires de chaque village de Tori-Bossito et aux infirmiers du programme.

481  Partenaires associés : pour la France : INSERM, Université Paris 1 ; Pour le Bénin : Programme National de lutte contre le Paludisme, Université Abomey-Calavi, Faculté des Sciences de la Santé de Cotonou,  et Centre de Recherches Entomologiques de Cotonou.

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List of illustrations

Title Figure 1. Cycle épidémiologique du paludisme – Epidemiologic cycle of malaria
Credits Source : inspiré de Mouchet et al., 2004.
URL http://vertigo.revues.org/docannexe/image/11549/img-1.jpg
File image/jpeg, 212k
Title Figure 2. La zone d’étude de Tori Bossito, dans la plaine côtière du sud du Bénin – The study area of Tori Bossito in Southern coastal plain of Benin
Credits Source : réalisation originale à partir de fond de carte libre
URL http://vertigo.revues.org/docannexe/image/11549/img-2.jpg
File image/jpeg, 228k
Title Figure 3. Carte climatique du Bénin – Climate map of Benin
Credits Source : Adam, K. O. and Boko, M., 1983
URL http://vertigo.revues.org/docannexe/image/11549/img-3.jpg
File image/jpeg, 152k
Title Figure 4. Le paysage de savane arbustive à Tori-Bossito – The landscape of shrubby savannah in Tori-Bossito
Credits Source : C. Pierrat, 2009 ©
URL http://vertigo.revues.org/docannexe/image/11549/img-4.jpg
File image/jpeg, 2.1M
Title Figure 5. Répartition des nouveau-nés étudiés – Localisation of new-born of the study
Credits Source : Image SPOT 5, CNES, 2003, distribution Spot Image S.A.
URL http://vertigo.revues.org/docannexe/image/11549/img-5.png
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Title Figure 6. Concentration des cas de paludisme au nord de Tori Bossito – Concentration of malaria cases at the North of Tori-Bossito.
Credits Source : fond image SPOT 5, données de terrain, carte originale réalisée avec ArcGis
URL http://vertigo.revues.org/docannexe/image/11549/img-6.jpg
File image/jpeg, 988k
Title Figure 7. Possession de moustiquaire au début du suivi (2007) – Ownership of bed net at the beginning of the study (2007)
Credits Source : fond image SPOT 5, données de terrain, carte originale réalisée avec ArcGis
URL http://vertigo.revues.org/docannexe/image/11549/img-7.jpg
File image/jpeg, 412k
Title Figure 8. Possession de moustiquaire fin 2008 – Ownership of bed net at the end of 2008
Credits Source : fond image SPOT 5, données de terrain, carte originale réalisée avec ArcGis
URL http://vertigo.revues.org/docannexe/image/11549/img-8.jpg
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Title Figure 9. La distance aux dispensaires : des villages marginalisés – Distance from health facilities : some marginalised villages.
Credits Source : Fond image SPOT 5, données de terrain, carte originale réalisée avec ArcGis
URL http://vertigo.revues.org/docannexe/image/11549/img-9.jpg
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References

Electronic reference

Charlotte Pierrat, « Risque palustre : appréhender la vulnérabilité des individus à l'échelle locale (Sud du Bénin) Â», VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement [Online], Volume 11 Numéro 3 | décembre 2011, Online since 20 December 2011, connection on 22 May 2013. URL : http://vertigo.revues.org/11549 ; DOI : 10.4000/vertigo.11549

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About the author

Charlotte Pierrat

PhD, Géographe, Université Paris I – UMR 8185 Espace, Nature et Culture (ENeC), Paris, France ; Institut de Recherches pour le Développement (IRD) – UMR 216 Paris-Descartes « Mères et enfants face aux infections tropicales », Paris, France ; Barcelona Centre for International Health Research (CRESIB, Hospital Clínic-Universitat de Barcelona), Barcelona, Spain, C / Rosseló, 132 4o2a, 08036 Barcelone, Espagne, Courriel: charlotte.pierrat@ird.fr

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