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Dossier : La modélisation en sciences de l'environnement : approches et questionnements

Vers une simulation de l’évolution des structures urbaines à partir d’une modélisation multi-agents

Frédéric Rousseaux, Nathalie Long and Antoine Renouard

Abstract

Cet article présente la mise en place d’un modèle d’évolution urbaine sur l’aire de Nantes Métropole, France. Ce modèle, basé sur le paradigme multi-agents, propose de décrire et de simuler l’évolution de structures intra-urbaines à l’échelle de l’îlot. La première partie de l’article propose une typologie décrivant les structures urbaines ou les quartiers urbains retenus dans le modèle ainsi que les règles d’évolution qui y sont attachées. Ces structures sont identifiées selon une méthodologie développée par Long (Long et al., 2005). Plusieurs indicateurs sont définis : la densité bâtie au sol, la densité de surface végétale, la hauteur moyenne des bâtiments, l'espacement entre les bâtiments, entre autres. Dans un second temps, cet article présente le modèle qui simule l’évolution de ces structures urbaines. Il est basé sur l’intégration de connaissances d’experts, dans le domaine de l’urbanisme, de l’environnement, du droit ou de la mobilité. Ces connaissances sont traduites en paramètres, puis intégrées dans le modèle. Celui-ci décrit les objets urbains (îlots, routes, aménités, etc.), ainsi que leurs habitants en tant qu’agents dont le comportement évolue en fonction d’un cycle temporel. Par son approche objet (la structure urbaine de l’îlot), ce modèle tente d’intégrer la dimension horizontale (l’étalement) et la dimension verticale (la densification) de l’évolution urbaine. Dans une optique d’analyse d’impact environnemental de la ville, cette approche paraît intéressante, car la mesure de la tache urbaine n’est pas toujours un indicateur suffisant. Par essence, la modélisation est une simplification de la réalité, dont toute la difficulté est de trouver un équilibre entre une simplification réductrice et une exhaustivité qui apportera des résultats souvent incontrôlables. La dernière partie de cet article propose une réflexion sur le choix de la modélisation urbaine : comment mieux prendre en compte, dans les outils d’appréhension de l’évolution urbaine, ces connaissances de plus en plus nombreuses ? Comment passer du modèle générateur de résultats au modèle générateur de connaissances ?

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Introduction

  • 1 Schéma de cohérence territorial, document de planification mis en place par la loi SRU en 2000. Il (...)

1Comprendre la manière dont les villes se fabriquent et évoluent est un thème de recherche très actif depuis quelques années. Plusieurs domaines scientifiques explorent notamment pourquoi et comment la ville s’étale ou se densifie. Les documents de prospective de type SCOT1 proposent des scénarios d’évolution en fonction de critères économiques, sociaux et de plus en plus, environnementaux. « La demande de construction devrait continuer à croître fortement, en raison d'abord de la structure des ménages et du vieillissement de la population » (CERTU, 2005).

2Deux modèles de développement urbain ressortent actuellement : le modèle de la ville dense et celui de la ville éclatée. On retrouve une illustration de ces deux types en se référant au modèle d’Amsterdam, modèle de la ville dense où les avantages de la concentration sont maximisés, et au modèle de Johannesburg qui représente le modèle de la ville étalée. Le phénomène d’étalement, comme le phénomène de densification se matérialise par la modification des structures de la ville. Par structure est entendue ici une unité morphologique homogène : lorsque la ville s’étale, de nouvelles structures urbaines viennent s’agglomérer autour d’un noyau existant. Lorsque la ville se densifie, des structures urbaines existantes sont alors modifiées. Le travail présenté dans cet article traite de la mise en place d’un modèle d’évolution des structures urbaines.

3Ces structures sont identifiées puis décrites dans une première partie par l'analyse d'une base de données vectorielle. C’est à partir de ces structures que le modèle est élaboré. La classification en structure urbaine de l’espace étudié, Nantes Métropole, correspond à l’état zéro de la simulation. Il correspond à l’état réel, mais simplifié, modélisé de Nantes Métropole.

4À partir de cette représentation modélisée de l’espace, la simulation est ensuite basée sur l’évolution des classes de structures vers d’autres classes de structures, à l’aide d’une matrice de transition. C’est ce qui permet de simuler l’étalement : une structure non bâtie devient une structure bâtie. C’est aussi ce qui permet de simuler la densification : une structure représentant du bâti peu dense peut devenir une structure représentant du bâti dense. Le passage d’un état à un autre état est lié au degré de demande d’espace par les habitants. Cette demande correspond à de nombreux critères qui sont développés dans la deuxième partie de l’article.

5La simulation urbaine est un domaine très vaste et il existe de très nombreux modèles qui ont été développés. Le lecteur se reportera par exemple aux travaux de Badariotti et al (2007) ou d’Antoni (2006 et 2010) pour une description de ces modèles. Les travaux de Barros (2004) et de Batti (2005) décrivent plus spécifiquement des simulations urbaines utilisant le paradigme multi-agents et les automates cellulaires. La richesse de chaque modèle étant moins dans le résultat que dans les connaissances qu’il permet de générer lors de sa conception. Par son approche « objet » et son utilisation de règles de comportement, le système multi-agents apparaît particulièrement bien adapté à la simulation urbaine. C’est dans ce type d’approche que se situe la modélisation de l’évolution urbaine décrite dans cet article. Celui-ci présente aussi une méthode d’analyse multicritère permettant d’obtenir une description de la ville adaptée au modèle agent.

6La dernière partie de cet article propose une réflexion sur les choix de la modélisation et de la simulation urbaine qui ont été retenus : comment mieux prendre en compte, dans les outils d’appréhension de l’évolution urbaine ces connaissances de plus en plus nombreuses qui servent à alimenter le modèle ? Comment mieux utiliser le modèle comme outil de réflexion ? Comment estimer l’intérêt des résultats de la simulation ?

Présentation de la zone d’étude : Nantes Métropole, France.

  • 2 Agence d’URbanisme de l’Agglomération Nantaise
  • 3 Outil Méthodologique de Projections Démographiques

7La commune de Nantes est située à l’ouest de la France et est peuplée de 283 025 habitants au dernier recensement INSEE de 2007. C’est actuellement la sixième agglomération française. L’estimation de population pour 2011 est de 290 000 habitants. Nantes est la plus grande ville de l’ouest de la France. La communauté urbaine de Nantes Métropole rassemble depuis janvier 2001, 24 communes sur une surface de 523,4 km², au dernier recensement de l’INSEE de 2007 (Figure 1). Sa population est estimée à 590 000 habitants en 2010. Elle représente le premier pôle urbain du Grand ouest. En termes d’évolution, l’AURAN2, qui collabore régulièrement avec l’INSEE afin d’effectuer des projections de population à l’aide du modèle OMPHALE3 estime la future population de l’aire urbaine Nantaise en 2020 à plus de 850 000 habitants dont 641 000 pour la communauté urbaine de Nantes Métropole.

Figure 1. Situation géographique de Nantes et de Nantes Métropole

Figure 1. Situation géographique de Nantes et de Nantes Métropole

8L’étalement urbain de la région se traduit par un changement des modes d’occupation du sol. « À l‘échelle du département de la Loire-Atlantique, c’est près de 1500 à 2000 ha par an qui sont artificialisés. Il s’agit pour moitié (près de 900 ha/an) d’espaces classés “zones à urbaniser” dans les PLU : accueil de logements, de services ou d’activités économiques… et pour moitié (près de 800 ha/an) d’espaces classés “agricoles” ou “naturels” dans les PLU dont on change l’utilisation : réalisation d’infrastructures, développement d’activités de loisirs… » (AURAN, 2008). Il est intéressant de noter que la part de la consommation d’espace par l’urbanisation spécialisée, les activités et les services augmente par rapport à celle de l’urbanisation résidentielle. « Pour la communauté urbaine Nantes Métropole la part d’urbanisation résidentielle est de 63% et celle de l’urbanisation spécialisée activité et services est de 37% » (AURAN, 2008).

9La partie suivante de l’article présente les différentes structures urbaines qui ont été utilisées pour modéliser l’état d’occupation du sol actuel sur la zone de Nantes Métropole. Ces structures sont aussi utilisées pour la simulation de l’évolution urbaine puisque c’est la transition d’une structure vers une autre structure qui permet la simulation.

Typologies des structures urbaines

10Les villes occidentales présentent généralement une structure auréolaire partant d'un centre-ville dense qui concentre les principales activités de commerces et de services, puis d'un péricentre composé également de bâtiments assez hauts (3-5 étages) de style haussmannien et enfin d'une ou plusieurs couronnes périphériques englobant des immeubles collectifs (type barres ou tours) et l'habitat individuel résidentiel (maison de lotissement, pavillon). Se retrouvent également rejetés dans les espaces périphériques des villes, les grands centres commerciaux et industriels. À partir de ce constat, trois indicateurs apparaissent pertinents pour définir les structures urbaines qui composent la ville : la morphologie des bâtiments, l'occupation des sols et la répartition spatiale des bâtiments. Selon Long (2002), la morphologie des bâtiments peut être définie par la hauteur des bâtiments pondérée par leur surface au sol, leur volume, leur périmètre, leur compacité d'une part, et l'occupation des sols, par la surface construite, goudronnée (routes), de végétation et d'eau, d'autre part. Pour donner une indication sur la répartition spatiale des bâtiments, deux indicateurs sont proposés: le nombre de bâtiments par unité de référence et l'espacement moyen entre les bâtiments. Ces indicateurs permettent de définir les types de quartiers / de structures urbaines homogènes qui composent la ville pour différentes applications (Longley et Mesev, 2002; Cianco et Ellefsen, 1998; Theurer, 1999).

11Ces indicateurs peuvent être calculés à partir de bases de données vectorielles comme la BD TOPO, produites par l'IGN. Elle se compose de plusieurs couches thématiques sur les bâtiments, les réseaux, la végétation et l'hydrographie, entre autres. Une évaluation de cette base de données par Long (2003) révèle un manque d'information parfois important notamment sur les surfaces de végétation. Toutefois, la BD TOPO contient une information tridimensionnelle permettant d'avoir la hauteur des bâtiments notamment, et son imprécision surfacique n'apparaît pas problématique pour notre étude, vu que seule les petites surfaces ne sont pas recensées (terrains vagues, zone de broussaille, ...). Afin de proposer une classification automatique de Nantes Métropole, c'est-à-dire un découpage spatial du tissu urbain en différentes structures, une grille a été appliquée à ces données vectorielles. Le choix de la taille de la maille a été fixé à un pas de 200 mètres selon une étude de sensibilité présentée par Long et Kergomard, (2005).

12Les 9 indicateurs cités précédemment (sauf les surfaces d'eau) ont donc été calculés sur une grille régulière de 29 746 mailles (dont 16509 en No Data correspondant aux mailles en dehors du périmètre de Nantes Métropole et au tracé de La Loire principalement). La méthode de classification k-means, méthode de la statistique non-paramétrique, a été appliquée et a permis de mettre en évidence 5 structures urbaines. L’algorithme de cette méthode consiste à choisir une partition initiale des données et de modifier ensuite les membres des classes afin d’obtenir une nouvelle partition permettant de mieux révéler la structure naturelle des données initiales. Ainsi, k points sont spécifiés comme les centres des k classes, la distance euclidienne entre chaque élément et les centres sont calculés. Les éléments sont ensuite assignés à la classe dont le centre est le plus proche. Les centres de chaque classe sont alors recalculés et la procédure est réitérée jusqu’à ce que l’algorithme converge vers une position stable en minimisant à chaque itération la variance (Diday et al., 1982; Celeux et al., 1989).La précision du résultat est évaluée à partir de la variance intra-classes qui doit être minimale et la variance inter-classes qui doit être elle, maximale.Les caractéristiques morphologiques et d'occupation des sols principaux sont données dans le tableau 1. On retrouve le centre-ville caractérisé par une densité bâtie et une hauteur moyenne de bâtiments élevées et où la végétation est très peu présente. Au fur et mesure que l'on s'éloigne du centre, la densité bâtie diminue au profit de la végétation, les bâtiments passent d'une hauteur moyenne de 12m en péricentre à 6m en habitat résidentiel et l'espace devient de plus en plus ouvert avec un desserrement des habitations.

Tableau 1. Principales caractéristiques morphologiques et d'occupation des sols pour les 5 structures urbaines identifiées.

Structures urbaines

Densité bâtie

Densité de végétation

Hauteur moyenne (m)

Espacement moyen (m)

Bâtiment isolé

0,01

0,23

2,56

-

Résidentiel peu dense

0,13

0,18

6,09

41,5

Résidentiel dense

0,24

0,16

8,91

38,7

Péricentre

0,34

0,12

12,49

30,09

Centre-ville

0,50

0,05

17,78

23,38

13Le résultat de la classification est ensuite rapporté par interpolation sur un découpage de l’espace en ilots (agrégation de parcelles cadastrales). Ces ilots constituent les objets de base de la simulation et sont décrits dans la suite de l’article.

14À partir de la BD TOPO, l’ensemble des zones d’activités recensées sur la zone d’étude est ajouté afin de préciser l’occupation de certaines structures. Ces zones d’activités (commerciales ou industrielles) n’étant pas des zones pouvant recevoir des habitations, elles apparaissent dans la simulation en tant que structures non évolutives. Les 6 structures urbaines retenues correspondent donc à la carte présentée ci-dessous (figure 2).

Figure 2. Carte des structures urbaines de Nantes Métropole en 6 postes.

Figure 2. Carte des structures urbaines de Nantes Métropole en 6 postes.

Présentation du modèle d’évolution urbaine

15Comme dans de nombreuses autres disciplines, l’utilisation de la modélisation et de la simulation s'est développée en géographie dans le but de comprendre le fonctionnement des espaces. Les nouveaux principes de l’urbanisme et de la gestion des territoires initiés par la loi SRU et la LOADDT (Loi d'Orientation pour l'Aménagement et le Développement Durable du Territoire) insistent sur l’idée de projet. « On part désormais de l'idée que pour effectuer la planification urbaine, il faut se projeter dans l’avenir, imaginer les territoires urbains dans le futur... ». La prospective n'est pas un exercice facile. « La prospective tente donc aujourd’hui d’intégrer une grande complexité dans les paramètres à prendre en compte et les processus qui les lient ; de surcroît, elle s’efforce de ne pas raisonner dans un cadre absolu, mais réfléchit en termes de scénarios »(Antoni, 2006). La modélisation et la simulation apparaissent alors comme de réels outils de prospective et d’aide à la décision. En géographie, la modélisation a beaucoup évolué ces dernières années et l'utilisation des modèles répond à une véritable demande de la part des aménageurs.

16Il existe une multitude de définitions du terme modèle. « Les modèles sont une abstraction ou approximation de la réalité qui est réalisée à travers une simplification de relations complexes du monde réel pour les rendre compréhensibles et maniables ». (Grandjean, 2004). La modélisation est une simplification de la réalité. Cette simplification est nécessaire pour proposer ensuite une simulation à partir des éléments modélisés.

17La simulation est effectuée à partir de la modélisation des objets et des structures auxquels on attribue des comportements et la possibilité d’agir, soit de manière autonome soit en groupe. La simulation permet de représenter, dans le temps et dans l’espace, le fonctionnement des entités du modèle à partir de règles de comportement. En géographie, la simulation multi-agents est une méthode très adaptée à la représentation de phénomènes urbains, car elle permet de définir, à l’échelle de la personne, les comportements individuels qui rendent l’espace dynamique, à l’échelle de la population : « Human behavior and especially the decision of humans, drive the city and its dynamics » (Benenson et Torrens, 2004). La partie suivante décrit le modèle qui a été mis en place pour effectuer la simulation d’évolution urbaine.

Description du modèle

18Le modèle est uniquement basé sur deux classes qui décrivent pour la première, l’espace et pour la seconde les habitants à partir desquelles le phénomène d’évolution urbaine s’anime. Chaque classe est définie dans la figure 3. En termes de simulation, la méthode multi-agents est utilisée. Un système multi-agents (SMA) est défini par Jacques Ferber comme « constitué d’un ensemble d’agents autonomes et indépendants en interaction, qui coordonnent leurs actions dans un environnement et forment une organisation artificielle » (Ferber, 1995). Dans le modèle proposé, chaque classe est définie en tant que classe d’agents. Un agent est défini par des attributs (variables) et des actions qu’il peut effectuer.

  • 4  Unified Modeling Language

Figure 3. Modèle conceptuel UML4 présentant les deux classes utilisées pour la simulation

Figure 3. Modèle conceptuel UML4 présentant les deux classes utilisées pour la simulation

19Un agent est une entité soit physique (le ménage ou la parcelle) soit virtuelle. Cette entité est mue par un ensemble de tendances, tel que des objectifs individuels à atteindre, ou tout simplement une fonction de satisfaction ou de survie à optimiser. Par exemple, dans le modèle décrit, l’agent “ménage” cherche à maximiser sa satisfaction en habitant dans les parcelles dans lesquelles il se sent le mieux, en fonction de ses moyens, de son voisinage et de son âge. « L'agent […] ajuste son comportement afin de satisfaire ses objectifs, en tenant compte de son environnement perceptible, de ses ressources, de ses compétences et de ses communications avec les autres agents... » (Ferber, 1995).

20La classe d’agents parcelle et la classe d’agents ménage sont liées par une fonction d’association. Il s’agit d’une connexion sémantique bidirectionnelle. Celle-ci se lit de la manière suivante : un ménage est installé dans zéro ou une parcelle ; et une parcelle peut contenir zéro ou plusieurs ménages.  Un ménage peut ne pas être installé dans une parcelle si aucune des parcelles proposées ne lui convient.

  • 5  Ces paramètres font partie des bases de données INSEE.

21Afin de représenter le cycle de vie d'un ménage, il est nécessaire de prendre en compte ses aspirations, ses besoins, notamment en termes d'espace, sa structure familiale et ses revenus. Ce sont quelques-uns des paramètres qui évoluent tout au long d'une vie et qui vont servir à créer la dynamique du modèle. Partant de ce constat, plusieurs attributs apparaissent essentiels pour retracer et/ou conditionner les grandes étapes de la vie d'un ménage. Dans un objectif de parcimonie, l'âge, le revenu et la satisfaction ont été retenus comme permettant de caractériser les ménages. Âges et revenus sont des paramètres classiquement utilisés dans les enquêtes et sont facilement accessibles pour définir une population5. La satisfaction est estimée à partir des analyses de l’AURAN.

22Concernant la parcelle, elle est principalement décrite par les documents d'urbanisme qui, soit la protègent de toutes constructions, soit l'autorisent sous certaines conditions de hauteur et de densité. Ainsi à l'état initial, la parcelle correspond à un type de structure urbaine et est soit déjà construite, à différents degrés d’urbanisation, soit agricole, soit naturelle. Par ailleurs, elle bénéficie également d'un degré d’attractivité qui pourra avoir une influence sur le prix du foncier et donc, sur son accessibilité aux ménages en fonction de leurs revenus. La modification de la structure urbaine d’une parcelle est liée au nombre de ménages qui viennent l’occuper. C’est principalement à partir de cette dynamique, liée à l’attractivité des ménages par rapport aux parcelles, que l’extension de la ville est simulée, en matière d’étalement et de densité.

23Les attributs des deux classes d'agents sont ainsi présentés et détaillés dans la partie suivante ainsi que les mécanismes d'évolution qui permettent la simulation.

Description de l’agent parcelle

24On peut décrire trois modes de découpage de l’espace : le découpage en îlots statistiques, le découpage en mailles régulières et le découpage en parcelles cadastrales. Le modèle présenté utilise un découpage de type parcellaire qui est le résultat de l’agrégation des parcelles cadastrales contigües, comme le montre la figure 4. Il s’agit d’un compromis entre un découpage à l’échelle de la parcelle cadastrale, dont le nombre est trop important en terme de temps de calcul et entre un découpage par maille régulière qui avait tendance à effacer la réalité des structures urbaines. L’agrégation des parcelles cadastrales contiguës permet de diminuer le nombre d’agents tout en respectant les structures urbaines existantes. Le modèle contient 6812 agents parcelle. Chaque agent est un polygone. Il s'agit ici d’une classe d'agents situés : ils ne se déplacent pas.

Figure 4. Découpage de l’espace en agrégation de parcelles cadastrales à droite. Les parcelles cadastrales sont situées à gauche

Figure 4. Découpage de l’espace en agrégation de parcelles cadastrales à droite. Les parcelles cadastrales sont situées à gauche

25La classe d’agents parcelle est décrite à l’aide de plusieurs attributs, dont des constantes, qui restent fixes durant toute la simulation. Pour ces dernières, il s'agit de la surface de la parcelle, du zonage du PLU, d'un indice d'aménités, d'un indice de constructibilité et d'une densité maximale de ménages supportée.

26L'indice d'aménité, calculé et cartographié sur l’ensemble de la zone de Nantes Métropole, représente la qualité de vie et l'attirance que la parcelle présente pour les ménages, en fonction des équipements qui l'entourent (aménités positives ou négatives selon le type d'équipement). La notion d'aménité évoque les aspects agréables et désagréables de l'environnement ou de l'entourage social, qui ne sont ni appropriables, ni quantifiables en termes de valeur monétaire. Tout nouveau ménage qui désire s'installer dans une ville regarde à proximité de quels services il se situe. Par exemple une école, un hôpital, une crèche ou un espace vert attirera davantage qu’une déchetterie, une voie ferrée, un aéroport ou une friche industrielle qui seront considérés comme étant source de nuisances potentielles. Les aménités sont difficilement évaluables de façon monétaire. Les cartes d'aménités ont été réalisées à partir de la BD TOPO de l'Institut Géographique National. Les éléments de types aménités positives (écoles, hôpitaux, parcs) et négatives (déchetteries, zones industrielles) ont été évalués, puis pondérés afin de réaliser une analyse multicritère, permettant de connaître pour chaque endroit son degré d’attractivité, en fonction de sa distance aux aménités. Le résultat correspond à une grille d’un pas de 50 mètres. Chaque agent parcelle récupère la moyenne des valeurs d’aménités, pondérée par la surface des cellules contenues dans la parcelle. À titre d’exemple, les tableaux ci-dessous décrivent les aménités positives (Tableau 1) et négatives (Tableau 2) utilisées ainsi que leur coefficient de pondération.

Tableau 1. Liste des aménités positives et coefficients de pondération

Entités contenues

Coefficient

Hôpitaux, établissements hospitaliers

3

Écoles primaires, collèges, lycées, universités

3

Stades, terrains de golf, piscines, etc

2

Espaces public, parcs, camping, musées, etc.

2

Divers administratif, mairie, postes

2

Stationnements

2

Gare

2

Divers commercial, marchés, etc.

2

Lacs, marais, espaces maritimes, canaux

1

Arbres, bois, lieux dits non habités, points de vue

1

Surfaces d'eau, bassins, fleuve

1

Tableau 2. Liste des aménités négatives et coefficients de pondération

Entités contenues

Coefficient

Zones industrielles

3

Divers industriels, usines, carrières, mines, etc.

3

Tronçons de voies ferrées, etc.

3

Poste d'aérodrome

3

Station de pompage, château d'eau, traitement des eaux

2

Réservoirs d'eau, Réservoirs industriels

2

Cimetières

1

Prisons, casernes de pompiers, gendarmerie

1

27L’analyse de ces aménités en termes d’attractivité et de répulsivité est représentée à l’aide de la carte ci-dessous (Figure 5). Le centre-ville de la commune de Nantes ressort de manière positive, ainsi que les centres-ville des communes périphériques. Les zones proches de l’aéroport, loin des zones de services et les zones industrielles apparaissent au contraire, peu attractives.

Figure 5. Carte des zones attractives et répulsives sur Nantes Métropole

Figure 5. Carte des zones attractives et répulsives sur Nantes Métropole
  • 6  Plan local d’urbanisme
  • 7 Plan de Prévention des Risques d’Inondations

28L'indice de constructibilité représente le degré de constructibilité de la parcelle vis-à-vis des documents d’urbanisme. Plus l’indice de constructibilité est élevé, plus les parcelles ont une forte probabilité de recevoir de nouveaux ménages venant construire et s’installer dans la parcelle. Cet indice de constructibilité est déterminé pour chaque zonage du PLU6 de l’ensemble des 24 communes. Sur le territoire de Nantes Métropole, le PLU informatisé contient un fichier vecteur polygonal qui représente les zonages règlementaires. La table attributaire présente pour chaque polygone le nom du zonage, accolé de la lettre « i » si la zone est soumise à un PPR7. Elle contient également un identifiant et le code INSEE de la commune à laquelle la zone appartient. Une méthode d'analyse multicritères décrite et illustrée de façon plus approfondie dans Rousseaux (2009) a été appliquée. Elle prend en compte les six critères suivants :

  • Le type d'installation autorisé correspond aux types d'installations autorisés par le PLU et peuvent être à destination d'habitation de type pavillonnaire ou collectif dense (zones UA, UB...), à destination de commerces de détail ou de commerces de gros (zones UE), à destination d'habitation de type pavillonnaire ou collectif peu dense (zones UH). Chaque type de zonage et même de sous zonage présente des types d'installation autorisés relativement précis. C'est finalement le paramètre qui régit le plus la zone.

  • L'emprise au sol maximale est exprimée en % de la surface de l'unité foncière. Elle représente le rapport entre la surface constructible maximale (surface au sol) et la surface totale de l'assiette foncière.

  • Le COS est exprimé à l’aide d’un indice, contrairement à l'emprise au sol maximale. Il utilise la SHON (Surface hors œuvre nette), qui représente la « somme des surfaces de plancher d'une construction obtenue sans tenir compte des combles et des sous-sols non aménageables pour l'habitation, les toitures-terrasses, les balcons... » ainsi que d'autres déductions. Il est donc égal à la SHON divisée par la surface de l'assiette foncière. Il peut donc être supérieur à 1 dans certains cas, notamment en ville.

  • Les critères de dépassement du COS correspondent à certaines conditions particulières définies dans le Code de l'Urbanisme permettant à la commune d’augmenter le COS au-delà de ce qui est prévu. Ces critères restent cependant rares, et quasi inexistants sur notre zone d'étude.

  • La hauteur maximale autorisée est définie dans le PLU, par la distance séparant le point bas de la construction à l’égout du toit, qu'il s'agisse d'une toiture en pente ou d'une toiture-terrasse. Les hauteurs maximales imposées sont différentes selon que l'on se trouve dans la bande de constructibilité principale (portion du terrain d'assiette du projet bordant les emprises publiques et voies) ou dans la bande de constructibilité secondaire (le reste du terrain qui est non compris dans la bande de constructibilité principale).

  • La distance minimale entre deux constructions est définie dans le PLU comme la limite d’implantation des constructions les unes par rapport aux autres sur une même propriété. Il existe également des réglementations sur l'implantation des constructions par rapport aux limites séparatives, et par rapport aux emprises publiques et aux voies. Le choix de la distance minimale d'implantation des constructions les unes par rapport aux autres sur une même propriété est décrit dans Rousseaux (2009).

29Les coefficients de pondération retenus sont les suivants : coefficient 5 pour l'emprise au sol maximale, le COS et la hauteur maximale autorisée ; coefficient 2 pour le type d'installation autorisé et la distance minimale entre deux constructions ; et enfin coefficient 1 pour les critères de dépassement du COS. L’analyse des documents d’urbanisme montre clairement que le critère type d'installation autorisé est primordial et souvent prépondérant : il définit les zones de manière très précise et se suffit parfois à lui même. Les critères d'emprise maximale, de hauteur maximale et de COS ont tous trois, des niveaux d’importance similaires. Enfin, le paramètre de critères de dépassement du COS apparaît de fait comme quasi inexistant sur l'ensemble de la zone d'étude. Chaque score de chaque zone règlementaire est joint spatialement aux agents parcelles, en fonction d’un ratio lié à la surface concernée par le règlement dans la parcelle (figure 6).

Figure 6. Carte des degrés de constructibilité sur Nantes Métropole

Figure 6. Carte des degrés de constructibilité sur Nantes Métropole
  • 8 Zone de protection du patrimoine architectural urbain et paysager

30Une densité maximale de ménages a été fixée pour chaque parcelle en fonction du type de structure urbaine pour empêcher les ménages de venir s'installer sur des parcelles comme celles du centre-ville concernées par une ZPPAUP8 et qui ne peuvent donc évoluer vers un type de structure supérieur.

31La classe d'agents parcelle est également définie par des attributs qui évoluent dans le temps, comme sa structure urbaine, et par des attributs directement calculés à partir de la liste des ménages installés sur la parcelle, comme la fortune moyenne des ménages de la parcelle, leur âge moyen, la densité de ménages. Ces attributs sont recalculés à chaque tour du modèle.

32Le type de bâti indique le type de structure urbaine construite sur la parcelle. La détermination initiale de la structure urbaine est effectuée à partir de la classification réalisée dans la première partie. Cette structure peut évoluer dans le temps en fonction des spécifications des documents d'urbanisme Deux conditions sont ainsi nécessaires au passage d'une parcelle vers une structure supérieure : dépasser un seuil de densité de ménages et être suffisamment entouré de parcelles appartenant au type de structure de bâti convoité. Un seuil de densité de ménages a ainsi été fixé pour chaque type de structure de bâti et grâce à un calcul de cellules de Voronoï, le voisinage de chaque parcelle peut être estimé.

33La valeur moyenne de la fortune et de l'âge et la densité sont calculées à partir de la liste des ménages présents sur la parcelle et mise à jour à chaque tour. La densité de ménages est exprimée en nombre de ménages au km². La surface de la parcelle étant connue et fixe, il suffit de faire le rapport entre le nombre de ménages installés et la surface de la parcelle pour obtenir la densité de ménages.

34Dans le modèle, les agents parcelles sont plus ou moins attractifs, par rapport aux éléments décrits précédemment. L’attractivité est liée à l’emménagement d’un agent ménage sur la parcelle. Chaque agent de la classe ménage agit de manière autonome en fonction de caractéristiques décrites ci-dessous. C’est l’ensemble des comportements de ces ménages qui modélise les modifications apportées à la structure urbaine globale de la ville soit en termes de densification (modification d’un type de structure bâtie existante), soit en termes d’étalement urbain (création d’une zone bâtie sur une zone non bâtie).

Description de l’agent ménage

35L’agent ménage correspond à un foyer type, composé d’une ou plusieurs personnes. Le choix de prendre comme agent la structure du ménage et non celle de l’habitant est liée à deux facteurs :

  • Cela permet d’améliorer la rapidité de traitement puisque le nombre d’agents ménages est divisé par 2,16 : on passe de 580 503 agents « habitants » à 268 751 agents « ménages ». La taille moyenne d’un ménage sur la communauté urbaine de Nantes Métropole est de 2,16 personnes en 2007.

  • Cela apparait plus cohérent étant donné que les stratégies d’acquisitions immobilières se font plus souvent à l’échelle du ménage qu’à l’échelle de l’individu. Par ailleurs, les données de revenus moyens de l’INSEE utilisées dans le modèle sont données par ménage fiscal et non par individu.

36À l’initialisation du modèle, chaque agent ménage est réparti (installé) dans un agent parcelle. La distribution initiale du nombre d’agents ménage est effectuée en corrélation avec la densité de bâti (superficie pondérée par la hauteur) présente dans la parcelle. À chaque tour de la simulation, de nouveaux agents ménages, certains extérieurs, viennent s’installer dans les parcelles qui correspondent au mieux à leurs demandes. D’autres agents de type ménage, déjà existants choisissent de déménager en fonction de différents critères, décrits ci-dessous.

37Chaque agent ménage est caractérisé par un âge et dispose d’un revenu moyen par ménage fiscal renseigné par l’INSEE. Le ménage apparait donc à 20 ans avec une fortune correspondant à Fmax/3, Fmax étant la fortune maximale qu'il a héritée de l'agent ménage père. Elle reste donc identique pour la même dynastie de ménages. Cette fortune augmente ensuite de façon linéaire au cours du cycle de vie, selon la formule ci-dessous, pour atteindre sa fortune maximale (Fmax) à 60 ans.

38Fortune (âge) = (Fmax/60)* Âge

39À partir de 60 ans sa fortune correspond à la fortune maximale qu’il ne pourra jamais dépasser au cours de son cycle de vie. L’agent disparait ensuite à 80 ans (figure 7). La fortune maximale est un attribut fixe qui ne varie pas au cours du modèle. Ce mécanisme permet de modéliser l’enrichissement des ménages au cours de leur existence sans pour autant se retrouver avec un modèle où tous les ménages deviennent irrémédiablement riches.

40Cette donnée sur le revenu moyen permet de déterminer le choix du bien immobilier à acquérir : un ménage ne pourra s’installer sur une parcelle que si sa fortune est supérieure ou égale à la valeur des ¾ de l’attribut fortune moyenne de la parcelle en question. La valeur des ¾ a été définie afin qu’au cours de la simulation, la fortune moyenne de la parcelle puisse évoluer de manière positive, mais également de manière négative, ce qui n’aurait pas été le cas si le seuil d’installation choisi avait été la valeur de la fortune moyenne. Dans ce cas, les ménages pouvant s’installer auraient dû être toujours plus riches que la moyenne.

Figure 7. Modèle du cycle de vie d’un ménage

Figure 7. Modèle du cycle de vie d’un ménage

41L’agent ménage est dynamique et cherche la parcelle qui satisfera au mieux ses attentes. Pour définir cette volonté, deux indices d'insatisfaction ont été définis: un indice d'insatisfaction immédiat et un indice d'insatisfaction cumulée.

42L'indice d'insatisfaction immédiat permet de connaître, à chaque tour, le degré d’insatisfaction d’un ménage. Il est calculé à partir d’éléments fixes tels que les indices d’aménités et de qualité de vie de l’agent parcelle concerné par le ménage, ainsi que d’éléments variables comme le coefficient de volonté de déménager calculé à chaque tour et qui varie avec l’âge du ménage. Cet indice prend en compte le logement idéal visé par les agents ménages, qui varie en fonction de leur âge et de leur revenu. Ce calcul est réalisé à partir des informations recueillies par l'enquête d'opinion effectuée par l'AURAN « Regard des habitants sur leur logement sur la communauté urbaine de Nantes Métropole ». Cette enquête identifie les aspirations des habitants sur leur logement, leur logement idéal, et souligne les raisons qui les pousseraient à déménager. Elle renseigne également sur le type de ménage qui est le plus à même de déménager : en fonction de la tranche d’âge, du revenu, et du lieu d’installation présent du ménage. Selon l’âge, par exemple, 18% des 18/24 ans ont l’intention de déménager dans les mois qui viennent, alors que ce chiffre descend à seulement 1% pour les plus de 65 ans. En ce qui concerne la volonté de déménager en fonction du lieu d’installation, 12% des habitants de la ville de Nantes ont l’intention de déménager dans les mois qui suivent contre 6% pour les habitants des autres communes de Nantes Métropole. Ces informations ont été prises en compte dans le modèle à travers un coefficient de volonté de déménager calculé pour chaque agent ménage, en fonction de son âge et de sa commune de résidence. Enfin, le logement idéal est défini de la manière suivante : à chaque agent ménage, caractérisé par un âge et une fortune donnée, correspond un type de logement dans lequel il cherche à s’installer. Chaque type de logement est mis en concordance avec les différents types de structures de bâti de la classe d’agent parcelle. Ainsi, un appartement correspond aux types de bâti 4 et 5, une maison avec un petit jardin correspond à un type de structure de bâti 3 et une maison avec un grand jardin correspond à un type de structure de bâti 2 (figure 8).

Figure 8. Type de logement idéal souhaité en fonction du revenu ou en fonction de l’âge

Figure 8. Type de logement idéal souhaité en fonction du revenu ou en fonction de l’âge

Source : AURAN

43L'indice d'insatisfaction cumulée correspond à la moyenne des sommes de l’indice d’insatisfaction immédiate, calculé sur plusieurs (n) tours. Il permet d'éviter que chaque ménage déménage à chaque tour. Il correspond à la somme moyennée des n dernières insatisfactions immédiates du ménage, avec n correspondant à la mémoire du ménage en nombre de tours. C’est une variable globale fixée dans le modèle. La valeur du seuil de déménagement à partir duquel le ménage déménagera sera fixée de manière empirique lors de l'implémentation. L'objectif est de retrouver un nombre de déménagements correspondant au nombre réel de déménagements : en moyenne, 8149 ménages déménagent chaque année depuis Nantes Métropole. Ce chiffre a été calculé à partir de données statistiques diffusées de l’AURAN. Plus n est faible, plus les ménages sont instables.

44Les actions d’emménager ou de déménager sont essentielles à la classe d’agents ménage, car elles traduisent la dynamique du modèle par la densification ou l’étalement de la ville. À chaque tour du modèle, un nombre de ménages encore non sédentaires doit emménager, il ne peut pas y avoir de ménages qui restent sans logement. Ces ménages libres correspondent aux :

  • ménages venant d’apparaître : ils doivent s'installer avec les attributs de fortune qu'ils ont hérités du ménage père.

  • ménages ayant déménagé au tour précédent.

  • ménages immigrés : ces ménages permettent de modéliser l'augmentation de la population par immigration de population. Le nombre de ménages immigrés est fixé par tour et est égal à l'augmentation de population moyenne par année sur la communauté d'agglomération de Nantes Métropole.

45La procédure d’installation est décrite par la figure 9. Chaque ménage est choisi de manière aléatoire. Puis un ensemble de parcelles éligibles (parcelles aux revenus moyens correspondant au ménage et parcelles non pleines) lui sont soumis. Une parcelle pleine est une parcelle qui ne peut plus accueillir de ménages. Cela correspond à deux situations précises : sa densité de ménages a atteint sa densité maximale de ménages ou sa densité de ménages est arrivée à une valeur seuil entraînant le passage vers le type de bâti supérieur. La parcelle apparaîtra alors comme pleine ou bloquée si son ratio de type de bâti supérieur alentour n'est pas suffisamment élevé pour autoriser le passage vers un type de bâti supérieur, et donc pour pouvoir accueillir à nouveau des ménages. Toutes les parcelles éligibles sont alors classées puis attribuées aux ménages en fonction d’une courbe de Gauss : une grande majorité des ménages s'installe alors sur les parcelles les plus attirantes, une proportion raisonnable s’installe sur des parcelles ne correspondant pas exactement à leur volonté. L’utilisation d’un modèle probabiliste, avec une répartition des probabilités selon une courbe de Gauss, centrée sur la parcelle la plus attirante (avec la plus forte moyenne pondérée) a l’avantage d’apporter une part aléatoire au modèle qui semble mieux correspondre à la réalité des déménagements.

Figure 9. Modèle des actions d’emménagement et de déménagement des ménages

Figure 9. Modèle des actions d’emménagement et de déménagement des ménages

Réflexions sur la modélisation et la simulation proposées

Une approche qui privilégie la connaissance plutôt que l’exploration

  • 9 Institut national de la statistique et des études économiques

46La limitation volontaire à deux classes d’agents dans le modèle permet de privilégier une approche par connaissance a priori. Les données qui alimentent le modèle apportent cette connaissance. Il s’agit principalement de données de l’INSEE9, de données de l’AURAN et de règlements d’urbanisme. Les données géographiques utilisées proviennent de la BD TOPO de l’IGN comme cela a été décrit précédemment. La difficulté du travail réside donc dans l’interprétation et dans la validation de ces données afin de les intégrer au mieux en tant que paramètres, fixes ou variables, dans le modèle. La figure 10 résume l’ensemble des manipulations effectuées afin d’intégrer ces données provenant de sources diverses, et n’ayant pas toujours des échelles d’utilisations similaires.

47Toutefois, si la modélisation de l’espace et du phénomène n’impose pas nécessairement une structure compliquée, les résultats de la simulation effectuée à partir du modèle restent à analyser et à valider avec précaution. Que montre cette simulation ? Quels phénomènes met-elle en évidence ? Quel degré de confiance peut-on avoir dans le résultat de la simulation ?

Figure 10. Intégration des données INSEE et IGN dans le modèle

Figure 10. Intégration des données INSEE et IGN dans le modèle

Une simulation génératrice de connaissances ?

  • 10   Notamment avec la série de jeu vidéo SimCity développé par Will Wright en 1989 et édité par la so (...)

48La simulation est décrite par Bratley, Fox et Schrage , (1987) comme « driving a model of a system with suitable inputs and observing the corresponding outputs ». En sciences sociales, la simulation recouvre plusieurs objectifs décrits par Renard, (2006) dont, entres autres, la prédiction (quel sera l’état de mes valeurs d’entrée dans un temps t+n), l’éducation (que se passe-t-il dans le modèle si des valeurs sont virtuellement modifiées ?) et la découverte (approche exploratoire, des variables sont-elles corrélées à d’autres variables ?). Si, sur un plan scientifique, l’approche initiale du modèle d’évolution urbaine se rapproche plutôt de la prédiction, l’usage et l’élaboration  opérationnelle avec les partenaires institutionnels a plutôt tendance à le faire entrer dans la catégorie « éducation » : auprès des décideurs ou du grand public, le modèle spatial représente souvent une sorte de « simulation informatique de la vie ». L’analogie avec de célèbres jeux vidéos10 est régulièrement mise en avant. Elle a d’ailleurs souvent été citée en exemple par de nombreux chercheurs (Gilbert et Troitzsch, 2005). La mise en avant de résultats est difficile, car la sensibilité de ces résultats par rapport aux valeurs des paramètres est difficilement mesurable.

49La dynamique d’évolution proposée dans ce modèle ne permet pas d’avoir une approche exploratoire. En effet, même si le nombre de classes est minimal, le nombre de paramètres reste lui encore élevé. Le modèle comprend 9 variables d’observation qui évoluent lors de la simulation et 6 variables fixes. L’analyse des corrélations entre les valeurs maximales et minimales de chaque variable d’observation, avec l’ensemble des variables est alors combinatoire et reste vaste pour être analysée de manière exploratoire dans sa totalité à l’aide de l’observation dans un espace de paramètres (deux), comme le proposent par exemple (Daudé et Langlois, 2006) sur l’implémentation du modèle de Thomas Schelling (Schelling, 1971).

50La représentation de plus en plus détaillée des agents peut représenter un biais important : cela nécessite d’intégrer de nombreuses données, provenant de différentes sources. La multiplication de ces données pose, entres autres,  deux problèmes à prendre en compte pour la validation des modèles :

  • la qualité des données intégrée est difficilement estimable et peut influencer le comportement de la simulation.

  • le choix de l’intégration d’une caractéristique à la place d’une autre provoque aussi un biais sur la simulation.

51Par ailleurs, l’aspect pluridisciplinaire (urbanisme, droit, sociologie, géographie) que revêt la méthode pose aussi des questions sur le degré d’appropriation et de compréhension des données et connaissances par des non experts.

52Finalement, entre la simulation à très faible nombre de paramètres dont la sensibilité peut être mesurée, mais qui présente une modélisation trop abstraite par rapport à ce qu’en attendent les décideurs et le grand public, et entre la simulation qui tend à se rapprocher d’une simulation complète et complexe, la simulation urbaine se heurte à un paradoxe qui oscille entre une modélisation de l’espace et des phénomènes simples, mais mesurables, et une modélisation plus complexe, mais plus difficilement maîtrisable.

Conclusion

53Cet article présente la mise en place d’un modèle d’évolution urbaine. La proposition de modélisation est basée sur deux classes. La première est une description de l’espace étudié. L’échelle d’analyse retenue correspond à une agrégation de parcelles cadastrales qui est un compromis entre une représentation par maille, trop généralisatrice et une représentation à la parcelle, trop fine. La seconde classe correspond au phénomène d’évolution de la ville, dont le moteur est la propension des ménages à construire, déménager, s’installer, se regrouper et même se tromper, afin de recommencer. Le modèle décrit dans cet article a un fonctionnement simple et est alimenté par un ensemble de données provenant de spécialistes de chaque domaine thématique. L’utilisation de la méthode de simulation multi-agents est particulièrement intéressante de par son approche individu centrée. L’intégration de connaissances pour définir le comportement des individus est ainsi facilitée : il est possible de connaître les besoins d’un individu en fonction de son âge et de sa classe sociale. Et c’est l’ensemble des comportements individuels qui va représenter le phénomène. Sur ce point, l’approche agent représente un atout indéniable.

54C’est finalement l’élaboration même du modèle qui permet une meilleure compréhension des phénomènes qui fabriquent et font évoluer la ville. À ce sujet, le Géographe français Roger Brunet parlait de la modélisation comme d’un processus de recherche.

« La modélisation est une procédure de recherche. Comme telle, elle appelle des règles de rigueur et de bon usage. La modélisation en géographie commence par deux questions inévitables et associées: où sommes-nous? Qu'est-ce qui a des chances d'être en jeu? Guidé par cette réflexion, on essaie quelques clés, qui sont les modèles à ajuster aux configurations du réel. Le processus est itératif et suit la loi logistique » (Brunet, 2000).

55C’est dans ce processus que s’inscrit le modèle présenté.

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Notes

1 Schéma de cohérence territorial, document de planification mis en place par la loi SRU en 2000. Il remplace les Schémas directeurs.

2 Agence d’URbanisme de l’Agglomération Nantaise

3 Outil Méthodologique de Projections Démographiques

4  Unified Modeling Language

5  Ces paramètres font partie des bases de données INSEE.

6  Plan local d’urbanisme

7 Plan de Prévention des Risques d’Inondations

8 Zone de protection du patrimoine architectural urbain et paysager

9 Institut national de la statistique et des études économiques

10   Notamment avec la série de jeu vidéo SimCity développé par Will Wright en 1989 et édité par la société Maxis.

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List of illustrations

Title Figure 1. Situation géographique de Nantes et de Nantes Métropole
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Title Figure 2. Carte des structures urbaines de Nantes Métropole en 6 postes.
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Title Figure 3. Modèle conceptuel UML4 présentant les deux classes utilisées pour la simulation
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Title Figure 4. Découpage de l’espace en agrégation de parcelles cadastrales à droite. Les parcelles cadastrales sont situées à gauche
URL http://vertigo.revues.org/docannexe/image/11561/img-4.jpg
File image/jpeg, 396k
Title Figure 5. Carte des zones attractives et répulsives sur Nantes Métropole
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File image/jpeg, 3.1M
Title Figure 6. Carte des degrés de constructibilité sur Nantes Métropole
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Title Figure 7. Modèle du cycle de vie d’un ménage
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Title Figure 8. Type de logement idéal souhaité en fonction du revenu ou en fonction de l’âge
Credits Source : AURAN
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Title Figure 9. Modèle des actions d’emménagement et de déménagement des ménages
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Title Figure 10. Intégration des données INSEE et IGN dans le modèle
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References

Electronic reference

Frédéric Rousseaux, Nathalie Long and Antoine Renouard, « Vers une simulation de l’évolution des structures urbaines à partir d’une modélisation multi-agents », VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement [Online], Volume 11 Numéro 3 | décembre 2011, Online since 08 February 2012, connection on 22 May 2013. URL : http://vertigo.revues.org/11561 ; DOI : 10.4000/vertigo.11561

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About the authors

Frédéric Rousseaux

UMR LIENSS, Université de La Rochelle / CNRS, Institut du littoral et de l’environnement, 2, rue Olympe de Gouge, 17000 La Rochelle, France, courriel : frederic.rousseaux@univ-lr.fr

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Nathalie Long

UMR LIENSS, Université de La Rochelle / CNRS, Institut du littoral et de l’environnement, 2, rue Olympe de Gouge, 17000 La Rochelle, France

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Antoine Renouard

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