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Adaptation aux changements climatiques en milieu urbain et approche globale des trames vertes

Propos introductifs
Morgane Colombert and Philippe Boudes

Abstracts

Green infrastructure is used to promote a climate with a good quality, to improve the climate change adaptation or to increase biodiversity. Nowadays, climate, city and vegetation have to be mixed in a unique reflection. This combination is infrequent. So some experts on urban planning, atmospheric sciences, life sciences and sociology met to share and explain their point of view on the relation between climate, city and vegetation. These reflections are presented in this occasional publication.

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Full text

Introduction

1La majorité de la communauté scientifique s’accorde aujourd’hui pour annoncer une augmentation de la température moyenne du globe et une modification de la pluviométrie dans de nombreuses régions du Monde (GIEC, 2007). La France devrait ainsi subir des canicules telles que celle de l’été 2003 de plus en plus fréquemment et des simulations prévoient pour le Nord de la France une augmentation des précipitations et un assèchement dans les régions méditerranéennes (Dufresne et al., 2006). Malgré tous les efforts pour lutter contre les changements climatiques, il sera nécessaire de s’adapter.

2Par ailleurs, les milieux urbanisés modifient également de façon plus locale leurs caractéristiques climatiques du fait de la densité et caractéristiques thermiques et notamment radiatives du tissu urbain ; la modification la plus connue étant l’îlot de chaleur urbain.

3Parallèlement, les enjeux en terme de biodiversité sont de plus en plus évoqués et sont également à l’ordre du jour des agendas politiques. Cela s’est traduit récemment par la création de l’IPBES (Intergovernmental science-policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Service, cf. UN, 2010), autrement connu comme le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) de la biodiversité ; mais cela est également bien visible au niveau régional et national (avec par exemple le plan d’action européen en faveur de la biodiversité ou la stratégie nationale pour la biodiversité) ainsi qu’au niveau des systèmes urbains (avec par exemple les plans biodiversité des villes de Paris (DEVE, 2011) ou de Londres (LBP, 2007).

4De nombreuses « solutions » pour un climat de bonne qualité, l’adaptation aux changements climatiques ou encore l’amélioration de la biodiversité s’appuient sur une ville moins imperméable et avec une présence plus forte du végétal, de la nature. Associer le climat, l’urbain et la nature dans une même réflexion est ainsi aujourd’hui une nécessité. Parce qu’une telle association est encore rare, le Groupement d’Intérêt Scientifique – GIS Climat Environnement Société et son programme de recherche Changement Climatique et Trame Verte (CCTV), le Laboratoire Dynamiques Sociales et Recomposition des Espaces (LADYSS CNRS), le centre de Recherche en Economie Ecologique, Eco-Innovation et Développement Soutenable (REEDS-UVSQ) et l’École des Ingénieurs de la Ville de Paris (EIVP) ont réuni lors d’une journée d’étude des experts du génie urbain, des sciences de l’atmosphère, des sciences de la vie et des sciences de la société, pour que soient connus et partagés leurs regards sur la relation entre la ville, le climat et la nature végétale. Les réflexions engagées lors de cette journée sont présentées dans ce hors-série.

5Nous proposons, dans cet article, de revenir sur les trois objets de ces réflexions que sont la ville, l’adaptation aux changements climatiques et les trames vertes, la végétalisation des villes.

Un cadre urbain en perpétuelle évolution

6Pourquoi accorder une préférence aux réflexions embrassant le cadre urbain ? Parce que les villes sont aujourd’hui des lieux d’innovation et, comme le signale Haëntjens (2008), « les préoccupations environnementales, plus sensibles en milieu urbain, sont venues s’ajouter à ces tendances lourdes pour faire des villes, aujourd’hui, les principaux laboratoires de la mutation engagée ». Souvent présentées comme les lieux où se concentrent la majorité des émissions de gaz à effet de serre et des consommations énergétiques – l’Agence internationale de l’Énergie (AIE, 2008) estime que les territoires urbains sont responsables pour plus des deux tiers de la consommation mondiale d’énergie et pour plus de 70 % des émissions globales de carbone – elles n’en demeurent pas moins des milieux sur lesquels l’humanité dispose des plus grands leviers pour agir contre les changements climatiques et s’en prémunir, s’y préparer.

7La population urbaine dépasse aujourd’hui en nombre la population rurale et devrait atteindre en 2030 selon l’ONU presque cinq milliards d’individus (4,9 milliards d’ici à 2030) pour un peu plus de huit milliards d’habitants sur la planète (8 milliards en 2027) (Conseil économique et social, 2007). Cette croissance de la population urbaine s’accompagne d’une urbanisation galopante, notamment dans les pays du Sud, mais également, dans une moindre mesure, au sein des pays développés avec le phénomène de l’étalement urbain. Entre 2006 et 2009, ce sont par exemple en moyenne 86 000 ha qui se sont artificialisés par an en France (Morel et Jean, 2010). L’enjeu des villes du Nord réside ainsi dans la transformation et le renouvellement des tissus urbains, contrairement aux villes du sud qui doivent, elles, faire face à une croissance urbaine à la fois très soutenue et souvent incontrôlée.

8Les agglomérations urbaines sont également, et de plus en plus, des territoires d’où émergent des changements notoires. Parce qu’ils ont acquis un statut territorial particulier, enracinés dans une dynamique locale et participant aux enjeux mondiaux, les systèmes urbains sont des acteurs majeurs du développement et, de manière croissante, de l’adaptation des sociétés humaines aux changements climatiques. Ainsi, la transition vers une société moins carbonée et adaptée aux évolutions climatiques ne pourra se faire sans des réflexions poussées sur les infrastructures et les réseaux urbains associées à la prise en compte des aspects sociaux incarnés par la revendication de divers modes de vie urbains (e.g. Dobré et Juan, 2009).

9Comme l’illustre le cas des villes européennes, les problématiques d’aménagement urbain s’accompagnent d’une demande croissante, de la part des habitants, pour un cadre de vie agréable, confortable, vivable et pour une plus grande place faite à la nature (Emelianoff et Stagassy, 2010). Cette dernière, auparavant rejetée hors de la ville, est désormais revendiquée comme une composante à part entière du milieu urbain, pour des raisons d’ordre esthétique (Brady, 2007 ; Blanc, 2007), d’ordre pédagogique et sportif ou d’ordre climatique, ou encore pour contribuer à faire reculer les inégalités sociales et/ou écologiques et pour favoriser et conserver la biodiversité.

10Les réflexions en cours sur l’adaptation aux changements climatiques font écho à cette demande sociale d’amélioration du cadre de vie urbain et de végétalisation des villes.

11Ces problématiques sont notamment figurées par la prise en compte, dans les politiques urbaines, des enjeux climatiques, principalement avec les plans climats décidés à l’échelle des villes ou des agglomérations, et des enjeux de végétalisation, cette fois avec les politiques de biodiversité et de trames vertes, récemment portées par les travaux des Grenelles de l’environnement. Ces enjeux concernent autant la vie politique et la sphère civile que le monde académique. Ils demeurent toutefois étanches entre eux ou faiblement ouverts, alors même que des thèmes émergents, à commencer par les îlots de chaleur urbains ou les fonctions épuratrices des végétaux, révèlent des connexions heuristiques, mais également politiques et techniques, entre des questionnements climatiques et atmosphériques et des recherches abordant la végétalisation des villes.

12L’évolution des villes questionne ainsi un grand nombre de disciplines, dont les sciences de l’atmosphère, des écosystèmes et des sociétés. La journée d’étude intitulée « adaptation aux changements climatiques, nature et ville », point de départ des réflexions menées dans cet ouvrage, avait montré combien les croisements des disciplines et la mise en avant des complémentarités et des interactions entre aspects climatologiques, écologiques, sociologiques et urbanistiques sont des entreprises délicates. Ces recherches n’en demeurent pas moins fécondes tant en termes de résultats empiriques et de catégories d’action politiques qu’en termes de conceptualisation et de théorisation.

Adaptation aux changements climatiques

13L’adaptation dans le cadre des changements climatiques consiste, selon l’ADEME (2007), à « faire évoluer les activités humaines et les écosystèmes afin de limiter les dommages que pourront occasionner les changements climatiques qui n’auront pu être évités et, dans quelques cas, de saisir les opportunités créées par les évolutions favorables de certaines régions ou secteurs d’activité ». Cette précision est importante, car la notion même d’adaptation aux changements climatiques semble peu comprise et est souvent interprétée comme une adaptation à une situation future plutôt que comme une adaptation aux impacts des changements climatiques à proprement parler. La raréfaction de l’énergie, la nécessité d’en consommer moins font ainsi partie des préoccupations que les personnes veulent traiter sous le terme ‘adaptation’ alors qu’elles ne sont pas directement des adaptations à une nouvelle donne climatique.

  • 1  Le terme stratégie « sans regret » est utilisé pour des stratégies qui en plus d’apporter une solu (...)

14Ainsi, à l’heure actuelle, si les collectivités territoriales françaises ont commencé à s’organiser pour limiter les rejets de gaz à effet de serre, la réflexion autour de l’adaptation nécessaire aux changements climatiques se limite souvent à améliorer la politique existante de prévention et de gestion des risques de catastrophes naturelles. Face à l’incertitude, justifiée, des prévisions concernant l’évolution du climat de la part des climatologues, les collectivités territoriales hésitent à s’engager dans des actions encore aujourd’hui peu valorisantes et valorisables auprès des citoyens et synonymes d’échec des moyens de lutte contre les changements climatiques (Bertrand et Larrue, 2007). Pourtant des dispositifs peuvent être envisagés tels que : l’institutionnalisation d’une planification sur le long terme pour anticiper les problèmes et y apporter des réponses adéquates ; les stratégies « sans regret »1, qui réduisent la vulnérabilité à un coût négatif, nul ou négligeable ; le choix de stratégies réversibles ; etc. (Hallegatte, 2008). Le manque d’anticipation et d’intérêt, les forts conflits d’intérêts locaux, ou encore l’incapacité à s’approprier la responsabilité du problème des impacts des changements climatiques de la part des politiques freinent la réflexion autour de la question de l’adaptation (ADEME, 2007) qui reste alors bien souvent le parent pauvre des politiques urbaines. A cela s’ajoutent les problèmes de concordance des temps entre action politique et climat pour penser au mieux les « temporalités urbaines », – c’est-à-dire la difficile articulation des enjeux politiques avec ceux des changements climatiques (cf. Souami, 2008 ; Theys, 2009).

15Plusieurs rapports et documents viennent aujourd’hui affirmer l’intérêt de réfléchir aux impacts des changements climatiques et à l’adaptation nécessaire. C’est le cas par exemple du rapport des groupes de travail de la concertation nationale (France) concernant le « plan adaptation climat » remis à la secrétaire d’État chargée de l’Écologie en juin 2010 (MEEDDM, 2010) ou encore du plan national d’adaptation aux changements climatiques (PNACC), présenté en 2011, conformément à la loi du 3 août 2009 sur la programmation du Grenelle de l’environnement (MEDDTL, 2011). Ces réflexions autour de la question de l’adaptation aux changements climatiques devraient permettre d’engager progressivement une dynamique positive et une meilleure considération du thème.

16De plus, au niveau international et européen, les actions en faveur d’une meilleure prise en compte des effets des changements climatiques par les villes se multiplient : le rapport de 2007 du groupe II du GIEC explicite clairement les enjeux liés à l’adaptation pour les villes (Parry et al., 2007) ; l’association des Maires des grandes villes de France a participé à l’élaboration du livre vert sur l’adaptation aux changements climatiques présenté par la Commission européenne en 2007 (Commission des communautés européennes, 2007).

17Toutes ces actions devraient permettre, avec l’évolution des connaissances autour des impacts des changements climatiques, de lever progressivement les réticences des décideurs.

18Parallèlement, les différentes réflexions engagées par les climatologues, les géographes, mais également les architectes et les urbanistes sur la relation entre leurs cœurs de métier, permettent aujourd’hui de percevoir le potentiel de réduction des températures en milieu urbain. À l’heure des changements climatiques, cette réflexion offre des perspectives de solutions d’adaptation intéressantes pour mieux se protéger des vagues de chaleur.

Trames vertes et végétalisation des villes

19Les trames vertes sont un outil récent des politiques d’aménagement et ont vocation à servir autant les enjeux urbains que ruraux, principalement en contribuant à réduire la fragmentation des territoires, en servant la biodiversité locale et régionale et en valorisant les paysages. Si les trames vertes sont d’abord des continuités d’ensembles végétalisés, elles recoupent aujourd’hui différentes fonctions, principalement sociales et écologiques et leur multifonctionnalité est de plus en plus reconnue.

20L’origine des trames vertes, autrement nommées greenways, est habituellement associée à la réalisation de la « Promenade » de Boston (États-Unis) par F.L. Olmsted, à la fin du XIXe siècle. En appliquant son concept de community route aux systèmes de parcs de cette ville des États-Unis, cet urbaniste conçut de vastes espaces de verdure, dédiés aux loisirs et aux promenades, et situés en plein cœur de la ville. D’autres figures ont marqué le développement des réflexions sur les trames vertes dès cette époque, dont les architectes paysagistes C. Eliot (Eliot, 1902) et H.W.S. Cleveland (1873).

21Il faut cependant attendre la montée des préoccupations écologiques pour que les trames vertes s’imposent. C’est dans les années 1960 que l’expression délaisse l’urbanisme pour pénétrer l’écologie, et notamment l’écologie du paysage, tout en se rapprochant de la biologie de la conservation. Les travaux de McHarg, et son ouvrage Design with Nature (McHarg, 1969), le projet de Lewis de localisation et d’inventaire d’espèces sensibles (Lewis, 1964) et, plus tard, les efforts de Little pour conceptualiser les trames vertes malgré une inscription écologique (Little, 1990) soulignent ces transformations (Fabos, 2004). C’est toutefois le véritable manifeste de Fabos et Ahern (eds, 1995) qui marquera l’appropriation globale des trames vertes, comme le titre, Greenways – The beginning of an international movement, l’indique.

22De plus, les définitions que proposent ces auteurs révèlent l’élargissement des fonctions des trames vertes à des services ni paysagers ni écologiques, renouant en partie avec les orientations des urbanistes d’avant 1900. Fabos (1995, 2004) insiste sur leur objectif premier de connexions, entre systèmes urbains et écologiques, entre patrimoines naturels et culturels. Ainsi, les trames vertes doivent contribuer à la préservation de la nature, mais également à l’accompagnement des loisirs verts, ou encore à la (re)valorisation de patrimoines écologiques et/ou socioculturels. De sont coté, Ahern (1995) souligne les objectifs écologiques, culturels, sociaux et esthétiques visés par l’implantation de trames vertes.

23Malgré cette relative ouverture du potentiel d’action de ces trames vertes, ce sont bien les critères écologiques qui en ont fait un outil d’aménagement repris par les collectivités territoriales. L’étude de Jongman et al. (2004) explique ainsi que, dans le cas européen, les trames vertes sont généralement amalgamées à de vastes corridors écologiques dont la mise en relation définirait un réseau écologique paneuropéen (ECNC et UNEP, 2007). Les autres fonctions des trames vertes prennent place dans ce cadre, à commencer par les fonctions récréatives, avec l’accès nouveau ou réhabilité à des espaces naturels lato sensu, ou plus largement territoriales, dont la réponse à la fragmentation des territoires par la création de nouvelles connexions.

24Le rapport établi avec les changements climatiques s’inscrit lui aussi, en premier lieu, dans une perspective écologique : la préservation et l’adaptation de la biodiversité. Ainsi, pour la France, les textes issus du Grenelle de l’Environnement mentionnent clairement que les trames vertes doivent contribuer à « diminuer la fragmentation et la vulnérabilité des habitats naturels et habitats d’espèces et prendre en compte leur déplacement dans le contexte du changement climatique » (Légifrance, 2010).

  • 2 http://fabos.uni-corvinus.hu/ , page consultée le 10 février 2011 (...)
  • 3 http://fabos.uni-corvinus.hu/mod/resource/view.php ?id =66 , page consultée le 10 février 2011 (...)
  • 4 http://www.trameverteurbaine.com/spip.php ?rubrique1 , page consultée le 10 février 2011 (...)

25Mais c’est de plus en plus l’ensemble des services socio-culturels et écosystémiques des trames vertes qui sont reconnus. Au niveau international, les Fabos Conference on Landscape and Greenway Planning2, rappellent la diversité des travaux sur l’aménagement de ces continuités végétales. Les thèmes des sessions organisées reflètent la multifonctionnalité des végétaux en villes, par exemple : aménagement du paysage, durabilité et villes, questions d’ordre climatiques, liens entre communauté et planification, tourisme, design des jardins, art et esthétique des trames vertes, ou encore, plus généralement, aspects socio-écologiques des trames vertes3. Au niveau national, le programme de recherche Trames Vertes Urbaines explique que « les principaux enjeux de l’évaluation des trames vertes concernent la nature en ville (ou la ville dans la nature), la biodiversité et l’aménagement d’un paysage ’vivant’ en réponse aux questions d’adaptation au changement climatique et de reconnections des citadins à la nature. »4

26Il apparaît évident de ne plus limiter l’étude des trames vertes à leurs strictes caractéristiques écologiques, mais de les assimiler, a fortiori dans le cadre urbain qui nous concerne ici, à des infrastructures vertes au sens large, à des parcs urbains, voire à des bâtiments végétalisés ou encore des arbres isolés pour saisir l’ensemble des dynamiques atmosphériques, écologiques et sociales générées par ces éléments. Ce qui fait désormais la force de cette expression et de l’aménagement bien réelle des trames vertes urbaines c’est qu’elles sont des marqueurs de la végétalisation des villes et d’un renouvellement du rapport des sociétés à la nature.

Un hors-série pluridisciplinaire

27Évolution urbaine, adaptation aux changements climatiques, végétalisation des villes : l’ensemble des contributions réunies dans ce hors-série permet d’aborder la complexité de la mise en lien de ces trois entrées et le foisonnement de sous-thématiques qu’une telle association engendre. Certaines de ces contributions se rapprochent de l’histoire et de l’épistémologie des sciences : elles reviennent notamment sur les chemins que suivent les sciences et leurs objets et sur les dispositions des disciplines à se confronter au triptyque climat, végétation, ville. D’autres exposent plus clairement des cas d’études dont la légitimité tient soit à des cadres de recherche précis, soit à des évolutions politiques et sociales récentes – le plus souvent au deux.

28Faisant suite à ces propos introductifs, Aleksander Rankovic, Chantal Pacteau et Luc Abbadie s’interrogent dans leur article sur ce que les différentes composantes de l’écologie, en tant que science naturelle, peuvent apporter à la thématique de l’adaptation aux changements climatiques et des trames vertes (ACTV) et comment elles peuvent effectivement le faire. Ils proposent d’adopter un double regard : un regard général sur la thématique ACTV, cherchant à identifier les points d’achoppements entre l’adaptation aux changements climatiques, les services écosystémiques et la connectivité écologique ; et un regard plus réflexif, interrogeant l’écologie quant à son rôle dans l’ACTV.

29Philippe Clergeau, au sein d’un article de réflexion, apporte son regard sur les services écologiques des trames vertes urbaines. Dans sa contribution, il montre comment la ville peut aujourd’hui intégrer les espaces naturels et, de ce fait, les bienfaits biologiques, culturels, et sociaux de ces derniers. Ce faisant, il invite à son tour à croiser les disciplines pour une compréhension plus approfondie des mécanismes en jeu dans ces dynamiques.

30Ces deux articles permettent ainsi d’illustrer les réflexions engagées au sein des sciences dites écologiques. L’article qui suit ceux-ci s’inscrit pour sa part plus particulièrement dans la discipline du génie urbain ou encore de l’urbanisme, de l’aménagement urbain. Présenté par Morgane Colombert, Jean-Luc Salagnac, Denis Morand et Youssef Diab, l’article « le climat et la ville : la nécessité d’une recherche croisant les disciplines » témoigne de l’intérêt d’une recherche pluridisciplinaire autour des questions sur le climat et la ville. En regardant à la fois l’influence historique du climat sur la ville et l’évolution des recherches sur l’influence de la ville sur le climat, ce chapitre montre comment après quelques décennies d’oubli des contraintes climatiques de la part des aménageurs, ces dernières, du fait à la fois des changements climatiques et des enjeux liés aux ressources énergétiques, redeviennent un élément pris en compte.

31Ce retour en grâce de certaines thématiques est également abordé par Philippe Boudes dans le sixième article. Son auteur rappelle en effet que, jusqu’à récemment, la sociologie faisait peu de cas des objets « environnementaux ». Aujourd’hui, en mobilisant certains courants, cette même sociologie réussit à intégrer aussi bien le climat que la végétation urbaine dans le spectre de ses objets d’étude. Cependant, pour ces objets plus que pour d’autres, une approche mobilisant des connaissances disciplinaires diverses est nécessaire, comme cela est détaillé à travers une étude menée dans le cadre du projet « Changements Climatiques et Trames Vertes Urbaines ».

32L’article rédigé par Marjorie Musy montre également comment les sciences du microclimat permettent de pointer et de dépasser certaines limites disciplinaires. Ce n’est d’ailleurs pas tant le microclimat qui importe : l’objectif de Marjorie Musy est davantage celui de rendre compte des formes et des aménagements urbains et des facteurs environnants. Son article présente notamment des résultats d’études sur les impacts de la végétation sur le climat urbain, à l’échelle du quartier, de l’îlot et du bâti. Elle rappelle alors que la problématique des microclimats urbains s’invite en effet dans de nombreuses actions menées par les praticiens de la ville (agenda 21, projets de forêts urbaines, réflexion sur les trames vertes urbaines, etc.) et questionne à la fois les thermiciens, les climatologues, les hydrologues, les écologues, ou les architectes.

33Une fois précisés les débats et les positionnements de ces diverses disciplines, les articles suivants détaillent plus en avant des champs d’application et des cas d’étude. En effet, de la même manière que le triptyque climat, trame verte et ville est perçu comme un défi pour les entreprises scientifiques, il est reconnu publiquement et, surtout, politiquement, comme un enjeu contemporain majeur. Dès lors, la prise en compte de ces liens entre climat, végétation et ville bouleverse les modalités d’aménagement (article de François Bertrand et Guillaume Simonet), de régulation sociale (article de Florence Rudolf) et des mises en œuvre politiques traditionnelles (article de Guillaume Simonet et Nathalie Blanc).

34Les exemples des politiques climatiques de Paris et Montréal sont ainsi détaillés dans l’article de Guillaume Simonet et Nathalie Blanc intitulé « l’adaptation de la gestion des espaces naturels urbains aux changements de la variabilité climatique régionale : exemples de Paris et Montréal ». Ils analysent les places prises, au sein des politiques urbaines de ces deux villes, par les questions d’adaptation aux changements climatiques et de biodiversité. À partir d’entretiens menés auprès d’acteurs, ils montrent comment les questions d’ordre atmosphérique et écologique sont venues s’intégrer et interroger leurs pratiques quotidiennes de leurs métiers, notamment au sein des services de gestion des parcs et des jardins.

35L’article de Florence Rudolf intitulé « la réception territoriale du changement climatique ou comment le changement climatique contribue à l’émergence de territoires et de politiques publiques spécifiques » se concentre pour sa part sur les programmes politiques des territoires urbains dans le domaine des changements climatiques. Florence Rudolf y questionne les politiques de mitigation et d’adaptation aux changements climatiques et les systèmes de gouvernance auxquelles elles sont associées pour dégager une réflexion sur les formes de régulation sociale qu’elles entraînent.

36François Bertrand et Guillaume Simonet mettent pour leur part en lumière au sein de leur article les convergences possibles entre les actions liées à la mise en œuvre de trames vertes urbaines et celles relatives à l’adaptation aux changements climatiques. Leur travail s’appuie entre autres sur un questionnement des modalités d’aménagement du territoire et sur l’intérêt croissant pour les îlots de chaleur urbains. Ceci leur permet de souligner les arbitrages nécessaires à la gestion de l’imbrication des échelles, tant spatiales que temporelles, et des nombreux défis de différente nature auxquels les villes contemporaines doivent répondre.

37Finalement, afin de conclure sur l’ensemble des réflexions interdisciplinaires menées ici, Anne Blanchard et Jean-Paul Vanderlinden proposent d’analyser la mise en œuvre des échanges interdisciplinaires dans le cadre du programme de recherche CCTV et, précisément, de la journée d’étude sur l’adaptation aux changements climatiques, les trames vertes et la ville. Leurs observations de cette journée ainsi que l’analyse des questionnaires soumis aux participants permettent de détailler comment les chercheurs définissent leurs pratiques et modes de penser interdisciplinaires. Ils esquissent ensuite des pistes pour favoriser davantage cette interdisciplinarité.

38Cette présentation des questionnements disciplinaires et des études de cas s’inscrit dans ce projet de favoriser les échanges disciplinaires. Rendue difficile par la mobilisation de chercheurs œuvrant dans différents domaines et sous-domaine, la publication même de ces articles contribue à donner des clés d’analyse communes, sinon à les discuter, afin d’approfondir les pistes ouvertes par chaque discipline et/ou concernant chaque objet pris à part.

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Notes

1  Le terme stratégie « sans regret » est utilisé pour des stratégies qui en plus d’apporter une solution à un problème donné (ici le changement climatique) peuvent être valorisées par les bénéfices conjoints qu’elles offrent. Elles sont « sans regret » dans le sens où si le changement climatique n’a pas lieu, nous ne regretterons cependant pas d’avoir mis en place de telles stratégies.

2 http://fabos.uni-corvinus.hu/ , page consultée le 10 février 2011

3 http://fabos.uni-corvinus.hu/mod/resource/view.php ?id =66 , page consultée le 10 février 2011

4 http://www.trameverteurbaine.com/spip.php ?rubrique1 , page consultée le 10 février 2011

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References

Electronic reference

Morgane Colombert and Philippe Boudes, « Adaptation aux changements climatiques en milieu urbain et approche globale des trames vertes Â», VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement [Online], Hors-série 12 | mai 2012, Online since 04 May 2012, connection on 22 May 2013. URL : http://vertigo.revues.org/11821 ; DOI : 10.4000/vertigo.11821

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About the authors

Morgane Colombert

Ingénieur et enseignant-chercheur, responsable du pôle énergie et climat, Université Paris Est, École des Ingénieurs de la Ville de Paris (EIVP), Département Construction Environnement, 15 rue Fénelon, 75010 Paris, courriel : morgane.colombert@eivp-paris.fr.

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Philippe Boudes

Docteur en Sociologie, Chargé de recherche à l’UMR LADYSS CNRS, Coresponsable des programmes CCTV1 et 2. LADYSS CNRS, Bat. T, Université Paris Ouest Nanterre la Défense, 200 avenue de la République, 92001 Nanterre Cedex, courriel: Philippeboudes@yahoo.fr

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